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26/05/2023 | LUXEMBOURG | N°44217

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mai 2023, 44217


Tribunal administratif N° 44217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:44217 4e chambre Inscrit le 28 février 2020 Audience publique du 26 mai 2023 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, contre deux décisions du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 44217 du rôle et déposée le 28 février 2020 au greffe du tribunal administratif par Monsieur Marc Lemal, délég

ué du gouvernement auprès du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, pour le...

Tribunal administratif N° 44217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:44217 4e chambre Inscrit le 28 février 2020 Audience publique du 26 mai 2023 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, contre deux décisions du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 44217 du rôle et déposée le 28 février 2020 au greffe du tribunal administratif par Monsieur Marc Lemal, délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, pour le compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 3 décembre 2019 ayant prononcé à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire d’une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base, ainsi que sa rétrogradation consistant dans son classement au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272 et 2) de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 4 février 2020 ayant procédé à la rectification d’une erreur matérielle au dispositif de sa décision du 3 décembre 2019 en rétrogradant Monsieur … au grade 7, échelon 8, point indiciaire 239 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Kurdyban, demeurant à Luxembourg, du 4 mars 2020, portant signification de ladite requête au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, « représenté par ses organes statutaires actuellement en fonctions », établi à L-2080 Luxembourg, Cité judiciaire, Bâtiment CR de la Cour supérieure de justice ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 9 mars 2020, portant signification de ladite requête à Monsieur …, demeurant à L-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 juin 2020 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom et pour le compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Brice Cloos en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mai 2022.

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Par un courrier du 17 décembre 2018, le ministre de la Justice, ci-après désigné par « le ministre », saisit le commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-

après désigné par « le commissaire du gouvernement », dans les termes suivants :

« (…) Conformément à l'article 56 paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, je vous saisis aux fins de procéder à une instruction à l'encontre de M. …, rédacteur auprès de l'administration judiciaire, classé au grade 8, échelon 5.

En effet, et comme détaillé dans le dossier annexé, le concerné est présumé avoir manqué à ses obligations statutaires pour les raisons suivantes :

Monsieur … fait l'objet d'une procédure disciplinaire en raison d'irrégularités constatées en relation avec ses obligations résultant de son travail tant au greffe du cabinet d'instruction à Luxembourg qu'au greffe de la … chambre civile au tribunal d'arrondissement de Luxembourg où il est en charge de la gestion administrative du greffe. Ce travail consiste entre autres dans l'assistance aux audiences, dans la préparation des dossiers avant et après audience, dans la mise en forme des jugements préparés par les magistrats pour les délivrer après relecture par un magistrat aux avocats, de l'expédition des copies des jugements et de l'interconnexion avec les avocats pour leur fournir les renseignements nécessaires au suivi d'un dossier.

Monsieur … après un passage de quatre années depuis son entrée en fonctions à l'administration judiciaire au cabinet d'instruction, a dû être muté dans un autre service à la demande du juge d'instruction et suite à de nombreuses mésententes dues à une exécution non soignée, même négligée des tâches qui lui incombaient. Le cabinet étant un service qui exige un travail très ordonné au vu des nombreuses procédures imposant des délais à respecter, Monsieur … de par sa négligence n'était plus tenable pour ce service. En date du 15 septembre 201, il fut alors affecté au greffe de la … chambre sous la présidence de Madame la vice-

présidente …. Au début de son entrée en fonction au greffe d'une chambre civile, la chance de se familiariser avec ses nouvelles tâches fut accordée tant par les magistrats que par sa collègue-greffière à Monsieur …. Il venait d'un service essentiellement axé sur la procédure pénale et devait maintenant faire face à des procédures civiles. Il est évident qu'il devait s'habituer à sa nouvelle situation. Après plusieurs avertissements oraux tant de la part de Madame … que du greffier en chef Monsieur …, qui en ont d'ailleurs à chaque fois informé le bureau du personnel, Madame … a déposé une lettre de plainte contre Monsieur … à Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui l'a continuée à Madame le Procureur général.

Madame … y fait état de tous les dysfonctionnements qu'elle a pu constater chez Monsieur … dans l'exécution de ses fonctions. La lettre datée du 12 juin 2018 est reproduite ci-après dans son entièreté :

« Luxembourg, le 12 juin 2018 Madame la Présidente, Par la présente, je me permets d'attirer votre attention sur le dysfonctionnement du service du greffe de la … chambre civile du tribunal.

Depuis le 15 septembre 2017, M. … y exerce sa fonction de greffier à plein temps, tandis que Mme … y travaille à mi-temps.

M. … est greffier au tribunal (auparavant au cabinet d'instruction) depuis quatre ans et préparera apparemment son examen de promotion à l'automne 2018.

Depuis son arrivée au service, une proportion alarmante de courriers et de documents ne parviennent pas aux juges auxquels ils sont adressés, alors que suivant récépissé de fax, ils sont bien parvenus au greffe (le fax se trouve dans le bureau-même du greffe de la … chambre).

L'un de ces fax (du 30 novembre 2017), qui après près d'une semaine n'était pas rangé dans le dossier (fax qui n'est d'ailleurs, à l'heure actuelle pas apparu) a ainsi donné l’occasion à l'avocat Me … de présenter un acte de récusation contre ma personne, au motif que mon affirmation à l'audience du 6 décembre 2017 selon laquelle je n'avais pas son fax dans mon dossier, serait mensongère.

Pendant le service réduit de Noël (entre le 27 et le 29 décembre 2017), M. … assurait seul le service de la chambre. Le 22 décembre 2017 à 16 heures, soit avant mon départ en congé, j’avais préparé un certain nombre de courriers que j 'ai laissés dans mon bureau avec les dossiers respectifs afin que M. … vienne les récupérer pour les traiter.

M. … m'a posé la question s'il devait garder le courrier entrant pendant mon absence au greffe et je lui ai donné pour instruction contraire de me les monter dans mon bureau.

Or à mon retour le 2 janvier 2018, tous les dossiers avec les courriers préparés le 22 décembre 2017 se trouvaient encore dans mon bureau, comme je les y avais laissés et aucun courrier entrant ne m'avait été monté. Bref M. … n'était pas passé dans mon bureau pendant ces trois jours.

Lui-même était en congé du 2 au 4 janvier 2018, de sorte que Mme …, la seule greffière de la … pendant ces jours, devait d'abord évacuer le travail qui avait été délaissé par M. …, alors qu'elle travaille à mi-temps.

J'en ai parlé à M. … à son retour le vendredi, 5 janvier 2018, ainsi que du fait que régulièrement des bulletins aux avocats sortaient avec des fautes grossières (omissions de mots entiers dans la version dactylographiée), de sorte que je lui demandais de me soumettre désormais tout courrier sortant pour vérification.

Je lui ai également demandé le 5 janvier 2018 qu'il prenne bien note de toutes mes remarques, de celles des autres juges de la chambre et de celles de ses collègues greffiers plus expérimentés.

J'avais l'impression qu'il n'entendait pas vraiment ce que je disais. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu avec un cahier de notes.

Le 11 janvier 2018, dans le dossier portant le numéro de rôle 176269, j'ai trouvé une lettre de Me … du 29 novembre 2017 qui m’était adressée, mais que M. … ne m'avait jamais continuée, et qui demandait une injonction de conclure contre son adversaire Me ….

Sans m'en parler, M. … avait décidé d’émettre, en mon nom, un simple nouvel échéancier, le 1er décembre 2017 (et qui donnait dès lors l'impression que j'avais volontairement ignoré le souhait de Me …).

Me … m'a donc encore une fois transmis la même demande, le 10 janvier 2018.

J'ai expliqué (même si cela devait aller de soi) à M. … qu'il est essentiel que tous les courriers qui me sont adressés me parviennent effectivement.

Le 23 janvier 2018, Monsieur … me monte, pour signature, un avis (dans le dossier n° 186081) avec pas moins de 4 fautes dans deux lignes (pièce annexée). Il ne se montre pas pour le moins gêné.

Au courant de mars 2018, je trouve dans le dossier 116840 un échéancier sorti le 27 février 2018 au nom du magistrat de la mise en état … (cela fait des années que Mme … n'est plus Vice-Présidente de la … chambre et un tel bulletin peut évidemment être à l'origine d'interrogations pour les avocats destinataires).

En avril 2018, Me … demande la délivrance d'une grosse de notre jugement n°305/2017.

Il ne peut être fait droit à cette demande par le bureau compétent, étant donné que la minute de ce jugement rendu le 6 décembre 2017 (portant en outre la date erronée du 22 novembre 2017) a été perdue par M. …. Pourtant, il met une à deux semaines avant d'en parler à Mme …. Il met encore près d'un mois pour régler le problème (voir infra).

Mi-mai 2018, notre farde de procédure du dossier 67740 a disparu. Elle réapparaît seulement après quelques jours et après que j'en ai parlé à Mme …. Il s'est avéré par après que M. … l'avait envoyée par inadvertance à Me …, l'un des avocats dans ce dossier suite au prononcé d'un jugement avant dire droit.

Le 17 mai 2018, j'ai un entretien avec M…. et Mme … au sujet de l'attitude au travail de M. …, de ses négligences, de son défaut de concentration. Je donne à considérer que greffes et juges ont montré beaucoup de patience avec M. …, mais que désormais, nous n'avons plus beaucoup d'espoir d'amélioration de la qualité de son travail.

Mme …, qui d'après ses dires n'en peut plus, envisage un changement de service, de sorte que M. … sera probablement amené à former un greffier mi-temps à partir d’automne.

Nous prévoyons que chacun de nous, M. … et moi-même, aura, de son côté, un entretien formel avec M. … pour lui rappeler encore une fois ses responsabilités et de nous revoir le 31 mai 2018.

Pour l'audience de mise en état du 30 mai 2018, j'avais fixé une affaire (rôle 181627) pour radiation-sanction, au motif que les avocats n 'avaient pas réagi à mon courrier du mois de février 2018. Me … répond qu'il a bien réagi par fax du 8 février 2018 (courrier et transmis de fax à l'appui). Ce courrier de Me … ne se trouve pas au dossier.

Le 22 mai 2018, je me base sur cet exemple pour rendre M. … attentif au fait que d'une manière générale, mais surtout avant de pouvoir émettre des bulletins annonçant des sanctions aux avocats, je dois avoir une confiance absolue dans le travail du greffe, mais que désormais, je ne sais pas si des courriers que le greffe était censé envoyer l'étaient effectivement ni si des courriers entrants m'étaient transmis et bien classés au dossier. Que je n’ose plus faire mon travail de juge de la mise en état et émettre des sanctions aux avocats qui laissent traîner leur affaire, étant donné que je crains que souvent, le problème se situe plutôt du côté de notre greffe que du côté des avocats. Que je m'inquiète pour la réputation de la … chambre. Je lui indique également que tous ces courriers et charges de travail supplémentaires pour les avocats sont évidemment facturés aux clients.

Ensuite, parmi les 7 jugements préparés pour le 30 mai 2018 :

 la mise en page n’était pas terminée dans l'un (différence de police dans le jugement 187398 … c. …) ;

 pour le jugement 186428, rendu par défaut contre deux défendeurs, l'un des défendeurs était omis ;

 pour le jugement dans le rôle 170291, il y avait une erreur concernant l'avocat constitué (société … au lieu de Me …) et, surtout de multiples fautes de frappe notamment dans les noms des avocats.

Le 30 mai 2018, Mme … m’a également informée d'un dossier qui se trouvait sur le bureau de M. … depuis un certain temps et où apparemment, il essayait vainement de joindre un huissier, à ma demande. Elle lui avait suggéré de m’en parler (ce qu'il n'avait cependant pas fait).

Comme je ne voyais pas du tout de quoi il était question, j'ai demandé à M. … ce qu'il en était et de me monter le dossier (le 31 mai 2018).

J'ai dû constater que dans ce dossier, qui concerne la liquidation de l'étude de l'huissier … et l'administration de sa succession, où l'huissier … est nommé administrateur judiciaire et dans lequel notre chambre a rendu deux jugements le 21 mars 2018, j'avais inscrit, en quelques mots, à titre d'aide-mémoire pour moi, le résultat de mon entretien téléphonique du 23 mars 2018 avec l'administrateur judiciaire, comme suit « 23.3 tél. … p. confirmer suites —scannage dossiers est économiquement non viable, -saisine du matériel informatique par police-les héritiers ne sont pas au courant (secret instruction) » Il s'avère que sur base de ces notes, M. … a compris que lui-même devait téléphoner à l'huissier pour confirmer « quelque chose », qu'il a parlé à 2 reprises au secrétariat de l'huissier …, qu'il leur a demandé de faire une confirmation (de je ne sais quoi) par fax, qu'il s'est noté la date du 15 mai 2018 pour contrôler si le fax lui était parvenu (ce qui n'était pas le cas) et qu'il a, le 25 mai 2018, rappelé l'étude de l'huissier …, où le secrétariat lui a encore confirmé qu'il serait donné suite à son appel. Il a noté sur le dossier qu'il restait dans l'attente d'un fax.

Pendant tout ce temps, je n'étais au courant de rien. Malgré le fait qu'il ne pouvait manifestement pas comprendre mes notes manuscrites qui n'avaient aucun rapport avec le jugement qui venait d'être rendu et que jamais jusque-là je ne lui avais demandé de téléphoner à qui que ce soit, sauf instructions orales, très précises et banales — par exemple téléphoner à un expert pour demander si les parties avaient payé les frais d'expertise, il s'est lancé de la sorte sans me demander la moindre confirmation ou précision complémentaire. Il ne m'a à aucun moment demandé ce qu'il devait faire, malgré le fait que les informations étaient apparemment sensibles (« secret de l'instruction »), il a discuté avec le secrétariat et a demandé l'envoi d'un fax (alors qu'une telle demande ne se trouvait pas non plus dans ce qu'il dit avoir compris comme étant mes instructions). Il a gardé le dossier pendant plus de deux mois, a relancé à son initiative le secrétariat de l'huissier …, et si Mme … ne m'en avait pas parlé, je n'aurais jamais appris ses initiatives.

Il n'a par ailleurs pas su me préciser, ni lorsque je lui en ai parlé seul, ni un peu plus tard, lorsque M. … lui a posé des questions, ce qu'il avait compris qu'il devait faire ni sur quelles informations devait porter le fax qu'il attendait.

Suite à cet entretien, j'ai téléphoné le 31 mai ou le 1er juin 2018 à M. … pour clarifier la situation. M. … m'a indiqué à cette occasion qu'avant d'exécuter les jugements du 21 mars 2018, il avait prévu de les signifier aux parties et que dans cette attente, il avait demandé la délivrance de …es par fax du 12 avril 2018, adressé à notre greffe (extension-644), mais que celles-ci ne lui étaient toujours pas parvenues.

J'en ai parlé à M. … qui m 'a rassurée que si des demandes de délivrance de …e lui parvenaient dans un dossier, il les continuait directement au service concerné, mais qu'il n'avait pas reçu de telle demande dans ce dossier. Je lui ai fait la remarque qu'il s'en souviendrait certainement dans ce cas étant donné que le dossier se trouvait justement sur son bureau pendant tout ce temps.

Le 5 juin 2018, suite à ma demande, je reçois de la part de M. … la copie de son courrier avec la preuve de la transmission parvenue à notre greffe, le 12 avril 2018. Il y a lieu de préciser que le 12 avril 2018 se situait pendant les vacances de Pâques et que M. … assurait seul le service à la … chambre pendant cette semaine.

Le 5 juin 2018, Mme … m 'informe qu'elle s'inquiète pour la minute perdue du jugement du 6 décembre 2017 (cf ci-avant), problème que M. … ne semble toujours pas avoir résolu (il résulte de l'inscription du service des archives que le dossier archivé, qui contient la copie du jugement, a été demandé par M. … le 9 mai 2018 et qu'il l'a reçu le 11 mai 2018). Elle a alors pris l'initiative d'ouvrir le tiroir de M. ….

Elle y a trouvé :

 des pièces, déposées par un avocat le 14 mai 2018, dans le dossier 185905  la minute d'un jugement (recours psychiatrique …) du 17 mai 2018  le dossier portant le numéro de rôle 143333 (assez volumineux), dans lequel la dernière instruction de ma part date du 8 novembre 2017, et suivant laquelle M.

… devait téléphoner à l'expert pour vérifier si ses honoraires avaient bien été réglés et s'il avait lui-même distribué les rapports d'expertise aux avocats, étant donné que seul un rapport d'expertise se trouvait au dossier du tribunal.

M. … ne pouvait me dire pour quelle raison ce dossier se trouvait dans son tiroir.

Il n'avait en tout cas pas téléphoné à l’expert ni demandé d'autres instructions de ma part. Le dossier n'avait pas non plus été fixé à une date pour vérification ou contrôle.

J'ai moi-même constaté que ce dossier, les pièces et la minute du jugement susmentionnés se trouvaient effectivement dans le tiroir.

M. … n'a pas su nous donner d'autres explications, sauf qu'il avait tout contrôlé et que « ech leen säit Eiwegkeeten näischt méi an den Tirang », ce qui était manifestement faux, au vu des documents datant de la mi-mai 2018.

Dans une affaire d'intérêts civils TAL2018-02033, fixée pour plaidoiries au 16 mai 2018, il s'est avéré que le condamné au pénal, défendeur au civil, a dû être cité en personne car il n'était plus représenté par son avocat de l’époque. J'avais personnellement demandé à M. … du Parquet de citer le civilement responsable pour notre audience du 20 juin 2018. Le 6 juin 2018, M. … a fait un courriel au greffe pour rappeler sa demande précédente par téléphone pour savoir à quelle date il devait citer la personne, sachant qu'il fallait respecter les délais de distance et que la date du 20 juin était trop rapprochée. Mme … m'a informée qu'elle-même n'avait pas eu M. … au téléphone, de sorte que l'interlocuteur de M. … était nécessairement M.

…. Or suite à cet appel, M. … n'a pas demandé d'instructions ni à Mme … ni à moi-même.

Si M. … ne s'était pas re-manifesté par écrit, nous aurions découvert l'absence de citation pour le 20 juin 2018 à l’audience-même. A défaut d'informations quant au problème de délai de citation, j'aurais probablement conclu que c'était M. … qui n'avait pas fait son travail.

Ce même 6 juin 2018, Mme … a encore, avec Mme …, responsable de bureau des chambres civiles, soumis le tiroir de M. … à un examen plus approfondi.

Elle y a notamment trouvé deux courriers de rappel Me … des 19 février et 15 mars 2018 concernant le rôle 175959 dans lesquels il fait référence à sa demande de remplacement d'expert du 3 octobre 2017 et à ses « diverses lettres de rappel » qui ne figurent pas au dossier.

Ainsi, le juge de la mise en état n'a pu avoir connaissance qu'en juin 2018 de courriers remontant aux mois de février et mars.

Il y a lieu de noter que dans ce dossier, la confusion est complète. Ainsi, par exemple, j'avais donné pour instruction au greffe le 23 octobre 2017 de préparer une ordonnance de remplacement du juge-commissaire pour que Mme … assume désormais cette fonction; or, cette ordonnance n'a jamais été préparée, sans que je ne sois pour autant informée d'éventuelles difficultés rencontrées par le greffe pour ce faire. Par ailleurs, le bulletin que le juge de la mise en état avait donné pour instruction au greffe de préparer le 17 mai 2018 n'a été classé au dossier que le 29 mai 2018, et ceci seulement après demande en ce sens dudit magistrat datant du 24 mai 2018. Concernant encore l’ordonnance de remplacement partielle de l'expert du 9 novembre 2017, le dossier ne contient ni l'original de cette décision, ni une photocopie renseignant que cette ordonnance a été signée par le juge.

Dans le tiroir de M. …, MMes … et … ont également trouvé un jeu de conclusions de Me … dans le dossier 174532, déposé le 2 février 2018 pour l'audience du 14 février 2018. J'avais vu ses conclusions à l'époque étant donné qu'il s'y trouve ma mention manuscrite « classer au dossier ». Il s'y trouve également l'inscription par M. … sur un post-it « suspens-voir autres ».

Les conclusions n'ont donc pas été classées dans le dossier mais se trouvent, probablement depuis février 2018, dans le tiroir de M. ….

Dans un courrier du 4 mai 2018 dans le dossier n° 179462, l'expert judiciaire … se réfère à une demande de prolongation de délai pour la date de son rapport du 5 février 2018, et écrit être toujours en attente d'un retour du tribunal quant à une nouvelle date pour le dépôt du rapport. Cette demande du 5 février 2018 ne figure pas au dossier.

Mme … m'informe encore que régulièrement, les courriers, conclusions et pièces se trouvent pêle-mêle dans le dossier déjà classé au lieu d'être rangés dans les fardes prévues à cet effet, et qu’elle doit donc reprendre le travail de M. … à ce niveau.

Tous ces exemples (documentés) et une multitude d'autres, corrigés quotidiennement à tous les niveaux par différentes personnes et qui se répètent malgré toutes les explications, encouragements et peines que l'on se donne, me font douter très sérieusement de la conscience professionnelle, sinon de l'aptitude de M. … pour le travail de greffier.

Son inaptitude au poste est en train de causer une sérieuse désorganisation de la chambre, avec perte de temps énorme, tant pour sa collègue à mi-temps que pour moi-même et les autres juges.

La perte des courriers et éléments de procédure, qui engendre une grande difficulté à mener à bien la mise en état, est à l'origine d'un stress permanent.

Nous avons décidé dans l'immédiat que désormais les bulletins et documents divers de la … chambre ne seront plus mis dans les cases des avocats (comme le font les autres chambres), mais, pour pouvoir retracer du moins les courriers sortants, seront transmis par fax - ce qui entraîne évidemment une surcharge de travail en rapport avec le contrôle de la transmission et une augmentation du volume des dossiers à cause des multiples transmis qui seront désormais annexés à chaque bulletin.

Pour les fax entrants, nous n'avons pas de solution.

Se pose évidemment la question de savoir où sont passés tous ces courriers, courriels, conclusions et éventuellement pièces disparues que nous n'avons pas localisés.

Le rôle des juges et du collègue-greffier n'est certainement pas de contrôler et de vérifier en permanence le travail élémentaire et quotidien de M. … parce que celui-ci ne prend pas au sérieux ses responsabilités.

Mon travail de magistrat président de chambre ne me laisse par ailleurs pas le temps qui serait nécessaire pour tout contrôler.

Tôt ou tard, la responsabilité de l’Etat risque d'être mise en cause pour un document égaré alors qu'au niveau de la chambre, nous ne sommes pas en mesure de maîtriser la situation.

Je m'inquiète particulièrement pour l'état des dossiers à la rentrée après des semaines où M. … sera pratiquement seul en charge de la chambre, en sachant que les problèmes ne nous apparaissent qu'après un certain temps.

Etant donné que la confiance indispensable entre le juge et le greffe est définitivement compromise, j'espère que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, vous pourrez intervenir en vue d'un remplacement de M. … au greffe de la …e chambre.

Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de ma très haute considération.

… Vice-Présidente » Toutes les pièces à l'appui des reproches envers Monsieur … sont jointes à la présente.

Sur ce Monsieur … fut invité par Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … à prendre position, ce qu'il a fait en date du 21 juin 2018. La lettre est jointe à la présente.

Sur cette lettre Madame … a une nouvelle fois pris position en date du 13 juillet 2018 (lettre jointe à la présente) et elle a même révélé de nouveaux faits qui s'étaient produits entre le 12 juin 2018 et le 13 juillet 2018. Elle a consenti qu'il y avait une légère amélioration après une entrevue qui avait eu lieu en date du 14 juin 2018, mais que deux semaines plus tard la situation s'était à nouveau détériorée et elle a dû constater les faits suivants :

 que Monsieur … lui soumettait pour signature des jugements et bulletins avec beaucoup de fautes d'inattention qui ont été corrigées par d'autres personnes, afin de ne pas perdre de temps; par exemple, dans l'un des jugements, l'adresse d'une des parties était inventée de toutes pièces.

 qu'il avait fait une « correction » d'orthographe de sa propre initiative par rapport à une préparation manuscrite d'un bulletin qu'elle lui avait demandé de taper, sauf que 1., il ne s'agissait pas d'une faute d'orthographe de sa part, et que 2., il ne l'a pas rendue attentive par rapport au changement qu'il avait opéré !  que dans un autre dossier que elle lui avait demandé de fixer à une audience « pour désistements » (sa préparation manuscrite), il a de sa propre initiative remplacé ses mots par « pour désistement d'instance », ce qui était cependant faux, étant donné qu'il s'agissait justement de deux désistements, et que l'un était un désistement d'instance et l'autre un désistement d'action. Ici encore, il ne l'a pas rendue attentive au changement par rapport à sa préparation, que j'ai constaté par moi-même.

 Au cours de la semaine du 11 juillet 2018, M. … a envoyé un bulletin aux avocats en son nom, dont il ne lui avait pas, au préalable, montré la version dactylographiée, se référant à un courrier d'avocat avec telle date, mais où la date était fausse (alors qu'elle avait indiqué la bonne date dans sa version manuscrite), et où l'adversaire s'insurge maintenant que l'autre avocat ne lui ait pas envoyé de copie de sa lettre (portant la date erronée) qui aurait été envoyée au tribunal. Ces fautes récurrentes vont ainsi jusqu'à causer des malentendus, voire disputes entre avocats. Madame … vient d'écrire un nouveau bulletin aux avocats pour redresser l'erreur et s'est excusée auprès des deux avocats pour les tracas causés.

En date du 25 octobre 2018, Monsieur le greffier en chef du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … m'a soumis une lettre dans laquelle il fait un résumé de tous les faits reprochés à Monsieur … et des promesses d'amélioration que ce dernier a émises lors de différents entretiens en présence de Madame le vice-président …, de Madame le premier juge …, de Madame le greffier en chef adjoint … et de Madame la responsable des greffes de chambres civiles ….

Dans cette même lettre, Monsieur … fait encore référence à des faits datant de la période d'affectation de Monsieur … au cabinet d'instruction de Luxembourg pendant les années 2016 à 2017. Ces faits ont conduit à la mutation de Monsieur … dans un autre service. Ce n'est qu'après l'apparition de nouvelles difficultés dans son nouveau service d'affectation, que Madame le juge d'instruction … a pris position par écrit en date du 1er octobre 2018 quant aux manquements de Monsieur … dans ses devoirs. Madame … l'avait déjà signalé auparavant sans avoir pris position par écrit.

Dans sa lettre du 1er octobre 2018, elle énonce tous les reproches constatés à l'égard de Monsieur … dans l'exécution de ses tâches au greffe du cabinet d'instruction de Luxembourg, à savoir :

1) au niveau de la gestion journalière des dossiers :

 de ne pas avoir tenu une liste des dossiers,  de ne pas avoir classé les actes dans les dossiers,  de ne pas avoir coté les actes et les courriers,  de ne pas avoir prolongé des mandats de dépôts dans les dossiers impliquant des détenus, 2) au niveau de la gestion journalière du bureau :

 de ne pas avoir répondu au téléphone  de ne pas avoir continué des messages laissés par les experts et les enquêteurs,  de ne pas avoir traité convenablement le courrier entrant et sortant (non-classement des cartes postales en cas d'envoi par recommandé avec accusé de réception mettant la finalité du système à néant/ absence de continuation du courrier entrant dans des délais convenables/ envoi tardif du courrier sortant/ oubli d'originaux en salle photocopie et perte par conséquent),  d'avoir refusé de tenir une liste des dossiers à reproduire, (malgré d'itératifs rappels à ce sujet, refus de rechercher et de ramener les dossiers réclamés)  d'avoir réalisé un très petit volume (rendement) de préparation d'actes (par exemple :

la préparation d'un « mandat d'arrêt » nécessitait quatre mois/ la mise en page n'était pas soignée/ beaucoup de fautes de frappe) 3) au niveau de la présence au bureau :

 d'être arrivé tardivement au bureau même pendant les semaines de « permanence »,  d'avoir eu des absences prolongées pendant la journée,  d'avoir pris du congé intempestivement.

Les faits énoncés par Madame … constituent tous, dans le chef de Monsieur …, un manquement hautement grave à ses obligations vis-à-vis de son supérieur Madame … et de son travail en général. Ces manquements mettent, surtout dans un cabinet d'instruction, en péril les procédures qui risquent d'être mises à néant si les délais ne sont pas respectés. Un tel comportement irresponsable peut conduire à ce que le juge d'instruction soit obligé à mettre un détenu en liberté à cause d'un vice de procédure.

Le comportement de Monsieur … est susceptible de constituer un manquement aux devoirs inscrits aux articles 9 et 10.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et à l'article 81 de la loi sur l'organisation judiciaire.

Je vous signale encore que les reproches faisant l'objet de la présente saisine sont indiqués sous réserve de tous droits, moyens et qualifications, faits nouveaux ou autres précisions à faire valoir ultérieurement. (…) ».

Dans son rapport du 24 septembre 2019 clôturant l’instruction, le commissaire du gouvernement envisagea de transmettre le dossier au conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommé ci après le « statut général ».

Par un courrier du 24 septembre 2019, le commissaire du gouvernement communiqua à Monsieur … une copie du rapport clôturant l’instruction, afin qu’il puisse prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter des observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Monsieur … ne prit pas position quant au rapport clôturant l’instruction du 24 septembre 2019, de sorte que le dossier fut transmis au Conseil de discipline le 11 octobre 2019, qui en date du 3 décembre 2019 prit la décision qui suit :

« (…) Vu le dossier constitué à charge de … par le commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, saisi en application de l'article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général, par lettre du Ministre de la Justice du 17 décembre 2018, d'une instruction disciplinaire à l'encontre de … et transmis pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 11 octobre 2019.

Vu le rapport d'instruction du 24 septembre 2019.

Les reproches adressés à l'encontre de … sont libellés comme suit :

« Monsieur … fait l'objet d'une procédure disciplinaire en raison d'irrégularités constatées en relation avec ses obligations résultant de son travail tant au greffe du cabinet d'instruction à Luxembourg qu'au greffe de la … chambre civile au tribunal d'arrondissement de Luxembourg où il est en charge de la gestion administrative du greffe. Ce travail consiste entre autres dans l'assistance aux audiences, dans la préparation des dossiers avant et après audience, dans la mise en forme des jugements préparés par les magistrats pour les délivrer après relecture par un magistrat aux avocats, de l'expédition des copies des jugements et de l'interconnexion avec les avocats pour leur fournir les renseignements nécessaires au suivi d'un dossier.

Monsieur … après un passage de quatre années depuis son entrée en fonctions à l'administration judiciaire au cabinet d'instruction, a dû être muté dans un autre service à la demande du juge d'instruction et suite à de nombreuses mésententes dues à une exécution non soignée, même négligée des tâches qui lui incombaient. Le cabinet étant un service qui exige un travail très ordonné au vu des nombreuses procédures imposant des délais à respecter, Monsieur … de par sa négligence n'était plus tenable pour ce service. En date du 15 septembre 201 [lisez 2017], il fut alors affecté au greffe de la … chambre sous la présidence de Madame la vice-présidente … Au début de son entrée en fonction au greffe d'une chambre civile, la chance de se familiariser avec ses nouvelles tâches fut accordée tant par les magistrats que par sa collègue-greffière à Monsieur …. 11 venait d'un service essentiellement axé sur la procédure pénale et devait maintenant faire face à des procédures civiles. II est évident qu'il devait s'habituer à sa nouvelle situation. Après plusieurs avertissements oraux tant de la part de Madame … que du greffier en chef Monsieur …, qui en ont d'ailleurs à chaque fois informé le bureau du personnel, Madame … a déposé une lettre de plainte contre Monsieur … à Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui l'a continuée à Madame le Procureur général.

Madame … y fait état de tous les dysfonctionnements qu'elle a pu constater chez Monsieur … dans l'exécution de ses fonctions. La lettre datée du 12 juin 2018 est reproduite ci-après dans son entièreté [pièce 004-70-18] :

« Luxembourg, le 12 juin 2018 Madame la Présidente, Par la présente, je me permets d'attirer votre attention sur le dysfonctionnement du service du greffe de la … chambre civile du tribunal.

Depuis le 15 septembre 2017, M. … y exerce sa fonction de greffier à plein temps, tandis que Mme … y travaille à mi-temps.

M. … est greffier au tribunal (auparavant au cabinet d'instruction) depuis quatre ans et préparera apparemment son examen de promotion à l'automne 2018.

Depuis son arrivée au service, une proportion alarmante de courriers et de documents ne parviennent pas aux juges auxquels ils sont adressés, alors que suivant récépissé de fax, ils sont bien parvenus au greffe (le fax se trouve dans le bureau-même du greffe de la … chambre).

L'un de ces fax (du 30 novembre 2017), qui après près d'une semaine n'était pas rangé dans le dossier (fax qui n'est d'ailleurs, à l'heure actuelle pas apparu) a ainsi donné l’occasion à l'avocat Me … de présenter un acte de récusation contre ma personne, au motif que mon affirmation à l'audience du 6 décembre 2017 selon laquelle je n'avais pas son fax dans mon dossier, serait mensongère.

Pendant le service réduit de Noël (entre le 27 et le 29 décembre 2017), M. … assurait seul le service de la chambre. Le 22 décembre 2017 à 16 heures, soit avant mon départ en congé, j’avais préparé un certain nombre de courriers que j 'ai laissés dans mon bureau avec les dossiers respectifs afin que M. … vienne les récupérer pour les traiter.

M. … m 'a posé la question s'il devait garder le courrier entrant pendant mon absence au greffe et je lui ai donné pour instruction contraire de me les monter dans mon bureau.

Or à mon retour le 2 janvier 2018, tous les dossiers avec les courriers préparés le 22 décembre 2017 se trouvaient encore dans mon bureau, comme je les y avais laissés et aucun courrier entrant ne m'avait été monté. Bref M. … n'était pas passé dans mon bureau pendant ces trois jours.

Lui-même était en congé du 2 au 4 janvier 2018, de sorte que Mme …, la seule greffière de la … pendant ces jours, devait d'abord évacuer le travail qui avait été délaissé par M. …, alors qu'elle travaille à mi-temps.

J'en ai parlé à M. … à son retour le vendredi, 5 janvier 2018, ainsi que du fait que régulièrement des bulletins aux avocats sortaient avec des fautes grossières (omissions de mots entiers dans la version dactylographiée), de sorte que je lui demandais de me soumettre désormais tout courrier sortant pour vérification.

Je lui ai également demandé le 5 janvier 2018 qu'il prenne bien note de toutes mes remarques, de celles des autres juges de la chambre et de celles de ses collègues greffiers plus expérimentés.

J'avais l'impression qu'il n'entendait pas vraiment ce que je disais. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu avec un cahier de notes.

Le 11 janvier 2018, dans le dossier portant le numéro de rôle 176269, j'ai trouvé une lettre de Me … du 29 novembre 2017 qui m’était adressée, mais que M. … ne m'avait jamais continuée, et qui demandait une injonction de conclure contre son adversaire Me ….

Sans m'en parler, M. … avait décidé d’émettre, en mon nom, un simple nouvel échéancier, le 1er décembre 2017 (et qui donnait dès lors l'impression que j'avais volontairement ignoré le souhait de Me …).

Me … m'a donc encore une fois transmis la même demande, le 10 janvier 2018.

J'ai expliqué (même si cela devait aller de soi) à M. … qu'il est essentiel que tous les courriers qui me sont adressés me parviennent effectivement.

Le 23 janvier 2018, Monsieur … me monte, pour signature, un avis (dans le dossier n° 186081) avec pas moins de 4 fautes dans deux lignes (pièce annexée) [pièce 005-70-18]. Il ne se montre pas pour le moins gêné.

Au courant de mars 2018, je trouve dans le dossier 116840 un échéancier sorti le 27 février 2018 au nom du magistrat de la mise en état … [pièce 006-70-18] (cela fait des années que Mme … n'est plus Vice-Présidente de la … chambre et un tel bulletin peut évidemment être à l'origine d'interrogations pour les avocats destinataires).

En avril 2018, Me … demande la délivrance d'une …e de notre jugement n° 305/2017. Il ne peut être fait droit à cette demande par le bureau compétent, étant donné que la minute de ce jugement rendu le 6 décembre 2017 (portant en outre la date erronée du 22 novembre 2017) a été perdue par M. …. Pourtant, il met une à deux semaines avant d'en parler à Mme …. Il met encore près d'un mois pour régler le problème (voir infra).

Mi-mai 2018, notre farde de procédure du dossier 67740 a disparu. Elle réapparaît seulement après quelques jours et après que j'en ai parlé à Mme …. Il s'est avéré par après que M. … l'avait envoyée par inadvertance à Me …, l'un des avocats dans ce dossier suite au prononcé d'un jugement avant dire droit.

Le 17 mai 2018, j'ai un entretien avec M. … et Mme … au sujet de l'attitude au travail de M. …, de ses négligences, de son défaut de concentration. Je donne à considérer que greffes et juges ont montré beaucoup de patience avec M. …, mais que désormais, nous n'avons plus beaucoup d'espoir d'amélioration de la qualité de son travail.

Mme …, qui d'après ses dires n'en peut plus, envisage un changement de service, de sorte que M. … sera probablement amené à former un greffier mi-temps à partir d’automne.

Nous prévoyons que chacun de nous, M. … et moi-même, aura, de son côté, un entretien formel avec M. … pour lui rappeler encore une fois ses responsabilités et de nous revoir le 31 mai 2018.

Pour l'audience de mise en état du 30 mai 2018, j'avais fixé une affaire (rôle 181627) pour radiation-sanction, au motif que les avocats n 'avaient pas réagi à mon courrier du mois de février 2018. Me … répond qu'il a bien réagi par fax du 8 février 2018 (courrier et transmis de fax à l'appui). Ce courrier de Me … ne se trouve pas au dossier.

Le 22 mai 2018, je me base sur cet exemple pour rendre M. … attentif au fait que d'une manière générale, niais surtout avant de pouvoir émettre des bulletins annonçant des sanctions aux avocats, je dois avoir une confiance absolue dans le travail du greffe, mais que désormais, je ne sais pas si des courriers que le greffe était censé envoyer l'étaient effectivement ni si des courriers entrants m'étaient transmis et bien classés au dossier. Que je n’ose plus faire mon travail de juge de la mise en état et émettre des sanctions aux avocats qui laissent traîner leur affaire, étant donné que je crains que souvent, le problème se situe plutôt du côté de notre greffe que du côté des avocats. Que je m'inquiète pour la réputation de la … chambre. Je lui indique également que tous ces courriers et charges de travail supplémentaires pour les avocats sont évidemment facturés aux clients.

Ensuite, parmi les 7 jugements préparés pour le 30 mai 2018 :

 la mise en page n’était pas terminée dans l'un (différence de police dans le jugement 187398 … c. …) [pièce 007-70-18];

 pour le jugement 186428, rendu par défaut contre deux défendeurs, l'un des défendeurs était omis [pièce 008-70-18] ;

 pour le jugement dans le rôle 170291, il y avait une erreur concernant l'avocat constitué (société … au lieu de Me …) et, surtout de multiples fautes de frappe notamment dans les noms des avocats [pièce 009-70-18].

Le 30 mai 2018, Mme … m’a également informée d'un dossier qui se trouvait sur le bureau de M. … depuis un certain temps et où apparemment, il essayait vainement de joindre un huissier, à ma demande. Elle lui avait suggéré de m’en parler (ce qu'il n'avait cependant pas fait).

Comme je ne voyais pas du tout de quoi il était question, j'ai demandé à M. … ce qu'il en était et de me monter le dossier (le 31 mai 2018).

J'ai dû constater que dans ce dossier, qui concerne la liquidation de l'étude de l'huissier … et l'administration de sa succession, où l'huissier … est nommé administrateur judiciaire et dans lequel notre chambre a rendu deux jugements le 21 mars 2018, j'avais inscrit, en quelques mots, à titre d'aide-mémoire pour moi, le résultat de mon entretien téléphonique du 23 mars 2018 avec l'administrateur judiciaire, comme suit « 23.3 tél. … p. confirmer suites —scannage dossiers est économiquement non viable, -saisine du matériel informatique par police-les héritiers ne sont pas au courant (secret instruction) [pièce 010-70-18]» Il s'avère que sur base de ces notes, M. … a compris que lui-même devait téléphoner à l'huissier pour confirmer « quelque chose », qu'il a parlé à 2 reprises au secrétariat de l'huissier …, qu'il leur a demandé de faire une confirmation (de je ne sais quoi) par fax, qu'il s'est noté la date du 15 mai 2018 pour contrôler si le fax lui était parvenu (ce qui n'était pas le cas) et qu'il a, le 25 mai 2018, rappelé l'étude de l'huissier …, où le secrétariat lui a encore confirmé qu'il serait donné suite à son appel. Il a noté sur le dossier qu'il restait dans l'attente d'un fax.

Pendant tout ce temps, je n'étais au courant de rien. Malgré le fait qu'il ne pouvait manifestement pas comprendre mes notes manuscrites qui n'avaient aucun rapport avec le jugement qui venait d'être rendu et que jamais jusque-là je ne lui avais demandé de téléphoner à qui que ce soit, sauf instructions orales, très précises et banales — par exemple téléphoner à un expert pour demander si les parties avaient payé les frais d'expertise, il s'est lancé de la sorte sans me demander la moindre confirmation ou précision complémentaire. Il ne m'a à aucun moment demandé ce qu'il devait faire, malgré le fait que les informations étaient apparemment sensibles (« secret de l'instruction »), il a discuté avec le secrétariat et a demandé l'envoi d'un fax (alors qu'une telle demande ne se trouvait pas non plus dans ce qu'il dit avoir compris comme étant mes instructions). Il a gardé le dossier pendant plus de deux mois, a relancé à son initiative le secrétariat de l'huissier …, et si Mme … ne m'en avait pas parlé, je n'aurais jamais appris ses initiatives.

Il n'a par ailleurs pas su me préciser, ni lorsque je lui en ai parlé seul, ni un peu plus tard, lorsque M. … lui a posé des questions, ce qu'il avait compris qu'il devait faire ni sur quelles informations devait porter le fax qu'il attendait.

Suite à cet entretien, j'ai téléphoné le 31 mai ou le 1er juin 2018 à M. … pour clarifier la situation. M. … m'a indiqué à cette occasion qu'avant d'exécuter les jugements du 21 mars 2018, il avait prévu de les signifier aux parties et que dans cette attente, il avait demandé la délivrance de …es par fax du 12 avril 2018, adressé à notre greffe (extension-644), mais que celles-ci ne lui étaient toujours pas parvenues.

J'en ai parlé à M. … qui m 'a rassurée que si des demandes de délivrance de …e lui parvenaient dans un dossier, il les continuait directement au service concerné, mais qu'il n'avait pas reçu de telle demande dans ce dossier. Je lui ai fait la remarque qu'il s'en souviendrait certainement dans ce cas étant donné que le dossier se trouvait justement sur son bureau pendant tout ce temps.

Le 5 juin 2018, suite à ma demande, je reçois de la part de M. … la copie de son courrier avec la preuve de la transmission parvenue à notre greffe, le 12 avril 2018 [pièce 011-70-18].

Il y a lieu de préciser que le 12 avril 2018 se situait pendant les vacances de Pâques et que M.

… assurait seul le service à la … chambre pendant cette semaine.

Le 5 juin 2018, Mme … m 'informe qu'elle s'inquiète pour la minute perdue du jugement du 6 décembre 2017 (cf ci-avant), problème que M. … ne semble toujours pas avoir résolu (il résulte de l'inscription du service des archives que le dossier archivé, qui contient la copie du jugement, a été demandé par M. … le 9 mai 2018 et qu'il l'a reçu le 11 mai 2018). Elle a alors pris l'initiative d'ouvrir le tiroir de M. ….

Elle y a trouvé :

 des pièces, déposées par un avocat le 14 mai 2018, dans le dossier 185905  la minute d'un jugement (recours psychiatrique Cassandra Lemoine) du 17 mai 2018  le dossier portant le numéro de rôle 143333 (assez volumineux), dans lequel la dernière instruction de ma part date du 8 novembre 2017, et suivant laquelle M.

… devait téléphoner à l'expert pour vérifier si ses honoraires avaient bien été réglés et s'il avait lui-même distribué les rapports d'expertise aux avocats, étant donné que seul un rapport d'expertise se trouvait au dossier du tribunal.

M. … ne pouvait me dire pour quelle raison ce dossier se trouvait dans son tiroir.

Il n'avait en tout cas pas téléphoné à l’expert ni demandé d'autres instructions de ma part. Le dossier n'avait pas non plus été fixé à une date pour vérification ou contrôle.

J'ai moi-même constaté que ce dossier, les pièces et la minute du jugement susmentionnés se trouvaient effectivement dans le tiroir.

M. … n'a pas su nous donner d'autres explications, sauf qu'il avait tout contrôlé et que « ech leen säit Eiwegkeeten näischt méi an den Tirang », ce qui était manifestement faux, au vu des documents datant de la mi-mai 2018.

Dans une affaire d'intérêts civils TAL2018-02033, fixée pour plaidoiries au 16 mai 2018, il s'est avéré que le condamné au pénal, défendeur au civil, a dû être cité en personne car il n'était plus représenté par son avocat de l’époque. J'avais personnellement demandé à M. … du Parquet de citer le civilement responsable pour notre audience du 20 juin 2018. Le 6 juin 2018, M. … a fait un courriel au greffe [pièce 012-70-18] pour rappeler sa demande précédente par téléphone pour savoir à quelle date il devait citer la personne, sachant qu'il fallait respecter les délais de distance et que la date du 20 juin était trop rapprochée. Mme … m'a informée qu'elle-même n'avait pas eu M. … au téléphone, de sorte que l'interlocuteur de M. … était nécessairement M. …. Or suite à cet appel, M. … n 'a pas demandé d'instructions ni à Mme … ni à moi-même.

Si M. … ne s'était pas re-manifesté par écrit, nous aurions découvert l'absence de citation pour le 20 juin 2018 à l’audience-même. A défaut d'informations quant au problème de délai de citation, j'aurais probablement conclu que c'était M. … qui n'avait pas fait son travail.

Ce même 6 juin 2018, Mme … a encore, avec Mme …, responsable de bureau des chambres civiles, soumis le tiroir de M. … à un examen plus approfondi.

Elle y a notamment trouvé deux courriers de rappel Me … des 19 février et 15 mars 2018 concernant le rôle 175959 [pièce 013-70-18 et 014-70-18] dans lesquels il fait référence à sa demande de remplacement d'expert du 3 octobre 2017 et à ses « diverses lettres de rappel » qui ne figurent pas au dossier. Ainsi, le juge de la mise en état n'a pu avoir connaissance qu'en juin 2018 de courriers remontant aux mois de février et mars.

Il y a lieu de noter que dans ce dossier, la confusion est complète. Ainsi, par exemple, j'avais donné pour instruction au greffe le 23 octobre 2017 de préparer une ordonnance de remplacement du juge-commissaire pour que Mme … assume désormais cette fonction; or, cette ordonnance n'a jamais été préparée, sans que je ne sois pour autant informée d'éventuelles difficultés rencontrées par le greffe pour ce faire. Par ailleurs, le bulletin que le juge de la mise en état avait donné pour instruction au greffe de préparer le 17 mai 2018 n'a été classé au dossier que le 29 mai 2018, et ceci seulement après demande en ce sens dudit magistrat datant du 24 mai 2018. Concernant encore l’ordonnance de remplacement partielle de l'expert du 9 novembre 2017, le dossier ne contient ni l'original de cette décision, ni une photocopie renseignant que cette ordonnance a été signée par le juge.

Dans le tiroir de M. …, MMes … et … ont également trouvé un jeu de conclusions de Me … dans le dossier 174532, déposé le 2 février 2018 pour l'audience du 14 février 2018. J'avais vu ses conclusions à l'époque étant donné qu'il s'y trouve ma mention manuscrite « classer au dossier ». Il s'y trouve également l'inscription par M. … sur un post-it « suspens-voir autres ».

Les conclusions n'ont donc pas été classées dans le dossier mais se trouvent, probablement depuis février 2018, dans le tiroir de M. … [pièce 015-70-18].

Dans un courrier du 4 mai 2018 dans le dossier n° 179462 [pièce 016-70-18], l'expert judiciaire … se réfère à une demande de prolongation de délai pour la date de son rapport du 5 février 2018, et écrit être toujours en attente d'un retour du tribunal quant à une nouvelle date pour le dépôt du rapport. Cette demande du 5 février 2018 ne figure pas au dossier.

Mme … m'informe encore que régulièrement, les courriers, conclusions et pièces se trouvent pêle-mêle dans le dossier déjà classé au lieu d'être rangés dans les fardes prévues à cet effet, et qu’elle doit donc reprendre le travail de M. … à ce niveau.

Tous ces exemples (documentés) et une multitude d'autres, corrigés quotidiennement à tous les niveaux par différentes personnes et qui se répètent malgré toutes les explications, encouragements et peines que l'on se donne, me font douter très sérieusement de la conscience professionnelle, sinon de l'aptitude de M. … pour le travail de greffier.

Son inaptitude au poste est en train de causer une sérieuse désorganisation de la chambre, avec perte de temps énorme, tant pour sa collègue à mi-temps que pour moi-même et les autres juges.

La perte des courriers et éléments de procédure, qui engendre une grande difficulté à mener à bien la mise en état, est à l'origine d'un stress permanent.

Nous avons décidé dans l'immédiat que désormais les bulletins et documents divers de la … chambre ne seront plus mis dans les cases des avocats (comme le font les autres chambres), mais, pour pouvoir retracer du moins les courriers sortants, seront transmis par fax - ce qui entraîne évidemment une surcharge de travail en rapport avec le contrôle de la transmission et une augmentation du volume des dossiers à cause des multiples transmis qui seront désormais annexés à chaque bulletin.

Pour les fax entrants, nous n'avons pas de solution.

Se pose évidemment la question de savoir où sont passés tous ces courriers, courriels, conclusions et éventuellement pièces disparues que nous n'avons pas localisés.

Le rôle des juges et du collègue-greffier n'est certainement pas de contrôler et de vérifier en permanence le travail élémentaire et quotidien de M. … parce que celui-ci ne prend pas au sérieux ses responsabilités.

Mon travail de magistrat président de chambre ne me laisse par ailleurs pas le temps qui serait nécessaire pour tout contrôler.

Tôt ou tard, la responsabilité de l’Etat risque d 'être mise en cause pour un document égaré alors qu'au niveau de la chambre, nous ne sommes pas en mesure de maîtriser la situation.

Je m'inquiète particulièrement pour l'état des dossiers à la rentrée après des semaines où M. … sera pratiquement seul en charge de la chambre, en sachant que les problèmes ne nous apparaissent qu'après un certain temps.

Etant donné que la confiance indispensable entre le juge et le greffe est définitivement compromise, j'espère que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, vous pourrez intervenir en vue d'un remplacement de M. … au greffe de la …e chambre.

Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de ma très haute considération.

… Vice-Présidente » Toutes les pièces à l'appui des reproches envers Monsieur … sont jointes à la présente.

Sur ce Monsieur … fut invité par Madame la présidente du tribunal d'arrondissement de Luxembourg … à prendre position, ce qu'il a fait en date du 21 juin 2018. La lettre est jointe à la présente [pièce 017-70-18].

Sur cette lettre Madame … a une nouvelle fois pris position en date du 13 juillet 2018 (lettre jointe à la présente) [pièce 018-70-18] et elle a même révélé de nouveaux faits qui s'étaient produits entre le 12 juin 2018 et le 13 juillet 2018. Elle a consenti qu'il y avait une légère amélioration après une entrevue qui avait eu lieu en date du 14 juin 2018, mais que deux semaines plus tard la situation s'était à nouveau détériorée et elle a dû constater les faits suivants :

 que Monsieur … lui soumettait pour signature des jugements et bulletins avec beaucoup de fautes d'inattention qui ont été corrigées par d'autres personnes, afin de ne pas perdre de temps; par exemple, dans l'un des jugements, l'adresse d'une des parties était inventée de toutes pièces.

 qu'il avait fait une « correction » d'orthographe de sa propre initiative par rapport à une préparation manuscrite d'un bulletin qu'elle lui avait demandé de taper, sauf que 1., il ne s'agissait pas d'une faute d'orthographe de sa part, et que 2., il ne l'a pas rendue attentive par rapport au changement qu'il avait opéré !  que dans un autre dossier que elle lui avait demandé de fixer à une audience « pour désistements » (sa préparation manuscrite), il a de sa propre initiative remplacé ses mots par « pour désistement d'instance », ce qui était cependant faux, étant donné qu'il s'agissait justement de deux désistements, et que l'un était un désistement d'instance et l'autre un désistement d'action. Ici encore, il ne l'a pas rendue attentive au changement par rapport à sa préparation, que j'ai constaté par moi-même.

 Au cours de la semaine du 11 juillet 2018, M. … a envoyé un bulletin aux avocats en son nom, dont il ne lui avait pas, au préalable, montré la version dactylographiée, se référant à un courrier d'avocat avec telle date, mais où la date était fausse (alors qu'elle avait indiqué la bonne date dans sa version manuscrite), et où l'adversaire s'insurge maintenant que l'autre avocat ne lui ait pas envoyé de copie de sa lettre (portant la date erronée) qui aurait été envoyée au tribunal. Ces fautes récurrentes vont ainsi jusqu'à causer des malentendus, voire disputes entre avocats. Madame … vient d'écrire un nouveau bulletin aux avocats pour redresser l'erreur et s'est excusée auprès des deux avocats pour les tracas causés.

En date du 25 octobre 2018, Monsieur le greffier en chef du tribunal d'arrondissement de Luxembourg Georges … m'a soumis une lettre [pièce 020-70-18] dans laquelle il fait un résumé de tous les faits reprochés à Monsieur … et des promesses d'amélioration que ce dernier a émises lors de différents entretiens en présence de Madame le vice-président …, de Madame le premier juge …, de Madame le greffier en chef adjoint … et de Madame la responsable des greffes de chambres civiles ….

Dans cette même lettre, Monsieur … fait encore référence à des faits datant de la période d'affectation de Monsieur … au cabinet d'instruction de Luxembourg pendant les années 2016 à 2017. Ces faits ont conduit à la mutation de Monsieur … dans un autre service. Ce n'est qu'après l'apparition de nouvelles difficultés dans son nouveau service d'affectation, que Madame le juge d'instruction … a pris position par écrit en date du 1er octobre 2018 quant aux manquements de Monsieur … dans ses devoirs [pièce 019-70-18]. Madame … l'avait déjà signalé auparavant sans avoir pris position par écrit.

Dans sa lettre du 1er octobre 2018, elle énonce tous les reproches constatés à l'égard de Monsieur … dans l'exécution de ses tâches au greffe du cabinet d'instruction de Luxembourg, à savoir :

4) au niveau de la gestion journalière des dossiers :

 de ne pas avoir tenu une liste des dossiers,  de ne pas avoir classé les actes dans les dossiers,  de ne pas avoir coté les actes et les courriers,  de ne pas avoir prolongé des mandats de dépôts dans les dossiers impliquant des détenus, 5) au niveau de la gestion journalière du bureau :

 de ne pas avoir répondu au téléphone  de ne pas avoir continué des messages laissés par les experts et les enquêteurs,  de ne pas avoir traité convenablement le courrier entrant et sortant (non-classement des cartes postales en cas d'envoi par recommandé avec accusé de réception mettant la finalité du système à néant/ absence de continuation du courrier entrant dans des délais convenables/ envoi tardif du courrier sortant/ oubli d'originaux en salle photocopie et perte par conséquent),  d'avoir refusé de tenir une liste des dossiers à reproduire, (malgré d'itératifs rappels à ce sujet, refus de rechercher et de ramener les dossiers réclamés)  d'avoir réalisé un très petit volume (rendement) de préparation d'actes (par exemple :

la préparation d'un « mandat d'arrêt » nécessitait quatre mois/ la mise en page n'était pas soignée/ beaucoup de fautes de frappe) 6) au niveau de la présence au bureau :

 d'être arrivé tardivement au bureau même pendant les semaines de « permanence »,  d'avoir eu des absences prolongées pendant la journée,  d'avoir pris du congé intempestivement.

Les faits énoncés par Madame … constituent tous, dans le chef de Monsieur …, un manquement hautement grave à ses obligations vis-à-vis de son supérieur Madame … et de son travail en général. Ces manquements mettent, surtout dans un cabinet d'instruction, en péril les procédures qui risquent d'être mises à néant si les délais ne sont pas respectés. Un tel comportement irresponsable peut conduire à ce que le juge d'instruction soit obligé à mettre un détenu en liberté à cause d'un vice de procédure.

Le comportement de Monsieur … est susceptible de constituer un manquement aux devoirs inscrits aux articles 9 et 10.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et à l'article 81 de la loi sur l'organisation judiciaire.» A l'audience publique du Conseil du mardi, 12 novembre 2019, après rapport oral du président conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, … a, en substance, reconnu la matérialité des faits lui reprochés.

À l'appui de sa défense, il entend placer les reproches dans un contexte de manque de formation spécifique et de manque de maturité dans son chef. Il expose avoir été affecté au cabinet d'instruction sans la moindre expérience en la matière et d'avoir ainsi été dépassé par les différents devoirs à assumer. Lorsqu'il a ensuite été affecté à la …ième chambre civile, il aurait été d'un jour à l'autre confronté à une autre matière et à une autre procédure, sans avoir été suffisamment épaulé, ce qui expliquerait encore une fois la désorganisation constatée et les multiples irrégularités relevées.

Le délégué du Gouvernement a plus amplement passé en revue les différents reproches pour souligner que … a fait preuve d'une incompétence professionnelle et d'un laisser-aller flagrant.

Contrairement à ses dires, il aurait été, tant au cabinet d'instruction, qu'à la …ième chambre, entouré par des greffiers expérimentés, mais il n'en aurait tiré aucun profit, se plaisant dans son approche chaotique et ignorant tant les conseils, que surtout les instructions.

Malgré le constat d'une inaptitude à accomplir les devoirs élémentaires au cabinet d'instruction, une deuxième chance lui aurait été offerte, mais également à la …ième chambre, et nonobstant des réunions préalables avec le greffier en chef, les réclamations quant à un travail défaillant n'auraient pas tardé.

Le délégué donne aussi à considérer, à titre d'illustration, que ne pas classer des documents, égarer des pièces reçues par télécopieur, ne pas montrer les courriers au juge, ne pas répondre aux appels téléphoniques, oublier de soumettre des injonctions de conclure au juge et remettre aux magistrats des préparations truffées de fautes d'inattention, ne relèveraient pas d'un manque de formation spécifique, mais témoignerait d'une attitude purement négligente parée d'une insouciance déconcertante par rapport aux conséquences.

Finalement, en contact régulier notamment avec les avocats, les justiciables, les enquêteurs, …, de par son comportement, aurait projeté une image d'incompétence, d'inefficacité et de dysfonctionnement de l'administration judiciaire sans parler des répercussions préjudiciables sur la qualité du travail effectué par les magistrats.

Il préconise de ce fait le déplacement consistant en un changement d'administration.

…, suite au réquisitoire du délégué du Gouvernement, a demandé au Conseil de ne pas suivre cette sanction. Conscient des fautes commises dans le passé, il aurait changé du tout au tout et il a plus amplement insisté sur son évolution plus que positive ces derniers mois. Après avoir pu travailler aux côtés de la greffière responsable du domaine civil, il aurait gagné en assurance, se serait d'avantage familiarisé avec la procédure civile et aurait appris à s'organiser. Il souhaite pouvoir continuer à travailler au sein de la …ième chambre où il serait apprécié et bien intégré.

Les reproches libellés à charge de … sont établis par les éléments du dossier ensemble les aveux et les dépositions des témoins entendus lors de l'instruction disciplinaire et constituent un manquement à l'article 9, paragraphe 1 du statut général selon lequel le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose en l'espèce notamment les dispositions de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire dont l'article 81, à l'article 9 paragraphe 2 selon lequel le fonctionnaire est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées et à l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1 en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Aux termes de l'article 53 du statut général, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

… est rédacteur auprès de l'administration judiciaire, affecté en qualité de greffier à la onzième chambre du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg. Il est entré en fonction le 1 novembre 2013 et tient sa nomination du 1 janvier 2015. Aucun antécédent disciplinaire formel n'a été consigné à son égard.

Le Conseil de discipline rejoint le délégué du Gouvernement quant à la gravité indubitable des manquements retenus à charge du fonctionnaire. … a fait preuve d'un manque de conscience et de rigueur professionnelle caractérisé. Auxiliaire de justice au service du justiciable et participant à la mission de service public de la Justice, en contact direct notamment avec magistrats, avocats, experts, témoins, parties aux procès, interprètes, son comportement, particulièrement indigne d'une fonction de greffier, a gravement compromis les intérêts de l'administration judiciaire, raison pour laquelle la sanction préconisée par le délégué du Gouvernement semble adéquate et proportionnée.

Cependant, le Conseil de discipline décide de ne pas avoir recours à la sanction du déplacement au vu des prises de position du greffier en chef le 20 janvier 2019 et le 20 septembre 2019, corroborant les développements de … quant à une prise de conscience de sa part, quant à son évolution positive prometteuse et quant à l'absence de la moindre réclamation depuis qu'il a intégré la …ième chambre du tribunal d'arrondissement, mais de prononcer la sanction prévue à l'article 47 point 3., à savoir une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base, et la sanction prévue à l'article 47 point 7., à savoir la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade, en l'espèce le classement du grade 8 échelon 10 au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272.

PAR CES MOTIFS :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, le fonctionnaire entendu en ses explications et moyens de défense et le délégué du Gouvernement en ses conclusions, se déclare régulièrement saisi ;

prononce à l'égard de …, conformément aux dispositions de l'article 53 du statut général la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base prévue à l'article 47 point 3 et la sanction prévue à l'article 47 point 7., à savoir la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade, en l'espèce le classement au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272.

condamne … aux frais de la procédure disciplinaire, ces frais étant liquidés à 79,60 euros. (…) ».

Le 20 janvier 2020, le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline introduisit une requête en rectification d’une erreur matérielle auprès du Conseil de discipline qui, en date du 4 février 2020, prit, après avoir entendu les parties à son audience du 28 janvier 2020, la décision libellée comme suit :

« (…) Vu les faits et rétroactes qui résultent à suffisance de droit des qualités, considérants et motifs d'une décision du Conseil de discipline rendue entre parties le 3 décembre 2019, numéro du registre 26/2019.

Vu la requête en rectification d'une erreur matérielle soumise le 20 janvier 2020 par le délégué du Gouvernement, Marc LEMAL, au Conseil de discipline.

Vu la convocation des parties en cause pour l'audience du 28 janvier 2020 où elles ont été entendues en leurs prises de positions respectives et le conseil de …, Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maitre Jean-Marie BAULER, en ses conclusions.

Par décision du 3 décembre 2019, numéro du registre 26/2019, le Conseil de discipline a prononcé à l'encontre de …, conformément aux dispositions de l'article 53 du statut général, la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base prévue à l'article 47 point 3 et la rétrogradation prévue à l'article 47 point 7. consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade.

Il s'est avéré que dans le dispositif de cette décision il a été repris que … est classé au grade 8, échelon 10 et que partant le grade immédiatement inférieur à son grade est le classement au grade 7, échelon 12, point indiciaire 272.

Le délégué du Gouvernement expose qu'il s'agit d'une erreur matérielle par rapport à l'échelon retenu puisque si le grade dans lequel … est classé est bien le grade 8, l'échelon n'est pas, comme erronément indiqué, l'échelon 10, mais l'échelon 6. Suite à cette erreur de frappe ou d'inadvertance, le Conseil de discipline n'aurait pas, conformément à l'article 53, prononcé de « sanction », le classement ainsi opéré en raison de l'erreur n'étant pas un classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade.

Maître Jonathan HOLLER conteste l'existence d'un fondement légal permettant au délégué du Gouvernement de procéder par voie de rectification d'une erreur matérielle. À supposer pareille requête recevable, il conteste formellement l'existence d'une erreur matérielle réparable et soutient qu'il s'agit d'un problème de légalité. Il développe plus amplement des cas qui n'ont pas été considérés comme réparables par voie de rectification, dont l'erreur de droit ou l'erreur quant au fond, pour s'opposer à toute modification de la décision prise le 3 décembre 2019.

Quant à la compétence du Conseil de discipline et la recevabilité de la requête en rectification :

Le projet de loi n°7307 sur le renforcement de l'efficacité de la Justice civile et commerciale prévoit la modification du Nouveau Code de procédure civile par la création de bases légales instituant formellement une procédure de rectification d'erreur ou d'omission matérielle ainsi qu'une procédure en interprétation des jugements.

Il est exact qu'à l'heure actuelle aucune disposition légale ni réglementaire ne règle la rectification d'une erreur matérielle contenue dans une décision judiciaire ou administrative.

Cependant, la jurisprudence a accepté le principe d'un tel recours depuis très longtemps.

Ainsi le Tribunal administratif (décisions TA 15-6-05 16867b et 16912b et TA 29-4-09 24721) a retenu : « En effet, si ni la loi du 21 juin 1999, ni le Nouveau Code de procédure civile, ni aucune autre disposition légale ne contiennent des règles relatives à la rectification d'une erreur matérielle dans un jugement du tribunal administratif, il est cependant admis, en l'absence de texte légal afférent, que le principe, suivant lequel le jugement dessaisit le juge, connaît des exceptions, notamment dans l'hypothèse d'une erreur matérielle contenue dans le jugement prononcé. Il est ainsi constant que la rectification est légalement permise lorsque l'erreur a été commise par le tribunal lui-même et que sa rectification consiste à ne pas porter atteinte à la chose jugée, mais à faire respecter les intentions du tribunal et sa véritable décision ».

Seule la juridiction qui a rendu une décision juridictionnelle est également compétente pour la rectifier (CA 28-2-08, 23349C).

S'il a été jugé, à de multiples reprises, que le Conseil de discipline ne constitue pas en droit national une juridiction, il a cependant été relevé que cet organe dispose de pouvoirs quasi-juridictionnels et que le Conseil de discipline, autorité administrative autonome chargée d'infliger des sanctions pouvant aller jusqu'à la révocation, assure par là même une mission proche d'une juridiction répressive (CA 10-12-19, 43348C).

Il en suit que le Conseil de discipline est compétent pour statuer sur une requête en rectification d'une erreur matérielle.

La rectification peut être opérée soit sur requête en rectification d'une partie à l'instance, soit d'office par les juges ayant rendu le jugement comportant l'erreur matérielle (TA 15-6-

05,16867b) tant que le délai d'appel court et qu'aucun appel n'a été interjeté (TA 15-6-05, 16867b et 16912b), tel étant le cas en l'espèce, la requête en rectification d'une erreur matérielle contenue dans la décision du 3 décembre 2019 précitée, présentée sous forme de requête le 20 janvier 2020 par une des parties à l'instance, en l'espèce le délégué du Gouvernement, est recevable.

Quant au bien-fondé de la requête :

La requête tend à la rectification d'une erreur matérielle consistant en l'indication d'un échelon erroné.

… est bien classé au grade 8, mais il ne conteste pas que l'échelon dans lequel il est classé n'est pas l'échelon 10, mais l'échelon 6.

L'article 47.7 du statut général dispose « la rétrogradation est une sanction qui consiste dans le classement du fonctionnaire au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation ou au grade précédant le grade immédiatement inférieur. Le grade et l'échelon de traitement dans lesquels le fonctionnaire est classé sont fixés par le Conseil de discipline dont la décision doit aboutir au résultat que le traitement nouvellement fixé soit inférieur au traitement d'avant la sanction disciplinaire ».

Il ressort des développements effectués par le délégué du Gouvernement que l'erreur de départ, à savoir l'indication d'un échelon erroné, a pour effet non pas d'aboutir à un traitement inférieur au traitement d'avant la sanction disciplinaire, mais à une promotion.

L'erreur matérielle peut être définie d'une façon générale comme étant la simple erreur de rédaction qui affecte une décision et dont la réalité se révèle à la seule lecture de la décision, en combinant le cas échéant le dispositif avec les motifs (Thierry HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au Grand-Duché de Luxembourg, 2e éd., n° 1592).

La rectification d'un jugement pour cause d'erreur matérielle, d'omission ou de double emploi est généralement admise à condition que l'erreur commise soit manifeste et ne conduit pas à une réformation ou révision des principes mêmes de la décision (R. THIRY, Précis d'Instruction Criminelle en Droit Luxembourgeois, n° 480 et jurisprudences y citées).

L'erreur est purement matérielle lorsqu'elle ne porte pas sur la substance même du jugement. Elle consiste en une inadvertance qui affecte la lettre, l'expression de la pensée réelle du juge. La réparation de cette erreur permet de sauvegarder l'esprit, la substance du jugement. Mais cette réparation doit seulement conduire à rétablir l'exacte pensée du juge ; en aucun cas, la rectification du jugement ne peut constituer un recours mettant en cause l'autorité de la chose jugée attachée à la décision (cf. Dalloz Action, Droit et pratique de la procédure civile, n°5626).

Il est incontestable, à la lecture de la décision du 3 décembre 2019, que le Conseil de discipline, conformément à l'article 53 du statut général, a entendu sanctionner le fonctionnaire … du chef des reproches établis à sa charge en retenant cumulativement les 2 sanctions prévues à l'article 47 point 3 et point 7 du statut général, à savoir l'amende et la rétrogradation.

Contrairement à l'argumentation de Maître Jonathan HOLLER, la requête en rectification ne tend pas à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, à la substance même de la décision ou à modifier son sens. …, dès le prononcé de la décision du 3 décembre 2019, a été condamné dans le dispositif « à une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base et à la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade ». Il n'a, à aucun instant, pu se méprendre sur les sanctions prononcées à son encontre et sur la portée de la décision. L'erreur porte, de surplus, sur une donnée avérée à la parfaite connaissance de …, à savoir l'échelon dans lequel il est effectivement classé.

En l'espèce, l'intention du Conseil de discipline de prononcer à l'encontre de … les deux sanctions consistant en l'amende et la rétrogradation est sans équivoque. La rectification sollicitée ne remet partant pas en question le bien-fondé de la décision qu'elle concerne mais seulement l'exacte expression de ce qui en ressort avec certitude.

Au vu de ce qui précède, la demande en rectification d'une simple erreur matérielle est fondée, la réparation en question reflétant l'exacte portée de la décision, il y a lieu, par voie de conséquence, de rectifier l'erreur matérielle contenue dans la décision du 3 décembre 2019, numéro du registre 885/2019 conformément au dispositif ci-dessous.

PAR CES MOTIFS :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, le fonctionnaire, son mandataire et le délégué du Gouvernement entendus, se déclare compétent pour statuer sur la requête en rectification introduite par le délégué du Gouvernement le 20 janvier 2020, la déclare recevable et fondée, dit qu'il y a lieu à rectification de l'erreur matérielle contenue dans la décision du 3 décembre 2019, numéro du registre 885/2019, au niveau de l'échelon dans lequel … est classé, à savoir l'échelon 6 au lieu de l'échelon 10, partant rectifie le dispositif de la prédite décision comme suit :

« le Conseil de discipline prononce à l'égard de …, conformément aux dispositions de l'article 53 du statut général, la sanction disciplinaire d'une amende égale à une mensualité brute de son traitement de base prévue à l'article 47 point 3 et la sanction prévue à l'article 47 point 7, à savoir la rétrogradation consistant dans le classement au grade immédiatement inférieur à son ancien grade 8, échelon 6, en l'espèce le grade 7, échelon 8, points 239 ».

ordonne que mention de la présente décision soit faite en marge de la minute de la décision du 3 décembre 2019 rectifiée et qu'il ne sera plus délivrée d'expédition ni d'extrait de cette dernière sans la présente rectification, laisse les frais à charge de l'Etat. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2020, inscrite sous le numéro 44217 du rôle, Monsieur Marc Lemal, délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline, a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du Conseil de discipline du 3 décembre 2019 et du 4 février 2020.

A l’audience publique, le tribunal a soulevé d’office la question de l’irrecevabilité du recours sur base des articles 9 et 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », au motif qu’il aurait été introduit par un délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline et non pas par un délégué du gouvernement auprès des juridictions administratives, respectivement par un avocat à la Cour, question par rapport à laquelle Monsieur … a conclu à son bien-fondé et le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice.

Aux termes de l’article 66 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », « Tous les avocats admis à plaider devant les tribunaux du Grand-Duché sont également admis à plaider devant le tribunal administratif.

Néanmoins, les avocats inscrits à la liste I des tableaux dressés annuellement par les conseils des ordres des avocats ont seuls le droit d’accomplir les actes d’instruction et de procédure.

L’Etat se fait représenter devant le tribunal administratif par un délégué ou par un avocat. ».

Aux termes de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, figurant au Titre I intitulé « Instances devant le tribunal administratif », « tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, dénommé ci-après «tribunal», est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats ».

Le respect de cette exigence relative au recours à un avocat inscrit à la liste I se matérialise par l’apposition manuscrite sur l’acte introductif d’instance de la signature de l’avocat à la Cour constitué. Cette formalité relève d’une condition substantielle de la procédure contentieuse applicable. En effet, par sa signature, le litismandataire, avocat à la Cour, s’identifie en tant qu’auteur de l’acte de procédure et en certifie la régularité du point de vue de l’exigence du recours à un avocat à la Cour. Il en résulte que toute insuffisance y relative constitue un vice entachant la requête introductive d’instance et entraîne l’irrecevabilité du recours, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser plus loin les autres moyens proposés par les parties1.

Il résulte des dispositions qui précèdent qu’en principe, les actes de procédure devant les juridictions administratives doivent être signés et introduits par un avocat à la Cour de la liste I, sauf les dérogations légales expressément prévues qui sont dès lors d’interprétation stricte. Une telle dérogation est notamment prévue à l’article 9 de la loi du 21 juin 1999 qui dispose à son 1er alinéa que : « Par dérogation à l’article 1er, en cas d’introduction d’un 1 En ce sens trib. adm. 10 février 1999, n° 10933 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 526 et les autres références y citées.

recours par l’Etat, la requête introductive peut être signée par un délégué du Gouvernement. ».

S’il est vrai que ni la loi du 7 novembre 1996 ni la loi du 21 juin 1999 ne définissent le délégué du gouvernement auquel il est fait référence par ces deux textes et qu’il n’appartient pas au juge de distinguer là où la loi ne distingue pas, l’interprétation d’une exception à un principe général, tel que relevé ci-avant, est cependant d’application stricte, de sorte que seuls les délégués du gouvernement spécialement désignés à cet effet ont qualité de représenter l’Etat devant les juridictions administratives, étant relevé que toute délégation de pouvoirs doit être spéciale, un délégué étant défini comme « agent chargé d’une mission particulière »2.

Or, le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline, comme son nom l’indique et tel qu’il se présente lui-même dans le cadre de sa requête introductive d’instance, a été spécialement délégué par arrêté grand-ducal afférent, en vue de représenter l’Etat devant le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, et ce en application de l’article 59 du statut général, selon lequel « Le Conseil de discipline est composé de deux magistrats de l’ordre judiciaire, d’un délégué du ministre, d’un délégué du ministre d’Etat et d’un représentant à désigner par la Chambre des Fonctionnaires et Employés Publics, ainsi que d’un nombre double de suppléants choisis selon les mêmes critères.

Pour chaque cas, le Conseil de discipline peut s’adjoindre, à titre d’expert, un fonctionnaire de la même administration que le fonctionnaire prévenu.

Le Gouvernement est représenté par un délégué de son choix. Ce délégué défendra les intérêts du Gouvernement.

Les membres du Conseil de discipline et le délégué du Gouvernement sont nommés par le Grand-Duc pour un terme de trois ans. Leur mandat peut être renouvelé. (…) ».

Il s’ensuit qu’au vu de la référence expresse et exclusive à l’article 59 du statut général, il a été délégué uniquement en vue de représenter l’Etat devant le Conseil de discipline et non pas pour représenter l’Etat devant les juridictions administratives en application des articles 66 de la loi du 7 novembre 1996, respectivement 9, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999.

Il n’est en outre pas établi en cause que Monsieur Lemal ait été délégué, par ailleurs, au moment de l’introduction du recours, pour représenter le gouvernement devant les juridictions administratives, aucune nomination en ce sens de la part du ministre de la Justice et transmise pour information au Président de la Cour administrative, n’étant versée en cause, Monsieur Lemal n’ayant notamment pas figuré sur la liste des délégués du gouvernement auprès des juridictions administratives, telle que régulièrement communiquée aux juridictions administratives par le ministère de la Justice.

Il ressort de ces considérations que Monsieur Lemal ne saurait partant rentrer dans les prévisions des articles 66 de la loi du 7 novembre 1996, respectivement 9, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999.

2 Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, association Henri Capitant, Edition Quadrige / Presses Universitaires de France.

Il échet ensuite de vérifier si l’article 54, paragraphe (2) du statut général confère au délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline le droit d’agir seul au-delà du principe général édicté par l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 et de la dérogation visée à l’article 9 de cette même loi.

Aux termes de l’article 54, paragraphe (2) du statut général, « En dehors des cas où le Conseil de discipline statue en appel, le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline ou suspendu conformément à l’article 48, paragraphe 1er, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond. Le même droit de recours appartient au Gouvernement qui l’exerce par l’intermédiaire du délégué visé à l’article 59, alinéa 3. Les recours du fonctionnaire intéressé et du délégué du Gouvernement sont obligatoirement dirigés contre la décision du Conseil de discipline. ».

Cette disposition a été introduite au statut général par la loi du 19 mai 2003 modifiant 1) la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat;

2) la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat ;

3) la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat ;

4) la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat ;

5) la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois ;

6) la loi modifiée du 27 mars 1986 fixant les conditions et les modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut se faire changer d’administration; et portant création d’un commissariat du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après dénommé la « loi du 19 mai 2003 », qui institua notamment le Conseil de discipline comme organe de décision en matière disciplinaire3. A la même occasion, le 2e paragraphe de l’article 54 du statut général fut complété par la phrase « Le même droit de recours appartient au Gouvernement qui l’exerce par l’intermédiaire du délégué visé à l’article 59, alinéa 3. », dans le but d’« accorder au Gouvernement la même possibilité de recours auprès du tribunal administratif qu’à l’inculpé. 4» La disposition précitée n’est pas de nature à déroger au principe général édicté par l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, mais se limite à accorder le même droit au gouvernement que celui accordé au fonctionnaire concernée par la procédure disciplinaire, à savoir le droit d’introduire un recours contre la décision du Conseil de discipline, ce droit impliquant nécessairement le droit de juger également de l’opportunité d’un tel recours.

En effet, l’obligation pour le gouvernement de passer par le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline afin d’introduire un recours contre la décision du Conseil de discipline à la place du gouvernement s’explique par la circonstance que, dans la procédure disciplinaire, telle qu’elle se trouve actuellement réglée par le statut général, le gouvernement est représentée deux fois, une fois en tant qu’autorité de nomination, à l’origine de la plainte disciplinaire, partie poursuivante, et une fois en tant qu’autorité administrative indépendante, 3 Trav. Parl. 4891, exposé des motifs, p. 44 à 45.

4 Trav. Parl. 4891, commentaire des articles, p. 77.

à savoir le Conseil de discipline, ayant le pouvoir décisionnel à l’issue de l’instruction disciplinaire.

Etant donné que la partie défenderesse, dans le cadre d’un recours devant le tribunal administratif, est l’autorité dont émane la décision déférée, à savoir en l’occurrence le gouvernement qui, faute pour le Conseil de discipline de disposer d’une personnalité juridique propre, représente les intérêts de l’autorité administrative ayant décidé de la sanction disciplinaire à infliger au fonctionnaire, c’est le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline qui est désigné par l’article 54, paragraphe (2) du statut général, afin de représenter les intérêts du gouvernement en tant qu’autorité de nomination et partie poursuivante. Ainsi, c’est le droit de juger de l’opportunité d’un recours contre la décision disciplinaire qui est ainsi dévolu, par ledit article, au délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline en raison du conflit d’intérêt éventuel avec l’autorité sanctionnatrice constituant également une émanation du gouvernement.

En tout état de cause, ni l’article 54, paragraphe (2) du statut général, ni un autre texte ne dispense le gouvernement, même par le truchement du délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline, de se faire représenter, dans le cadre d’une requête introductive d’instance, par un délégué du gouvernement au sens de l’article 66 de la loi du 7 novembre 1996, respectivement par un avocat à la Cour, telle que cette dernière obligation pèse d’ailleurs également sur le fonctionnaire auquel une sanction disciplinaire a été infligée par le Conseil de discipline.

Une telle obligation de la partie poursuivante d’exercer son droit de recours par le truchement du délégué auprès du Conseil de discipline n’existe d’ailleurs pas dans le cadre de la procédure disciplinaire des fonctionnaires communaux, où l’article 66, paragraphe (2) de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux prévoit seulement une possibilité de passer par le délégué auprès du Conseil de discipline, dans une disposition analogue à celle de l’article 54 précité disposant que « Le même droit de recours appartient au collège des bourgmestre et échevins, qui peut exercer ce droit par l’intermédiaire du délégué visé à l’article 70, alinéa 3. ». En effet, l’autorité poursuivante, dans ce cas, ne se confond pas avec l’autorité de décision qu’est le Conseil de discipline, alors que ce dernier est une autorité étatique, de sorte qu’aucun conflit d’intérêt ne se pose. La possibilité laissé au pouvoir poursuivant de laisser au délégué auprès du Conseil de discipline le soin de décider sur l’opportunité de former un recours contre la décision du Conseil de discipline se justifie par la circonstance que ce dernier, en tant que partie plaidante peut être, le cas échéant, mieux outillé de ce faire, ayant déjà traité le dossier devant le Conseil de discipline, argumentation qui vaut par ailleurs également pour le délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline dans les affaires disciplinaires concernant les fonctionnaires de l’Etat.

Etant donné que la requête introductive sous examen n’est pas signée par un avocat à la Cour, ni par un délégué du gouvernement auprès des juridictions administratives au sens des article 18 et 66 de la loi du 7 novembre 1996, elle est d’ores et déjà à déclarer irrecevable pour non-respect de l’article 9, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999, la représentation devant les juridictions administratives étant une disposition d’ordre public à laquelle il ne saurait être dérogée que par une loi spéciale et ce, quand bien même le tribunal administratif n’ait pas soulevé cette question dans d’autres affaires dans le passé.

Au vu de cette conclusion, il n’y a pas lieu de statuer sur les moyens d’irrecevabilité soulevés par Monsieur … relatifs à un éventuel défaut d’intérêt à agir de la part du délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline, respectivement à un éventuel d’intérêt au moyen, ces questions étant devenues surabondantes.

Force est finalement de relever que malgré le fait que l’Etat, en tant qu’autorité ayant pris la décision déférée, n’a pas comparu pour assurer la défense des intérêts du Conseil de discipline, bien que la requête introductive d’instance ait été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2020, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999.

Quant à l’indemnité de procédure sollicitée par Monsieur …, d’un montant de 1.000 euros, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il échet de constater qu’il n’est pas établi en cause en quoi le fait de laisser à sa charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens aurait un caractère inéquitable. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la demande afférente.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable, partant le rejette ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure sollicitée Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mai 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 30


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 44217
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-26;44217 ?

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