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18/04/2023 | LUXEMBOURG | N°45648

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 avril 2023, 45648


Tribunal administratif N° 45648 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45648 3e chambre Inscrit le 15 février 2021 Audience publique du 18 avril 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée SOCIETE A SARL, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45648 du rôle et déposée le 15 février 2021 au greffe du tribunal

administratif par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, établie et ayant son siège soc...

Tribunal administratif N° 45648 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45648 3e chambre Inscrit le 15 février 2021 Audience publique du 18 avril 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée SOCIETE A SARL, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45648 du rôle et déposée le 15 février 2021 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J.F. Kennedy, inscrite à la liste V du barreau de Luxembourg, représentée pour les besoins de la présente instance par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée SOCIETE A SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à la réformation sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2014, du bulletin de fixation de l’assiette pour l’impôt commercial et communal et du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2014, ainsi que du bulletin d’établissement de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2015 et du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015, tous émis le 15 mai 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2021 par la société en commandite simple ALLEN & OVERY pour compte de la société à responsabilité limitée SOCIETE A SARL, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean SCHAFFNER et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 décembre 2022.

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Il est constant en cause que suite au dépôt des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 2014 et de la déclaration de fortune au 1er janvier 2015, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-

après désigné par « le bureau d’imposition », informa, par courrier du 11 avril 2019, la société à responsabilité limitée SOCIETE A SARL, ci-après désignée par « la société SOCIETE A », sur le fondement du paragraphe 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », qu’il envisageait d’apporter des 1modifications aux déclarations fiscales telles que déposées par ladite société pour l’exercice 2014 au motif que « les opérations de vente (02 janv. 2012) et de rachat (28 janv.2013) des parts dans SOCIETE A entre l’associé X et la société anonyme SOCIETE B, [qw] sont considérées, en vertu du § 6(1) de la loi d’adaptation fiscale, comme abus de droit », tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite.

En date du 15 mars 2019, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société SOCIETE A, les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal visant l’année 2014, ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015 et le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015.

Par un courrier recommandé du 27 juin 2019, la société SOCIETE A introduisit par l’intermédiaire de son mandataire une réclamation à l’encontre des bulletins prémentionnés auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

A défaut de réponse du directeur à la suite de cette réclamation, la société SOCIETE A a, par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2021 et inscrite sous le numéro 45648 du rôle, fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, du bulletin de fixation de l’assiette pour l’impôt commercial et communal et du bulletin de l’impôt commercial communal relatifs à l’année 2014, ainsi que du bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015 et du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015, tous émis le 15 mai 2019.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, et de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation sous examen, lequel est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, la société demanderesse explique qu’elle aurait été constituée le … 2006 et que son objet social aurait été modifié par assemblée générale extraordinaire du 23 juillet 2009 pour être le suivant : « la société a pour objet de faire pour son propre compte, ainsi que pour le compte d’autrui, toutes les opérations se rattachant directement ou indirectement à la diffusion ou à la distribution de matériel informatique (hardware, software), ainsi que la prestation de services de gestion, de conseils, informatiques et de bureaux ».

Elle affirme qu’en date du 2 janvier 2012, son associé unique et consultant en informatique, Monsieur X, aurait cédé l’intégralité de ses parts sociales à la société de droit liechtensteinois SOCIETE B, ci-après désignée par « la société SOCIETE B », qui les aurait revendues à Monsieur X le 28 janvier 2013, de sorte que celui-ci serait, depuis cette date, de 2nouveau son associé unique. En date du 21 janvier 2010, un contrat de licence et de savoir-

faire aurait été conclu entre elle et la société SOCIETE B lui permettant « de bénéficier du savoir-faire développé par SOCIETE B en vue de réaliser au mieux son objet social ». Le 1er mars 2013, elle aurait acquis les actifs incorporels de la société SOCIETE B pour une valeur de … euros. Elle continue en expliquant qu’en 2013, elle aurait développé, déposé et enregistré auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur, ci-après désigné par l’« OHMI », une marque dénommée « MARQUE 1 », tout en soulignant que celle-ci ne présenterait aucun lien avec le contrat de licence et de savoir-faire, prémentionné, conclu avec la société SOCIETE B le 21 janvier 2010. En date du 29 mars 2013, elle aurait conclu avec la société anonyme SOCIETE C SA, ci-après désignée par « la société SOCIETE C », un contrat de licence relatif à la marque « MARQUE 1 », avec effet au 1er avril 2013, permettant à celle-

ci d’utiliser ladite marque, la société demanderesse précisant à cet égard que Monsieur X détiendrait 80% du capital de la société SOCIETE C et que les 20% restants seraient détenus par des parties tierces non liées.

La société SOCIETE A donne ensuite à considérer qu’elle aurait sollicité dans ses déclarations d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune pour l’année 2013, le bénéfice des dispositions de l’article 50bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », ainsi que du paragraphe 60bis de la loi modifiée concernant l’évaluation des biens et valeurs (« Bewertungsgesetz »), du 16 octobre 1934, ci-après « BewG », afin d’obtenir l’exonération partielle de 80% des revenus générés par l’exploitation de la marque « MARQUE 1 », ainsi que l’exonération de l’impôt sur la fortune de la valeur nette de cette même marque.

Elle met dans ce contexte en exergue qu’elle aurait reçu le 23 mars 2018 de la part du bureau d’imposition, sur base du paragraphe 205, alinéa 3 AO, une demande de renseignements relative à l’année d’imposition 2013 l’invitant à communiquer une copie du contrat « d’acquisition » de la marque « MARQUE 1 » ainsi que du certificat d’enregistrement de cette même marque. Or, un tel contrat n’existerait pas étant donné qu’elle aurait elle-même développé, déposé et enregistré la marque litigieuse, la société demanderesse soulignant à cet égard que Monsieur X se serait excusé pour l’erreur commise par son comptable qui, en remplissant le formulaire 750 spécifique à l’article 50bis LIR et en communiquant les pièces demandées par l’administration des Contributions directes, aurait, à tort, employé les termes de « contrat d’acquisition » de marque la « MARQUE 1 », tout en renvoyant dans ce contexte aux rectificatifs du formulaire 750 pour les années 2014, 2015 et 2016 redressant l’erreur en cause. Elle ajoute que le contrat de licence et de savoir-faire du 21 janvier 2010 aurait été communiqué au bureau d’imposition par courrier du 27 mars 2018 et qu’en réponse à un appel téléphonique de l’administration des Contributions directes, elle aurait encore rédigé des courriers explicatifs les 11 et 23 avril 2018. Or, malgré les explications y données, l’administration des Contributions directes ne serait pas revenue sur son analyse et aurait en date du 18 juillet 2018 émis à son égard les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2013 ainsi que le bulletin d’établissement de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2014, tout en lui refusant l’octroi du bénéfice des dispositions de l’article 50bis LIR ainsi que du paragraphe 60bis BewG au motif que la condition prévue à l’alinéa 5 de l’article 50bis LIR ne serait pas remplie et que les transactions de dépôt et d’enregistrement de la marque « MARQUE 1 » ainsi que celles d’octroi d’un droit de licence constitueraient un abus de droit.

3Elle donne à considérer qu’elle aurait introduit le 22 août 2018 une réclamation contre les bulletins de l’impôt relatifs à l’année 2013 et qu’en date du 17 mai 2019, le directeur aurait rendu une décision, référencée sous le numéro de rôle …, à travers laquelle celui-ci aurait, tout en reconnaissant que la condition prévue à l’alinéa 5 de l’article 50bis LIR serait remplie, maintenu la qualification d’abus de droit.

La société demanderesse met enfin en avant qu’elle aurait également sollicité dans ses déclarations d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune pour l’année 2014, le bénéfice des dispositions de l’article 50bis LIR en relation avec l’exploitation de la marque « MARQUE 1 », mais qu’elle se serait vue refuser l’application dudit régime de faveur à travers les bulletins litigieux relatifs à l’année 2014 et ce quand bien même que le directeur aurait admis au titre de l’année d’imposition 2013 qu’elle remplirait les critères de l’article 50bis LIR.

En droit, la société demanderesse reproche tout d’abord au bureau d’imposition d’avoir refusé l’application du régime de faveur prévu à l’article 50bis LIR au motif que la marque « MARQUE 1 » aurait été acquise auprès d’une partie apparentée au sens de l’alinéa 5 de cette disposition.

Après avoir rappelé les conditions pour pouvoir bénéficier de l’exonération partielle prévue à l’article 50bis LIR, à savoir (i) l’admissibilité de l’actif concerné en tant qu’actif de propriété intellectuelle, (ii) le développement ou acquisition de l’actif concerné à compter du 31 décembre 2007 et (iii) l’absence d’interposition d’une entité apparentée, elle soutient, s’agissant de la première condition, que la marque litigieuse serait, eu égard aux éléments de preuve versés en cause, une marque tombant dans le champ d’application de l’article 50bis, alinéa 1er LIR.

Concernant la deuxième condition, elle fait valoir que conformément à la circulaire LIR n° 50bis/1 du 5 mars 2009, la date du dépôt de la demande d’enregistrement serait à considérer comme date de constitution de la marque, de sorte que dans la mesure où la marque « MARQUE 1 » aurait été enregistrée en 2013, cette condition serait également remplie.

En ce qui concerne la troisième condition, la société demanderesse, après avoir rappelé la notion d’« entité liée » au sens de l’alinéa 5 de l’article 50bis LIR, à savoir lorsque (i) la société détient une participation directe d’au moins 10% dans le capital de la société bénéficiaire du revenu, ou lorsque (ii) le capital de la société est détenu directement à raison d’au moins 10% par la société bénéficiaire du revenu ou encore lorsque (iii) le capital de la société est détenu directement à raison d’au moins 10% par une troisième société et celle-ci détient une participation directe d’au moins 10% dans le capital de la société bénéficiaire du revenu, fait valoir que la marque litigieuse n’aurait pas été acquise mais directement développée par elle-même, de sorte que la condition en question visée à l’alinéa 5 de l’article 50bis LIR serait remplie.

Il s’ensuivrait que l’exonération partielle demandée sur base de l’article 50bis LIR, de même que l’exonération de l’impôt sur la fortune de la valeur nette de la marque « MARQUE 1 » conformément au §60bis BewG devraient être accordées.

La société SOCIETE A reproche ensuite au bureau d’imposition d’avoir retenu un abus de droit concernant les transactions de dépôt et d’enregistrement de la marque « MARQUE 1 » ainsi que celles d’octroi d’un droit de licence, telles que décrites ci-avant.

4En se référant à la jurisprudence en la matière et après avoir rappelé que trois critères devraient être cumulativement remplis pour qu’il y ait abus de droit au sens du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, maintenue en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », à savoir (i) l’utilisation de formes et d’institutions du droit privé, (ii) la recherche d’une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt et (iii) l’usage d’une voie inadéquate et l’absence de motifs extra-fiscaux valables pour justifier la voie choisie, la société SOCIETE A fait valoir que si dans son courrier du 29 juin 2018, l’administration des Contributions directes avait fait référence aux « opérations de vente (2 janvier 2012) et de rachat (28 janvier 2013) » de ses parts sociales entre Monsieur X et la société SOCIETE B pour la qualification d’abus de droit, le directeur aurait dans sa décision sur réclamation du 17 mai 2019 fait référence « au dépôt et enregistrement de la Marque et l’octroi d’un droit de licence moyennant rémunération ».

Elle met à cet égard en exergue qu’il y aurait lieu de distinguer entre, d’une part, les opérations de réorganisation constitutives de décisions propres à sa gestion, à savoir la conclusion du contrat de licence et de savoir-faire entre elle et la société SOCIETE B ainsi que l’acquisition par elle des actifs incorporels de cette même société, et, d’autre part, les transactions de dépôt et d’enregistrement de la marque litigieuse et l’octroi d’un droit de licence à la société SOCIETE C. Or, dans la mesure où la marque litigieuse n’aurait pas été acquise auprès de la société SOCIETE B, mais qu’elle l’aurait elle-même développée, déposée et enregistrée, les opérations liées à la vente et au rachat de ses parts sociales entre Monsieur X et la société SOCIETE B ne pourraient avoir un quelconque lien avec le dépôt et l’enregistrement de ladite marque ni avec l’octroi d’un droit de licence. A cela s’ajouterait que la marque en question n’aurait pas été donnée en licence à la société SOCIETE B, de sorte qu’aucune « opération circulaire » ne pourrait lui être reprochée. Il s’ensuivrait que les opérations de réorganisation devraient être écartées de l’analyse relative à l’abus de droit.

Elle se prévaut ensuite de deux principes fondamentaux en matière fiscale, à savoir celui de l’interdiction de l’administration fiscale de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et celui de la liberté de gestion selon laquelle le contribuable est entièrement libre de choisir, pour l’exploitation de son entreprise, la forme qui lui semble la plus appropriée et la moins onéreuse au point de vue fiscal, tout en se référant dans ce contexte à un arrêt du 2 août 2017, inscrit sous le numéro 39020C du rôle, dans le cadre duquel la Cour administrative aurait écarté la qualification d’abus de droit en décidant que les différentes étapes d’une transaction, à savoir le fait d’avoir constitué une société pour y loger des droits de propriété intellectuelle et la constitution de la société peu de temps après l’entrée en vigueur de l’article 50bis LIR, ne pourraient pas être qualifiées de « voie inadéquate » dans la mesure où l’objectif du législateur aurait été, entre autres, précisément celui de motiver les contribuables à protéger le résultat de leurs recherches et à formaliser leur droit en procédant à l’enregistrement de la marque de leur produit. Cette intention de protection et de motivation des contribuables serait encore reflétée dans les travaux parlementaires1 de la Chambre des Députés desquels ils se dégagerait que « les mesures fiscales de l’article 50bis L.I.R. visant à favoriser l’investissement dans la propriété intellectuelle et à encourager les investissements en recherche et développement, ou les mesures de transfert de plus-values immunisées ».

Elle soutient finalement que même si une voie inadéquate devait être retenue, il faudrait lui substituer une voie adéquate, la société demanderesse insistant plus particulièrement sur le 1 Projet de loi n° 5924, session ordinaire 2007-2008, pp.54.

5fait que lorsque l’administration des Contributions directes se trouverait dans l’incapacité de proposer une voie alternative adéquate correspondant à la réalité de la structure en cause dans un but de sécurité juridique envers le contribuable, quand bien même il y aurait un abus, ce dernier ne serait pas punissable. Il s’ensuivrait que la voie alternative proposée et permettant de contredire une structure donnée ne pourrait être arbitraire ou simplement théorique.

Elle conclut que la qualification d’abus de droit ne pourrait être retenue en l’espèce, de sorte que les bulletins litigieux seraient à réformer.

Dans son mémoire en réponse et en fait, le délégué du gouvernement, après avoir rappelé les différentes transactions entre la société SOCIETE A, Monsieur X, la société SOCIETE B et la société SOCIETE C telles que décrites ci-dessus, met en exergue que Monsieur X détiendrait 80% des actions de la société SOCIETE B et 80% des actions de la société SOCIETE C et qu’il aurait été nommé directeur à la gestion journalière de la société SOCIETE C en date du 16 juin 2008, tandis que la société demanderesse, représentée par son gérant, Monsieur X, aurait, quant à elle, été nommée administrateur-délégué de cette même société en date du 12 janvier 2009. En se référant au site internet du groupe GROUPE C, il donne à considérer que ledit groupe se définirait comme « spécialistes en conseil et en logiciels » présents dans neuf pays, tout en soulignant que Monsieur X y figurerait comme directeur général du Benelux.

En droit, et en ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014, le délégué du gouvernement avance tout d’abord qu’en matière de la fiscalité directe, l’impôt qui est fixé dans le chef d’un certain contribuable se devrait toujours de respecter de manière minutieuse sa capacité contributive, alors même s’il s’agirait, comme en l’espèce, de plusieurs contribuables agissant ensemble sous le toit d’un même groupe d’entreprises. Il donne à considérer que les acteurs seraient, en effet, chacun contraints d’agir comme entre tiers en ce qui concerne les actes commerciaux intragroupes qu’ils entreprennent (« arm’s length principle »), tout en précisant que cette idée fondamentale et omniprésente se trouverait notamment ancrée dans les paragraphes 5, 6 et 11 StAnpG.

Après avoir rappelé les conditions de l’article 6 StAnpG, il fait valoir que la première condition serait remplie en l’espèce dans la mesure où le transfert d’actifs incorporels à la société SOCIETE A en date du 1er mars 2013, le dépôt et l’enregistrement par une société commerciale d’une marque protégée et l’octroi d’un droit de licence à une autre société moyennant rémunération constitueraient indiscutablement des utilisations de formes et d’institutions du droit privé. Il en serait de même de la deuxième condition tenant à une économie d’impôts au vu de l’exonération partielle de 80% des redevances perçues qui aurait pour effet de réduire le revenu imposable de la société demanderesse. En ce qui concerne la troisième condition, à savoir l’usage d’une voie inadéquate et l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie, il admet que le caractère simplement inhabituel des formes, constructions ou opérations de droit privé ne serait pas à lui seul suffisant pour les voir qualifier d’inadéquates au vu de la liberté en principe reconnue au contribuable de choisir la voie la moins imposée, tout en insistant sur le fait qu’il faudrait que l’objectif économique soit atteint par cette voie dans le contexte économique donné d’une manière telle qu’elle permettrait l’obtention d’un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d’une application de la loi fiscale conforme à son intention.

6Il soutient qu’il serait étonnant que la société demanderesse ait acquis en date du 1er mars 2013 un prétendu actif incorporel de la société SOCIETE B, société appartenant au groupe GROUPE C, alors que seulement 28 jours plus tard elle aurait conclu un prétendu contrat de licence avec la société SOCIETE C afin de percevoir une rémunération pour le prétendu l’usage ou la prétendue concession de l’usage de la marque « MARQUE 1 ».

Il met en avant que si l’article 1er du contrat de licence du 29 mars 2013 dispose que la marque « MARQUE 1 » serait en cours d’enregistrement, il ressortirait du récépissé de dépôt d’une demande de marque communautaire de l’OHMI que le formulaire de demande établi par la société SOCIETE A n’aurait été reçu que le 7 novembre 2013, donc plus de 7 mois après la signature dudit contrat de licence.

En ce qui concerne les redevances, l’article 8 dudit contrat de licence stipulerait, d’une part, une redevance fixe mensuelle de … euros et, d’autre part, une redevance variable, allant de 15% à 25% du chiffre d’affaires du licencié en relation avec a) les services, b) la maintenance et c) les licences, de sorte qu’il devrait être retenu que parmi ces trois sources de revenu du licencié ne figurerait pas la vente de produits fabriqués ou informatiques sur lesquels la marque « MARQUE 1 » pourrait être apposée.

Le délégué du gouvernement cite ensuite un extrait du site internet du groupe GROUPE C pour soutenir qu’il pourrait être valablement supposé que la société demanderesse ne proposerait à ses clients que des services de consultance en matière informatique, à l’exclusion de tout produit ou service dénommé « MARQUE 1 ».

Par ailleurs, le contrat de vente d’actifs incorporels conclu le 1er mars 2013 entre la société demanderesse et la société SOCIETE B porterait sur les secrets d’entreprise, le savoir-

faire, les droits sur une clientèle, la mise en œuvre d’une méthodologie et les informations techniques « qui ne sont pas protégés par des droits de propriété intellectuelle », de sorte que l’ensemble des actifs qui ont été cédés ne seraient pas visés par l’alinéa 1er de l’article 50bis LIR.

Il fait, de surcroît, valoir qu’il se dégagerait de la comptabilité de la société demanderesse que la marque « MARQUE 1 » aurait été enregistrée en tant que « Brevets » (compte n° …) et non en tant que « Marques et franchises » (compte n° …), de sorte qu’il s’agirait en réalité du savoir-faire acquis à titre onéreux de la part de la société SOCIETE B le 1er mars 2013.

Cette conclusion serait encore renforcée par le fait que la société demanderesse aurait inscrit à l’actif de son bilan au 31 décembre 2013 la marque « MARQUE 1 » pour un montant de … euros, alors qu’il se dégagerait du récépissé de dépôt de l’OHMI que la taxe de base de dépôt de la marque « MARQUE 1 » se chiffrerait à … euros, de sorte qu’il serait sans équivoque que l’actif sus-énoncé se composerait, d’une part, de … euros (actif incorporel acquis le 1er mars 2013) et, d’autre part, de … euros (taxe de dépôt auprès de l’OHMI), le délégué du gouvernement ajoutant encore que le modèle 750 (« Les droits de propriété intellectuelle visés à l’article 50bis L.I.R. ») remis ensemble avec la déclaration d’impôt de l’année litigieuse ferait clairement mention que la date de constitution de la marque « MARQUE 1 » coïnciderait avec la date d’acquisition des actifs incorporels le 1er mars 2013, voire que le prix de revient se chiffrerait à … euros.

7Au vu de ces considérations, il devrait être conclu que tous les revenus perçus par la société demanderesse seraient la contrepartie de la concession de l’usage des actifs incorporels non visés par l’article 50bis LIR étant donné que le contrat de vente d’actifs incorporels du 1er mars 2013 exclurait explicitement le transfert de droits de propriété intellectuelle, le délégué du gouvernement reprochant plus particulièrement à la société demanderesse d’avoir tenté de bénéficier indûment des dispositions du régime de faveur en faisant valoir les honoraires perçus pour la consultance et la maintenance en tant que redevances touchées pour la concession de l’usage de la marque « MARQUE 1 ».

Il conclut que la société demanderesse tenterait indûment de bénéficier du régime de l’exonération pour le licenciement d’une prétendue marque (i) qui constituerait en réalité en l’acquisition d’un savoir-faire qui ne serait pas protégé par des droits de propriété intellectuelle, (ii) qui ne serait pas enregistrée au moment de la conclusion du contrat de licence, (iii) qui ne serait utilisée pour aucun produit ou service proposé par le licencié, à savoir la société SOCIETE C, et (iv) pour laquelle la contrepartie ne constituerait pas une redevance, mais une rémunération pour la prestation de services de consultance et/ou de maintenance.

Il s’ensuivrait que les troisième et quatrième conditions tenant à la voie inadéquate et à l’absence de motifs extra-fiscaux valables de la voie choisie se trouveraient vérifiées en l’espèce, de sorte qu’un abus de droit devrait être retenu et que les revenus comptabilisés par la société demanderesse ne rentreraient pas dans le champ d’application de l’article 50bis LIR.

Dans son mémoire en réplique et quant aux faits, la société demanderesse renvoie à ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance, tout en contestant les affirmations de la partie étatique dans son mémoire en réponse suivant lesquelles Monsieur X détiendrait 80% des actions de la société SOCIETE B et que le groupe GROUPE C aurait fait l’objet d’une « restructuration ».

En droit, et quant au prétendu abus de droit lui reproché, elle rappelle, s’agissant de la condition d’une utilisation de formes et d’institutions de droit privé, que la marque « MARQUE 1 » serait une marque développée, déposée et enregistrée par elle et non pas un savoir-faire acquis par elle à titre onéreux auprès de la société SOCIETE B et ce malgré l’existence d’une erreur quant à l’inscription comptable de ladite marque en tant que « Brevets ». Ainsi et dans la mesure où la marque litigieuse n’aurait pas été acquise auprès de la société SOCIETE B, les opérations liées à la vente et au rachat de ses parts sociales entre Monsieur X et ladite société ne pourraient avoir un quelconque lien avec le dépôt et l’enregistrement de ladite marque et l’octroi d’un droit de licence. Par ailleurs, la marque « MARQUE 1 » n’aurait pas été donnée en licence à la société SOCIETE B, de sorte qu’on ne pourrait lui reprocher une « opération circulaire ».

En ce qui concerne ensuite la condition de la recherche d’une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, elle réitère son argumentation suivant laquelle les dispositions de l’article 50bis LIR et du paragraphe 60bis BewG seraient prévues par la loi et auraient pour but de motiver les contribuables à protéger le résultat de leurs recherches et à formaliser leur droit en procédant à l’enregistrement de la marque et de leur produit. Elle fait valoir qu’en l’espèce, après avoir développé sa marque, elle aurait légitimement souhaité protéger le résultat de ses recherches en procédant à l’enregistrement de celle-ci.

8En ce qui concerne la condition d’un usage d’une voie inadéquate et l’absence de motifs extra-fiscaux valables pour justifier la voie choisie, elle reproche à la partie étatique de soutenir, en s’appuyant sur le site internet du groupe GROUPE C, qu’elle ne proposerait aucun produit ni service dénommé « MARQUE 1 », en faisant valoir que le site internet en question serait un site du groupe GROUPE C et non pas exclusivement de la société SOCIETE C qui serait, en effet, la seule société à utiliser la marque litigieuse. Elle donne à considérer que le site internet en question aurait été modifié après une décision en interne du groupe, tout en soulignant que la version précédente dudit site aurait mentionné la marque « MARQUE 1 ».

Elle conteste encore l’affirmation de la partie étatique suivant laquelle la marque litigieuse ne serait pas utilisée pour les produits ou services proposés par le licencié, en l’occurrence la société SOCIETE C, en soutenant que celle-ci serait, depuis 2013, apposée sur quasiment tous ses documents.

Elle met ensuite en avant que des motifs extra-fiscaux permettraient de justifier économiquement la voie choisie en l’espèce. Ainsi, si avant 2013, la société SOCIETE C avait dû faire face à un souci de crédibilité ou de respectabilité pendant les processus de vente, depuis 2013 et grâce à l’apposition de la marque litigieuse sur ses documents commerciaux, celle-ci aurait connu un succès considérable, la société demanderesse mettant en avant que la preuve de la réussite commerciale se refléterait par le chiffre d’affaires qu’aurait généré la société SOCIETE C lequel serait en croissance continue depuis 2013 jusqu’en 2018, tout en donnant à considérer que celui-ci aurait été de … euros en 2014, avec une augmentation de … euros en 2015, de … euros en 2016, de … euros en 2017 et de … en 2018. Il serait dès lors indéniable que les transactions critiquées seraient motivées par des raisons autres que fiscales.

Enfin, après avoir réitéré son argumentation suivant laquelle il incomberait à l’administration des Contribution directes de proposer une voie alternative adéquate correspondant à la réalité de la structure en cause dans un but de sécurité juridique envers le contribuable, et qu’en cas de défaut, l’abus de droit ne serait pas punissable, elle reproche à la partie étatique d’avoir omis de proposer une voie alternative, « ce qui de ce fait devrait exclure la qualification de « voie inadéquate » ».

Il s’ensuivrait que la qualification d’un abus de droit ne pourrait être retenu en l’espèce, de sorte que les bulletins litigieux seraient à réformer.

A titre liminaire, force est au tribunal de constater que si par courrier du 11 avril 2019, le bureau d’imposition a informé la société SOCIETE A, sur le fondement du paragraphe 205, alinéa 3 AO, qu’il envisageait d’apporter des modifications aux déclarations fiscales telles que déposées par ladite société pour l’exercice 2014 aux motifs que les conditions prévues à l’article 50bis LIR ne seraient pas remplies dans son chef et que « les opérations de vente (02 janv. 2012) et de rachat (28 janv.2013) des parts dans SOCIETE A entre l’associé X et la société anonyme SOCIETE B, [qw] sont considérées, en vertu du § 6(1) de la loi d’adaptation fiscale, comme abus de droit » et qu’il a, pour les mêmes motifs, refusé l’exonération partielle de 80% des revenus perçus à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de la marque dénommée « MARQUE 1 » sur base de l’article 50bis LIR à travers les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2014, ainsi que l’exonération de la même marque en vertu du paragraphe 60bis BewG lors de la détermination de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2015, le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, s’est limité à reprocher à la société demanderesse un abus de droit au sens du paragraphe 6 StAnpG, sans prendre position sur les conditions 9d’application prévues par l’article 50bis LIR ou par le paragraphe 60bis BewG, voire la raison pour laquelle ces conditions ne seraient pas remplies dans le chef de la société SOCIETE A.

En conséquence, le tribunal n’examinera pas les différentes conditions pour pouvoir prétendre au bénéfice de l’article 50bis LIR et du paragraphe 60bis BewG pourtant contesté par le bureau d’imposition et il limitera ainsi son analyse exclusivement à l’abus de droit au sens de l’article 6 StAnpG reproché à la société demanderesse.

Le paragraphe 6 StAnpG définit l’abus de droit en ces termes : « (1) Durch Missbrauch von Formen und Gestaltungsmöglichkeiten des bürgerlichen Rechts kann die Steuerpflicht nicht umgangen oder gemindert werden. (2) Liegt ein Missbrauch vor, so sind die Steuern so zu erheben, wie sie bei einer den wirtschaftlichen Vorgängen, Tatsachen und Verhältnissen angemessenen rechtlichen Gestaltung zu erheben wären […] ».

Cette disposition reflète ainsi le principe de l’appréciation d’après les critères économiques en matière fiscale2, et règle le détournement abusif des dispositions légales de leur objectif premier en vue de bénéficier, par des constructions artificielles, d’avantages fiscaux injustifiés et non voulus par le législateur3.

L’application du paragraphe 6 StAnpG suppose que les conditions constitutives d’un abus de droit doivent être examinées au regard de la globalité des opérations faites en l’espèce et des personnes physiques et morales étant intervenues dans le cadre de ces opérations4.

La reconnaissance d’un abus de droit suppose ainsi la réunion de plusieurs éléments, à savoir plus particulièrement (i) l’utilisation de formes et d’institutions du droit privé, (ii) une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, (iii) l’usage d’une voie inadéquate et (iv) l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie5.

La théorie de l’abus de droit permet ainsi à l’administration d’écarter des constructions juridiques ou opérations motivées exclusivement par des fins fiscales, non motivées par des considérations économiques6.

Quant à la charge de la preuve, force est de rappeler que s’il incombe en principe à l’Etat qui invoque un abus de droit à cet égard de prouver que les éléments constitutifs de l’abus se trouvent réunis en rendant plausible l’absence d’une justification économique à la base de la voie choisie, il incombe au contribuable de faire état de considérations économiques réelles pouvant justifier la voie choisie malgré l’apparence établie par l’Etat, et ce, également en application du principe de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », selon lequel celui qui invoque le bénéfice d’une bonification d’impôts susceptible de réduire sa charge fiscale supporte la charge de la preuve de l’existence d’une motivation autre que fiscale à la base de la structure choisie.

2 Etudes fiscales 81/82/83/84/85, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, page 120.

3 Etudes fiscales 2000, Glossaire de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, page 18.

4 Cour adm., 16 février 2016, n° 35978C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 31.

5 cf. Cour adm., 7 février 2013, n° 31320C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

6 En ce sens, Droit fiscal international par Jean Schaffner, éditions Promoculture, n° 16.2.5.

10En l’espèce, il n’est point litigieux que la première condition se trouve vérifiée dans la mesure où l’achat et la vente des actions sociales de la société demanderesse à la société SOCIETE B en date des 2 janvier 2012 et 28 janvier 2013, le transfert d’actifs incorporels de la société SOCIETE B à la société demanderesse en date du 1er mars 2013, le dépôt et l’enregistrement par la société demanderesse de la marque « MARQUE 1 » auprès de l’OHMI le 10 décembre 2013 et le contrat de licence entre la société demanderesse et la société SOCIETE C du 29 mars 2013 constituent indiscutablement des utilisations de formes et d’institutions du droit privé.

En ce qui concerne le critère de l’économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, il convient de retenir que cette économie d’impôts peut consister dans le fait qu’un impôt est totalement évité ou qu’il n’est que partiellement évité, c’est-à-dire que la dette fiscale est simplement réduite : il y a dès lors de vérifier si le contribuable a effectivement pu réaliser un avantage fiscal. Pour apprécier s’il y a diminution de la charge fiscale, il convient de se baser sur la charge cumulée de toutes les années sur lesquelles la construction choisie par le contribuable déploie ses effets. Dans ce sens on peut considérer que ce que recherche le contribuable sera toujours une diminution de la charge fiscale7.

Force est de constater que les revenus générés par la marque « MARQUE 1 » sont susceptibles d’être exonérés à concurrence de 80% dans le chef de la société demanderesse par l’application de l’article 50bis LIR, ce à quoi il s’ajoute l’exonération de l’impôt sur la fortune de la valeur nette de cette même marque en vertu du paragraphe 60bis BewG, ayant pour effet de réduire la base imposable de la société demanderesse, de sorte qu’il échet de conclure que les opérations litigieuses ont pour effet une réduction de la charge d’impôt au sens du paragraphe 6 StAnpG.

La deuxième condition prévue au paragraphe 6 StAnpG est dès lors également remplie.

Quant au troisième élément de l’usage d’une voie inadéquate, il convient de préciser que le caractère simplement inhabituel des formes, constructions ou opérations de droit privé n’est pas à lui seul suffisant pour les voir qualifier d’inadéquates au vu de la liberté en principe reconnue au contribuable de choisir la voie la moins imposée, mais qu’il faut, dans un cas tel celui de l’espèce, que l’objectif économique soit atteint par cette voie dans le contexte économique donné d’une manière telle qu’elle permet l’obtention d’un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d’une application de la loi fiscale conforme à son intention8.

La charge de la preuve n’incombe pas entièrement au contribuable, mais il appartient en principe à l’Etat qui invoque un abus de droit de prouver que les éléments constitutifs de l’abus se trouvent réunis. Néanmoins, par rapport au critère de l’existence de considérations économiques valables à la base de la voie choisie, cette charge de la preuve ne saurait avoir pour conséquence d’imposer à l’Etat la preuve concrète de l’impossibilité d’une justification économique de la voie choisie, mais elle doit plutôt toujours être limitée aux éléments que l’Etat peut raisonnablement être supposé établir, à savoir que l’Etat devra rendre plausible l’absence d’une justification économique à la base de la voie choisie et qu’il incombe alors au contribuable, à la source de la voie choisie, de faire état de considérations économiques 7 A. Steichen, Manuel de droit fiscal - droit fiscal spécial, T.2, édition 2006, p.141.

8 Cour adm., 18 mars 2014, n° 32984C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 36, et les autres références y citées 11justifiant, d’après lui, la voie choisie malgré l’apparence contraire dument mise en avant par l’Etat. Il ne suffit pas que le contribuable fasse simplement état de motifs économiques pour que ceux-ci doivent nécessairement être admis comme valables, mais il faut que ces motifs puissent être considérés comme réels et présentent par eux-mêmes un avantage économique suffisant au-delà du seul bénéfice fiscal obtenu9 : il incombe ainsi au contribuable de faire état de considérations économiques réelles pouvant justifier la voie choisie malgré l’apparence établie par l’Etat10.

Il est constant en cause que la société SOCIETE A a été constituée par Monsieur X, consultant en informatique et associé unique, en date du … 2006 et que le 21 janvier 2010, un contrat de licence et de savoir-faire a été conclu entre la société demanderesse et la société SOCIETE B permettant à la première de bénéficier du savoir-faire développé par la deuxième.

Il est encore constant en cause que le 2 janvier 2012, Monsieur X a cédé l’intégralité des parts sociales de la société SOCIETE A à la société SOCIETE B et que ces mêmes parts lui ont été revendues le 28 janvier 2013. Il n’est ensuite pas contesté pour relever, par ailleurs, des pièces versées en cause qu’en date du 1er mars 2013, la société SOCIETE B a cédé des actifs incorporels à la société demanderesse pour un montant de … euros et que le 10 décembre 2013, la société SOCIETE A a déposé la marque « MARQUE 1 » auprès de l’OHMI laquelle y a été enregistrée le 13 mai 2014. Il est ensuite encore constant en cause qu’en date du 29 mars 2013, un contrat de licence a été conclu entre la société demanderesse et la société SOCIETE C, avec comme objet le droit exclusif d’utilisation de la marque « MARQUE 1 » moyennant le paiement d’une redevance mensuelle fixe de … euros, d’une part, et d’une redevance variable, allant de 15% à 25% du chiffre d’affaires du licencié en relation avec a) les services, b) la maintenance et c) les licences, d’autre part.

Il échet de relever que l’objectif principal de cette dernière opération consiste, suivant la société demanderesse, à faire bénéficier la société SOCIETE C - dont il n’est pas contesté que Monsieur X détient 80% des actions et qu’il a été nommé directeur à la gestion journalière de celle-ci en date du 16 juin 2008, tandis que la société demanderesse, représentée par son gérant, Monsieur X, a, quant à elle, été nommée administrateur-délégué de la société SOCIETE C en date du 12 janvier 2009 -, de l’usage de la marque « MARQUE 1 » en vue de réduire les problèmes de crédibilité et de respectabilité que celle-ci a pu rencontrer pendant le processus de vente de ses produits et services surtout en relation avec des grandes sociétés ou des organisations internationales et d’augmenter ainsi son chiffre d’affaires.

Une première conclusion s’impose, à savoir que, par l’opération effectuée en l’espèce, l’objectif tel qu’avancé par la société demanderesse d’augmenter le chiffre d’affaire de la société SOCIETE C est atteint, celle-ci ayant en effet, suivant les explications de la société demanderesse, connu une croissance économique continue depuis 2013.

Il échet ensuite de constater que ni le bureau d’imposition, ni le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse n’ont concrètement expliqué en quoi la voie ainsi choisie par la société SOCIETE A pour atteindre le but en question serait inadéquate, ou, in fine, pourquoi et dans quelle mesure l’objectif économique ainsi atteint aurait un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d’une application de la loi fiscale conforme à son intention, le bureau d’imposition s’est, en effet, 9 Trib. adm., 28 janvier 2015, n° 33984 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 16 février 2016, n° 35979C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 37, et les autres références y citées 10 Trib. adm. 27 juin 2013, n° 30540 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mars 2014, n° 33125C du rôle, Pas. adm.

2022, V° Impôts, n° 38, et les autres références y citées.

12limité à retenir dans son courrier du 11 avril 2019, auquel renvoient les bulletins litigieux, que « les opérations de vente (02 janv. 2012) et de rachat (28 janv.2013) des parts dans SOCIETE A entre l’associé X et la société anonyme SOCIETE B, [qw] sont considérées, en vertu du § 6(1) de la loi d’adaptation fiscale, comme abus de droit », tandis que le délégué du gouvernement a, quant à lui, critiqué la société demanderesse de tenter indûment de bénéficier du régime de l’exonération en vertu de l’article 50bis LIR et du paragraphe 60bis BewG pour le licenciement d’une prétendue marque (i) qui consisterait en réalité en l’acquisition d’un savoir-faire qui ne serait pas protégé par des droits de propriété intellectuelle, (ii) qui ne serait pas enregistrée au moment de la conclusion du contrat de licence, (iii) qui ne serait pas utilisée pour un quelconque produit ou service proposé par le licencié, à savoir la société SOCIETE C et (iv) pour laquelle la contrepartie ne constituerait non pas une redevance, mais une rémunération pour la prestation de services de consultance et/ou de maintenance.

A cet égard, en ce qui concerne tout d’abord les contestations étatiques relatives aux opérations de vente et de rachat des parts sociales de la société demanderesse en date des 2 janvier 2012 et 28 janvier 2013 entre Monsieur X et la société SOCIETE B, force est de constater que la partie étatique se limite à critiquer ces opérations sans toutefois mettre en avant un quelconque élément laissant conclure à un usage d’une voie inadéquate par la société demanderesse afin de bénéficier d’une exonération fiscale, étant à cet égard rappelé que le caractère simplement inhabituel des formes, constructions ou opérations de droit privé n’est pas à lui seul suffisant pour les voir qualifier d’inadéquates au vu de la liberté en principe reconnue au contribuable de choisir la voie la moins imposée, mais qu’il faut que l’objectif économique soit atteint par cette voie dans le contexte économique donné d’une manière telle qu’elle permet l’obtention d’un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d’une application de la loi fiscale conforme à son intention11.

Or, face aux explications du mandataire de la société demanderesse à l’audience des plaidoiries suivant lesquelles lesdites parts sociales auraient été vendues à la société SOCIETE B alors que Monsieur X aurait voulu arrêter son activité et à défaut pour la partie étatique d’expliquer en quoi aurait concrètement existé, en relation avec lesdites opérations, l’usage d’une voie inadéquate, les contestations étatiques afférentes sont rejetées.

En ce qui concerne ensuite le contrat de vente d’actifs incorporels du 1er mars 2013 entre la société SOCIETE B et la société demanderesse, respectivement l’affirmation étatique suivant laquelle cette cession d’actifs incorporels consisterait en réalité non pas en un transfert de droits de propriété intellectuelle mais en l’acquisition, à titre onéreux, d’un savoir-faire qui ne serait pas visé par l’alinéa 1er de l’article 50 LIR, de sorte que, de l’entendement du tribunal, la partie étatique entend en effet remettre en cause tant la constitution par la société SOCIETE A de la marque « MARQUE 1 » que la qualification même dudit droit de propriété industrielle en tant que marque, il échet de relever que dans sa décision du 17 mai 2019 rendue sur réclamation introduite par la société demanderesse le 23 août 2018 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2013, ainsi que du bulletin de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2014, tous émis le 18 juillet 2018, le directeur a retenu que « […] la réclamante n’a justement pas acquis la marque [« MARQUE 1 »] d’une personne physique ou morale, mais qu’elle a constitué elle-même ledit droit en le déposant auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) en date du 10 décembre 2013 ; que la circulaire L.I.R. n° 50bis/1 du 5 mars 2009 retient à ce sujet « que l’application des alinéas 1er 11 Trib. adm., 27 juin 2013, n° 30540 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mars 2014, n° 33125C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 36 et les autres références y citées.

13et 3 n’est pas exclue si les revenus y visés sont payés par une société associée lorsque le contribuable a lui-même conçu le droit de propriété intellectuelle » […] » et que dès lors « […] la condition additionnelle imposée par l’alinéa 5 de l’article 50bis L.I.R. est remplie en l’espèce […] ».

Il résulte de ce qui précède que le directeur a admis, dans sa décision du 17 mai 2019, que (i) les revenus générés pour lesquels la société SOCIETE A demande l’exonération partielle proviennent d’une marque et non pas d’un brevet ou d’un savoir-faire et (ii) la société demanderesse a elle-même conçu le droit de propriété intellectuelle sur cette marque.

A cet égard, il échet encore de relever qu’il ressort du dossier administratif et plus particulièrement du formulaire 750 rectifié pour l’année 2014, que la société demanderesse a conçu la marque « MARQUE 1 » en date du 1er mars 2013 et qu’elle est le « propriétaire juridique et économique du[dit] bien incorporel ». Il se dégage ensuite du récépissé de dépôt d’une demande de marque communautaire de l’OHMI du 7 novembre 2013 que la société SOCIETE A y a déposé la marque figurative « MARQUE 1 » et que la marque en cause a été enregistrée à son nom suivant certificat d’enregistrement du 13 mai 2014. Il se dégage encore du « contrat de licence de marque » du 29 mars 2013 que la société demanderesse a confié à la société SOCIETE C, à partir du 1er avril 2013, la concession exclusive du droit d’utiliser ladite marque.

Au vu de ces éléments et dans la mesure où le directeur a explicitement admis que la marque « MARQUE 1 » a été conçue par la société SOCIETE A par le dépôt de celle-ci auprès de l’OHMI en date du 10 décembre 2013, l’ensemble des contestations étatiques relatives à la qualification des actifs incorporels cédés en vertu du contrat de vente du 1er mars 2013 sont à rejeter pour ne pas être fondées, sans que la seule inscription comptable de la marque litigieuse en tant que « Brevets » ne permet de retenir le contraire, étant à cet égard relevé que la société demanderesse a valablement expliqué qu’il s’agit là d’une erreur matérielle commise par son comptable et rectifiée par la suite.

Il s’ensuit que l’allégation étatique suivant laquelle la contrepartie de la concession de l’usage de la marque « MARQUE 1 » en vertu du contrat de licence du 29 mars 2013 ne constituerait pas une redevance, mais une rémunération pour la prestation de services de consultance et/ou de maintenance est également rejetée.

Eu égard à ce qui précède et dans la mesure où la partie étatique reste, par ailleurs, en défaut d’expliquer davantage en quoi ledit contrat de vente d’actifs incorporels entre la société demanderesse et la société SOCIETE B serait de nature à laisser conclure à l’usage d’une voie inadéquate dans le chef de la société demanderesse, aucun abus de droit au sens de l’article 6 StAnpG ne saurait être retenu.

Il en est de même en ce qui concerne le contrat de licence conclu le 29 mars 2013 entre la société demanderesse et la société GROUPE C. En effet, force est de constater que la simple affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle il serait étonnant que la société demanderesse aurait « acquis » le 1er mars 2013 un actif corporel de la société SOCIETE B et que seulement 28 jours plus tard elle a conclu un contrat de licence avec la société SOCIETE C afin de percevoir une rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage de la marque « MARQUE 1 », n’est en tout état de cause pas suffisante, à défaut de toute explication approfondie, pour retenir l’usage d’une voie inadéquate et conclure à un abus de droit dans le chef de la société SOCIETE A.

14 Cette même conclusion s’impose en ce qui concerne le reproche étatique suivant lequel l’article 1er du contrat de licence du 29 mars 2013 renseignerait que la marque « MARQUE 1 » serait en cours d’enregistrement, alors qu’il ressortirait du récépissé de dépôt d’une demande de marque communautaire de l’OHMI que le formulaire de demande établi par la société demanderesse n’aurait été reçu que le 7 novembre 2013, soit plus de 7 mois après la signature dudit contrat de licence, dans la mesure où, à défaut de toute explication circonstanciée de la partie étatique, cette circonstance ne permet pas à elle-seule de retenir un usage d’une voie inadéquate par la société demanderesse au sens de l’article 6 StAnpG.

Il convient de même encore de rejeter l’affirmation étatique suivant laquelle la marque litigieuse ne serait pas utilisée pour un quelconque produit fabriqué ou service proposé par le licencié, à savoir la société SOCIETE C. En effet, il se dégage de l’article 1er du contrat de licence du 29 mars 2013 que : « […] La licence, qui est concédée sans autre garantie que celles du fait personnel du Concédant et de l’existence matérielle de la marque susvisée, est consentie et acceptée en vue de (i) l’apposition de la marque MARQUE 1 sur les produits fabriqués et commercialisés par le licencié ainsi que (ii) à l’occasion de la fourniture des prestations de service par le licencié.

Les produits et services mentionnés ci-dessus concernent la maintenance informatique, la mise en place de logiciels informatiques, ainsi que la vente de divers produits en matière informatique, de conseil en entreprise dans le domaine informatique, ainsi que la vente, l’installation de produits informatiques et la provision de solutions IT de services clientèle.

Tous les services sont prestes autour des solutions d’… et de …. ».

Par ailleurs, suivant l’article 8 dudit contrat de licence, « La présente licence est consentie et acceptée moyennant le versement par le Licencié pendant toute la durée du présent contrat, d’une redevance de licence fixe ainsi qu’une redevance variable assise sur le chiffre d’affaires […] réalisé par le Licencié au titre de l’exploitation de la marque concédée et de la commercialisation des produits et/ou de la fourniture des services, tels que définis à l’article I ci-dessus. […] », de sorte qu’il doit être admis, en analysant les seuls termes du contrat, qu’une utilisation de la marque litigieuse sur les produits fabriqués et commercialisés ou à l’occasion des services fournis par la société SOCIETE C est prévue.

A cela s’ajoute que la société demanderesse a valablement soutenu dans son mémoire en réplique, pièces probantes à l’appui, que la marque litigieuse est, depuis 2013, apposée sur quasiment tous les documents de la société SOCIETE C, tout en se prévalant à cet égard de divers propositions commerciales ou contrats, à savoir un appel d’offres chez SOCIETE D à … en 2013, une proposition commerciale au groupe GROUPE E, premier producteur français d’emballages en carton ondulé en Europe et en Afrique, en 2015, un contrat de maintenance annuel « … » avec SOCIETE F en 2018 et un contrat de licence avec SOCIETE G en Suisse en 2019.

Il s’ensuit que l’affirmation étatique suivant laquelle la marque « MARQUE 1 » ne serait pas utilisée par la société SOCIETE C est rejetée pour être contredite par les pièces versées en cause.

Il en est de même de l’allégation étatique simplement supposée suivant laquelle il se dégagerait du site internet du groupe GROUPE C que la société demanderesse ne proposerait à ses clients que des services de consultance en matière informatique. En effet, il résulte des 15explications circonstanciées de la société SOCIETE A que ce site internet n’est pas uniquement représentatif du Luxembourg et par conséquent de la marque « MARQUE 1 » laquelle est exclusivement utilisée par la société SOCIETE C, mais du groupe GROUPE C qui est un groupe international, la société demanderesse ayant encore précisé dans ce contexte, pièce probante à l’appui, que la marque litigieuse avait figuré sur le site en question avant sa modification suivant une décision en interne du groupe GROUPE C, mais qu’il serait désormais impossible de faire apparaître ladite marque sur le site en question.

Au vu de ces explications, non valablement remises en cause, l’affirmation étatique suivant laquelle la consultation du site internet du groupe GROUPE C permettrait de constater que la société demanderesse ne propose aucun produit ou service dénommé « MARQUE 1 » est à rejeter pour ne pas être fondée.

Il suit de tout ce qui précède que la troisième condition relative à l’utilisation d’une voie inadéquate n’est pas remplie en l’espèce, pour ne pas résulter à suffisance des éléments soumis à l’appréciation du tribunal.

Cette constatation s’impose également en ce qui concerne la dernière condition prévue par le paragraphe 6 StAnpG concernant l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie, en ce que la société demanderesse a expliqué de manière détaillée, circonstanciée et non-même valablement remise en cause par la partie étatique ses différents objectifs poursuivis.

Elle a, en effet, dûment expliqué que la société SOCIETE C a connu un souci de crédibilité ou de respectabilité pendant les processus de vente de ses produits et services surtout en relation avec les grandes sociétés et les organisations internationales et que, depuis 2013, et avec l’apposition de la marque « MARQUE 1 » sur ses documents commerciaux, elle a connu un succès considérable, tout en soulignant que la preuve de la réussite commerciale se dégage du fait que le chiffre d’affaires généré par la société SOCIETE C a été en croissance continue depuis 2013 jusqu’en 2018. Elle avance plus particulièrement, chiffres à l’appui, que le chiffre d’affaires est resté stable entre 2013 et 2014 en raison de la période de transition durant laquelle la marque litigieuse a progressivement pris sa place dans les diverses propositions et stratégies commerciales de la société SOCIETE C, et que depuis 2016 celui-ci a augmenté sans cesse jusqu’en 2018.

Il ressort de tout ce qui précède que la société demanderesse a avancé des motifs extra-fiscaux susceptibles de justifier la voie choisie, qui n’ont, par ailleurs, pas été contestés par la partie étatique, de sorte qu’il échet de retenir que la quatrième condition ayant trait à l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie prévue par le paragraphe 6 StAnpG n’est pas non plus remplie dans le chef de la société SOCIETE A.

La société demanderesse a ainsi valablement établi que les différentes transactions et opérations ne consistent pas dans l’utilisation inadéquate de formes et d’institutions du droit privé avec comme seul but une économie d’impôt, de sorte que l’abus de droit au sens du paragraphe 6 StAnpG n’est pas donné de ce chef, et que les bulletins de l’impôt litigieux encourent partant la réformation.

La société SOCIETE A sollicite encore l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.500 euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qui est à rejeter, d’un côté, au regard des contestations de la partie étatique et, de l’autre côté, en ce qu’elle n’a pas établi à 16suffisance de droit en quoi il serait inéquitable qu’elle supporte seule les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2014, le bulletin de fixation de l’assiette pour l’impôt commercial et communal et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2014, ainsi que contre le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015 et le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015, tous émis le 15 mai 2019 ;

au fond, le déclare justifié, partant, par réformation dit que les opérations de vente du 2 janvier 2012 et de rachat du 28 janvier 2013 des parts sociales de la société SOCIETE A entre l’associé X et la société SOCIETE B, de même que les opérations de dépôt et d’enregistrement de la marque « MARQUE 1 » auprès de l’OHMI, ainsi que le contrat de licence conclu entre la société demanderesse et la société SOCIETE C ne constituent pas un abus de droit au sens du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 et renvoie le dossier en prosécution de cause au bureau d’imposition compétent de l’administration des Contributions directes ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 avril 2023 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 avril 2023 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45648
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-04-18;45648 ?

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