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05/06/2023 | LUXEMBOURG | N°46399

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juin 2023, 46399


Tribunal administratif N° 46399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46399 2e chambre Inscrit le 27 août 2021 Audience publique du 5 juin 2023 Recours formé par Monsieur … et consort, … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46399 du rôle et déposée en date du 27 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Stép

hane Ebel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 46399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46399 2e chambre Inscrit le 27 août 2021 Audience publique du 5 juin 2023 Recours formé par Monsieur … et consort, … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46399 du rôle et déposée en date du 27 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Stéphane Ebel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à F-… (France), ayant élu domicile en l’étude de Maître Stéphane Ebel, sise à L-1511 Luxembourg, 148, avenue de la Faïencerie, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 mai 2021 ayant déclaré irrecevable leur réclamation introduite le 29 mars 2021 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Stéphane Ebel déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2022, pour le compte de ses mandants, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 mars 2023.

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En date du 20 septembre 2017, le bureau d’imposition Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … et de Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014.

Par courrier de leur litismandataire du 29 mars 2021, les consorts … introduisirent une réclamation contre ledit bulletin d’imposition.

Par décision du 28 mai 2021, référencée sous le numéro C 29212, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », déclara la réclamation irrecevable pour être tardive, cette décision étant libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 29 mars 2021 par Me Stéphane Ebel, de l’étude d’avocats Duvieusart Ebel, au nom des époux, le sieur … et la dame …, demeurant à F-…, pour 1 réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les réclamants reprochent au bureau d’imposition d’avoir établi par voie d’une taxation le revenu imposable de l’année 2014 ;

Considérant que les réclamants n’ayant réservé aucune suite aux divers rappels les invitant au dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014, notamment à la sommation d’astreinte et à la décision liquidant l’astreinte en question, le bureau d’imposition était fondé à procéder par voie de taxation conformément au § 217 AO ;

Considérant que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 a été émis le 20 septembre 2017 et notifié sous simple pli fermé, à l’adresse au …, à F-… ; qu’aux termes du § 228 AO « Les décisions visées aux §§ …, 211, 212, 212a alinéa 1er, 214, 215, 215a et 235 peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué.[…] », et qu’aux termes du paragraphe 245 AO, « (1) Le délai de recours est de trois mois pour les réclamations (§ 228 AO) et de trois mois au contentieux des actes détachables (§ 237 AO). » Considérant que les réclamants allèguent que le réclamant « ne s’est jamais fait notifier le bulletin d’imposition de l’exercice 2014 », emportant la conséquence, d’après eux, que le délai de recours n’aurait pas commencé à courir ; qu’ils estiment que la présente réclamation, introduite environ trois années et demie depuis l’émission du bulletin litigieux, serait à considérer comme recevable ;

Considérant que la question pertinente en l’espèce est celle de savoir si le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 a été correctement notifié aux requérants et, à cet effet, à partir de quelle date les réclamants ont quitté le Grand-Duché de Luxembourg afin d’établir leur résidence en France ;

Considérant, en ce qui concerne le réclamant, que le registre national des personnes physiques indique « pays imprécis » pour la période du 14 janvier 2016 au 14 mai 2020, le service de la population de la Ville de Luxembourg ayant radié d’office l’adresse du requérant le 14 janvier 2016 ; qu’à partir du 14 mai 2020, le réclamant est déclaré au … à F-…, adresse enregistrée par le Centre commun de la sécurité sociale ; que force est de constater que la date d’émission du bulletin litigieux tombe dans la période pour laquelle ledit registre ne disposait pas d’adresse valable du réclamant, faute par celui-ci d’avoir déclaré son départ aux autorités compétentes ;

Considérant, en ce qui concerne la réclamante, que le registre renseigne qu’elle habiterait au … depuis le 19 août 2014 ; qu’il se dégage cependant d’un procès-verbal de constat de recherche établi le 4 mars 2019 par un agent du bureau de recette de l’administration des contributions directes, que la réclamante ne résidait plus à cette adresse (« je n’ai plus trouvé trace d’une présence de la dame … » et « les personnes interrogées sur place n’ont pas connaissance d’une présence de la dame … à cette adresse ») ;

2 Considérant qu’en date du 5 octobre 2017, par le biais de leur fiduciaire de l’époque, les réclamants ont envoyé par courrier électronique une déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ; qu’il se dégage de ce courrier que « Les déclarations fiscales 2014 établies en date du 19.11.2015 semblaient avoir été transmises en leur temps » ; qu’or, ces « déclarations » n’avaient justement pas été transmises, étant donné qu’il ressort de la présente requête que « les revenus ayant été taxés d’office faute de dépôt de déclaration de l’exercice 2014 (bien qu’instruction claire avait été donnée au comptable pour ce faire) » ; que la requête introduite le 5 octobre 2017 ne porte cependant pas de signature ;

Considérant qu’au cours de l’année litigieuse le réclamant a exercé la profession de dentiste au Grand-Duché de Luxembourg ; qu’il a logé son cabinet médical dans un immeuble sis au … ; que dans son placet, il invoque avoir « cessé son activité dentaire à Luxembourg en 2015 pour aller s’établir dans l’ouest de la France… » ;

Considérant que dans la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015, signée le 19 décembre 2016 et remise le 2 janvier 2017, les réclamants ont indiqué que leur domicile actuel se situerait au …, à F-… ; que cette adresse correspond à celle du cabinet dentaire du réclamant ;

Considérant qu’au vu de ce qui précède, il est manifeste que les résidents demeurent au …, à F-… depuis l’année 2015 mais au moins depuis la fin de l’année 2016 et la date de dépôt de leur déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015 ; que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017, a été notifié à l’adresse aux …, telle qu’indiquée par les requérants ;

Considérant que les réclamants estiment que les prescriptions des §§ 88 et 89 AO n’auraient pas été respectées étant donné que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ne leur a pas été notifié par voie recommandée ; qu’il s’ensuivrait, toujours d’après eux, que le délai de recours de trois mois à compter de la notification du bulletin litigieux n’aurait pas commencé à courir et que le présent recours serait recevable tel que cela a été retenu supra ;

Considérant que, si faute de notification ou autrement, un bulletin n’est pas exécutoire (§ 91 AO), la réclamation est sans objet ; qu’il est pour le moins étonnant que les réclamants, dans une première étape, affirment ne pas avoir réceptionné le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, et puis, insistent sur le fait que ce dernier aurait impérativement dû leur être notifié par voie recommandée ;

Considérant que la notion de notification (« Zustellung ») se trouve explicitée par le § 88 AO disposant ce qui suit :

« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.

(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.

(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der 3 Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist.

(4) Als Zustellung an eine Behörde genügt die Vorlegung der Unterschrift.

(5) Les documents peuvent être notifiés, par envoi recommandé ou par voie électronique, directement à une personne établie sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union européenne. » ;

Considérant qu’en ce qui concerne les mécanismes de l’envoi et de la notification des bulletins d’impôt en général, il y a lieu de se référer au § 211 AO ainsi qu’au règlement grand-ducal modifié du 24 octobre 1978 en portant exécution ; que l’alinéa 3 du § 211 AO retient que « Die Steuerbescheide sind verschlossen zuzustellen. Der Großherzog kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen » et le règlement grand-ducal modifié du 24 octobre 1978 en portant exécution dispose que :

- article 2 : La notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise de l’envoi à la poste à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu.

- article 3 : La présomption de l’article 2 n’est pas renversée par le fait que le destinataire refuse sans motif légitime d’accepter l’envoi ou néglige de le réclamer en temps utile ;

Considérant que d’après l’article 2 du règlement grand-ducal précité concernant la notification des bulletins en matière d’impôts directs, la notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise à la poste à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu ; que suivant l’article 1er de ce règlement, peuvent être notifiés aux destinataires par simple pli fermé à la poste, les bulletins qui fixent une cote d’impôt, ceux qui établissent séparément une valeur unitaire ou des revenus d’une certaine catégorie, ceux qui fixent la base d’assiette d’un impôt réel et ceux qui appellent en garantie un tiers responsable du paiement de l’impôt ; qu’en vertu de ces dispositions, le bulletin litigieux, émis le 20 septembre 2017, a été notifié aux réclamants le 25 septembre 2017 ;

Considérant que suivant le § 89 AO, les contribuables qui ont leur résidence ou leur siège à l’étranger, doivent désigner, sur demande du bureau d’imposition, un mandataire établi sur le territoire national, habilité à réceptionner en leur nom les écrits qui leur sont destinés ; qu’à défaut, les dispositions du § 88 AO sont applicables ; que les réclamants entendent se baser sur ces dispositions, ainsi que sur une jurisprudence afin de démontrer que le délai de réclamation n’a pas commencé à courir le 25 septembre 2017, l’administration des contributions directes ne sachant prouver qu’il y avait eu notification - ni à quelle date - du bulletin attaqué ; qu’ « au cas où un contribuable réside à l’étranger, les dispositions des paragraphes 88 et 89 AO sont l’une et l’autre applicables. Le principe se dégage du paragraphe 89 qui oblige le contribuable non résident, au cas où l’administration fiscale l’y invite, à désigner un mandataire fiscal qui est habilité à réceptionner en son nom les écrits qui lui sont destinés. Dans ce cas, les significations au mandataire fiscal sont opérées selon les règles énoncées au paragraphe 88, englobant la dispense de recourir à la lettre recommandée au cas où l’administration choisit la voie postale telle qu’elle ressort du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 (…). Au cas où l’administration n’invite pas le contribuable résidant à 4 l’étranger à désigner un mandataire fiscal, le paragraphe 89 AO n’est pas applicable, mais le § 88 AO, qui constitue le droit commun en matière de signification des bulletins d’impôt. Cette disposition prévoit, dans son alinéa 3, pour les envois par voie postale, le recours à la lettre recommandée. » ;

Considérant toutefois que l’article 1er du règlement grand-ducal du 27 février 2015 a introduit une application uniforme du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 à l’égard des contribuables résidant au Grand-Duché de Luxembourg et des contribuables résidant à l’étranger ; que dorénavant aucune distinction n’est faite entre les contribuables demeurant au Grand-Duché de Luxembourg et ceux qui n’y demeurent pas s’agissant de la forme de la notification des bulletins ;

Considérant d’ailleurs que le contribuable est invité, à travers la déclaration pour l’impôt sur le revenu, à désigner un mandataire fiscal au Luxembourg et, s’il n’y donne aucune suite en omettant de compléter ou de remettre une déclaration d’impôt au bureau d’imposition, ce dernier peut légitimement envoyer les bulletins d’impôt à l’adresse indiquée à l’étranger par lettre simple sans devoir recourir à l’envoi par lettre recommandée ; qu’en l’espèce, les réclamants ont effectivement été invités le 2 février 2015 à remettre jusqu’au 31 mars 2015 la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ;

Considérant que force est de constater que le règlement grand-ducal du 27 février 2015 a été publié au Mémorial A n° 36 du 5 mars 2015, de sorte qu’il s’applique à la notification du bulletin litigieux intervenue ; qu’il résulte de l’application des dispositions de ce règlement que la notification du bulletin en cause a eu lieu à la date du 25 septembre 2017 ;

Considérant que les réclamants affirment ne pas avoir reçu le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ;

Considérant que suivant l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, la présomption de notification est valable, à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu ; qu’il incombe donc aux réclamants de démontrer de façon circonstanciée que le bulletin ne leur est pas parvenu ;

Considérant qu’un bulletin d’imposition est remis à la poste à la date de son émission, figurant à son en-tête ; qu’il est imprimé et expédié, de manière centralisée, par le Centre des technologies de l’information de l’Etat (CTIE) sur base d’un procédé automatisé ; que la date de la remise à la poste correspond donc à la date d’émission des bulletins litigieux ; qu’ « il est vrai qu’un bulletin notifié au contribuable porte une seule date se présentant a priori comme sa date d’émission et qu’aucune mention sur le bulletin ou dans l’instruction sur les voies de recours n’indique formellement la date de remise à la poste du courrier ou la correspondance de la date du bulletin avec celle de sa remise à la poste. En outre, l’organisation de l’impression et de l’expédition des bulletins par le biais du CTIE (…) a certes été établie afin d’assurer que la date d’impression des bulletins corresponde à celle de la remise à la poste des envois les contenant, mais cette organisation ne permet à l’Etat ni de produire la preuve documentaire de son respect sans faille, ni de se ménager une preuve de la remise à la poste pour chaque envoi individuel d’un bulletin.

Cependant, il n’en reste pas moins qu’une preuve de la date de la remise à la poste existe en ce que la mention afférente se trouve apposée sur l’enveloppe d’envoi du bulletin qui comporte toujours la date du traitement du courrier par l’Entreprise des Postes et 5 Télécommunications, cette dernière date documentant que le courrier a été remis à la poste au plus tard le jour indiqué.

Or, c’est le destinataire qui détient cette seule preuve de la date de la remise à la poste suite à la notification du bulletin.

Dès lors, au vu de la finalité du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 d’admettre la notification de bulletins avec la dispense du récépissé de dépôt requis en cas de notification par courrier recommandé sur base du § 88 (3) AO, il y a lieu d’appliquer la présomption de notification prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 en ce sens qu’elle impose au destinataire l’obligation de faire état de circonstances qui rendent plausible le défaut de la notification dans le délai présumé, partant en produisant le bulletin lui notifié et l’enveloppe d’envoi y relative afin de permettre la vérification de la date effective de la remise à la poste. Dans l’hypothèse où le contribuable affirme la réception du bulletin à une date postérieure à celle résultant de l’application de la présomption de notification sans pour autant soumettre en cause ces pièces, il n’a pas utilement renversé cette présomption par l’établissement d’indices suffisants en sens contraire » ;

Considérant qu’en principe, dans l’hypothèse où un destinataire d’un courrier ne se trouve pas à l’adresse telle qu’indiquée sur la lettre, cette dernière est retournée à l’expéditeur avec la mention « Pas de boîte à ce nom » ; qu’il ne ressort pas du dossier fiscal que l’enveloppe contenant le bulletin litigieux ait été retournée à l’administration des contributions directes ; que dès lors, il doit être admis que le bulletin litigieux est parvenu au …, à F-…, les requérants n’ayant produit aucune pièce ni fourni aucune explication circonstanciée permettant de renverser la présomption de notification instituée par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 ;

Considérant que, par des sommations du 30 novembre 2015, le bureau d’imposition, autorisé par le § 202 AO à prononcer des astreintes pour amener les contribuables récalcitrants à s’acquitter de leurs obligations, a averti les réclamants qu’à défaut de déposer la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 jusqu’au 31 décembre 2015 au plus tard, des astreintes de …euros seraient fixées à leur égard ; que la déclaration en cause n’ayant pas été remise dans le délai imparti ni de prorogation demandée, le bureau d’imposition a liquidé les astreintes en date du 25 mars 2016 ;

Considérant que dans une seconde étape le bureau d’imposition a encore une fois envoyé des sommations-astreintes aux réclamants afin que ces derniers déposent la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014 ; que les sommations-astreintes ont été émises en date du 3 août 2017 ; qu’à défaut de remise de ladite déclaration d’impôt, les décisions portant fixation des astreintes ont été émises le 12 septembre 2017 et envoyés au …, à F-… ;

Considérant que dans le courrier électronique du 5 octobre 2017, le comptable des réclamants a demandé « de bien vouloir accorder une remise gracieuse de l’amende affligée compte tenu de ce contexte exceptionnel » ; qu’il en découle que les réclamants ont bien réceptionné les sommations et fixations des astreintes en question au …, à F-… ;

Considérant que, au moyen du même courrier électronique, les requérants ont fait parvenir au bureau d’imposition un état de leurs revenus de l’année 2014, couché sur le formulaire de la déclaration pour l’impôt sur le revenu ; qu’indépendamment de la question 6 de savoir quelles ont été les intentions du représentant des réclamants qui, suivant les propos de ce courrier, semble avoir voulu déposer la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2014, l’introduction d’une réclamation ou de toute requête susceptible d’être considérée comme telle, par courrier électronique, pose problème par elle-même ;

Considérant qu’aux termes du § 249, alinéa 1er AO, les recours (devant le directeur des contributions) sont à introduire par écrit ou encore par voie orale pour autant qu’il en est dressé procès-verbal ; que l’écrit doit désigner la personne du réclamant ; qu’une réclamation est valablement introduite par écrit lorsque le contenu de la requête résulte d’un écrit dont le réclamant ou son mandataire exprès et spécial sont les auteurs ; que cette exigence n’est remplie que si le document est remis au directeur directement ou par l’intermédiaire du bureau d’imposition, qu’il résulte immédiatement du contenu de ce document que son objet est une réclamation au sens du § 228 AO et que la personne du réclamant est identifiée sans aucune équivoque possible (voir en ce sens Hübschmann, Hepp, Spitaler, Kommentar zur Reichsabgabenordnung, sub § 238 Rn 3, Verlag Dr. Otto Schmidt KG, Köln) ;

Considérant que ces exigences sont d’autant plus importantes devant le risque du réclamant de se voir imposer in pejus, le réexamen intégral par le directeur, dans le cadre d’une réclamation, ne se limitant pas aux moyens invoqués par le réclamant, mais s’étendant au réexamen de toute l’imposition, tant en faveur qu’en défaveur du réclamant ;

Considérant que la condition de l’identification certaine de la personne ayant introduit la requête n’est pas remplie en cas de courrier électronique simple, le choix de la désignation de l’adresse électronique, à sa création, n’étant pas régi par des règles légales mais étant l’expression de la volonté de son créateur et les apparences, origines et desseins des courriels risquent d’être trompeurs (« phishing ») ; que, d’ailleurs, déjà la simple remise par voie électronique d’une déclaration d’impôt et de ses annexes est sujette à de très sévères règles de sécurisation, seule une identification authentifiée au moyen d’une certification étant autorisée légalement en la matière ;

Considérant qu’afin d’éliminer tout doute sur l’identité du réclamant, il est obligatoire d’introduire une réclamation par un courrier postal, par dépôt en personne de l’écrit ou par courrier électronique répondant aux exigences d’authenticité et de certification permettant une identification certaine de l’auteur dans le délai de trois mois tel que prévu par le paragraphe 245 AO ; qu’il n’est pas possible de reconnaître le courrier électronique adressé au bureau d’imposition en date du 5 octobre 2017, à défaut de signature électronique certifiée authentique, comme réclamation régulièrement introduite ; que seule la réclamation du 29 mars 2021, adressée au directeur de l’administration des contributions directes par la voie d’un courrier postal manuscrit, identifiable en tant que telle, est à reconnaître comme représentant une réclamation au sens du § 228 AO ;

Considérant qu’il suit de tout ce qui précède que l’affirmation suivant laquelle les réclamants n’auraient pas réceptionné le bulletin de l’impôt de l’année 2014 reste à l’état de pure allégation et ne saurait invalider le principe de la présomption d’une notification ;

Considérant encore qu’aux termes du § 91, alinéa 1er AO « En cas d’imposition collective des époux et de partenaires, la notification commune, à l’adresse des destinataires, d’une décision au sens de la première phrase, vaut notification à l’égard des deux époux ou partenaires concernés » ; qu’ « Une notification individuelle de la décision commune peut 7 toutefois intervenir sur demande expresse de l’un des deux époux ou partenaires imposés collectivement » quod non en l’espèce ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO, dont la règle a été reprise dans l’instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que la décision litigieuse a été émise en date du 20 septembre 2017 et a été notifiée le 25 septembre 2017, de sorte que le délai a expiré le 27 décembre 2017 ; que la réclamation introduite en date du 29 mars 2021 est donc tardive ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO, le délai de réclamation est un délai de forclusion ; Considérant qu’aux termes du § 252 AO, les réclamations tardives sont irrecevables ;

PAR CES MOTIFS dit la réclamation irrecevable. […] ».

Par requête déposée le 27 août 2021 au greffe du tribunal administratif, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 28 mai 2021.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond en la présente matière.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par les consorts …, lequel est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs font valoir que Monsieur … aurait cessé son activité de médecin-dentiste au Luxembourg en 2015 pour aller s’établir dans l’ouest de la France, …, où ils auraient fait l’objet de mesures d’exécution, les services de l’administration des Contributions directes ayant sollicité l’assistance de leurs collègues français.

Après avoir relevé que le bulletin d’impôt litigieux indiquerait leur adresse en France, les demandeurs affirment que Monsieur … n’y aurait jamais reçu ledit bulletin d’imposition et que son épouse n’aurait, à cette date, pas encore modifié son adresse auprès du bureau de la population de la Ville de Luxembourg, laquelle aurait dès lors encore été celle sise à L-….

En droit, les demandeurs invoquent le paragraphe 89 AO relatif aux modalités de notification des bulletins d’impôt lequel serait applicable dans l’hypothèse où le contribuable non résident, sur invitation de l’administration des Contributions directes, aurait désigné un mandataire au Luxembourg. Dans le cas contraire, ce serait le paragraphe 88 AO qui serait 8 applicable, lequel constituerait le droit commun en matière de notification des bulletins d’impôt et prévoirait le recours à la lettre recommandée pour les envois par voie postale. Ainsi, si l’administration des Contributions directes entendait communiquer par la voie postale un bulletin d’imposition à un contribuable qui ne réside pas au Luxembourg et qu’elle ne l’a pas invité à désigner un mandataire fiscal résident, elle devrait l’opérer moyennant un envoi recommandé.

Ensuite, les demandeurs estiment qu’il existerait un réel flou autour de l’adresse que l’administration des Contributions directes considérerait comme étant effectivement la leur, alors (i) qu’à la lecture du procès-verbal de constat de recherche du 4 mars 2019, il aurait été constaté qu’à cette même date, Madame … ne se serait pas trouvée à l’adresse sise à L-…(ii) que pourtant un courrier recommandé, non délivré, lui aurait été adressé à cette adresse en date du 5 mars 2019, (iii) que Monsieur … aurait reçu en date du 27 février 2019 une contrainte à l’adresse F-…, …, et (iv) qu’une contrainte aurait également été adressée, par lettre recommandée, à Madame …à son adresse française en date du 29 juin 2020.

Les consorts … précisent à cet égard que l’administration des Contributions directes ne les aurait jamais invités à désigner un mandataire fiscal résident pour recevoir le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014.

Ils concluent de tout ce qui précède que le bulletin d’imposition litigieux n’aurait fait l’objet d’aucune communication effective, les mettant partant dans l’impossibilité de recourir utilement contre l’imposition.

Les demandeurs font encore valoir que les modalités de notification et l’articulation des paragraphes 89 et 88 AO feraient obstacle aux droits élémentaires d’un contribuable de se défendre devant un tribunal tels que visés par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ». Ils soutiennent que les contraintes notifiées par les autorités fiscales françaises ne sauraient « purger la carence de notification par l’administration des Contributions directes du bulletin d’imposition litigieux par voie recommandée », tout en citant à cet égard un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Eamonn Donnelan c/ The Revenue Commissioners, du 26 avril 2018, C-34/17. Il s’ensuivrait qu’ils auraient été dans l’impossibilité de contester la dette fiscale.

Ils donnent également à considérer que le règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 concernant la notification des bulletins en matière d’impôts directs, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 27 février 2015, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 », serait attentatoire aux droits élémentaires du contribuable en ce sens que l’absence d’envoi par voie recommandée à des contribuables non-résidents serait contraire à l’article 47 de la Charte. Il s’ensuivrait que le délai pour réclamer n’aurait pas pu commencer à courir en l’absence de notification en bonne et due forme du bulletin d’imposition litigieux, de sorte que leur réclamation serait à considérer comme recevable pour avoir été introduite dans les délais.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs précisent que « la question à résoudre [ne serait] pas celle de l’adresse dont personne ne contesterait la validité, mais celle de la réception du bulletin d’imposition », tout en insistant sur le fait que seul le respect de la formalité de l’envoi par courrier recommandé serait de nature à assurer « l’égalité des armes » entre l’administration et le contribuable.

9 Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il est constant en cause que le directeur a déclaré irrecevable ratione temporis la réclamation introduite par les demandeurs à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014, émis le 20 septembre 2017.

Les demandeurs ne contestent, de l’entendement du tribunal, pas l’adresse à laquelle le bulletin litigieux a été envoyé, mais la modalité de l’envoi et sa réception, pour en déduire que le délai de réclamation n’aurait pas commencé à courir.

Le tribunal relève que le paragraphe 211 (3) AO dispose que « die Steuerbescheide sind verschlossen zuzustellen. Der Großherzog kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».

En vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 pris notamment sur base du paragraphe 211 (3) AO précité : « Les bulletins qui fixent une cote d´impôt, ceux qui établissent séparément une valeur unitaire ou des revenus d´une certaine catégorie, ceux qui fixent la base d´assiette d´un impôt réel et ceux qui appellent en garantie un tiers responsable du paiement de l´impôt peuvent être notifiés aux destinataires par simple pli fermé à la poste. Il en est de même des bulletins qui ventilent une cote d´impôt ou une base d´assiette entre plusieurs communes ».

Il échet tout d’abord de relever que le fait que les demandeurs résident en France n’a aucune influence par rapport à la disposition réglementaire précitée, du fait que celle-ci a été modifiée par le règlement grand-ducal précité du 27 février 2015, par lequel ont été enlevés les termes « qui demeurent au Grand-Duché », tels qu’ils figuraient dans la version initiale de l’article 1er, première phrase du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978.

Etant donné que le bulletin litigieux fixe, de manière non contestée, une cote d’impôt, la notification dudit bulletin rentre dans le champ d’application de l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 et a partant pu être effectuée par voie d’un simple pli fermé à la poste.

L’article 2 du même règlement grand-ducal établit une présomption de notification dans les termes suivants :

« La notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise de l’envoi à la poste à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu. ».

Cette disposition doit être interprétée à la lumière des dispositions légales dans le cadre desquelles elle s’insère.

En effet, le paragraphe 211 AO, en disposant dans sa première phrase que « die Steuerbescheide sind verschlossen zuzustellen », vise la « Zustellung » ou notification formelle comme mode à travers lequel les bulletins d’impôt sont à porter à la connaissance de leurs destinataires. Les différentes formes de notification formelle telles que définies au paragraphe 10 88 AO s’analysent en une « remise entourée d’un certain formalisme »1, lequel est destiné à constituer une preuve de la réception de l’acte à notifier par son destinataire. La forme la plus simple de la notification formelle est celle de l’envoi d’un « eingeschriebener Brief », prévue par le paragraphe 88 (3) AO. L’originalité de l’alinéa (3) du paragraphe 88 par rapport à son alinéa (1) réside dans le fait que l’autorité compétente est seulement tenue de prouver la date à laquelle l’enveloppe contenant l’acte a été remise à la poste et qu’elle est dispensée de l’obligation de s’aménager une preuve concrète de la prise de connaissance effective de l’acte par son destinataire, cette preuve étant remplacée par une présomption juris tantum de réception au troisième jour après la remise à la poste. Il en découle que le paragraphe 88 (3) AO autorise les autorités y visées à procéder à une notification par voie de lettre recommandée simple, un avis de réception n’étant point requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, et que la seule preuve à charge de l’autorité est celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée.

Par voie de conséquence, si la deuxième phrase du paragraphe 211 AO autorise le pouvoir réglementaire à prévoir une forme simplifiée de notification par rapport à la forme la plus allégée de la « Zustellung », cette disposition doit être comprise en ce sens qu’elle permet de réduire le formalisme par rapport à la seule preuve que l’administration doit se ménager au vœu du paragraphe 88 (3) AO, à savoir celle relative à la remise individuelle de l’envoi fermé contenant le bulletin à la poste.

Sur base de cette prémisse, l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, en ce qu’il se fonde sur la deuxième phrase du paragraphe 211 AO, doit nécessairement être interprété en ce sens qu’il a pour finalité de dispenser l’administration de la charge de conserver une preuve individuelle de la remise à la poste de tout envoi contenant un bulletin alors même que c’est la date de la remise de l’envoi à la poste qui constitue le point de départ de la présomption de l’accomplissement de la notification. Dans ces conditions, ledit article doit être lu en ce sens qu’il valide l’organisation de l’impression et de l’expédition des bulletins par le biais du Centre des Technologies de l’Information de l’Etat, telle que pratiquée par la partie étatique, qui a été établie afin d’assurer que la date d’impression des bulletins corresponde à celle de la remise à la poste des envois les contenant, alors même que cette organisation ne permet à l’Etat ni de produire la preuve documentaire du respect sans faille de ladite organisation, ni de se ménager une preuve de la remise à la poste pour chaque envoi individuel d’un bulletin. L’article 2 du règlement grand-ducal 24 octobre 1978 doit ainsi être compris en ce sens qu’il permet de présumer que la date d’impression d’un bulletin correspond à celle de la remise à la poste de son courrier d’envoi2.

Il est partant conforme à ce système qu’un bulletin notifié au contribuable porte une seule date se présentant a priori comme sa date d’émission et qu’aucune mention sur le bulletin ou dans l’instruction sur les voies de recours n’indique formellement la date de remise à la poste du courrier ou la correspondance de la date du bulletin avec celle de sa remise à la poste.

Cependant, la dispense en faveur de l’administration de la conservation d’une preuve formelle de la remise à la poste du courrier d’envoi d’un bulletin n’entraîne pas l’inexistence de toute preuve relative à la date d’envoi d’un tel courrier. En effet, une preuve de la date de la remise à la poste existe en ce que la mention afférente se trouve apposée sur l’enveloppe 1 Fabienne Rosen : La notification des bulletins d’impôt et des autres décisions de la procédure d’imposition en matière de contributions directes, Bulletin du Cercle François Laurent 2001, II, p. 59.

2 Cour adm., 14 janvier 2016, n° 36400C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1060 et les autres références y citées.

11 d’envoi du bulletin qui comporte toujours la date du traitement du courrier par l’Entreprise des Postes et Télécommunications, cette dernière date documentant que le courrier a été remis à la poste au plus tard le jour y indiqué.

Or, c’est le destinataire du bulletin qui détient cette seule preuve de la date de la remise à la poste suite à la notification du bulletin.

Dès lors, au vu de la finalité du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 visant à admettre la notification de bulletins avec la dispense du récépissé de dépôt requis en cas de notification par courrier recommandé sur base du paragraphe 88 (3) AO, il y a lieu d’appliquer la présomption de notification prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 en ce sens qu’elle impose au destinataire l’obligation de faire état de circonstances qui rendent plausible le défaut de la notification dans le délai présumé, partant en produisant le bulletin lui notifié et l’enveloppe d’envoi y relative afin de permettre la vérification de la date effective de remise à la poste. Dans l’hypothèse où le contribuable affirme que la réception du bulletin serait intervenue à une date postérieure à celle résultant de l’application de la présomption de notification sans pour autant soumettre en cause ces pièces, il n’a pas utilement renversé cette présomption par l’établissement d’indices suffisants en sens contraire3.

Par contre, dans l’hypothèse où le contribuable nie totalement la réception de l’envoi contenant le bulletin, il ne saurait se voir imposer la production du bulletin original et de son enveloppe d’envoi en vue d’être admis à contester la notification valable du bulletin. Une telle preuve est impossible à fournir dans la mesure où le contribuable argue précisément qu’il n’a jamais reçu ces documents. Par contre, conformément à l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, la simple négation ne suffit pas et le contribuable doit faire état d’un faisceau convergent de circonstances qui permettent de conclure que l’envoi n’a effectivement pas du tout atteint son destinataire4.

En l’espèce, la date figurant sur le bulletin de l’impôt sur le revenu est le 20 septembre 2017, de sorte que conformément aux développements faits ci-avant, concernant l’interprétation de l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, la notification dudit bulletin est a priori présumée être intervenue le troisième jour ouvrable suivant cette date, à savoir le lundi 25 septembre 2017 – étant précisé que les 23 et 24 septembre 2017 étaient un samedi et un dimanche –, même en l’absence de preuve documentaire de la remise à la poste du courrier d’envoi du bulletin en question, preuve dont la partie gouvernementale est dispensée, tel que précisé ci-avant.

Or, si les demandeurs soutiennent ne jamais avoir reçu l’envoi contenant la notification du bulletin litigieux à la date du 25 septembre 2017, ils n’invoquent toutefois pas que l’adresse d’envoi du bulletin litigieux soit erronée, puisqu’au contraire, dans leur mémoire en réplique, ils déclarent ne pas contester la validité de l’adresse en question, ni ne font-ils état d’un faisceau d’indices permettant au tribunal de conclure à l’absence de notification dans leur chef du bulletin de l’impôt sur le revenu en date du 25 septembre 2017. Ainsi, les demandeurs, qui se limitent en effet à contester de manière générale les modalités d’envoi prévues aux paragraphes 88 et 89 AO, n’ont pas fourni d’éléments permettant de renverser la présomption dégagée ci-

avant, suivant laquelle la notification du bulletin litigieux est intervenue le 25 septembre 2017, en application de l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978.

3 Ibid..

4 Ibid..

12 Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation des demandeurs selon laquelle l’article 47 de la Charte serait violée par les modalités de notification prévues aux paragraphes 88 et 89 AO et l’absence d’envoi par voie recommandée d’un bulletin d’imposition à un contribuable non-résident résultant de la modification du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, alors que les demandeurs restent en défaut d’étayer pour quelles raisons leur droit à un recours effectif devant un tribunal prévu par l’article 47 de la Charte serait enfreint par une notification du bulletin d’imposition litigieux par voie d’un simple pli fermé à la poste, respectivement par les modalités de notification prévues aux paragraphes 88 et 89 AO.

En effet, l’article 47 de la Charte disposant que « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. », consacre le droit à un recours effectif devant un juge, notamment dans l’hypothèse où une personne se sent lésée par une décision administrative à caractère individuel, ce qui est le cas en l’espèce, alors que les demandeurs n’ont pas été privés de leur droit d’attaquer en justice la décision directoriale ayant déclaré leur réclamation irrecevable pour avoir été tardive, celle-ci ayant contenu au verso une instruction sur les voies et délai de recours. Ainsi, aucune violation de leur droit à un recours effectif devant un tribunal, tel que consacré à l’article 47 de la Charte, ne peut être retenue. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter étant encore relevé que la référence des demandeurs à l’arrêt … c/ The Revenue Commissioners de la CJUE n’est également pas pertinente, alors que dans cette affaire, aucune notification n’avait été entreprise, contrairement à la notification par voie d’un pli fermé à la poste dans le cas en l’espèce, de sorte que les faits de cet arrêt ne sont pas transposables aux faits de l’espèce.

Au vu de ce qui précède, le délai de réclamation de trois mois, tel que prévu au paragraphe 228 AO, a, dès lors, commencé à courir en date du 25 septembre 2017, de sorte à avoir expiré au vœu de l’article 8 (3), point 4 de la loi du 7 novembre 1996 et de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, le mercredi 27 décembre 2017 à minuit, les 25 et 26 décembre 2017 ayant été des jours fériés.

Dans la mesure où la réclamation des demandeurs n’a été introduite que le 29 mars 2021, partant en dehors du délai de réclamation, lequel constitue un délai de forclusion, en vertu du paragraphe 83 (2) AO, c’est à juste titre que le directeur a déclaré ladite réclamation irrecevable ratione temporis.

En ce qui concerne la demande en distraction des frais au profit du litismandataire du demandeur, telle que formulée dans le dispositif de la requête introductive d’instance, celle-ci est à rejeter alors que pareille façon de procéder n’est pas prévue en matière de procédure contentieuse administrative5.

Par ces motifs, 5 Trib. adm., 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1289 et les autres références y citées.

13 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en distraction des frais ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandre Bochet, premier juge, Annemarie Theis, juge, et lu à l’audience publique du 5 juin 2023 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46399
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-05;46399 ?

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