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31/05/2023 | LUXEMBOURG | N°48958

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mai 2023, 48958


Tribunal administratif Numéro 48958 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48958 3e chambre Inscrit le 23 mai 2023 Audience publique du 31 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48958 du rôle et déposée le 23 mai 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Phili

ppe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif Numéro 48958 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48958 3e chambre Inscrit le 23 mai 2023 Audience publique du 31 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48958 du rôle et déposée le 23 mai 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, alias …, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 mai 2023 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé.

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En date du 16 avril 2018, Monsieur …, alias …, de nationalité tunisienne, introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par une décision du 8 août 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa l’intéressé sous son identité de … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée au sens des articles 27 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

L’intéressé ayant néanmoins été interpellé en date du 8 février 2019 par la police grand -ducale sur le territoire luxembourgeois, le ministre prit en date du même jour un arrêté constatant son séjour irrégulier et lui enjoignant de quitter sans délai le territoire à destination de la Tunisie, ou du pays qui lui aurait délivré un document de voyage en cours de validité ou 1dans lequel il serait autorisé à séjourner au motif qu’il ne serait pas en possession d’un passeport ou d’un document d’identité en cours de validité, qu’il ne serait pas en possession d’un visa en cours de validité et qu’il ne serait pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Il apparut dans le cadre d’une demande adressée aux autorités allemandes en exécution du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III », que Monsieur … était connu en Allemagne sous l’identité de …, né le … à …. Il s’avéra ensuite qu’il était connu dans d’autres pays européens sous les identités de …, né le …, …, né le …, et …, né le …, toujours de nationalité tunisienne.

En date du 8 février 2023, les autorités suisses contactèrent les autorités luxembourgeoises en vue de la reprise en charge de l’intéressé sous l’identité de … sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, reprise en charge qui fut acceptée par le Luxembourg en date du 14 février 2023, de sorte que Monsieur … fut réadmis sur le territoire luxembourgeois en date du 17 mars 2023.

Par arrêté ministériel du 14 mars 2023, notifié à l’intéressé le 17 mars 2023, Monsieur … fut placé au Centre de rétention pour la durée d’un mois à partir de la notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 8 février 2019, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans ;

Considérant que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le recours contentieux dirigé contre l’arrêté de placement en rétention du 14 mars 2023 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 5 avril 2023, inscrit sous le numéro 48743 du rôle.

Par un arrêté du 14 avril 2023, notifié à l’intéressé en date du 17 avril 2023, le ministre décida de prolonger la mesure de placement prise à l’égard de Monsieur … pour une durée d’un mois à compter de la notification. Le recours contentieux dirigé contre ledit arrêté ministériel 2fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 24 avril 2023, inscrit sous le numéro 48845 du rôle.

Par un arrêté du 16 mai 2023, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention initiale pour une nouvelle durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention;

Vu mes arrêtés des 14 mars et 14 avril 2023, notifiés le 17 mars respectivement le 17 avril 2023, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 14 mars 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 16 mai 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, souligne que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique, s’agissant d’une atteinte évidente à la liberté de mouvement. Il s’ensuivrait qu’une telle mesure devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il ajoute qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Or, il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine ou bien vers le pays où il aurait toutes ses attaches familiales, de sorte que se poserait la question de l’exécution de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et « avant le délai maximal de la mesure de rétention ». Le demandeur souligne, dans ce contexte, que le 3maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum, de sorte qu’il devrait être mis en liberté en attendant l’exécution de cette mesure d’éloignement.

En se référant à un jugement du 19 février 2009 du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, le demandeur fait finalement valoir que le placement dans une structure fermée serait disproportionné au regard des circonstances de l’espèce et de son comportement, de sorte que, sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, il estime pouvoir être assigné à résidence dans un lieu à fixer par le ministre, avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services ministériels ou de toute autre autorité désignée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun des moyens.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d’une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.

En ce qui concerne d’abord le moyen du demandeur selon lequel le ministre n’aurait pas suffisamment motivé la décision déférée, force est de relever que, comme il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. Le moyen afférent doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

4Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, force est d’abord de relever, à l’instar de ce qui avait été retenu dans les jugements précités des 5 et 24 avril 2023, que Monsieur … se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg et que de la sorte il a fait l’objet d’une décision de retour le 8 février 2019, cette décision, qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, ayant, par ailleurs, comporté une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans. Il est encore constant en cause que le demandeur ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois ans, ni d’une autorisation de travail, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé dans le chef du ressortissant de pays tiers […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », un risque de fuite est présumé dans son chef, étant encore précisé que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figure plus particulièrement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

5 A l’instar de ce qui a été retenu dans les jugements, précités, des 5 et 24 avril 2023, le tribunal constate que Monsieur … reste toujours en défaut de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite qu’il ne conteste, qui plus est, pas.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, dont fait état le demandeur, l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

6Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur reste toujours en défaut de soumettre au tribunal des éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. A cet égard, il convient de relever qu’il est constant que le demandeur ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache. Il n’a, par ailleurs, présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. Au contraire, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que nonobstant l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre dès août 2018, le demandeur n’a pas quitté définitivement le territoire luxembourgeois. Or, à l’instar de ce qui a été retenu dans le jugement du 5 avril 2023, le tribunal ne peut que constater que ces considérations sont de nature à conforter l’existence dans le chef du demandeur d’un risque de fuite et l’absence de garanties de représentation suffisantes permettant de recourir à la mesure moins coercitive que constitue l’assignation à résidence dont l’application est plus particulièrement sollicitée par l’intéressé.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant ensuite des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal a retenu dans son jugement, précité, du 5 avril 2023, qu’il se dégageait des éléments du dossier administratif, ainsi que des explications fournies par la partie étatique, non contestées sur ce point par le demandeur, que les services ministériels ont, dès le 17 mars 2023, contacté les autorités tunisiennes en vue de l’identification du demandeur et que, par télécopie du 31 mars 2023, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités consulaires tunisiennes afin d’obtenir des renseignements concernant l’état d’avancement du dossier du demandeur. Il en a déduit que les démarches ainsi opérées étaient à ce stade à considérer comme suffisantes au regard des exigences posées par la loi.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

7Dans son jugement du 24 avril 2023, le tribunal, après avoir constaté qu’il se dégageait du dossier administratif que les services ministériels avaient de nouveau relancé les autorités consulaires tunisiennes le 14 avril 2023 pour s’enquérir de l’état d’avancement du dossier de Monsieur … et qu’ils se trouvaient actuellement dans l’attente d’une réponse desdites autorités, a conclu que la procédure d’éloignement était, au moment où il était appelé à statuer, toujours à considérer comme étant poursuivie avec la diligence requise.

Pour ce qui est des diligences entreprises depuis lors pour organiser l’éloignement du demandeur, il y a lieu de relever que l’autorité ministérielle a relancé les autorités tunisiennes à deux nouvelles reprises, en date des 28 avril et 15 mai 2023 en vue d’obtenir des informations quant à l’état d’avancement du dossier.

Au regard de ces démarches concrètes et au vu du fait que, tel que relevé ci-avant, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables ainsi que des démarches auprès des autorités compétentes notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, étant relevé que le ministre est tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités tunisiennes, auxquelles il s’est adressé, et qu’il ne saurait nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes.

Le tribunal relève encore qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement ne pourra pas être mené à bien, ni l’absence d’identification du concerné à l’heure actuelle, ni le défaut de réponse concrète du consulat tunisien n’étant à ce jour définitifs, le demandeur n’ayant pour sa part fourni aucune indication susceptible d’énerver cette conclusion, de sorte que l’argumentation afférente est également à rejeter.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, la légalité et le bien-fondé de la décision déférée ne portent pas à critique.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

8 Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 31 mai 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48958
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-31;48958 ?

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