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31/05/2023 | LUXEMBOURG | N°48968

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mai 2023, 48968


Tribunal administratif N° 48968 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48968 3e chambre Inscrit le 24 mai 2023 Audience publique du 31 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48968 du rôle et déposée le 24 mai 2023 au greffe du tribunal administratif pa

r Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocat...

Tribunal administratif N° 48968 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48968 3e chambre Inscrit le 24 mai 2023 Audience publique du 31 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48968 du rôle et déposée le 24 mai 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc), et être de nationalité marocaine, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 mai 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé.

Il ressort d’un rapport de police du 22 novembre 2018, dressé par le commissariat … référencé sous le numéro …, que Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, désigné ci-après par « Monsieur … », fut appréhendé par les forces de l’ordre le même jour lors d’un contrôle d’identité sans pouvoir justifier de documents d’identité et de voyage valables.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le jour même, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Maroc, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de … ans.

Il ressort des documents figurant au dossier administratif que les recherches effectuées à l’époque par les autorités luxembourgeoises révélèrent que Monsieur … avait introduit une demande de protection internationale en Autriche le 27 mai et le 27 septembre 2012, ainsi 1qu’en Suisse le 27 juin 2013 et qu’il était connu par les autorités françaises sous différentes identités et y avait déclaré être marié à Madame … avec qui il aurait un enfant de … ans. Le 27 novembre 2018, les autorités suisses informèrent les autorités luxembourgeoises qu’elles avaient procédé au transfert de Monsieur … vers l’Italie en date du 28 août 2013. Après avoir contacté le 28 novembre 2018 les autorités italiennes en vue de la reprise en charge de l’intéressé et réitéré sa demande de reprise en charge le 14 décembre 2018, le ministre prit le 18 décembre 2018 une décision de transfert à l’égard de Monsieur …, dont le transfert vers l’Italie put être organisé par les autorités luxembourgeoises le 18 février 2019.

Au courant de l’année 2022, Monsieur … fit de nouveau l’objet de divers contrôles sur le territoire luxembourgeois actés dans plusieurs rapports de la Police grand-ducale datés respectivement du 23 juin 2022, du 18 juillet 2022 et du 19 juillet 2022, contrôles lors desquels il lui fut impossible de présenter des documents d’identité valables.

Il ressort ensuite d’un rapport de police du 25 septembre 2022, dressé par le commissariat …, référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut à une itérative reprise appréhendé par les forces de l’ordre le même jour lors d’un contrôle d’identité sans à nouveau pouvoir justifier de documents d’identité et de voyage valables.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Maroc, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Il ressort du relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg que Monsieur … y fut placé en détention préventive pour vol à l’aide de violences en date du 22 octobre 2022 et qu’il fut libéré le 16 décembre 2022.

Suivant un rapport de police du 4 février 2023, dressé par le commissariat … référencé sous le numéro …, Monsieur … fut interpellé par les forces de l’ordre le même jour alors qu’il aurait importuné des personnes dans le hall d’entrée d’une résidence. Lors du contrôle, Monsieur … ne put présenter aucun document d’identité ou de voyage valable.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.

Le recours introduit en date du 10 février 2023 par Monsieur … contre ledit arrêté de placement en rétention du 4 février 2023 fut déclaré fondé par un jugement du 15 février 2023, numéro 48514 du rôle et l’intéressé fut libéré du Centre de rétention en date du même jour.

Par courrier du 13 février 2023, le ministre contacta les autorités consulaires marocaines afin que ces dernières procèdent à l’identification de Monsieur … et lui délivrent un laissez-

passer.

Il ressort d’un rapport de police du 19 avril 2023, dressé par le commissariat Région … référencé sous le numéro …, que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité lors duquel il déclara notamment vouloir quitter volontairement le territoire luxembourgeois.

2 Par arrêté du même jour, également notifié le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 25 septembre 2022, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Vu les différents rapports de police ;

Considérant que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par courrier du 20 avril 2023, le ministre contacta les autorités consulaires marocaines afin de connaître l’état d’avancement de sa demande d’identification adressée auxdites autorités le 13 février 2023. En date du 25 avril 2023, les autorités marocaines répondirent « qu’aucune concordance n’a pas être déterminée lors de la soumission de la demande d’identification du dénommé … ».

Toujours en date du 25 avril 2023, le ministre contacta les autorités consulaires tunisiennes afin que ces dernières procèdent à l’identification de Monsieur …, étant donné que ce dernier est connu sous plusieurs alias, dont plusieurs alias tunisiens.

Par un jugement du tribunal administratif du 11 mai 2023, inscrit sous le numéro 48902 du rôle, le recours contentieux introduit contre l’arrêté de placement en rétention du 19 avril 2023 fut rejeté.

Par courrier du 16 mai 2023, le ministre s’enquit auprès des autorités consulaires tunisiennes de l’état d’avancement du dossier de Monsieur ….

Par arrêté du 17 mai 2023, notifié à l’intéressé le 19 mai 2022, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à compter de la notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 19 avril 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé 3à une mesure de placement;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 19 avril 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 17 mai 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur …, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il ajoute qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Or, il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement dans son chef, de sorte que se poserait la question de l’exécution de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et « avant le délai maximal de la mesure de rétention ». Le demandeur souligne, par ailleurs, que le maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum, de sorte qu’il devrait être mis en liberté en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

En deuxième lieu, le demandeur s’empare de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu fixé par le ministre et avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée, tout en affirmant que le placement en rétention serait disproportionné.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

4A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision - de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne du placement en rétention litigieux, force est d’abord de constater qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que :

« Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111,116 à 118, ou en vertu d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour 5ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, force est d’abord de relever, à l’instar de ce qui avait été retenu dans le jugement précité du 11 mai 2023, que Monsieur … se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire a été prise à son encontre le 25 septembre 2022, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et ce, sur base de la considération non contestée qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite […] est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », un risque de fuite est présumé dans son chef, étant encore précisé que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figure plus particulièrement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

A l’instar de ce qui a été retenu dans le jugement, précité, du 11 mai 2023, le tribunal constate que Monsieur …, lequel est en outre connu sous divers alias dans des pays limitrophes, reste toujours en défaut de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

6En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, dont fait état le demandeur, l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, 7celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache. Il n’a, par ailleurs, présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. Au contraire, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que nonobstant l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre dès le 22 novembre 2018, respectivement le 25 septembre 2022, le demandeur n’a pas quitté définitivement le territoire luxembourgeois. Or, ces considérations sont de nature à conforter l’existence dans son chef d’un risque de fuite et l’absence de garanties de représentations suffisantes permettant de recourir à la mesure moins coercitive que constitue l’assignation à résidence dont l’application est plus particulièrement sollicitée par l’intéressé.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant ensuite des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal a retenu dans son jugement, précité, du 11 mai 2023, qu’il se dégageait des éléments du dossier administratif que les services ministériels ont, dès le 20 avril 2023, c’est-à-dire le lendemain du placement en rétention de Monsieur …, contacté le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège afin de se renseigner sur l’état d’avancement de la demande d’identification du demandeur leur adressée le 13 février 2023 et que par courriel du 25 avril 2023, les autorités consulaires marocaines ont répondu que l’intéressé n’a pas pu être identifié. Le tribunal a ensuite, dans son jugement, précité, du 11 mai 2023 constaté qu’il ressortait des éléments du dossier administratif qu’en date du même jour, à savoir le 25 avril 2023, les autorités luxembourgeoises ont contacté le Consulat Général de Tunisie à Bruxelles en vue de l’obtention d’un laissez-passer en faveur du demandeur et de l’identification de l’intéressé, demande à laquelle étaient joints un jeu d’empreintes digitales et deux photos d’identité de l’intéressé. C’est sur base de ces considérations que le tribunal a retenu dans son jugement précité que les démarches entreprises jusque-là étaient à qualifier de suffisantes au regard des exigences posées par la loi.

En ce qui concerne les démarches entreprises depuis lors, il se dégage du dossier administratif que les services ministériels ont de nouveau relancé les autorités consulaires tunisiennes le 16 mai 2023 pour s’enquérir de l’état d’avancement du dossier de Monsieur … et qu’ils se trouvent actuellement dans l’attente d’une réponse desdites autorités.

Au regard de ces démarches concrètes et au vu du fait que, tel que relevé ci-avant, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables ainsi que des démarches auprès des autorités compétentes notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, étant relevé que le 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.

8ministre est tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités tunisiennes, auxquelles il s’est adressé, et qu’il ne saurait nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes.

Le tribunal relève encore qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement ne pourra pas être mené à bien, ni l’absence d’identification du concerné à l’heure actuelle, ni le défaut de réponse concrète du consulat tunisien n’étant à ce jour définitifs, le demandeur n’ayant pour sa part fourni aucune indication susceptible d’énerver cette conclusion, de sorte que l’argumentation afférente est également à rejeter.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, la légalité et le bien-fondé de la décision déférée ne portent pas à critique.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par:

Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 31 mai 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48968
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-31;48968 ?

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