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05/04/2023 | LUXEMBOURG | N°48749

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 avril 2023, 48749


Tribunal administratif Numéro 48749 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48749 3e chambre Inscrit le 29 mars 2023 Audience publique du 5 avril 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48749 du rôle et déposée le 29 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Phili

ppe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif Numéro 48749 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48749 3e chambre Inscrit le 29 mars 2023 Audience publique du 5 avril 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48749 du rôle et déposée le 29 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 mars 2023 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;, en remplacement de Maître Philippe STROESSER et Madame le délégué du gouvernement Charline RADERMECKER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Centre d’intervention Luxembourg du 1er mars 2018, portant le numéro de référence …, qu’à cette même date, Monsieur …, ayant, à ce moment déclaré s’appeler …, ci-après désigné par « Monsieur … » fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il ne put présenter aucun document d’identité. Il ressort encore du même rapport de police que Monsieur … ne disposait pas d’adresse fixe au Luxembourg, mais qu’il ne put pas être placé au Centre de rétention, faute de places disponibles.

Suivant le rapport de police n° … daté du 7 mars 2018, Monsieur … fut à nouveau interpellé par les agents de la police grand-ducale sans être en possession d’une pièce d’identité.

Par un arrêté du 7 mars 2018, notifié le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … et lui ordonna de quitter le territoire sans délai.

1Par un arrêté séparé du même jour, notifié également le même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois, mesure prorogé pour la durée d’un mois supplémentaire par un arrêté ministériel du 5 avril 2018, notifié à l’intéressé le 6 avril 2018.

Suite à une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, ayant révélé que Monsieur … avait introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 13 mai 2016, les autorités luxembourgeoises adressèrent une demande de reprise en charge aux autorités allemandes en date du 8 mars 2018, laquelle fut acceptée par ces dernières en date du 26 mars 2018.

Alors même que Monsieur … fut transféré en Allemagne en date du 26 avril 2018, tel que cela ressort d’un rapport de la police grand-ducale du même jour, ce dernier fut à nouveau interpellé sans documents d’identité par les forces de l’ordre luxembourgeoises en date du 12 août 2018, suivant le rapport de police n° … daté du même jour, lequel releva également qu’en raison d’un manque de place au Centre de rétention, Monsieur … fut alors remis en liberté.

Il ressort d’un rapport de police du 16 octobre 2018, portant le n° …, que Monsieur … fut à nouveau interpellé sans être en possession de papiers d’identité, un placement en rétention n’ayant toujours pu se faire faute de places disponibles.

Suite à une nouvelle interpellation de Monsieur … en date du 23 février 2019 sans que ce dernier n’ait pu s’identifier avec des documents officiels, tel que cela ressort d’un rapport de police du même jour, le ministre, par arrêté du 23 février 2019, notifié le même jour, déclara le séjour de Monsieur … comme étant irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en prenant une décision d’interdiction de territoire de trois ans à l’encontre de celui-ci.

Par arrêté ministériel séparé du même jour Monsieur … fut à nouveau placé en rétention pour une durée d’un mois.

Il ressort du dossier que malgré le fait qu’en date du 28 février 2019, les autorités allemandes aient accepté une nouvelle demande de reprise en charge de Monsieur …, le transfert de ce dernier vers l’Allemagne ne put pas être exécuté alors que ce dernier fut incarcéré en date du 20 mars 2019, tel que cela ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du même jour.

A sa sortie du Centre pénitentiaire en date du 16 septembre 2019, Monsieur … se fit notifier un nouvel arrêté de placement en rétention pris par le ministre en date du 12 septembre 2019, placement à la suite duquel, il fut à nouveau transféré vers l’Allemagne en date du 14 octobre 2019.

Il ressort ensuite d’un rapport de police n° … daté du 1er mars 2020, que Monsieur … se présenta ce même jour dans un commissariat à la recherche d’un hébergement pour la nuit, ce dernier n’étant toujours pas en mesure de présenter des documents d’identité valables, mais que faute de place, il ne put pas être placé au Centre de rétention.

Interpellé à nouveau sans documents d’identité par la police grand-ducale en date du 26 mai 2020, tel que cela ressort d’un rapport de police du même jour portant la référence …, 2Monsieur … fit l’objet, le même jour, d’une nouvelle décision de retour avec ordre de quitter le territoire sans délai, assortie d’une interdiction de territoire de trois ans.

Selon le rapport de police n° … daté du 24 octobre 2020, le concerné fut interpellé par les agents de la police grand-ducale dans le cadre d’un cambriolage à Bertrange. Il s’avéra à cette occasion qu’il était encore dépourvu de documents d’identité et qu’il était signalé dans le Système d’information Schengen.

Par arrêté ministériel du même jour, Monsieur … fut à nouveau placé au Centre de rétention, d’où il fut libéré le 17 novembre 2020, tel que cela ressort d’un transmis du ministre du même jour.

Par un courrier du 27 octobre 2020, les services ministériels adressèrent une demande d’identification de Monsieur … au Consulat Général du Maroc à Liège, demande accueillie favorablement par les autorités consulaires marocaines en date du 25 février 2021, lesquelles identifièrent l’intéressé comme s’appelant … et marquèrent leur accord de principe quant à l’octroi d’un laissez-passer en faveur de ce dernier.

Suivant le rapport de police du 16 janvier 2021, portant la référence …, Monsieur … fut, en date du même jour interpellé suite à un vol, toujours sans pouvoir présenter des documents d’identité. Faute de places disponibles, aucune mesure de placement ne put être prise.

Une nouvelle interpellation de Monsieur … ressort d’un rapport de police du 23 mai 2021, portant le n° … qui constata également l’impossibilité d’un placement au Centre de rétention, faute de place.

Selon le rapport de police n° … daté du 26 février 2022, Monsieur … fut interpellé, sans pièce d’identité, par les agents de la police grand-ducale dans le cadre d’un vol à l’étalage dans un supermarché, faits pour lesquels il fut placé en détention préventive le lendemain, tel que cela ressort d’une information du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 27 février 2022.

A sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg en date du 22 février 2023, Monsieur … se vit notifier un arrêté du 21 février 2023, annulant et remplaçant les arrêtés précités des 7 mars 2018 et 23 février 2019, par lequel le ministre constata le séjour irrégulier de ce dernier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du 21 février 2023, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 21 février 2023 comportant une interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans;

3Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2023, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 21 février 2023, recours dont il fut débouté par jugement du 10 mars 2023, n° 48635 du rôle.

Par arrêté ministériel du 21 mars 2023, notifié le 22 mars 2023, le ministre prorogea à nouveau le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois, ledit arrêté étant motivé comme suit :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 21 février 2023, notifié le 22 février 2023, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 21 février 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l’éloignement de l’intéressé est prévu le 18 avril 2023 ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2023, inscrite sous le numéro 48749 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 21 mars 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime 4remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique, s’agissant d’une atteinte évidente à la liberté de mouvement. Il s’ensuivrait qu’une telle mesure devrait se baser sur des motifs sérieux ainsi qu’être proportionnée par rapport à la situation donnée, puisque le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte évidente à sa liberté de mouvement devant être motivée à suffisance, ce qui ne serait manifestement pas le cas en espèce.

En se référant ensuite à un jugement du 19 février 2009 du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, le demandeur fait finalement valoir que le placement dans une structure fermée serait disproportionné au regard des circonstances de l’espèce, de sorte que, sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, il estime pouvoir être assigné à résidence dans un lieu à fixer par le ministre, avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services ministériels ou de toute autre autorité désignée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun des moyens.

En ce qui concerne d’abord le moyen du demandeur selon lequel le ministre n’aurait pas suffisamment motivé la décision déférée, force est de relever que, comme il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée.

Le moyen afférent doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour 5obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, il est constant en cause, pour avoir par ailleurs, été retenu par le jugement prémentionné du tribunal administratif du 10 mars 2023, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 21 février 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de 5 ans.

Il s’ensuit qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi ou encore s’il ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Il appartient dès lors au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

6 Force est toutefois de constater et tel que d’ores et déjà relevé dans le jugement prémentionné du 10 mars 2023, - le demandeur n’ayant apporté aucun nouvel élément dans le cadre du présent litige - que Monsieur … n’a fourni aucun élément qui permettrait de renverser la présomption du risque de fuite existant dans son chef.

Le demandeur fait encore valoir que le ministre aurait dû choisir une option moins coercitive que son placement en rétention telle qu’une assignation à résidence avec obligation dans son chef de se présenter régulièrement à des intervalles à fixer auprès des services ministériels ou toute autre autorité désignée.

A cet égard il convient de relever que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées 7par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), de sorte que pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

A défaut de tout autre moyen il convient partant de rejeter le recours sous analyse comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

8condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 avril 2023 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 avril 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48749
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-04-05;48749 ?

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