La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2023 | LUXEMBOURG | N°48676

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2023, 48676


Tribunal administratif N° 48676 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48676 3e chambre Inscrit le 10 mars 2023 Audience publique du 29 mars 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48676 du rôle et déposée le 10 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Françoise NSAN-N

WET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif N° 48676 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48676 3e chambre Inscrit le 10 mars 2023 Audience publique du 29 mars 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48676 du rôle et déposée le 10 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Koweït), de nationalité syrienne, assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer (SHUK), tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 février 2023 de le transférer vers l’Italie comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Françoise NSAN-NWET et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 mars 2023.

___________________________________________________________________________

Le 4 novembre 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service criminalité organisée-

police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion, ainsi qu’au regard du résultat d’une recherche effectuée dans la base de données EURODAC que Monsieur … avait franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 20 octobre 2022 et fut « fingerprinted » le 21 octobre 2022.

Le 18 novembre 2022, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de 1déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 30 novembre 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités italiennes aux fins de la prise en charge de Monsieur … sur base de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

Par arrêté du 9 décembre 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », assigna Monsieur … à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois.

Par courrier du 23 janvier 2023, les autorités italiennes informèrent les autorités luxembourgeoises que Monsieur … « […] n’est que l’objet que d une entrée illégale à Agrigente à la date 21.10.2022 […] ».

Par missive du 1er février 2023, le ministre informa les autorités italiennes qu’elles seraient considérées comme ayant tacitement accepté la prise en charge de Monsieur … pour ne pas avoir répondu dans le délai leur imparti à la demande de reprise en charge leur adressée le 30 novembre 2022, conformément à l’article 22, paragraphe (7) du règlement Dublin III.

Par décision du 24 février 2023, notifiée, d’après les explications non contestées de la partie étatique, le même jour par voie recommandée à Monsieur … et le 28 février 2023 au litismandataire de celui-ci, le ministre informa le concerné de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles des articles 13, paragraphe (1), et 22, paragraphe (7), du règlement Dublin III. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 4 novembre 2022 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 13(1) et 22(7) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l'Italie qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 4 novembre 2022 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 18 novembre 2022.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale 2 En date du 4 novembre 2022, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 20 octobre 2022.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 18 novembre 2022.

Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 30 novembre 2022 une demande de prise en charge aux autorités italiennes sur base de l'article 13(1) du règlement DIII, demande qui fut tacitement acceptée par lesdites autorités italiennes en date du 31 janvier 2023, conformément à l’article 22(7) du règlement Dublin III.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du règlement DIII, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, conformément à l'article 13(1) du règlement DIII.

La responsabilité de l'Italie est acquise suivant l'article 22(7) du règlement DIII en ce que l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de deux mois équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée.

En application de l'article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII, il y a lieu d'analyser s'il existe de sérieuses raisons de croire que la procédure de demande de protection internationale ou les conditions d'accueil des demandeurs de protection internationale présentent des défaillances systémiques susceptibles d'entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE ») ou de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après 3la « CEDH »).

Un Etat n'est pas non plus autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 CEDH ou 4 de la Charte UE.

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 4 novembre 2022 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 20 octobre 2022.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté la Syrie avec votre femme et vos deux enfants en 2014. Vous auriez vécu au Liban jusqu'en 2022 et vous auriez eu deux autres enfants durant cette période. Votre famille se trouverait toujours au Liban. En date du 10 septembre 2022, vous auriez pris un vol vers la Libye et vous y seriez resté pendant 40 jours.

Ensuite, vous seriez monté à bord d'une embarcation en direction de l'Italie. Vous seriez resté dans des foyers pendant 12 jours, mais vous auriez quitté l'Italie sans introduire une demande de protection internationale. Vous auriez finalement traversé la France dans un van et vous seriez arrivé au Luxembourg en date du 3 novembre 2022.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 18 novembre 2022, vous avez mentionné être psychologiquement fatigué. Cependant, vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Italie qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Monsieur, vous racontez que les passeurs en Libye vous auraient enfermé pendant 40 jours et frappé. Par ailleurs, vous déclarez avoir quitté l'Italie sans introduire une demande de protection internationale parce que votre but aurait été de rejoindre le Luxembourg dès votre départ de la Libye.

Rappelons à cet égard que l'Italie est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l'Italie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte) (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l'Italie profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. S'il est notoire que les autorités italiennes connaissent des problèmes quant à leurs capacités d'accueil des demandeurs de protection internationale, qui peuvent être confrontés à d'importantes difficultés sur le plan de l'hébergement et des conditions de 4vie, il n'y a toutefois aucune sérieuse raison de croire qu'il existe, en Italie, des défaillances systémiques dans la procédure de demandes de protection internationale et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte UE.

Notons dans ce contexte que l'Italie a adopté en date du 21 octobre 2020 le décret n° 130/2020 qui remplace la loi n° 132/2018 du 1er décembre 2018 et met en place le SAI (Sistema di accoglienza e integrazione). Ce nouveau système en matière d'accueil et d'intégration a réformé le système établi en 2018 et permet depuis lors d'améliorer l'accueil pour les demandeurs de protection internationale.

Par conséquent, en l'absence d'une pratique actuelle avérée en Italie de violation systématique de ces normes minimales de l'Union européenne, cet Etat est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-

refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture, de même que les conditions minimales d'accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la DUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Italie sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Italie, d'introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités italiennes ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes italiennes, notamment judiciaires.

Au vu de ce qui précède, l'application de l'article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII ne se justifie pas.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

5Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers l'Italie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Italie, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela devait s'avérer nécessaire, la Direction de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Italie en informant les autorités italiennes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n’ont pas été constatées. […] ».

Par arrêté du 9 mars 2023, le ministre prorogea la mesure d’assignation à résidence du demandeur pour une durée de trois mois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 mars 2023, inscrite sous le numéro 48676 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 24 février 2023.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions visées à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation sous analyse, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur retrace en premier lieu les faits et rétroactes ayant mené à la décision déférée du 24 février 2023 tout en expliquant plus particulièrement qu’il aurait été contraint de quitter la Syrie, en raison de la guerre qui y régnerait ainsi que des tentatives d’enrôlement dont il aurait fait l’objet, le demandeur précisant à cet égard refuser de participer aux « massacres civils » et aux « exactions » dont les groupes armés se seraient rendus coupables.

En 2014, il aurait dès lors décidé de quitter la Syrie ensemble avec sa femme et leurs enfants pour se réfugier au Liban. Etant donné que la situation économique du Liban rendrait la vie des réfugiés syriens très difficile, il aurait décidé de chercher une protection internationale en Europe. C’est ainsi qu’en septembre 2022, il aurait, par le biais de passeurs, quitté le Liban avec l’intention de se rendre au Luxembourg, où plusieurs membres de sa famille se seraient vus reconnaître le statut de réfugiés. Pour rejoindre le Luxembourg, il aurait traversé l’Egypte et la Libye, pays dans lequel il aurait été séquestré pendant 40 jours avant de prendre une embarcation de fortune pour se rendre en Europe. Arrivé à Lampedusa, il aurait été transféré à Crotone dans un foyer. Il aurait par la suite continué son trajet en traversant la France et serait finalement arrivé au Luxembourg où il aurait introduit une 6demande de protection internationale le 4 novembre 2022.

En droit, le demandeur se prévaut en premier lieu de « manquements dans la procédure de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale ». A l’appui de ses affirmations, il donne à considérer que le ministre aurait fondé sa décision sur l’acception tacite de prise en charge des autorités italiennes, tout en précisant que d’après les points 3, 4 et 5 de l’article 22 du règlement Dublin III, il serait patent que les principes de bonne foi et de coopération devraient gouverner les relations des Etats membres dans le cadre de la mise en œuvre du même règlement. Or, en l’espèce, le ministre aurait fait preuve de mauvaise foi ou tout au moins d’une légèreté fautive dans la mesure où il aurait retenu que les informations à sa disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8,9,10 et 11 du règlement Dublin III, le demandeur précisant à cet égard, avoir indiqué dans le cadre de son entretien du 18 novembre 2022 auprès de la direction de l’Immigration, que 4 membres de sa famille résideraient au Luxembourg et y bénéficieraient du statut de réfugié. Bien que cette présence de plusieurs membres de sa famille au Luxembourg aurait dès lors été connue par les services ministériels, cette information n’aurait plus figuré sur le formulaire de détermination de l’Etat membre responsable adressé à l’Italie, le demandeur précisant qu’au contraire, ledit formulaire aurait indiqué qu’il n’aurait aucun membre de famille résidant au Luxembourg.

Le demandeur en conclut que les autorités italiennes ne se seraient pas vues soumettre l’ensemble des éléments de preuves et ce en violation de l’article 21 du règlement Dublin III, de sorte que la procédure de détermination de l’Etat membre responsable de sa demande de protection internationale serait viciée.

Dans un deuxième temps, le demandeur se prévaut de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie, telles que prévues à l'article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin Ill. A cet égard, il fait valoir que bien que l’Italie soit liée par divers instruments juridiques internationaux ou communautaires garantissant les droits de l’Homme, tels que la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ci-après désignée par « la Convention torture », ainsi que par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-

après désignée par « la Charte », et qu’à ce titre, elle soit présumée d’en appliquer les dispositions, il n’en resterait pas moins que les observateurs internationaux déploreraient des dysfonctionnements majeurs dans la politique d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie. A l’appui de ses affirmations, le demandeur se base sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme ci-après désignée par la « CourEDH », du 4 novembre 2014, affaire Tarakhel c/ Suisse, ainsi que d’un jugement du tribunal administratif de Giessen de janvier 2015 (VG Giessen, 13.01.2015 1 L 3772/14.G.I.A), pour affirmer qu’un transfert vers l’Italie ne serait envisageable que si des garanties individuelles étaient fournies concernant l’accès à un logement décent. Cette exigence s’appliquerait également aux demandeurs de protection internationale masculins voyageant sans famille, alors que ceux-ci auraient encore plus de difficultés à trouver un logement. Il se prévaut encore de deux rapports publiés en 2018 par l'ONG « Médecins sans Frontières » et par l'ONG « European Council on Refugees and Exilees », pour mettre en exergue que de nombreux demandeurs de protection internationale se retrouveraient dans la rue en Italie et ce sans accès à la nourriture, à l’eau et à des soins de santé. Il fait encore référence à une circulaire du gouvernement 7italien du 5 décembre 2022 dans laquelle il serait fait état d’une indisponibilité des structures d’accueil et qui demanderait aux Etat membres de cesser temporairement les transferts vers l’Italie.

Toujours dans le même contexte, le demandeur fait valoir que la présomption que l’Italie respecterait les droits de l’Homme serait réfragable tout en précisant que l’absence d’hébergement des demandeurs de protection internationale pourrait constituer, compte tenu de la grande vulnérabilité de ceux-ci, un traitement inhumain et dégradant, le demandeur se référant à cet égard encore à un arrêt de Cour de justice de l'Union européenne ci-après désignée par la « CJUE », du 19 mars 2019 (Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17) ainsi qu’un arrêt de la CourEDH du 2 juillet 2020 (N.H. et autres c.

France) pour conclure à l’existence de défaillances systémiques en Italie.

En troisième lieu, le demandeur fait valoir que son transfert vers l’Italie serait contraire au principe de non-refoulement tel que prévu à l’article 54 de la loi du 18 décembre 2015, à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi qu’à l’article 19 paragraphe (2) de la Charte. A l’appui de ses affirmations, le demandeur souligne qu’en cas de transfert vers l’Italie, il encourrait le risque que sa demande de protection internationale ne soit pas examinée et qu’il soit ainsi, de facto, refoulé vers la Syrie, le demandeur donnant encore à considérer qu’il aurait fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, ainsi que d’un ordre de quitter le territoire européen de la part des autorités italiennes.

En dernier lieu, le demandeur fait valoir que le ministre aurait dû faire application de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, compte tenu des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie, lesquelles auraient comme conséquence de l’exposer à un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH et à l’article 4 de la Charte.

Au vu de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision ministérielle litigieuse.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision ministérielle litigieuse et plus précisément le moyen relatif à des prétendus manquements dans la procédure de détermination de l’Etat membre responsable du traitement de la demande de Monsieur …, ce dernier reprochant au ministre de ne pas avoir mentionné la présence de ses membres de famille bénéficiaires du statut de réfugié au Luxembourg dans le formulaire de prise en charge adressé aux autorités italiennes en date du 30 novembre 2022 et affirmant que ce serait à tort que le ministre a retenu qu’il n’existerait aucun élément à sa connaissance qui devait l’amener à faire application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement Dublin III, il convient d’abord de relever que seul l’article 9 du règlement Dublin III vise le cas invoqué par le demandeur, à savoir le fait qu’il a des membres de la famille bénéficiaires d’une protection internationale au Luxembourg. En effet, les autres articles dont se prévaut le demandeur visent soit, en ce qui concerne l’article 8 du règlement Dublin III, le cas d’un mineur non accompagné et demandeur de protection internationale, soit en ce qui concerne l’article 10 du même règlement, le cas où un étranger a des membres de famille également demandeurs d’une protection internationale dans un Etat membre, soit, en ce qui concerne l’article 11 du règlement Dublin III, le cas où plusieurs membres d’une famille et/ou des frères ou sœurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale 8dans un même État membre simultanément.

Il convient ensuite de relever que l’article 9 du règlement Dublin III, intitulé « Membres de la famille bénéficiaires d’une protection internationale », dispose que « Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d’origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d’une protection internationale dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés aient exprimé le souhait par écrit ».

Sur le fondement de l’article 9, précité, du règlement Dublin III, un Etat membre est donc responsable de l’examen d’une demande de protection internationale à condition qu’un membre de la famille du demandeur ait été admis à résider en tant que bénéficiaire d’une protection internationale sur le territoire de cet Etat membre et que les intéressés aient exprimé leur souhait par écrit.

Selon l’article 2, point g), du règlement Dublin III, on entend par « membres de la famille», « dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d’origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des Etats membres :

- le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l’Etat membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu’ils soient non mariés et qu’ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu’ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l’Etat membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d’une protection internationale est mineur et non marié, le pratique de l’Etat membre dans lequel le bénéficiaire se trouve ; ».

En l’espèce, il ressort tant des explications du demandeur lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration que des explications circonstanciées de la partie étatique, que les seuls membres de famille que le concerné a au Luxembourg et qui se sont vus accorder le statut de réfugié, sont 4 cousins paternels. Or, l’article 2, point g), précité, du règlement Dublin III ne mentionnant pas les cousins, il convient de retenir qu’un cousin ne peut être considéré comme un « membre de la famille » au sens de l’article 9 du règlement Dublin III.

De ce fait, l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait fait preuve de mauvaise foi et aurait dû prendre en considération le lien de parenté qui existerait entre lui et ses 4 cousins paternels, bénéficiaires du statut de réfugié, en le mentionnant notamment dans le formulaire de prise en charge adressé aux autorités italiennes, est à écarter, les cousins n’étant, comme retenu ci-avant, pas visés par l’article 2, point g), précité, du règlement Dublin III.

9Au vu de ce qui précède, le moyen ayant trait à une prétendue procédure viciée est à écarter.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision ministérielle litigieuse, il convient d’abord de relever qu’aux termes de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte formellement ou tacitement, la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III sur le fondement duquel la décision litigieuse a été prise dispose, quant à lui, que « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ».

Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui dont le demandeur a franchi irrégulièrement la frontière en provenance d’un pays tiers, cette responsabilité prenant fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière.

Il est constant que la décision ministérielle déférée est motivée, d’une part, par le fait que Monsieur … a franchi illégalement la frontière italienne le 20 octobre 2022 et, d’autre part, par le fait que les autorités italiennes ont accepté tacitement, en date du 31 janvier 2023, de le prendre en charge sur base de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, conformément à l’article 22, paragraphe (7), du règlement Dublin III, aux termes duquel :

« L’absence de réponse à l’expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d’un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée ».

C’est dès lors a priori à bon droit que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

10Force est ensuite de constater que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe de l’Italie, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais soutient que son transfert vers l’Italie violerait les dispositions des articles 3 de la CEDH, 4 de la Charte, ainsi que des articles 3, paragraphe (2) et 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, de même que le principe de non-refoulement.

A cet égard, il convient de relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale, malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre, et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1), du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

En ce qui concerne tout d’abord la violation alléguée de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. », il convient de relever que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, respectivement de l’article 3 la CEDH.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé1.

A cet égard, il convient d’abord de constater que la décision déférée du 24 février 2023 a été prise en application de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, cette dernière disposition visant une hypothèse distincte du cas d’un demandeur ayant introduit une demande de protection internationale dans un premier Etat membre, hypothèse plus particulièrement visée à l’article 18 du règlement Dublin III, étant, à cet égard, relevé qu’il est constant en cause pour résulter également des propres déclarations du demandeur, tant au cours de la phase précontentieuse 1 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, point. 92.

11qu’au cours de la phase contentieuse, qu’il a quitté l’Italie sans y avoir introduit une demande de protection internationale.

Dans la mesure où le demandeur n’a pas eu la qualité de demandeur de protection internationale lors de son séjour en Italie, il n’est en tout état de cause pas en mesure de se prévaloir de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie au sens de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III qu’il aurait personnellement pu y rencontrer.

S’agissant ensuite des obligations découlant pour le ministre de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, il y a lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2.

C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants3. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4. Dans son arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile5, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Le tribunal relève encore à cet égard que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives6, reposant elle-même sur 2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-

493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

3 Ibidem, point. 79 ; Voir également : Trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, Trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que Trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

4 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

5 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, point. 95.

6 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur www.jurad.etat.lu.

12un arrêt de la CJUE7, ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 20178.

Quant à la preuve à rapporter par le demandeur à l’appui de son moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 20199 que pour relever de l’article 4 de la Charte - similaire à l’article 3 de la CEDH -, auquel ladite disposition du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine10. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant11.

Le demandeur remettant en question la présomption du respect par l’Italie des droits fondamentaux, puisqu’il affirme y risquer des traitements inhumains et dégradants, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

En l’espèce, il convient d’abord de relever que les deux rapports dont se prévaut le demandeur à savoir celui de l’ONG « Médecins sans frontières » et de l’ONG « European Council on Refugees and Exilees » datent de 2018 c’est-à-dire depuis près de 5 ans, de sorte à ne pas pouvoir refléter la situation actuelle des demandeurs de protection internationale en Italie. Il convient encore de noter que dans le cadre de son entretien Dublin III du 18 novembre 2022, le demandeur a indiqué avoir quitté l’Italie non pas en raison de quelconques défaillances systémiques, respectivement en raison du fait qu’il se serait retrouvé dans la rue dans ce même pays, le demandeur ayant au contraire déclaré avoir été hébergé dans deux foyers12, mais uniquement parce qu’il avait l’intention de venir au Luxembourg.

En tout état de cause, et s’il est certes exact que les autorités italiennes connaissent toujours certains problèmes quant à leur capacité d’accueil des demandeurs d’asile, ce qui implique que ceux-ci risquent de se voir confrontés à des difficultés plus ou moins importantes suivant le cas de figure dans lequel ils se trouvent au niveau de l’accès à l’hébergement, aux soins et des conditions de vie en général, il ressort néanmoins également dudit rapport que depuis octobre 2020, l’Italie est revenue sur le durcissement de sa politique 7 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

8 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.

9 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point. 91.

10 Ibid., point. 92.

11 Ibid., pt. 93.

12 Page 5/8 du rapport d’entretien du 18 novembre 2022.

13migratoire sous l’ère « Salvini », par le décret-loi de l’actuel ministre de l’intérieur italien ayant rapporté de nombreuses restrictions dans le cadre de l’accueil des demandeurs de protection internationale, notamment par la possibilité d’utiliser à nouveau des centres d’accueil plus petits pour héberger les demandeurs d’asile, ainsi que par la possibilité pour les demandeurs d’asile de s’inscrire sur les registres de l’état civil et donc de posséder un domicile légal leur permettant de bénéficier des prestations sanitaires ou d’ouvrir un compte en banque. Il ressort, par ailleurs, des développements non contestés du délégué du gouvernement que les personnes ayant obtenu un permis de séjour peuvent également plus facilement le convertir en permis de travail. Enfin, une protection spéciale est accordée aux personnes qui risquent des « traitements inhumains ou dégradants » en cas de retour dans leur pays d’origine, ou dans le cas où une expulsion irait « à l’encontre du droit à la vie privée et familiale » et les expulsions ou les rapatriements vers des pays où les droits de l’Homme ne sont pas respectés sont suspendus.

Si ce retour à la normale prend un certain temps avant de porter des fruits sur le terrain, force est de constater que ce constat est insuffisant pour permettre de retenir de manière générale l’existence de défaillances systémiques en Italie, à savoir que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH et par l’article 4 de la Charte.

Le tribunal tient encore à relever que le demandeur n’invoque aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers l’Italie, voire une demande en ce sens de la part de l’UNHCR. Le demandeur ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers l’Italie de ressortissants syriens dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile italienne qui les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

Par ailleurs, il y a cependant lieu de constater qu’aucun indice sérieux n’indique que sa procédure d’asile ne serait pas conduite conformément aux normes imposées par la directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») en Italie.

Quant à la circulaire du ministère de l’Intérieur italien, invoquée par le demandeur, le tribunal constate, à l’instar de la partie étatique, que si celle-ci fait certes état d’un obstacle temporaire aux transferts en Italie, elle ne laisse toutefois pas conclure à l’existence de défaillances systémiques dans ce même pays.

14 Force est dès lors de retenir qu’en l’espèce, le demandeur, qui n’avait pas encore déposé de demande de protection internationale en Italie avant de venir au Luxembourg, n’apporte aucun élément concret de nature à établir qu’il risquerait personnellement des mauvais traitements en cas de retour en Italie. En effet, il n’établit pas que, personnellement et concrètement, ses droits ne seraient pas garantis en Italie, ni que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale transférés en Italie ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ces derniers n’auraient en Italie aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir, étant encore relevé que l’Italie est signataire de la Charte, de la CEDH, de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève - comprenant le principe de non-refoulement y inscrit à l’article 33 - ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, devrait en appliquer les dispositions.

Dans la mesure où le demandeur est dès lors resté en défaut d’avancer des raisons concrètes permettant de penser que les autorités italiennes n’analyseraient pas correctement sa demande de protection internationale et qu’il n’aurait pas accès à la justice italienne pour, le cas échéant, faire valoir ses droits, que ce soit en relation avec la décision sur sa demande de protection internationale ou avec son accès aux conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, le moyen du demandeur basé sur l’existence de défaillances systémiques en Italie au sens de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III entraînant une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte est rejeté.

Néanmoins, dans ce cadre, si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable13.

Il échet dès lors d’analyser le moyen du demandeur tiré de la violation par le ministre de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte pris isolément.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte14, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant15.

13 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

14 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 65 et 96.

15 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point 88.

15 Le transfert d’un demandeur de protection internationale par le Grand-Duché de Luxembourg vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en application du règlement Dublin III ne pourrait constituer une violation de l’article 3 de la CEDH ou 4 de la Charte, qu’à la condition que l’intéressé démontre qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants dans cet Etat.

Il appartient dès lors au tribunal de procéder à la vérification de l’existence d’un risque de mauvais traitement qui doit atteindre un seuil minimal de sévérité, l’examen de ce seuil minimum étant relatif et dépendant des circonstances concrètes du cas d’espèce, tels que la durée du traitement et ses conséquences physiques et mentales et, dans certains cas, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de l’intéressé16.

Or, force est de constater que le demandeur n’a avancé ni lors de son entretien Dublin III ni dans son recours des éléments suffisamment concrets et plausibles tenant à sa situation personnelle de nature à démontrer qu’en cas de transfert, il serait personnellement exposé au risque que ses besoins existentiels minimaux ne soient pas satisfaits et ce, de manière durable, sans perspective d’amélioration, au point qu’il aurait fallu renoncer à son transfert ou bien demander des garanties individuelles auprès des autorités italiennes avant de le transférer.

En ce qui concerne, la crainte d’un refoulement vers la Syrie, il convient d’abord de souligner que la décision entreprise n’implique pas un retour au pays d’origine, mais désigne uniquement l’Etat membre responsable pour le traitement de la demande d’asile, respectivement de ses suites, soit en l’espèce l’Italie.

Force est encore de relever que le demandeur reste en défaut d’étayer concrètement l’existence d’un risque de refoulement dans son chef, le demandeur ne fournissant pas d’éléments susceptibles de démontrer que l’Italie ne respecterait pas le principe du non-

refoulement et faillirait dès lors à ses obligations internationales en le renvoyant dans un pays où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient sérieusement en danger ou encore qu’il risquerait d’être forcé de se rendre dans un tel pays.

Par ailleurs, il ne se dégage pas des éléments soumis au tribunal que si les autorités italiennes devaient quand même décider de rapatrier le demandeur dans son pays d’origine en violation des articles 3 de la CEDH et 33 de la Convention de Genève, alors même qu’il y serait exposé à un risque concret et grave pour sa vie, il ne lui serait pas possible de faire valoir ses droits directement auprès des autorités italiennes en usant des voies de droit adéquates. A cela s’ajoute que même si toutes les voies de recours devaient être épuisées, il serait possible au demandeur de saisir la CourEDH pour, sur base de l’article 39 de son règlement intérieur, faire demander aux autorités italiennes de surseoir à l’exécution du rapatriement jusqu’à l’issue de la procédure devant cet organe.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis au tribunal que le transfert du demandeur vers l’Italie l’exposerait au risque de faire l’objet de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 et 4 de la CEDH, voire d’un refoulement en cascade qui serait contraire au principe de non-refoulement ancré dans l’article 33 de la Convention de Genève.

16 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

16 Enfin, quant au moyen tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, au motif de la non-application de la clause discrétionnaire y inscrite, le tribunal relève que ledit article prévoit ce qui suit : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. […] ». A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres17, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans l’arrêt, précité, de la CJUE du 16 février 201718. Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge19, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration20.

En l’espèce, le demandeur invoque son risque d’être exposé à des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en cas de transfert en Italie pour conclure que le ministre aurait dû faire application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

Or, étant donné que le tribunal vient de rejeter le moyen tiré d’une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte et que, tel que retenu ci-avant, il ne ressort d’aucun élément soumis à son appréciation que le demandeur se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière, il n’entrevoit pas d’éléments de nature à justifier dans le cas du demandeur le recours à la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), précité, du règlement Dublin III. A cet égard, il convient encore de rappeler en ce qui concerne les affirmations du demandeur que les autorités italiennes ne pourraient lui assurer un logement décent, que celles-ci sont à rejeter alors que le demandeur a lui-même déclaré lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration du 18 novembre 2022 avoir été hébergé dans deux foyers, à savoir un à Lampedusa et un à Crotone, après avoir franchi la frontière italienne.

Au vu des considérations qui précèdent, le moyen tiré de la violation par le ministre de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III est à son tour à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, 17 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

18 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 88 et 97.

19 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 58 et les autres références y citées.

20 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n°12 et les autres références y citées.

17 le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mars 2023 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 mars 2023 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48676
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-03-29;48676 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award