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05/06/2023 | LUXEMBOURG | N°41178

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juin 2023, 41178


Tribunal administratif N° 41178 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:41178 2e chambre Inscrit le 23 mai 2018 Audience publique du 5 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, sans résidence connue, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41178 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23

mai 2018 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats...

Tribunal administratif N° 41178 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:41178 2e chambre Inscrit le 23 mai 2018 Audience publique du 5 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, sans résidence connue, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41178 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2018 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le …, à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, ayant été retenu au Centre de rétention au Findel, actuellement sans adresse connue, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 février 2018 prononçant à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois d’une durée de trois ans ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Charline Radermecker en sa plaidoirie à l’audience publique du 27 février 2023.

Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, circonscription régionale de Luxembourg, Centre d’Intervention Gare du 27 février 2018, portant la référence 50706, que Monsieur … fut appréhendé par les forces de l'ordre, alors qu'il était en possession de stupéfiants et d'un brouilleur d'ondes. A cette occasion, il s'avéra que Monsieur … était connu sous divers alias dont notamment, …, né le …, de nationalité algérienne ; …, né le …, de nationalité algérienne ; …, né le …, de nationalité algérienne ; …, né le …, de nationalité algérienne et …, né le …, de nationalité algérienne. Il ressortit également dudit rapport que l’intéressé était signalé au Système d'Information Schengen (SIS).

Par arrêté du 27 février 2018, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est 1autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans.

Par arrêté séparé du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Cette mesure de placement en rétention fut prorogée à chaque fois pour la durée d’un mois par des arrêtés du ministre des 23 mars, 24 avril et 23 mai 2018.

Par requête déposée le 23 mai 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … fit introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle, précitée, du 27 février 2018 en ce qu’elle porte interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à son égard.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la décision ministérielle, précitée, du 23 mai 2018, fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 7 juin 2018, inscrit sous le numéro 41193 du rôle.

Par un arrêté du 20 juin 2018, le ministre prolongea de nouveau la mesure de rétention à l’égard de Monsieur … pour une durée d’un mois.

Monsieur … fut éloigné du territoire luxembourgeois vers l’Albanie le 29 juin 2018.

Dans le cadre de la procédure contentieuse introduite contre la décision de retour précitée du 27 février 2018 portant interdiction d’entrée sur le territoire, Maître Martine Krieps informa le tribunal par différents courriers et courriels des 29 octobre 2018, 10 décembre 2018, 17 décembre 2018, 14 mars 2019, 27 décembre 2019, 29 juin 2020, 3 décembre 2020, 18 mars 2022, qu’elle serait sans nouvelle de la part de son mandant.

A l’audience publique des plaidoiries du 27 février 2023, le délégué du gouvernement a soulevé l’irrecevabilité du recours pour perte d’objet dudit recours, en ce que l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois, ayant été prononcée par décision du 27 février 2018 pour une durée de trois ans, aurait expiré. Le tribunal a encore soulevé la question de savoir si Monsieur … gardait un intérêt à agir contre la décision déférée. Le litismandataire du demandeur, ne s’étant pas présenté à l’audience, n’a pas pris position par rapport à ces questions d’irrecevabilité.

Il échet tout d’abord de rappeler que l’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’une demande s’analyse en question d’ordre public1.

Le tribunal relève ensuite que, si stricto sensu l’intérêt à agir contre une décision administrative est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action doit être vérifié au jour du jugement2 sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, les juridictions administratives n’ayant pas été instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations3, ainsi que sous peine, le 1 Cour adm., 29 mai 2008, n° 23728C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 5 et les autres références y citées.

2 Michel Leroy, Contentieux administratif, 3e édition, p. 494.

3 Trib. adm., 14 janvier 2009, n° 22029 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 63 et les autres références y citées.

2cas échéant, outre d’encombrer le rôle des juridictions administratives, d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de se justifier inutilement devant les juridictions administratives et en exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier4.

Or, la première personne à déterminer s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande : non seulement, il estime qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés, mais il considère aussi que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès5.

Si cette volonté vient à disparaître en cours de procès, il n’est potentiellement plus satisfait à la condition qui doit être remplie en tout premier lieu pour que l’on puisse admettre que la partie litigante conserve effectivement un intérêt concret et personnel à faire statuer sur la demande qu’elle a introduite. Cette première condition n’étant plus remplie, il y a lieu d’en conclure que le recours n’est plus recevable en raison de la disparition de l’intérêt requis en droit.

Or, le défaut de volonté de maintenir une demande peut résulter de la persistance avec laquelle le justiciable s’abstient de toute marque d’intérêt pour le déroulement du procès qu’il a engagé6. Cette absence de toute marque d’intérêt constitue dès lors un motif suffisant pour décider que l’intérêt requis en droit pour obtenir une décision sur la demande n’existe plus et qu’à défaut de cet intérêt, le recours doit être rejeté comme n’étant plus recevable.

En l’espèce, force est tout d’abord de constater qu’il ressort du dossier administratif que le demandeur a été éloigné du Grand-Duché de Luxembourg le 29 juin 2018. Par ailleurs, son litismandataire, Maître Martine Krieps, a, depuis le 28 octobre 2018, à d’itératives reprises informé le tribunal qu’elle était sans nouvelle de la part de son mandant, et ce jusqu’à l’audience des plaidoiries du 27 février 2023, soit sur une période totale de presque cinq ans.

De ce qui précède, il y a lieu de conclure que le comportement du demandeur consistant à avoir quitté le territoire luxembourgeois en date du 29 juin 2018 sans indiquer son adresse actuelle ni à son litismandataire ni au tribunal, tout en restant en défaut de donner une quelconque nouvelle à son litismandataire pendant presque cinq ans, est à interpréter en ce sens qu’il ne témoigne plus le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de l’instance qu’il a mue par sa requête introduite en date du 23 mai 2018.

Il convient dès lors de déclarer le recours irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur ….

4 Trib. adm., 11 mai 2016, n°35579 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n°34 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 8 août 2018, n° 41369 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

6 Voir notamment Conseil d’Etat belge, 6 avril 1982, n° 22183.

3 Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours en annulation pour défaut d’intérêt à agir ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Bochet, premier juge, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 5 juin 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 41178
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-05;41178 ?

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