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26/05/2023 | LUXEMBOURG | N°44312

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mai 2023, 44312


Tribunal administratif N° 44312 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:44312 4e chambre Inscrit le 24 mars 2020 Audience publique du 26 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 44312 du rôle et déposée le 24 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tenda...

Tribunal administratif N° 44312 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:44312 4e chambre Inscrit le 24 mars 2020 Audience publique du 26 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 44312 du rôle et déposée le 24 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 4 février 2020 ayant procédé à la rectification d’une erreur matérielle au dispositif de sa décision du 3 décembre 2019 en rétrogradant Monsieur … au grade 7, échelon 8, points indiciaires 239 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2020 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 octobre 2020 par Maître Jean-Marie Bauler, préqualifié, au nom et pour le compte de Monsieur …, préqualifié;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2020 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Brice Cloos en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mai 2022.

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Par un courrier du 17 décembre 2018, le ministre de la Justice, ci-après désigné par « le ministre », saisit le commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-

après désigné par « le commissaire du gouvernement », dans les termes suivants :

« (…) Conformément à l'article 56 paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, je vous saisis aux fins de procéder à une instruction à l'encontre de M. …, rédacteur auprès de l'administration judiciaire, classé au grade 8, échelon 5.

En effet, et comme détaillé dans le dossier annexé, le concerné est présumé avoir manqué à ses obligations statutaires pour les raisons suivantes :

Monsieur … fait l'objet d'une procédure disciplinaire en raison d'irrégularités constatées en relation avec ses obligations résultant de son travail tant au greffe du cabinet d'instruction à Luxembourg qu'au greffe de la … chambre civile au tribunal d'arrondissement de Luxembourg où il est en charge de la gestion administrative du greffe. Ce travail consiste entre autres dans l'assistance aux audiences, dans la préparation des dossiers avant et après audience, dans la mise en forme des jugements préparés par les magistrats pour les délivrer après relecture par un magistrat aux avocats, de l'expédition des copies des jugements et de l'interconnexion avec les avocats pour leur fournir les renseignements nécessaires au suivi d'un dossier.

Monsieur … après un passage de quatre années depuis son entrée en fonctions à l'administration judiciaire au cabinet d'instruction, a dû être muté dans un autre service à la demande du juge d'instruction et suite à de nombreuses mésententes dues à une exécution non soignée, même négligée des tâches qui lui incombaient. Le cabinet étant un service qui exige un travail très ordonné au vu des nombreuses procédures imposant des délais à respecter, Monsieur … de par sa négligence n'était plus tenable pour ce service. En date du 15 septembre 201, il fut alors affecté au greffe de la … chambre sous la présidence de Madame la vice-

présidente …. Au début de son entrée en fonction au greffe d'une chambre civile, la chance de se familiariser avec ses nouvelles tâches fut accordée tant par les magistrats que par sa collègue-greffière à Monsieur …. Il venait d'un service essentiellement axé sur la procédure pénale et devait maintenant faire face à des procédures civiles. Il est évident qu'il devait s'habituer à sa nouvelle situation. Après plusieurs avertissements oraux tant de la part de Madame … que du greffier en chef Monsieur …, qui en ont d'ailleurs à chaque fois informé le bureau du personnel, Madame … a déposé une lettre de plainte contre Monsieur … à Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui l'a continuée à Madame le Procureur général.

Madame … y fait état de tous les dysfonctionnements qu'elle a pu constater chez Monsieur … dans l'exécution de ses fonctions. La lettre datée du 12 juin 2018 est reproduite ci-après dans son entièreté :

« Luxembourg, le 12 juin 2018 Madame la Présidente, Par la présente, je me permets d'attirer votre attention sur le dysfonctionnement du service du greffe de la …e chambre civile du tribunal.

Depuis le 15 septembre 2017, M. … y exerce sa fonction de greffier à plein temps, tandis que Mme … y travaille à mi-temps.

M. … est greffier au tribunal (auparavant au cabinet d'instruction) depuis quatre ans et préparera apparemment son examen de promotion à l'automne 2018.

Depuis son arrivée au service, une proportion alarmante de courriers et de documents ne parviennent pas aux juges auxquels ils sont adressés, alors que suivant récépissé de fax, ils sont bien parvenus au greffe (le fax se trouve dans le bureau-même du greffe de la …e chambre). L'un de ces fax (du 30 novembre 2017), qui après près d'une semaine n'était pas rangé dans le dossier (fax qui n'est d'ailleurs, à l'heure actuelle pas apparu) a ainsi donné l’occasion à l'avocat Me … de présenter un acte de récusation contre ma personne, au motif que mon affirmation à l'audience du 6 décembre 2017 selon laquelle je n'avais pas son fax dans mon dossier, serait mensongère.

Pendant le service réduit de Noël (entre le 27 et le 29 décembre 2017), M. … assurait seul le service de la chambre. Le 22 décembre 2017 à 16 heures, soit avant mon départ en congé, j’avais préparé un certain nombre de courriers que j 'ai laissés dans mon bureau avec les dossiers respectifs afin que M. … vienne les récupérer pour les traiter.

M. … m'a posé la question s'il devait garder le courrier entrant pendant mon absence au greffe et je lui ai donné pour instruction contraire de me les monter dans mon bureau.

Or à mon retour le 2 janvier 2018, tous les dossiers avec les courriers préparés le 22 décembre 2017 se trouvaient encore dans mon bureau, comme je les y avais laissés et aucun courrier entrant ne m'avait été monté. Bref M. … n'était pas passé dans mon bureau pendant ces trois jours.

Lui-même était en congé du 2 au 4 janvier 2018, de sorte que Mme …, la seule greffière de la …e pendant ces jours, devait d'abord évacuer le travail qui avait été délaissé par M. …, alors qu'elle travaille à mi-temps.

J'en ai parlé à M. … à son retour le vendredi, 5 janvier 2018, ainsi que du fait que régulièrement des bulletins aux avocats sortaient avec des fautes grossières (omissions de mots entiers dans la version dactylographiée), de sorte que je lui demandais de me soumettre désormais tout courrier sortant pour vérification.

Je lui ai également demandé le 5 janvier 2018 qu'il prenne bien note de toutes mes remarques, de celles des autres juges de la chambre et de celles de ses collègues greffiers plus expérimentés.

J'avais l'impression qu'il n'entendait pas vraiment ce que je disais. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu avec un cahier de notes.

Le 11 janvier 2018, dans le dossier portant le numéro de rôle 176269, j'ai trouvé une lettre de Me … du 29 novembre 2017 qui m’était adressée, mais que M. … ne m'avait jamais continuée, et qui demandait une injonction de conclure contre son adversaire Me ….

Sans m'en parler, M. … avait décidé d’émettre, en mon nom, un simple nouvel échéancier, le 1er décembre 2017 (et qui donnait dès lors l'impression que j'avais volontairement ignoré le souhait de Me …).

Me … m'a donc encore une fois transmis la même demande, le 10 janvier 2018.

J'ai expliqué (même si cela devait aller de soi) à M. … qu'il est essentiel que tous les courriers qui me sont adressés me parviennent effectivement.

Le 23 janvier 2018, Monsieur … me monte, pour signature, un avis (dans le dossier n° 186081) avec pas moins de 4 fautes dans deux lignes (pièce annexée). Il ne se montre pas pour le moins gêné.

Au courant de mars 2018, je trouve dans le dossier 116840 un échéancier sorti le 27 février 2018 au nom du magistrat de la mise en état … (cela fait des années que Mme … n'est plus Vice-Présidente de la …e chambre et un tel bulletin peut évidemment être à l'origine d'interrogations pour les avocats destinataires).

En avril 2018, Me Schwartz demande la délivrance d'une grosse de notre jugement n° 305/2017. Il ne peut être fait droit à cette demande par le bureau compétent, étant donné que la minute de ce jugement rendu le 6 décembre 2017 (portant en outre la date erronée du 22 novembre 2017) a été perdue par M. …. Pourtant, il met une à deux semaines avant d'en parler à Mme …. Il met encore près d'un mois pour régler le problème (voir infra).

Mi-mai 2018, notre farde de procédure du dossier 67740 a disparu. Elle réapparaît seulement après quelques jours et après que j'en ai parlé à Mme …. Il s'est avéré par après que M. … l'avait envoyée par inadvertance à Me …, l'un des avocats dans ce dossier suite au prononcé d'un jugement avant dire droit.

Le 17 mai 2018, j'ai un entretien avec M. … et Mme … au sujet de l'attitude au travail de M. …, de ses négligences, de son défaut de concentration. Je donne à considérer que greffes et juges ont montré beaucoup de patience avec M. …, mais que désormais, nous n'avons plus beaucoup d'espoir d'amélioration de la qualité de son travail.

Mme …, qui d'après ses dires n'en peut plus, envisage un changement de service, de sorte que M. … sera probablement amené à former un greffier mi-temps à partir d’automne.

Nous prévoyons que chacun de nous, M. … et moi-même, aura, de son côté, un entretien formel avec M. … pour lui rappeler encore une fois ses responsabilités et de nous revoir le 31 mai 2018.

Pour l'audience de mise en état du 30 mai 2018, j'avais fixé une affaire (rôle 181627) pour radiation-sanction, au motif que les avocats n 'avaient pas réagi à mon courrier du mois de février 2018. Me … répond qu'il a bien réagi par fax du 8 février 2018 (courrier et transmis de fax à l'appui). Ce courrier de Me … ne se trouve pas au dossier.

Le 22 mai 2018, je me base sur cet exemple pour rendre M. … attentif au fait que d'une manière générale, mais surtout avant de pouvoir émettre des bulletins annonçant des sanctions aux avocats, je dois avoir une confiance absolue dans le travail du greffe, mais que désormais, je ne sais pas si des courriers que le greffe était censé envoyer l'étaient effectivement ni si des courriers entrants m'étaient transmis et bien classés au dossier. Que je n’ose plus faire mon travail de juge de la mise en état et émettre des sanctions aux avocats qui laissent traîner leur affaire, étant donné que je crains que souvent, le problème se situe plutôt du côté de notre greffe que du côté des avocats. Que je m'inquiète pour la réputation de la …e chambre. Je lui indique également que tous ces courriers et charges de travail supplémentaires pour les avocats sont évidemment facturés aux clients.

Ensuite, parmi les 7 jugements préparés pour le 30 mai 2018 :

 la mise en page n’était pas terminée dans l'un (différence de police dans le jugement 187398 … c. …) ;

 pour le jugement 186428, rendu par défaut contre deux défendeurs, l'un des défendeurs était omis ;

 pour le jugement dans le rôle 170291, il y avait une erreur concernant l'avocat constitué (société … au lieu de Me …) et, surtout de multiples fautes de frappe notamment dans les noms des avocats.

Le 30 mai 2018, Mme … m’a également informée d'un dossier qui se trouvait sur le bureau de M. … depuis un certain temps et où apparemment, il essayait vainement de joindre un huissier, à ma demande. Elle lui avait suggéré de m’en parler (ce qu'il n'avait cependant pas fait).

Comme je ne voyais pas du tout de quoi il était question, j'ai demandé à M. … ce qu'il en était et de me monter le dossier (le 31 mai 2018).

J'ai dû constater que dans ce dossier, qui concerne la liquidation de l'étude de l'huissier … et l'administration de sa succession, où l'huissier … est nommé administrateur judiciaire et dans lequel notre chambre a rendu deux jugements le 21 mars 2018, j'avais inscrit, en quelques mots, à titre d'aide-mémoire pour moi, le résultat de mon entretien téléphonique du 23 mars 2018 avec l'administrateur judiciaire, comme suit « 23.3 tél. … p. confirmer suites —scannage dossiers est économiquement non viable, -saisine du matériel informatique par police-les héritiers ne sont pas au courant (secret instruction) » Il s'avère que sur base de ces notes, M. … a compris que lui-même devait téléphoner à l'huissier pour confirmer « quelque chose », qu'il a parlé à 2 reprises au secrétariat de l'huissier …, qu'il leur a demandé de faire une confirmation (de je ne sais quoi) par fax, qu'il s'est noté la date du 15 mai 2018 pour contrôler si le fax lui était parvenu (ce qui n'était pas le cas) et qu'il a, le 25 mai 2018, rappelé l'étude de l'huissier …, où le secrétariat lui a encore confirmé qu'il serait donné suite à son appel. Il a noté sur le dossier qu'il restait dans l'attente d'un fax.

Pendant tout ce temps, je n'étais au courant de rien. Malgré le fait qu'il ne pouvait manifestement pas comprendre mes notes manuscrites qui n'avaient aucun rapport avec le jugement qui venait d'être rendu et que jamais jusque-là je ne lui avais demandé de téléphoner à qui que ce soit, sauf instructions orales, très précises et banales — par exemple téléphoner à un expert pour demander si les parties avaient payé les frais d'expertise, il s'est lancé de la sorte sans me demander la moindre confirmation ou précision complémentaire. Il ne m'a à aucun moment demandé ce qu'il devait faire, malgré le fait que les informations étaient apparemment sensibles (« secret de l'instruction »), il a discuté avec le secrétariat et a demandé l'envoi d'un fax (alors qu'une telle demande ne se trouvait pas non plus dans ce qu'il dit avoir compris comme étant mes instructions). Il a gardé le dossier pendant plus de deux mois, a relancé à son initiative le secrétariat de l'huissier …, et si Mme … ne m'en avait pas parlé, je n'aurais jamais appris ses initiatives.

Il n'a par ailleurs pas su me préciser, ni lorsque je lui en ai parlé seul, ni un peu plus tard, lorsque M. … lui a posé des questions, ce qu'il avait compris qu'il devait faire ni sur quelles informations devait porter le fax qu'il attendait.

Suite à cet entretien, j'ai téléphoné le 31 mai ou le 1er juin 2018 à M. … pour clarifier la situation. M. … m'a indiqué à cette occasion qu'avant d'exécuter les jugements du 21 mars 2018, il avait prévu de les signifier aux parties et que dans cette attente, il avait demandé la délivrance de grosses par fax du 12 avril 2018, adressé à notre greffe (extension-644), mais que celles-ci ne lui étaient toujours pas parvenues.

J'en ai parlé à M. … qui m 'a rassurée que si des demandes de délivrance de grosse lui parvenaient dans un dossier, il les continuait directement au service concerné, mais qu'il n'avait pas reçu de telle demande dans ce dossier. Je lui ai fait la remarque qu'il s'en souviendrait certainement dans ce cas étant donné que le dossier se trouvait justement sur son bureau pendant tout ce temps.

Le 5 juin 2018, suite à ma demande, je reçois de la part de M. … la copie de son courrier avec la preuve de la transmission parvenue à notre greffe, le 12 avril 2018. Il y a lieu de préciser que le 12 avril 2018 se situait pendant les vacances de Pâques et que M. … assurait seul le service à la …e chambre pendant cette semaine.

Le 5 juin 2018, Mme … m 'informe qu'elle s'inquiète pour la minute perdue du jugement du 6 décembre 2017 (cf ci-avant), problème que M. … ne semble toujours pas avoir résolu (il résulte de l'inscription du service des archives que le dossier archivé, qui contient la copie du jugement, a été demandé par M. … le 9 mai 2018 et qu'il l'a reçu le 11 mai 2018). Elle a alors pris l'initiative d'ouvrir le tiroir de M. ….

Elle y a trouvé :

 des pièces, déposées par un avocat le 14 mai 2018, dans le dossier 185905  la minute d'un jugement (recours psychiatrique Cassandra Lemoine) du 17 mai 2018  le dossier portant le numéro de rôle 143333 (assez volumineux), dans lequel la dernière instruction de ma part date du 8 novembre 2017, et suivant laquelle M.

… devait téléphoner à l'expert pour vérifier si ses honoraires avaient bien été réglés et s'il avait lui-même distribué les rapports d'expertise aux avocats, étant donné que seul un rapport d'expertise se trouvait au dossier du tribunal.

M. … ne pouvait me dire pour quelle raison ce dossier se trouvait dans son tiroir.

Il n'avait en tout cas pas téléphoné à l’expert ni demandé d'autres instructions de ma part. Le dossier n'avait pas non plus été fixé à une date pour vérification ou contrôle.

J'ai moi-même constaté que ce dossier, les pièces et la minute du jugement susmentionnés se trouvaient effectivement dans le tiroir.

M. … n'a pas su nous donner d'autres explications, sauf qu'il avait tout contrôlé et que « ech leen säit Eiwegkeeten näischt méi an den Tirang », ce qui était manifestement faux, au vu des documents datant de la mi-mai 2018.

Dans une affaire d'intérêts civils TAL2018-02033, fixée pour plaidoiries au 16 mai 2018, il s'est avéré que le condamné au pénal, défendeur au civil, a dû être cité en personne car il n'était plus représenté par son avocat de l’époque. J'avais personnellement demandé à M. … du Parquet de citer le civilement responsable pour notre audience du 20 juin 2018. Le 6 juin 2018, M. … a fait un courriel au greffe pour rappeler sa demande précédente par téléphone pour savoir à quelle date il devait citer la personne, sachant qu'il fallait respecter les délais de distance et que la date du 20 juin était trop rapprochée. Mme … m'a informée qu'elle-même n'avait pas eu M. … au téléphone, de sorte que l'interlocuteur de M. … était nécessairement M.

…. Or suite à cet appel, M. … n'a pas demandé d'instructions ni à Mme … ni à moi-même.

Si M. … ne s'était pas re-manifesté par écrit, nous aurions découvert l'absence de citation pour le 20 juin 2018 à l’audience-même. A défaut d'informations quant au problème de délai de citation, j'aurais probablement conclu que c'était M. … qui n'avait pas fait son travail.

Ce même 6 juin 2018, Mme … a encore, avec Mme …, responsable de bureau des chambres civiles, soumis le tiroir de M. … à un examen plus approfondi.

Elle y a notamment trouvé deux courriers de rappel Me … des 19 février et 15 mars 2018 concernant le rôle 175959 dans lesquels il fait référence à sa demande de remplacement d'expert du 3 octobre 2017 et à ses « diverses lettres de rappel » qui ne figurent pas au dossier.

Ainsi, le juge de la mise en état n'a pu avoir connaissance qu'en juin 2018 de courriers remontant aux mois de février et mars.

Il y a lieu de noter que dans ce dossier, la confusion est complète. Ainsi, par exemple, j'avais donné pour instruction au greffe le 23 octobre 2017 de préparer une ordonnance de remplacement du juge-commissaire pour que Mme … assume désormais cette fonction; or, cette ordonnance n'a jamais été préparée, sans que je ne sois pour autant informée d'éventuelles difficultés rencontrées par le greffe pour ce faire. Par ailleurs, le bulletin que le juge de la mise en état avait donné pour instruction au greffe de préparer le 17 mai 2018 n'a été classé au dossier que le 29 mai 2018, et ceci seulement après demande en ce sens dudit magistrat datant du 24 mai 2018. Concernant encore l’ordonnance de remplacement partielle de l'expert du 9 novembre 2017, le dossier ne contient ni l'original de cette décision, ni une photocopie renseignant que cette ordonnance a été signée par le juge.

Dans le tiroir de M. …, MMes … et … ont également trouvé un jeu de conclusions de Me … dans le dossier 174532, déposé le 2 février 2018 pour l'audience du 14 février 2018. J'avais vu ses conclusions à l'époque étant donné qu'il s'y trouve ma mention manuscrite « classer au dossier ». Il s'y trouve également l'inscription par M. … sur un post-it « suspens-voir autres ».

Les conclusions n'ont donc pas été classées dans le dossier mais se trouvent, probablement depuis février 2018, dans le tiroir de M. ….

Dans un courrier du 4 mai 2018 dans le dossier n° 179462, l'expert judiciaire … se réfère à une demande de prolongation de délai pour la date de son rapport du 5 février 2018, et écrit être toujours en attente d'un retour du tribunal quant à une nouvelle date pour le dépôt du rapport. Cette demande du 5 février 2018 ne figure pas au dossier.

Mme … m'informe encore que régulièrement, les courriers, conclusions et pièces se trouvent pêle-mêle dans le dossier déjà classé au lieu d'être rangés dans les fardes prévues à cet effet, et qu’elle doit donc reprendre le travail de M. … à ce niveau.

Tous ces exemples (documentés) et une multitude d'autres, corrigés quotidiennement à tous les niveaux par différentes personnes et qui se répètent malgré toutes les explications, encouragements et peines que l'on se donne, me font douter très sérieusement de la conscience professionnelle, sinon de l'aptitude de M. … pour le travail de greffier.

Son inaptitude au poste est en train de causer une sérieuse désorganisation de la chambre, avec perte de temps énorme, tant pour sa collègue à mi-temps que pour moi-même et les autres juges.

La perte des courriers et éléments de procédure, qui engendre une grande difficulté à mener à bien la mise en état, est à l'origine d'un stress permanent.

Nous avons décidé dans l'immédiat que désormais les bulletins et documents divers de la …e chambre ne seront plus mis dans les cases des avocats (comme le font les autres chambres), mais, pour pouvoir retracer du moins les courriers sortants, seront transmis par fax - ce qui entraîne évidemment une surcharge de travail en rapport avec le contrôle de la transmission et une augmentation du volume des dossiers à cause des multiples transmis qui seront désormais annexés à chaque bulletin.

Pour les fax entrants, nous n'avons pas de solution.

Se pose évidemment la question de savoir où sont passés tous ces courriers, courriels, conclusions et éventuellement pièces disparues que nous n'avons pas localisés.

Le rôle des juges et du collègue-greffier n'est certainement pas de contrôler et de vérifier en permanence le travail élémentaire et quotidien de M. … parce que celui-ci ne prend pas au sérieux ses responsabilités.

Mon travail de magistrat président de chambre ne me laisse par ailleurs pas le temps qui serait nécessaire pour tout contrôler.

Tôt ou tard, la responsabilité de l’Etat risque d'être mise en cause pour un document égaré alors qu'au niveau de la chambre, nous ne sommes pas en mesure de maîtriser la situation.

Je m'inquiète particulièrement pour l'état des dossiers à la rentrée après des semaines où M. … sera pratiquement seul en charge de la chambre, en sachant que les problèmes ne nous apparaissent qu'après un certain temps.

Etant donné que la confiance indispensable entre le juge et le greffe est définitivement compromise, j'espère que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, vous pourrez intervenir en vue d'un remplacement de M. … au greffe de la …e chambre.

Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de ma très haute considération.

… Vice-Présidente » Toutes les pièces à l'appui des reproches envers Monsieur … sont jointes à la présente.

Sur ce Monsieur … fut invité par Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … à prendre position, ce qu'il a fait en date du 21 juin 2018. La lettre est jointe à la présente.

Sur cette lettre Madame … a une nouvelle fois pris position en date du 13 juillet 2018 (lettre jointe à la présente) et elle a même révélé de nouveaux faits qui s'étaient produits entre le 12 juin 2018 et le 13 juillet 2018. Elle a consenti qu'il y avait une légère amélioration après une entrevue qui avait eu lieu en date du 14 juin 2018, mais que deux semaines plus tard la situation s'était à nouveau détériorée et elle a dû constater les faits suivants :

 que Monsieur … lui soumettait pour signature des jugements et bulletins avec beaucoup de fautes d'inattention qui ont été corrigées par d'autres personnes, afin de ne pas perdre de temps; par exemple, dans l'un des jugements, l'adresse d'une des parties était inventée de toutes pièces.

 qu'il avait fait une « correction » d'orthographe de sa propre initiative par rapport à une préparation manuscrite d'un bulletin qu'elle lui avait demandé de taper, sauf que 1., il ne s'agissait pas d'une faute d'orthographe de sa part, et que 2., il ne l'a pas rendue attentive par rapport au changement qu'il avait opéré !  que dans un autre dossier que elle lui avait demandé de fixer à une audience « pour désistements » (sa préparation manuscrite), il a de sa propre initiative remplacé ses mots par « pour désistement d'instance », ce qui était cependant faux, étant donné qu'il s'agissait justement de deux désistements, et que l'un était un désistement d'instance et l'autre un désistement d'action. Ici encore, il ne l'a pas rendue attentive au changement par rapport à sa préparation, que j'ai constaté par moi-même.

 Au cours de la semaine du 11 juillet 2018, M. … a envoyé un bulletin aux avocats en son nom, dont il ne lui avait pas, au préalable, montré la version dactylographiée, se référant à un courrier d'avocat avec telle date, mais où la date était fausse (alors qu'elle avait indiqué la bonne date dans sa version manuscrite), et où l'adversaire s'insurge maintenant que l'autre avocat ne lui ait pas envoyé de copie de sa lettre (portant la date erronée) qui aurait été envoyée au tribunal. Ces fautes récurrentes vont ainsi jusqu'à causer des malentendus, voire disputes entre avocats. Madame … vient d'écrire un nouveau bulletin aux avocats pour redresser l'erreur et s'est excusée auprès des deux avocats pour les tracas causés.

En date du 25 octobre 2018, Monsieur le greffier en chef du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … m'a soumis une lettre dans laquelle il fait un résumé de tous les faits reprochés à Monsieur … et des promesses d'amélioration que ce dernier a émises lors de différents entretiens en présence de Madame le vice-président …, de Madame le premier juge …, de Madame le greffier en chef adjoint … et de Madame la responsable des greffes de chambres civiles….

Dans cette même lettre, Monsieur … fait encore référence à des faits datant de la période d'affectation de Monsieur … au cabinet d'instruction de Luxembourg pendant les années 2016 à 2017. Ces faits ont conduit à la mutation de Monsieur … dans un autre service. Ce n'est qu'après l'apparition de nouvelles difficultés dans son nouveau service d'affectation, que Madame le juge d'instruction … a pris position par écrit en date du 1er octobre 2018 quant aux manquements de Monsieur … dans ses devoirs. Madame … l'avait déjà signalé auparavant sans avoir pris position par écrit.

Dans sa lettre du 1er octobre 2018, elle énonce tous les reproches constatés à l'égard de Monsieur … dans l'exécution de ses tâches au greffe du cabinet d'instruction de Luxembourg, à savoir :

1) au niveau de la gestion journalière des dossiers :

 de ne pas avoir tenu une liste des dossiers,  de ne pas avoir classé les actes dans les dossiers,  de ne pas avoir coté les actes et les courriers,  de ne pas avoir prolongé des mandats de dépôts dans les dossiers impliquant des détenus, 2) au niveau de la gestion journalière du bureau :

 de ne pas avoir répondu au téléphone  de ne pas avoir continué des messages laissés par les experts et les enquêteurs,  de ne pas avoir traité convenablement le courrier entrant et sortant (non-classement des cartes postales en cas d'envoi par recommandé avec accusé de réception mettant la finalité du système à néant/ absence de continuation du courrier entrant dans des délais convenables/ envoi tardif du courrier sortant/ oubli d'originaux en salle photocopie et perte par conséquent),  d'avoir refusé de tenir une liste des dossiers à reproduire, (malgré d'itératifs rappels à ce sujet, refus de rechercher et de ramener les dossiers réclamés)  d'avoir réalisé un très petit volume (rendement) de préparation d'actes (par exemple :

la préparation d'un « mandat d'arrêt » nécessitait quatre mois/ la mise en page n'était pas soignée/ beaucoup de fautes de frappe) 3) au niveau de la présence au bureau :

 d'être arrivé tardivement au bureau même pendant les semaines de « permanence »,  d'avoir eu des absences prolongées pendant la journée,  d'avoir pris du congé intempestivement.

Les faits énoncés par Madame … constituent tous, dans le chef de Monsieur …, un manquement hautement grave à ses obligations vis-à-vis de son supérieur Madame … et de son travail en général. Ces manquements mettent, surtout dans un cabinet d'instruction, en péril les procédures qui risquent d'être mises à néant si les délais ne sont pas respectés. Un tel comportement irresponsable peut conduire à ce que le juge d'instruction soit obligé à mettre un détenu en liberté à cause d'un vice de procédure.

Le comportement de Monsieur … est susceptible de constituer un manquement aux devoirs inscrits aux articles 9 et 10.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et à l'article 81 de la loi sur l'organisation judiciaire.

Je vous signale encore que les reproches faisant l'objet de la présente saisine sont indiqués sous réserve de tous droits, moyens et qualifications, faits nouveaux ou autres précisions à faire valoir ultérieurement. (…) ».

Dans son rapport du 24 septembre 2019 clôturant l’instruction, le commissaire du gouvernement envisagea de transmettre le dossier au conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommé ci après le « statut général ».

Par un courrier du 24 septembre 2019, le commissaire du gouvernement communiqua à Monsieur … une copie du rapport clôturant l’instruction, afin qu’il puisse prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter des observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Monsieur … ne prit pas position quant au rapport clôturant l’instruction du 24 septembre 2019, de sorte que le dossier fut transmis au Conseil de discipline le 11 octobre 2019, qui en date du 3 décembre 2019 prit la décision qui suit :

« (…) Vu le dossier constitué à charge de … par le commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, saisi en application de l'article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général, par lettre du Ministre de la Justice du 17 décembre 2018, d'une instruction disciplinaire à l'encontre de … et transmis pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 11 octobre 2019.

Vu le rapport d'instruction du 24 septembre 2019.

Les reproches adressés à l'encontre de … sont libellés comme suit :

« Monsieur … fait l'objet d'une procédure disciplinaire en raison d'irrégularités constatées en relation avec ses obligations résultant de son travail tant au greffe du cabinet d'instruction à Luxembourg qu'au greffe de la … chambre civile au tribunal d'arrondissement de Luxembourg où il est en charge de la gestion administrative du greffe. Ce travail consiste entre autres dans l'assistance aux audiences, dans la préparation des dossiers avant et après audience, dans la mise en forme des jugements préparés par les magistrats pour les délivrer après relecture par un magistrat aux avocats, de l'expédition des copies des jugements et de l'interconnexion avec les avocats pour leur fournir les renseignements nécessaires au suivi d'un dossier.

Monsieur … après un passage de quatre années depuis son entrée en fonctions à l'administration judiciaire au cabinet d'instruction, a dû être muté dans un autre service à la demande du juge d'instruction et suite à de nombreuses mésententes dues à une exécution non soignée, même négligée des tâches qui lui incombaient. Le cabinet étant un service qui exige un travail très ordonné au vu des nombreuses procédures imposant des délais à respecter, Monsieur … de par sa négligence n'était plus tenable pour ce service. En date du 15 septembre 201 [lisez 2017], il fut alors affecté au greffe de la … chambre sous la présidence de Madame la vice-présidente … Au début de son entrée en fonction au greffe d'une chambre civile, la chance de se familiariser avec ses nouvelles tâches fut accordée tant par les magistrats que par sa collègue-greffière à Monsieur …. 11 venait d'un service essentiellement axé sur la procédure pénale et devait maintenant faire face à des procédures civiles. II est évident qu'il devait s'habituer à sa nouvelle situation. Après plusieurs avertissements oraux tant de la part de Madame … que du greffier en chef Monsieur …, qui en ont d'ailleurs à chaque fois informé le bureau du personnel, Madame … a déposé une lettre de plainte contre Monsieur … à Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui l'a continuée à Madame le Procureur général.

Madame … y fait état de tous les dysfonctionnements qu'elle a pu constater chez Monsieur … dans l'exécution de ses fonctions. La lettre datée du 12 juin 2018 est reproduite ci-après dans son entièreté [pièce 004-70-18] :

« Luxembourg, le 12 juin 2018 Madame la Présidente, Par la présente, je me permets d'attirer votre attention sur le dysfonctionnement du service du greffe de la …e chambre civile du tribunal.

Depuis le 15 septembre 2017, M. … y exerce sa fonction de greffier à plein temps, tandis que Mme … y travaille à mi-temps.

M. … est greffier au tribunal (auparavant au cabinet d'instruction) depuis quatre ans et préparera apparemment son examen de promotion à l'automne 2018.

Depuis son arrivée au service, une proportion alarmante de courriers et de documents ne parviennent pas aux juges auxquels ils sont adressés, alors que suivant récépissé de fax, ils sont bien parvenus au greffe (le fax se trouve dans le bureau-même du greffe de la …e chambre). L'un de ces fax (du 30 novembre 2017), qui après près d'une semaine n'était pas rangé dans le dossier (fax qui n'est d'ailleurs, à l'heure actuelle pas apparu) a ainsi donné l’occasion à l'avocat Me … de présenter un acte de récusation contre ma personne, au motif que mon affirmation à l'audience du 6 décembre 2017 selon laquelle je n'avais pas son fax dans mon dossier, serait mensongère.

Pendant le service réduit de Noël (entre le 27 et le 29 décembre 2017), M. … assurait seul le service de la chambre. Le 22 décembre 2017 à 16 heures, soit avant mon départ en congé, j’avais préparé un certain nombre de courriers que j 'ai laissés dans mon bureau avec les dossiers respectifs afin que M. … vienne les récupérer pour les traiter.

M. … m 'a posé la question s'il devait garder le courrier entrant pendant mon absence au greffe et je lui ai donné pour instruction contraire de me les monter dans mon bureau.

Or à mon retour le 2 janvier 2018, tous les dossiers avec les courriers préparés le 22 décembre 2017 se trouvaient encore dans mon bureau, comme je les y avais laissés et aucun courrier entrant ne m'avait été monté. Bref M. … n'était pas passé dans mon bureau pendant ces trois jours.

Lui-même était en congé du 2 au 4 janvier 2018, de sorte que Mme …, la seule greffière de la …e pendant ces jours, devait d'abord évacuer le travail qui avait été délaissé par M. …, alors qu'elle travaille à mi-temps.

J'en ai parlé à M. … à son retour le vendredi, 5 janvier 2018, ainsi que du fait que régulièrement des bulletins aux avocats sortaient avec des fautes grossières (omissions de mots entiers dans la version dactylographiée), de sorte que je lui demandais de me soumettre désormais tout courrier sortant pour vérification.

Je lui ai également demandé le 5 janvier 2018 qu'il prenne bien note de toutes mes remarques, de celles des autres juges de la chambre et de celles de ses collègues greffiers plus expérimentés.

J'avais l'impression qu'il n'entendait pas vraiment ce que je disais. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu avec un cahier de notes.

Le 11 janvier 2018, dans le dossier portant le numéro de rôle 176269, j'ai trouvé une lettre de Me … du 29 novembre 2017 qui m’était adressée, mais que M. … ne m'avait jamais continuée, et qui demandait une injonction de conclure contre son adversaire Me ….

Sans m'en parler, M. … avait décidé d’émettre, en mon nom, un simple nouvel échéancier, le 1er décembre 2017 (et qui donnait dès lors l'impression que j'avais volontairement ignoré le souhait de Me …).

Me … m'a donc encore une fois transmis la même demande, le 10 janvier 2018.

J'ai expliqué (même si cela devait aller de soi) à M. … qu'il est essentiel que tous les courriers qui me sont adressés me parviennent effectivement.

Le 23 janvier 2018, Monsieur … me monte, pour signature, un avis (dans le dossier n° 186081) avec pas moins de 4 fautes dans deux lignes (pièce annexée) [pièce 005-70-18]. Il ne se montre pas pour le moins gêné.

Au courant de mars 2018, je trouve dans le dossier 116840 un échéancier sorti le 27 février 2018 au nom du magistrat de la mise en état … [pièce 006-70-18] (cela fait des années que Mme … n'est plus Vice-Présidente de la …e chambre et un tel bulletin peut évidemment être à l'origine d'interrogations pour les avocats destinataires).

En avril 2018, Me Schwartz demande la délivrance d'une grosse de notre jugement n° 305/2017. Il ne peut être fait droit à cette demande par le bureau compétent, étant donné que la minute de ce jugement rendu le 6 décembre 2017 (portant en outre la date erronée du 22 novembre 2017) a été perdue par M. …. Pourtant, il met une à deux semaines avant d'en parler à Mme …. Il met encore près d'un mois pour régler le problème (voir infra).

Mi-mai 2018, notre farde de procédure du dossier 67740 a disparu. Elle réapparaît seulement après quelques jours et après que j'en ai parlé à Mme …. Il s'est avéré par après que M. … l'avait envoyée par inadvertance à Me …, l'un des avocats dans ce dossier suite au prononcé d'un jugement avant dire droit.

Le 17 mai 2018, j'ai un entretien avec M. … et Mme … au sujet de l'attitude au travail de M. …, de ses négligences, de son défaut de concentration. Je donne à considérer que greffes et juges ont montré beaucoup de patience avec M. …, mais que désormais, nous n'avons plus beaucoup d'espoir d'amélioration de la qualité de son travail.

Mme …, qui d'après ses dires n'en peut plus, envisage un changement de service, de sorte que M. … sera probablement amené à former un greffier mi-temps à partir d’automne.

Nous prévoyons que chacun de nous, M. … et moi-même, aura, de son côté, un entretien formel avec M. … pour lui rappeler encore une fois ses responsabilités et de nous revoir le 31 mai 2018.

Pour l'audience de mise en état du 30 mai 2018, j'avais fixé une affaire (rôle 181627) pour radiation-sanction, au motif que les avocats n 'avaient pas réagi à mon courrier du mois de février 2018. Me … répond qu'il a bien réagi par fax du 8 février 2018 (courrier et transmis de fax à l'appui). Ce courrier de Me … ne se trouve pas au dossier.

Le 22 mai 2018, je me base sur cet exemple pour rendre M. … attentif au fait que d'une manière générale, niais surtout avant de pouvoir émettre des bulletins annonçant des sanctions aux avocats, je dois avoir une confiance absolue dans le travail du greffe, mais que désormais, je ne sais pas si des courriers que le greffe était censé envoyer l'étaient effectivement ni si des courriers entrants m'étaient transmis et bien classés au dossier. Que je n’ose plus faire mon travail de juge de la mise en état et émettre des sanctions aux avocats qui laissent traîner leur affaire, étant donné que je crains que souvent, le problème se situe plutôt du côté de notre greffe que du côté des avocats. Que je m'inquiète pour la réputation de la …e chambre. Je lui indique également que tous ces courriers et charges de travail supplémentaires pour les avocats sont évidemment facturés aux clients.

Ensuite, parmi les 7 jugements préparés pour le 30 mai 2018 :

 la mise en page n’était pas terminée dans l'un (différence de police dans le jugement 187398 … c. …) [pièce 007-70-18];

 pour le jugement 186428, rendu par défaut contre deux défendeurs, l'un des défendeurs était omis [pièce 008-70-18] ;

 pour le jugement dans le rôle 170291, il y avait une erreur concernant l'avocat constitué (société … au lieu de Me …) et, surtout de multiples fautes de frappe notamment dans les noms des avocats [pièce 009-70-18].

Le 30 mai 2018, Mme … m’a également informée d'un dossier qui se trouvait sur le bureau de M. … depuis un certain temps et où apparemment, il essayait vainement de joindre un huissier, à ma demande. Elle lui avait suggéré de m’en parler (ce qu'il n'avait cependant pas fait).

Comme je ne voyais pas du tout de quoi il était question, j'ai demandé à M. … ce qu'il en était et de me monter le dossier (le 31 mai 2018).

J'ai dû constater que dans ce dossier, qui concerne la liquidation de l'étude de l'huissier … et l'administration de sa succession, où l'huissier … est nommé administrateur judiciaire et dans lequel notre chambre a rendu deux jugements le 21 mars 2018, j'avais inscrit, en quelques mots, à titre d'aide-mémoire pour moi, le résultat de mon entretien téléphonique du 23 mars 2018 avec l'administrateur judiciaire, comme suit « 23.3 tél. … p. confirmer suites —scannage dossiers est économiquement non viable, -saisine du matériel informatique par police-les héritiers ne sont pas au courant (secret instruction) [pièce 010-70-18]» Il s'avère que sur base de ces notes, M. … a compris que lui-même devait téléphoner à l'huissier pour confirmer « quelque chose », qu'il a parlé à 2 reprises au secrétariat de l'huissier …, qu'il leur a demandé de faire une confirmation (de je ne sais quoi) par fax, qu'il s'est noté la date du 15 mai 2018 pour contrôler si le fax lui était parvenu (ce qui n'était pas le cas) et qu'il a, le 25 mai 2018, rappelé l'étude de l'huissier …, où le secrétariat lui a encore confirmé qu'il serait donné suite à son appel. Il a noté sur le dossier qu'il restait dans l'attente d'un fax.

Pendant tout ce temps, je n'étais au courant de rien. Malgré le fait qu'il ne pouvait manifestement pas comprendre mes notes manuscrites qui n'avaient aucun rapport avec le jugement qui venait d'être rendu et que jamais jusque-là je ne lui avais demandé de téléphoner à qui que ce soit, sauf instructions orales, très précises et banales — par exemple téléphoner à un expert pour demander si les parties avaient payé les frais d'expertise, il s'est lancé de la sorte sans me demander la moindre confirmation ou précision complémentaire. Il ne m'a à aucun moment demandé ce qu'il devait faire, malgré le fait que les informations étaient apparemment sensibles (« secret de l'instruction »), il a discuté avec le secrétariat et a demandé l'envoi d'un fax (alors qu'une telle demande ne se trouvait pas non plus dans ce qu'il dit avoir compris comme étant mes instructions). Il a gardé le dossier pendant plus de deux mois, a relancé à son initiative le secrétariat de l'huissier …, et si Mme … ne m'en avait pas parlé, je n'aurais jamais appris ses initiatives.

Il n'a par ailleurs pas su me préciser, ni lorsque je lui en ai parlé seul, ni un peu plus tard, lorsque M. … lui a posé des questions, ce qu'il avait compris qu'il devait faire ni sur quelles informations devait porter le fax qu'il attendait.

Suite à cet entretien, j'ai téléphoné le 31 mai ou le 1er juin 2018 à M. … pour clarifier la situation. M. … m'a indiqué à cette occasion qu'avant d'exécuter les jugements du 21 mars 2018, il avait prévu de les signifier aux parties et que dans cette attente, il avait demandé la délivrance de grosses par fax du 12 avril 2018, adressé à notre greffe (extension-644), mais que celles-ci ne lui étaient toujours pas parvenues.

J'en ai parlé à M. … qui m 'a rassurée que si des demandes de délivrance de grosse lui parvenaient dans un dossier, il les continuait directement au service concerné, mais qu'il n'avait pas reçu de telle demande dans ce dossier. Je lui ai fait la remarque qu'il s'en souviendrait certainement dans ce cas étant donné que le dossier se trouvait justement sur son bureau pendant tout ce temps.

Le 5 juin 2018, suite à ma demande, je reçois de la part de M. … la copie de son courrier avec la preuve de la transmission parvenue à notre greffe, le 12 avril 2018 [pièce 011-70-18].

Il y a lieu de préciser que le 12 avril 2018 se situait pendant les vacances de Pâques et que M.

… assurait seul le service à la …e chambre pendant cette semaine.

Le 5 juin 2018, Mme … m 'informe qu'elle s'inquiète pour la minute perdue du jugement du 6 décembre 2017 (cf ci-avant), problème que M. … ne semble toujours pas avoir résolu (il résulte de l'inscription du service des archives que le dossier archivé, qui contient la copie du jugement, a été demandé par M. … le 9 mai 2018 et qu'il l'a reçu le 11 mai 2018). Elle a alors pris l'initiative d'ouvrir le tiroir de M. ….

Elle y a trouvé :

 des pièces, déposées par un avocat le 14 mai 2018, dans le dossier 185905  la minute d'un jugement (recours psychiatrique Cassandra Lemoine) du 17 mai 2018  le dossier portant le numéro de rôle 143333 (assez volumineux), dans lequel la dernière instruction de ma part date du 8 novembre 2017, et suivant laquelle M.

… devait téléphoner à l'expert pour vérifier si ses honoraires avaient bien été réglés et s'il avait lui-même distribué les rapports d'expertise aux avocats, étant donné que seul un rapport d'expertise se trouvait au dossier du tribunal.

M. … ne pouvait me dire pour quelle raison ce dossier se trouvait dans son tiroir.

Il n'avait en tout cas pas téléphoné à l’expert ni demandé d'autres instructions de ma part. Le dossier n'avait pas non plus été fixé à une date pour vérification ou contrôle.

J'ai moi-même constaté que ce dossier, les pièces et la minute du jugement susmentionnés se trouvaient effectivement dans le tiroir.

M. … n'a pas su nous donner d'autres explications, sauf qu'il avait tout contrôlé et que « ech leen säit Eiwegkeeten näischt méi an den Tirang », ce qui était manifestement faux, au vu des documents datant de la mi-mai 2018.

Dans une affaire d'intérêts civils TAL2018-02033, fixée pour plaidoiries au 16 mai 2018, il s'est avéré que le condamné au pénal, défendeur au civil, a dû être cité en personne car il n'était plus représenté par son avocat de l’époque. J'avais personnellement demandé à M. … du Parquet de citer le civilement responsable pour notre audience du 20 juin 2018. Le 6 juin 2018, M. … a fait un courriel au greffe [pièce 012-70-18] pour rappeler sa demande précédente par téléphone pour savoir à quelle date il devait citer la personne, sachant qu'il fallait respecter les délais de distance et que la date du 20 juin était trop rapprochée. Mme … m'a informée qu'elle-même n'avait pas eu M. … au téléphone, de sorte que l'interlocuteur de M. … était nécessairement M. …. Or suite à cet appel, M. … n 'a pas demandé d'instructions ni à Mme … ni à moi-même.

Si M. … ne s'était pas re-manifesté par écrit, nous aurions découvert l'absence de citation pour le 20 juin 2018 à l’audience-même. A défaut d'informations quant au problème de délai de citation, j'aurais probablement conclu que c'était M. … qui n'avait pas fait son travail.

Ce même 6 juin 2018, Mme … a encore, avec Mme …, responsable de bureau des chambres civiles, soumis le tiroir de M. … à un examen plus approfondi.

Elle y a notamment trouvé deux courriers de rappel Me … des 19 février et 15 mars 2018 concernant le rôle 175959 [pièce 013-70-18 et 014-70-18] dans lesquels il fait référence à sa demande de remplacement d'expert du 3 octobre 2017 et à ses « diverses lettres de rappel » qui ne figurent pas au dossier. Ainsi, le juge de la mise en état n'a pu avoir connaissance qu'en juin 2018 de courriers remontant aux mois de février et mars.

Il y a lieu de noter que dans ce dossier, la confusion est complète. Ainsi, par exemple, j'avais donné pour instruction au greffe le 23 octobre 2017 de préparer une ordonnance de remplacement du juge-commissaire pour que Mme … assume désormais cette fonction; or, cette ordonnance n'a jamais été préparée, sans que je ne sois pour autant informée d'éventuelles difficultés rencontrées par le greffe pour ce faire. Par ailleurs, le bulletin que le juge de la mise en état avait donné pour instruction au greffe de préparer le 17 mai 2018 n'a été classé au dossier que le 29 mai 2018, et ceci seulement après demande en ce sens dudit magistrat datant du 24 mai 2018. Concernant encore l’ordonnance de remplacement partielle de l'expert du 9 novembre 2017, le dossier ne contient ni l'original de cette décision, ni une photocopie renseignant que cette ordonnance a été signée par le juge.

Dans le tiroir de M. …, MMes … et … ont également trouvé un jeu de conclusions de Me … dans le dossier 174532, déposé le 2 février 2018 pour l'audience du 14 février 2018. J'avais vu ses conclusions à l'époque étant donné qu'il s'y trouve ma mention manuscrite « classer au dossier ». Il s'y trouve également l'inscription par M. … sur un post-it « suspens-voir autres ».

Les conclusions n'ont donc pas été classées dans le dossier mais se trouvent, probablement depuis février 2018, dans le tiroir de M. … [pièce 015-70-18].

Dans un courrier du 4 mai 2018 dans le dossier n° 179462 [pièce 016-70-18], l'expert judiciaire … se réfère à une demande de prolongation de délai pour la date de son rapport du 5 février 2018, et écrit être toujours en attente d'un retour du tribunal quant à une nouvelle date pour le dépôt du rapport. Cette demande du 5 février 2018 ne figure pas au dossier.

Mme … m'informe encore que régulièrement, les courriers, conclusions et pièces se trouvent pêle-mêle dans le dossier déjà classé au lieu d'être rangés dans les fardes prévues à cet effet, et qu’elle doit donc reprendre le travail de M. … à ce niveau.

Tous ces exemples (documentés) et une multitude d'autres, corrigés quotidiennement à tous les niveaux par différentes personnes et qui se répètent malgré toutes les explications, encouragements et peines que l'on se donne, me font douter très sérieusement de la conscience professionnelle, sinon de l'aptitude de M. … pour le travail de greffier.

Son inaptitude au poste est en train de causer une sérieuse désorganisation de la chambre, avec perte de temps énorme, tant pour sa collègue à mi-temps que pour moi-même et les autres juges.

La perte des courriers et éléments de procédure, qui engendre une grande difficulté à mener à bien la mise en état, est à l'origine d'un stress permanent.

Nous avons décidé dans l'immédiat que désormais les bulletins et documents divers de la …e chambre ne seront plus mis dans les cases des avocats (comme le font les autres chambres), mais, pour pouvoir retracer du moins les courriers sortants, seront transmis par fax - ce qui entraîne évidemment une surcharge de travail en rapport avec le contrôle de la transmission et une augmentation du volume des dossiers à cause des multiples transmis qui seront désormais annexés à chaque bulletin.

Pour les fax entrants, nous n'avons pas de solution.

Se pose évidemment la question de savoir où sont passés tous ces courriers, courriels, conclusions et éventuellement pièces disparues que nous n'avons pas localisés.

Le rôle des juges et du collègue-greffier n'est certainement pas de contrôler et de vérifier en permanence le travail élémentaire et quotidien de M. … parce que celui-ci ne prend pas au sérieux ses responsabilités.

Mon travail de magistrat président de chambre ne me laisse par ailleurs pas le temps qui serait nécessaire pour tout contrôler.

Tôt ou tard, la responsabilité de l’Etat risque d 'être mise en cause pour un document égaré alors qu'au niveau de la chambre, nous ne sommes pas en mesure de maîtriser la situation.

Je m'inquiète particulièrement pour l'état des dossiers à la rentrée après des semaines où M. … sera pratiquement seul en charge de la chambre, en sachant que les problèmes ne nous apparaissent qu'après un certain temps.

Etant donné que la confiance indispensable entre le juge et le greffe est définitivement compromise, j'espère que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, vous pourrez intervenir en vue d'un remplacement de M. … au greffe de la …e chambre.

Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de ma très haute considération.

… Vice-Présidente » Toutes les pièces à l'appui des reproches envers Monsieur … sont jointes à la présente.

Sur ce Monsieur … fut invité par Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … à prendre position, ce qu'il a fait en date du 21 juin 2018. La lettre est jointe à la présente [pièce 017-70-18].

Sur cette lettre Madame … a une nouvelle fois pris position en date du 13 juillet 2018 (lettre jointe à la présente) [pièce 018-70-18] et elle a même révélé de nouveaux faits qui s'étaient produits entre le 12 juin 2018 et le 13 juillet 2018. Elle a consenti qu'il y avait une légère amélioration après une entrevue qui avait eu lieu en date du 14 juin 2018, mais que deux semaines plus tard la situation s'était à nouveau détériorée et elle a dû constater les faits suivants :

 que Monsieur … lui soumettait pour signature des jugements et bulletins avec beaucoup de fautes d'inattention qui ont été corrigées par d'autres personnes, afin de ne pas perdre de temps; par exemple, dans l'un des jugements, l'adresse d'une des parties était inventée de toutes pièces.

 qu'il avait fait une « correction » d'orthographe de sa propre initiative par rapport à une préparation manuscrite d'un bulletin qu'elle lui avait demandé de taper, sauf que 1., il ne s'agissait pas d'une faute d'orthographe de sa part, et que 2., il ne l'a pas rendue attentive par rapport au changement qu'il avait opéré !  que dans un autre dossier que elle lui avait demandé de fixer à une audience « pour désistements » (sa préparation manuscrite), il a de sa propre initiative remplacé ses mots par « pour désistement d'instance », ce qui était cependant faux, étant donné qu'il s'agissait justement de deux désistements, et que l'un était un désistement d'instance et l'autre un désistement d'action. Ici encore, il ne l'a pas rendue attentive au changement par rapport à sa préparation, que j'ai constaté par moi-même.

 Au cours de la semaine du 11 juillet 2018, M. … a envoyé un bulletin aux avocats en son nom, dont il ne lui avait pas, au préalable, montré la version dactylographiée, se référant à un courrier d'avocat avec telle date, mais où la date était fausse (alors qu'elle avait indiqué la bonne date dans sa version manuscrite), et où l'adversaire s'insurge maintenant que l'autre avocat ne lui ait pas envoyé de copie de sa lettre (portant la date erronée) qui aurait été envoyée au tribunal. Ces fautes récurrentes vont ainsi jusqu'à causer des malentendus, voire disputes entre avocats. Madame … vient d'écrire un nouveau bulletin aux avocats pour redresser l'erreur et s'est excusée auprès des deux avocats pour les tracas causés.

En date du 25 octobre 2018, Monsieur le greffier en chef du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … m'a soumis une lettre [pièce 020-70-18] dans laquelle il fait un résumé de tous les faits reprochés à Monsieur … et des promesses d'amélioration que ce dernier a émises lors de différents entretiens en présence de Madame le vice-président …, de Madame le premier juge …, de Madame le greffier en chef adjoint … et de Madame la responsable des greffes de chambres civiles Danièle ….

Dans cette même lettre, Monsieur … fait encore référence à des faits datant de la période d'affectation de Monsieur … au cabinet d'instruction de Luxembourg pendant les années 2016 à 2017. Ces faits ont conduit à la mutation de Monsieur … dans un autre service. Ce n'est qu'après l'apparition de nouvelles difficultés dans son nouveau service d'affectation, que Madame le juge d'instruction … a pris position par écrit en date du 1er octobre 2018 quant aux manquements de Monsieur … dans ses devoirs [pièce 019-70-18]. Madame … l'avait déjà signalé auparavant sans avoir pris position par écrit.

Dans sa lettre du 1er octobre 2018, elle énonce tous les reproches constatés à l'égard de Monsieur … dans l'exécution de ses tâches au greffe du cabinet d'instruction de Luxembourg, à savoir :

4) au niveau de la gestion journalière des dossiers :

 de ne pas avoir tenu une liste des dossiers,  de ne pas avoir classé les actes dans les dossiers,  de ne pas avoir coté les actes et les courriers,  de ne pas avoir prolongé des mandats de dépôts dans les dossiers impliquant des détenus, 5) au niveau de la gestion journalière du bureau :

 de ne pas avoir répondu au téléphone  de ne pas avoir continué des messages laissés par les experts et les enquêteurs,  de ne pas avoir traité convenablement le courrier entrant et sortant (non-classement des cartes postales en cas d'envoi par recommandé avec accusé de réception mettant la finalité du système à néant/ absence de continuation du courrier entrant dans des délais convenables/ envoi tardif du courrier sortant/ oubli d'originaux en salle photocopie et perte par conséquent),  d'avoir refusé de tenir une liste des dossiers à reproduire, (malgré d'itératifs rappels à ce sujet, refus de rechercher et de ramener les dossiers réclamés)  d'avoir réalisé un très petit volume (rendement) de préparation d'actes (par exemple :

la préparation d'un « mandat d'arrêt » nécessitait quatre mois/ la mise en page n'était pas soignée/ beaucoup de fautes de frappe) 6) au niveau de la présence au bureau :

 d'être arrivé tardivement au bureau même pendant les semaines de « permanence »,  d'avoir eu des absences prolongées pendant la journée,  d'avoir pris du congé intempestivement.

Les faits énoncés par Madame … constituent tous, dans le chef de Monsieur …, un manquement hautement grave à ses obligations vis-à-vis de son supérieur Madame … et de son travail en général. Ces manquements mettent, surtout dans un cabinet d'instruction, en péril les procédures qui risquent d'être mises à néant si les délais ne sont pas respectés. Un tel comportement irresponsable peut conduire à ce que le juge d'instruction soit obligé à mettre un détenu en liberté à cause d'un vice de procédure.

Le comportement de Monsieur … est susceptible de constituer un manquement aux devoirs inscrits aux articles 9 et 10.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et à l'article 81 de la loi sur l'organisation judiciaire.» A l'audience publique du Conseil du mardi, 12 novembre 2019, après rapport oral du président conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, … a, en substance, reconnu la matérialité des faits lui reprochés.

À l'appui de sa défense, il entend placer les reproches dans un contexte de manque de formation spécifique et de manque de maturité dans son chef. Il expose avoir été affecté au cabinet d'instruction sans la moindre expérience en la matière et d'avoir ainsi été dépassé par les différents devoirs à assumer. Lorsqu'il a ensuite été affecté à la …e chambre civile, il aurait été d'un jour à l'autre confronté à une autre matière et à une autre procédure, sans avoir été suffisamment épaulé, ce qui expliquerait encore une fois la désorganisation constatée et les multiples irrégularités relevées.

Le délégué du Gouvernement a plus amplement passé en revue les différents reproches pour souligner que … a fait preuve d'une incompétence professionnelle et d'un laisser-aller flagrant.

Contrairement à ses dires, il aurait été, tant au cabinet d'instruction, qu'à la …e chambre, entouré par des greffiers expérimentés, mais il n'en aurait tiré aucun profit, se plaisant dans son approche chaotique et ignorant tant les conseils, que surtout les instructions. Malgré le constat d'une inaptitude à accomplir les devoirs élémentaires au cabinet d'instruction, une deuxième chance lui aurait été offerte, mais également à la …e chambre, et nonobstant des réunions préalables avec le greffier en chef, les réclamations quant à un travail défaillant n'auraient pas tardé.

Le délégué donne aussi à considérer, à titre d'illustration, que ne pas classer des documents, égarer des pièces reçues par télécopieur, ne pas montrer les courriers au juge, ne pas répondre aux appels téléphoniques, oublier de soumettre des injonctions de conclure au juge et remettre aux magistrats des préparations truffées de fautes d'inattention, ne relèveraient pas d'un manque de formation spécifique, mais témoignerait d'une attitude purement négligente parée d'une insouciance déconcertante par rapport aux conséquences.

Finalement, en contact régulier notamment avec les avocats, les justiciables, les enquêteurs, …, de par son comportement, aurait projeté une image d'incompétence, d'inefficacité et de dysfonctionnement de l'administration judiciaire sans parler des répercussions préjudiciables sur la qualité du travail effectué par les magistrats.

Il préconise de ce fait le déplacement consistant en un changement d'administration.

…, suite au réquisitoire du délégué du Gouvernement, a demandé au Conseil de ne pas suivre cette sanction. Conscient des fautes commises dans le passé, il aurait changé du tout au tout et il a plus amplement insisté sur son évolution plus que positive ces derniers mois. Après avoir pu travailler aux côtés de la greffière responsable du domaine civil, il aurait gagné en assurance, se serait d'avantage familiarisé avec la procédure civile et aurait appris à s'organiser. Il souhaite pouvoir continuer à travailler au sein de la …e chambre où il serait apprécié et bien intégré.

Les reproches libellés à charge de … sont établis par les éléments du dossier ensemble les aveux et les dépositions des témoins entendus lors de l'instruction disciplinaire et constituent un manquement à l'article 9, paragraphe 1 du statut général selon lequel le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose en l'espèce notamment les dispositions de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire dont l'article 81, à l'article 9 paragraphe 2 selon lequel le fonctionnaire est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées et à l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1 en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Aux termes de l'article 53 du statut général, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

… est rédacteur auprès de l'administration judiciaire, affecté en qualité de greffier à la onzième chambre du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg. Il est entré en fonction le 1 novembre 2013 et tient sa nomination du 1 janvier 2015. Aucun antécédent disciplinaire formel n'a été consigné à son égard.

Le Conseil de discipline rejoint le délégué du Gouvernement quant à la gravité indubitable des manquements retenus à charge du fonctionnaire. … a fait preuve d'un manque de conscience et de rigueur professionnelle caractérisé. Auxiliaire de justice au service du justiciable et participant à la mission de service public de la Justice, en contact direct notamment avec magistrats, avocats, experts, témoins, parties aux procès, interprètes, son comportement, particulièrement indigne d'une fonction de greffier, a gravement compromis les intérêts de l'administration judiciaire, raison pour laquelle la sanction préconisée par le délégué du Gouvernement semble adéquate et proportionnée.

Cependant, le Conseil de discipline décide de ne pas avoir recours à la sanction du déplacement au vu des prises de position du greffier en chef le 20 janvier 2019 et le 20 septembre 2019, corroborant les développements de … quant à une prise de conscience de sa part, quant à son évolution positive prometteuse et quant à l'absence de la moindre réclamation depuis qu'il a intégré la …e chambre du tribunal d'arrondissement, mais de prononcer la sanction prévue à l'article 47 point 3., à savoir une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base, et la sanction prévue à l'article 47 point 7., à savoir la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade, en l'espèce le classement du grade 8 échelon 10 au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272.

PAR CES MOTIFS :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, le fonctionnaire entendu en ses explications et moyens de défense et le délégué du Gouvernement en ses conclusions, se déclare régulièrement saisi ;

prononce à l'égard de …, conformément aux dispositions de l'article 53 du statut général la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base prévue à l'article 47 point 3 et la sanction prévue à l'article 47 point 7., à savoir la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade, en l'espèce le classement au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272.

condamne … aux frais de la procédure disciplinaire, ces frais étant liquidés à 79,60 euros. (…) ».

Le 20 janvier 2020, le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline introduisit une requête en rectification d’une erreur matérielle auprès du Conseil de discipline qui, en date du 4 février 2020, prit, après avoir entendu les parties à son audience du 28 janvier 2020, la décision libellée comme suit :

« (…) Vu les faits et rétroactes qui résultent à suffisance de droit des qualités, considérants et motifs d'une décision du Conseil de discipline rendue entre parties le 3 décembre 2019, numéro du registre 26/2019.

Vu la requête en rectification d'une erreur matérielle soumise le 20 janvier 2020 par le délégué du Gouvernement, Marc LEMAL, au Conseil de discipline.

Vu la convocation des parties en cause pour l'audience du 28 janvier 2020 où elles ont été entendues en leurs prises de positions respectives et le conseil de …, Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maitre Jean-Marie BAULER, en ses conclusions.

Par décision du 3 décembre 2019, numéro du registre 26/2019, le Conseil de discipline a prononcé à l'encontre de …, conformément aux dispositions de l'article 53 du statut général, la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base prévue à l'article 47 point 3 et la rétrogradation prévue à l'article 47 point 7. consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade.

Il s'est avéré que dans le dispositif de cette décision il a été repris que … est classé au grade 8, échelon 10 et que partant le grade immédiatement inférieur à son grade est le classement au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272.

Le délégué du Gouvernement expose qu'il s'agit d'une erreur matérielle par rapport à l'échelon retenu puisque si le grade dans lequel … est classé est bien le grade 8, l'échelon n'est pas, comme erronément indiqué, l'échelon 10, mais l'échelon 6. Suite à cette erreur de frappe ou d'inadvertance, le Conseil de discipline n'aurait pas, conformément à l'article 53, prononcé de « sanction », le classement ainsi opéré en raison de l'erreur n'étant pas un classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade.

Maître Jonathan HOLLER conteste l'existence d'un fondement légal permettant au délégué du Gouvernement de procéder par voie de rectification d'une erreur matérielle. À supposer pareille requête recevable, il conteste formellement l'existence d'une erreur matérielle réparable et soutient qu'il s'agit d'un problème de légalité. Il développe plus amplement des cas qui n'ont pas été considérés comme réparables par voie de rectification, dont l'erreur de droit ou l'erreur quant au fond, pour s'opposer à toute modification de la décision prise le 3 décembre 2019.

Quant à la compétence du Conseil de discipline et la recevabilité de la requête en rectification :

Le projet de loi n°7307 sur le renforcement de l'efficacité de la Justice civile et commerciale prévoit la modification du Nouveau Code de procédure civile par la création de bases légales instituant formellement une procédure de rectification d'erreur ou d'omission matérielle ainsi qu'une procédure en interprétation des jugements.

Il est exact qu'à l'heure actuelle aucune disposition légale ni réglementaire ne règle la rectification d'une erreur matérielle contenue dans une décision judiciaire ou administrative.

Cependant, la jurisprudence a accepté le principe d'un tel recours depuis très longtemps.

Ainsi le Tribunal administratif (décisions TA 15-6-05 16867b et 16912b et TA 29-4-09 24721) a retenu : « En effet, si ni la loi du 21 juin 1999, ni le Nouveau Code de procédure civile, ni aucune autre disposition légale ne contiennent des règles relatives à la rectification d'une erreur matérielle dans un jugement du tribunal administratif, il est cependant admis, en l'absence de texte légal afférent, que le principe, suivant lequel le jugement dessaisit le juge, connaît des exceptions, notamment dans l'hypothèse d'une erreur matérielle contenue dans le jugement prononcé. Il est ainsi constant que la rectification est légalement permise lorsque l'erreur a été commise par le tribunal lui-même et que sa rectification consiste à ne pas porter atteinte à la chose jugée, mais à faire respecter les intentions du tribunal et sa véritable décision ».

Seule la juridiction qui a rendu une décision juridictionnelle est également compétente pour la rectifier (CA 28-2-08, 23349C).

S'il a été jugé, à de multiples reprises, que le Conseil de discipline ne constitue pas en droit national une juridiction, il a cependant été relevé que cet organe dispose de pouvoirs quasi-juridictionnels et que le Conseil de discipline, autorité administrative autonome chargée d'infliger des sanctions pouvant aller jusqu'à la révocation, assure par là même une mission proche d'une juridiction répressive (CA 10-12-19, 43348C).

Il en suit que le Conseil de discipline est compétent pour statuer sur une requête en rectification d'une erreur matérielle.

La rectification peut être opérée soit sur requête en rectification d'une partie à l'instance, soit d'office par les juges ayant rendu le jugement comportant l'erreur matérielle (TA 15-6-

05,16867b) tant que le délai d'appel court et qu'aucun appel n'a été interjeté (TA 15-6-05, 16867b et 16912b), tel étant le cas en l'espèce, la requête en rectification d'une erreur matérielle contenue dans la décision du 3 décembre 2019 précitée, présentée sous forme de requête le 20 janvier 2020 par une des parties à l'instance, en l'espèce le délégué du Gouvernement, est recevable.

Quant au bien-fondé de la requête :

La requête tend à la rectification d'une erreur matérielle consistant en l'indication d'un échelon erroné.

… est bien classé au grade 8, mais il ne conteste pas que l'échelon dans lequel il est classé n'est pas l'échelon 10, mais l'échelon 6.

L'article 47.7 du statut général dispose « la rétrogradation est une sanction qui consiste dans le classement du fonctionnaire au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation ou au grade précédant le grade immédiatement inférieur. Le grade et l'échelon de traitement dans lesquels le fonctionnaire est classé sont fixés par le Conseil de discipline dont la décision doit aboutir au résultat que le traitement nouvellement fixé soit inférieur au traitement d'avant la sanction disciplinaire ».

Il ressort des développements effectués par le délégué du Gouvernement que l'erreur de départ, à savoir l'indication d'un échelon erroné, a pour effet non pas d'aboutir à un traitement inférieur au traitement d'avant la sanction disciplinaire, mais à une promotion.

L'erreur matérielle peut être définie d'une façon générale comme étant la simple erreur de rédaction qui affecte une décision et dont la réalité se révèle à la seule lecture de la décision, en combinant le cas échéant le dispositif avec les motifs (Thierry HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au Grand-Duché de Luxembourg, 2e éd., n° 1592).

La rectification d'un jugement pour cause d'erreur matérielle, d'omission ou de double emploi est généralement admise à condition que l'erreur commise soit manifeste et ne conduit pas à une réformation ou révision des principes mêmes de la décision (R. THIRY, Précis d'Instruction Criminelle en Droit Luxembourgeois, n° 480 et jurisprudences y citées).

L'erreur est purement matérielle lorsqu'elle ne porte pas sur la substance même du jugement. Elle consiste en une inadvertance qui affecte la lettre, l'expression de la pensée réelle du juge. La réparation de cette erreur permet de sauvegarder l'esprit, la substance du jugement. Mais cette réparation doit seulement conduire à rétablir l'exacte pensée du juge ; en aucun cas, la rectification du jugement ne peut constituer un recours mettant en cause l'autorité de la chose jugée attachée à la décision (cf. Dalloz Action, Droit et pratique de la procédure civile, n°5626).

Il est incontestable, à la lecture de la décision du 3 décembre 2019, que le Conseil de discipline, conformément à l'article 53 du statut général, a entendu sanctionner le fonctionnaire … du chef des reproches établis à sa charge en retenant cumulativement les 2 sanctions prévues à l'article 47 point 3 et point 7 du statut général, à savoir l'amende et la rétrogradation.

Contrairement à l'argumentation de Maître Jonathan HOLLER, la requête en rectification ne tend pas à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, à la substance même de la décision ou à modifier son sens. …, dès le prononcé de la décision du 3 décembre 2019, a été condamné dans le dispositif « à une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base et à la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade ». Il n'a, à aucun instant, pu se méprendre sur les sanctions prononcées à son encontre et sur la portée de la décision. L'erreur porte, de surplus, sur une donnée avérée à la parfaite connaissance de …, à savoir l'échelon dans lequel il est effectivement classé.

En l'espèce, l'intention du Conseil de discipline de prononcer à l'encontre de … les deux sanctions consistant en l'amende et la rétrogradation est sans équivoque. La rectification sollicitée ne remet partant pas en question le bien-fondé de la décision qu'elle concerne mais seulement l'exacte expression de ce qui en ressort avec certitude.

Au vu de ce qui précède, la demande en rectification d'une simple erreur matérielle est fondée, la réparation en question reflétant l'exacte portée de la décision, il y a lieu, par voie de conséquence, de rectifier l'erreur matérielle contenue dans la décision du 3 décembre 2019, numéro du registre 885/2019 conformément au dispositif ci-dessous.

PAR CES MOTIFS :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, le fonctionnaire, son mandataire et le délégué du Gouvernement entendus, se déclare compétent pour statuer sur la requête en rectification introduite par le délégué du Gouvernement le 20 janvier 2020, la déclare recevable et fondée, dit qu'il y a lieu à rectification de l'erreur matérielle contenue dans la décision du 3 décembre 2019, numéro du registre 885/2019, au niveau de l'échelon dans lequel … est classé, à savoir l'échelon 6 au lieu de l'échelon 10, partant rectifie le dispositif de la prédite décision comme suit :

« le Conseil de discipline prononce à l'égard de …, conformément aux dispositions de l'article 53 du statut général, la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base prévue à l'article 47 point 3 et la sanction prévue à l'article 47 point 7, à savoir la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade 8, échelon 6, en l'espèce le grade 7, échelon 8, points 239 ».

ordonne que mention de la présente décision soit faite en marge de la minute de la décision du 3 décembre 2019 rectifiée et qu'il ne sera plus délivrée d'expédition ni d'extrait de cette dernière sans la présente rectification, laisse les frais à charge de l'Etat. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2020, inscrite sous le numéro 44229 du rôle, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 3 décembre 2019 ayant retenu à son encontre la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base, ainsi que sa rétrogradation au grade 7, échelon 12, points indiciaires 272, respectivement au grade 7, échelon 8, points 239, suite à la décision précitée dudit Conseil du 4 février 2020.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2020, inscrite sous le numéro 44312 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 4 février 2020 ayant modifié sa décision antérieure du 3 décembre 2019.

L’article 54, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par le « statut général », prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, sur renvoi du commissaire du gouvernement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal dirigé par Monsieur … contre la décision précitée du 4 février 2020.

Le recours principal en réformation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A titre liminaire, force est de relever que malgré le fait que l’Etat, en tant qu’autorité ayant pris la décision déférée, n’a pas comparu pour assurer la défense des intérêts du Conseil de discipline, bien que la requête introductive d’instance ait été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2020, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose, tout d’abord les faits et rétroactes à la base du présent litige, en retraçant sa carrière professionnelle au sein des juridictions judiciaires marquée par une entrée en fonctions le 1er novembre 2013 et une assermentation le 4 février 2014 comme greffier au cabinet d'instruction avant d’être affecté, le 15 septembre 2017, au greffe de la …e chambre civile du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg où son travail aurait donné lieu à la procédure disciplinaire sous examen, puis, à partir du 15 septembre 2018, au greffe de la …e chambre civile du même tribunal où son travail n’aurait plus donné lieu à critiques de la part des juges affectés à ladite chambre.

En droit, Monsieur … conclut à la réformation de la décision du Conseil de discipline du 4 février 2020 au motif que ce dernier aurait, à tort, opéré par rectification d'une erreur matérielle, laquelle ne reposerait sur aucun fondement légal et par le biais de laquelle le Conseil de discipline serait allé bien au-delà de ce qu'autoriserait habituellement la pratique de la rectification d'une erreur matérielle pratiquée par les juridictions.

Dans ce contexte, le demandeur fait valoir que le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline n’aurait sollicité que la sanction du déplacement, mais que le Conseil de discipline, suite à sa première décision du 3 décembre 2019, aurait décidé d’alourdir sa sanction en prononçant une amende cumulée avec une rétrogradation faisant baisser sa rémunération de 33 points indiciaires. Contrairement à ce que voudrait faire croire le Conseil de discipline, il ne se serait nullement agi de rectifier une « simple erreur de rédaction », mais « d'aggraver (encore) au maximum la peine prononcée à l'égard de Monsieur …, dans une logique de « tout répressif » et/ou de « faire un exemple » ». Or, la pratique de la rectification d'une erreur matérielle ne servirait pas à cela, dans la mesure où le Conseil de discipline n’aurait, en l’espèce pas rectifié une simple erreur de plume, mais une erreur intellectuelle, due à sa négligence fautive. En effet, selon le demandeur, ledit Conseil aurait a posteriori estimé que la sanction prononcée n'aurait pas été assez grave, de sorte à avoir voulu, par le biais de la rectification litigieuse, l’alourdir.

Il se prévaut encore dans ce contexte de la doctrine et de la jurisprudence en matière de rectification d'erreurs ou d'omissions matérielles et, après avoir dressé une liste non exhaustive d’exemples de décisions de justice ayant procédé à de telles rectifications, fait valoir que la rectification opérée ne saurait porter atteinte à la chose jugée, même s’il s’agirait de combattre une erreur de fait ou de droit évidente, et ne devrait pas viser à modifier la décision elle-même.

Il faudrait ainsi distinguer entre l'erreur « réparable » et l'erreur « réformable », afin d'éviter des utilisations abusives de la rectification d'erreur matérielle et de poser « un ultime rempart contre les abus d'une procédure que les regrets des parties et les remords des juges ne doivent pas détourner de son objet ». La cassation devrait partant être encourue pour les décisions qui, sous couvert ou sous prétexte de rectification, modifieraient le contenu ou la substance même de la décision à partir d'une nouvelle appréciation des circonstances de fait ou des règles de droit applicables.

Finalement, le demandeur s’interroge si la décision déférée du Conseil de discipline n'aurait pas empiété sur les compétences de la Cour et du tribunal administratif, telles que précisées à l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », respectivement violerait l'article 95bis de la Constitution.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur constate encore que le délégué du gouvernement n’aurait pas pris position par rapport à ses moyens tirés d’une violation du principe de légalité consacrée par l'article 14 de la Constitution et par l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », d’une violation du principe d'impartialité consacré par les droits de la défense et par l'article 6 de la CEDH, ainsi que d’une violation de l’article 42 du statut général, de sorte qu’il soutient reprendre et renvoyer aux moyens et arguments développés dans son recours introductif d'instance sur lesdits points.

Le demandeur fait encore valoir, sous l’intitulé « Existence d’une sanction disciplinaire déguisée préalable et violation du principe « non bis in idem », que le délégué du gouvernement argumenterait à tort que le Conseil de discipline ne serait pas une juridiction et que ses décisions ne seraient pas des jugements, et qu’en conséquence ses décisions seraient des décisions administratives auxquelles s'appliqueraient les règles de droit commun applicables à toutes les procédures administratives. Au contraire, le Conseil de discipline, depuis qu'il dispose d'un pouvoir décisionnel, serait considéré comme une quasi-juridiction, selon l'exposé des motifs du projet de loi n°4891, respectivement serait univoquement une véritable juridiction au sens de l'article 6 de la CEDH, de sorte à devoir respecter les garanties de ladite convention, notamment le principe de l'audience publique et l’obligation de statuer de façon équitable et impartiale.

Ce serait encore à tort que le délégué du gouvernement arguerait que le courrier du 20 janvier 2020 du délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline n'aurait ni été un recours gracieux, ni une demande en rectification d'une erreur matérielle telle qu'elle se ferait devant les juridictions judiciaires ou administratives, mais simplement une information. En effet, il ressortirait explicitement de la convocation l'audience du Conseil de discipline du 28 janvier 2020 que ledit Conseil l’aurait qualifié comme tel. Admettre le contraire aurait pour effet de changer la qualification juridique de la procédure ou de la demande, postérieurement à la décision du Conseil, ce qui porterait manifestement atteinte à ses droits de la défense, alors que sa défense et les moyens soulevés par lui, lors de cette nouvelle audience, n'auraient par définition pas été les mêmes. Par ailleurs, le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline, ni dans son courriel initial du 20 janvier 2020, ni à la nouvelle audience devant le Conseil de discipline, d’une part, n'aurait remis en cause le fait qu'il demandait une « simple » rectification d'erreur matérielle, et, d’autre part, n’aurait fait état d'une sorte de recours en réformation, dont l’objet aurait été de contester la sanction prononcée en son principe et/ou quant à sa proportionnalité.

Le demandeur critique finalement la position étatique consistant à affirmer qu’il aurait fait l’objet d’une récompense, à travers la décision du Conseil de discipline du 3 décembre 2019 ayant retenu sa rétrogradation au grade 7, échelon 12, points indiciaires 272, au regard des sanctions de l’amende et de la rétrogradation retenues à son encontre par le Conseil de discipline. Il soutient encore, dans ce contexte, avoir déjà été sanctionné disciplinairement à plusieurs reprises, pour les mêmes faits, avant que le Conseil de discipline n'ait rendu sa première décision en la matière, au regard de ses déplacements au sein du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg. Il estime ainsi que les sanctions prononcées, directement et indirectement, à son encontre seraient multiples et violeraient le principe de proportionnalité. De plus, le principe de la rétrogradation retenue à son encontre serait également largement disproportionné au regard des autres sanctions, moins sévères, à disposition du Conseil de discipline. Il explique, par ailleurs, que la sanction initialement envisagée de son déplacement aurait été largement aggravée par la décision initiale du Conseil de discipline du 3 décembre 2019, lequel aurait encore décidé d’alourdir ladite sanction en revenant sur son 1er « jugement » afin de rendre la rétrogradation prononcée encore plus sévère, en le faisant passer de 272 points indiciaires à 239 points indiciaires. Ainsi, la sanction de la rétrogradation prononcée à son encontre, déjà disproportionnée en tant que telle, aurait fait l'objet d'une disproportion encore plus importante par le prononcé de la seconde décision du 4 février 2020.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de cerner l’objet du recours sous examen avant d’aborder l’analyse des moyens du demandeur.

Force est, tout d’abord, de relever que l’acte actuellement déféré, la décision du Conseil de discipline du 4 février 2020, n’a pas vocation à remplacer la décision initiale dudit conseil du 3 décembre 2019, mais a pour unique objet de modifier le dispositif de cette dernière.

En effet, la décision du Conseil de discipline du 3 décembre 2019 avait retenu à l’égard de Monsieur …, à côté d’une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base, sa rétrogradation au grade 7, échelon 12, points indiciaires 272, rétrogradation que la décision litigieuse du 4 février 2020 n’a pas remis en cause quant à son principe, mais uniquement quant à son quantum en la fixant au grade 7, échelon 8, points indiciaires 239 en raison du fait que le calcul initial prenait en compte un classement de départ erroné.

Ainsi l’acte déféré ne vise pas le fond de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de Monsieur … mais uniquement les modalités de calcul d’une des deux sanctions retenues à son encontre.

Il échet, par ailleurs, de constater, que les moyens du demandeur, tels que contenus dans sa requête introductive d’instance, ne sont axés que sur la prémisse que le Conseil de discipline, en amendant sa décision initiale du 3 décembre 2019 pour désormais prévoir un autre grade et échelon quant à la sanction retenue de la rétrogradation, aurait outrepassé les limites admises dans le cadre d’une rectification d’une erreur matérielle, en rectifiant une erreur intellectuelle, respectivement en alourdissant sa sanction.

De plus, le fond de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de Monsieur …, a fait l’objet d’un recours séparé introduit par ce dernier le 3 mars 2020 et inscrit sous le numéro 44229 du rôle.

Dans ce contexte et au regard des considérations qui précèdent, le tribunal doit retenir que les moyens présentés par le demandeur dans le cadre de son mémoire en réplique et ayant trait à une violation du principe de légalité consacrée par l'article 14 de la Constitution et par l'article 7 de la CEDH, à une violation du principe d'impartialité consacré par les droits de la défense et par l'article 6 de la CEDH, ainsi qu’à une violation de l’article 42 du statut général, moyens qu’il affirme reprendre de son recours introductif d'instance et par rapport auxquels il renvoie à ses développements y contenus, sont à rejeter pour défaut de pertinence pour provenir d’une confusion, de la part du demandeur, entre les dossiers inscrits sous les numéros 44229 et 44312 du rôle.

La même conclusion est à retenir en ce qui concerne les développements du demandeur quant à l’existence d’une sanction disciplinaire déguisée préalable, quant à une violation du principe non bis in idem, respectivement quant à une violation du principe de proportionnalité.

Quant au fond, force est au tribunal de rappeler que l’ensemble de l’argumentation juridique présentée par le demandeur, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, table sur le procédé de la rectification d’erreurs matérielles en matière de décisions de justice.

Or, le Conseil de discipline ne constitue pas une juridiction au sens de la CEDH. En droit luxembourgeois, il est permis à la personne sanctionnée par le Conseil de discipline en raison de griefs disciplinaires retenus à son encontre de saisir les juridictions de l’ordre administratif et d’y bénéficier d’un double degré de juridiction en ce qu’il lui est possible de saisir d’abord le tribunal administratif en première instance et, en cas de jugement ne donnant pas satisfaction, d’interjeter appel devant la Cour administrative qui statue alors en dernier ressort. La procédure disciplinaire en cause ne constitue qu’une étape d’un processus décisionnel et ne revêt en elle-même pas un caractère juridictionnel mais a une nature purement administrative1.

Il s’ensuit que l’argumentation juridique afférente du demandeur est à rejeter pour manquer de fondement.

De plus, tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, la décision du Conseil de discipline du 4 février 2020 intervient dans le cadre de l’article 8 du règlement grand-ducal 1 Trib. adm. 16 décembre 2015, n° 35317 du rôle, conf. par Cour adm. 14 juillet 2016, n° 37460C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Fonction publique, n° 247 et les autres références y citées.

du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en vertu duquel « en dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d´une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision ».

Il y a lieu de relever, l’article 8 précité vise le retrait rétroactif d’un acte administratif individuel illégal créateur ou générateur de droits, étant souligné que la notion de « retrait » d’une décision administrative est conçue comme étant l’acte par lequel l’administration annule en tout ou partie une de ses décisions, le retrait ayant pour effet que la décision disparaît rétroactivement de l’ordonnancement juridique2.

En prononçant le « retrait » d’une décision, l’autorité administrative procède en effet à l’annulation de la décision qui en fait l’objet. La décision sera réputée ne jamais avoir existé.

Ainsi, au niveau de ses effets, le retrait par l’autorité administrative a les mêmes effets qu’une décision d’annulation prononcée par la juridiction administrative, en ce sens que, dans les deux cas les décisions disparaissent rétroactivement de l’ordonnancement juridique3.

En l’espèce, il échet de constater que par sa décision du 4 février 2020, le Conseil de discipline, d’une part, a annulé la seule rétrogradation de Monsieur … au grade 7, échelon 12, points indiciaires 272, prononcé par le biais de sa décision du 3 décembre 2019, pour, d’autre part, fixer ladite rétrogradation au grade 7, échelon 8, points indiciaires 239, étant précisé qu’il est constant en cause pour ne pas être contesté par les parties que Monsieur …, antérieurement à la décision du Conseil de discipline du 3 décembre 2019, était classé au grade 8, échelon 6, à 248 points indiciaires, de sorte que la première décision contenait une erreur factuelle ayant eu pour conséquence qu’au lieu de faire l’objet d’une diminution de sa rémunération, Monsieur … l’a vu augmenter de 24 points indiciaires, ce qui est contraire au principe d’une rétrogradation consistant, en vertu de l’article 47, point 7. du statut général, dans « (…) le classement du fonctionnaire au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation ou au grade précédant le grade immédiatement inférieur. Le grade et l'échelon de traitement dans lesquels le fonctionnaire est classé sont fixés par le Conseil de discipline dont la décision doit aboutir au résultat que le traitement nouvellement fixé soit inférieur au traitement d'avant la sanction disciplinaire. ».

Il s’ensuit que la décision du 4 février 2020 tend à l’annulation rétroactive, ab initio (effet ex tunc), des 24 points indiciaires accordés erronément au demandeur en date du 3 décembre 2019 et à l’enlèvement de 9 points indiciaires, par rapport à son grade initial, en tant que conséquence de sa rétrogradation, de sorte que les dispositions de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sont applicables à la décision déférée et qu’il y a lieu d’analyser si celle-ci est intervenue endéans le délai du recours contentieux.

En effet, ce n’est qu’à l’expiration des délais de recours, qu’une décision administrative devient définitive et irrévocable et acquiert partant autorité de la chose décidée. Cette autorité une fois acquise implique que la décision ne peut plus être attaquée en justice et que 2 Campill Henri, Conséquences de l’incompatibilité de décisions administratives définitives et de jugements définitifs des juridictions administratives des Etats membres avec la législation européenne, Colloque de l’Association des Conseils d’Etat et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne, rapport luxembourgeois, octobre 2007, p.1.

3 Ibidem, p.3 l’administration ne peut pas, en principe, y revenir, même si la décision devait postérieurement s’avérer être illégale, les impératifs de sécurité et de stabilité juridiques prohibant qu’une décision définitive puisse être remise en cause ab initio4. Les décisions bénéficiant de l’autorité de la chose décidée se caractérisent ainsi par leur intangibilité, ou du moins par leur incontestabilité5.

En l’espèce, le tribunal doit constater qu’à l’égard de l’auteur de l’acte, qui en a eu connaissance dès sa confection, le délai afin de procéder à un retrait dans les conditions de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 a commencé à courir à partir de ce moment, donc dès le 3 décembre 2019 pour se terminer le 3 mars 2020, de sorte qu’à partir de cette date, la décision du 3 décembre 2019 aurait été revêtue de l’autorité de la chose décidée et n’aurait plus pu faire l’objet d’un retrait par le Conseil de discipline. Or, la décision litigieuse, ayant procédé au retrait des 24 points indiciaires accordés par erreur au demandeur, est intervenue en date du 4 février 2020, donc avant le 3 mars 2020 et donc endéans le délai imparti, de sorte que la décision du 3 décembre 2019 n’était pas encore revêtue de l’autorité de la chose décidée et que c’est à bon droit que le Conseil de discipline a pu procéder à la rectification de la sanction de la rétrogradation du demandeur en fixant celle-ci au grade 7, échelon 8, 239 points indiciaires.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter pour ne pas être fondé, conclusion qui n’est pas remise en cause par l’invocation des articles 95bis de la Constitution, respectivement 2 de la loi du 7 novembre 1996 de la part du demandeur, dans la mesure où la décision litigieuse du 4 février 2020 est intervenue dans le strict champ de compétence administratif du Conseil de discipline.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par le demandeur sur la base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est également à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 4 février 2020 ayant procédé à la rectification d’une erreur matérielle au dispositif de sa décision du 3 décembre 2019 en rétrogradant Monsieur … au grade 7, échelon 8, points indiciaires 239 ;

au fond, déclare le recours principal en réformation non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur … ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

4 Trib. adm., 10 juin 2013, n° 30589 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu 5 Trib. adm., 19 avril 2010 n° 25874 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mai 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 32


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 44312
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-26;44312 ?

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