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17/03/2023 | LUXEMBOURG | N°48657

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2023, 48657


Tribunal administratif N° 48657 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48657 4e chambre Inscrit le 8 mars 2023 Audience publique du 17 mars 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48657 du rôle et déposée le 8 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz,

avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif N° 48657 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48657 4e chambre Inscrit le 8 mars 2023 Audience publique du 17 mars 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48657 du rôle et déposée le 8 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … en Algérie et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 février 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 19 février 2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Naïma El Handouz et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2023.

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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg, groupe Gare, du 23 juin 2021, portant la référence JDA 2021/93855-1, que Monsieur … avait été appréhendé par les forces de l’ordre, dans le cadre d’un vol à l’aide de violences, sans qu’il n’ait pu présenter des documents d’identité ou de voyage valables.

Il ressort ensuite d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg, désigné ci-après par « le CPL », du 31 décembre 2021, que Monsieur … y fut placé en détention préventive à la même date. Il ressort encore d’une information du service administratif du CPL du même jour que Monsieur … n’était pas en possession d’une pièce d’identité.

Il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 29 juin 2022, que Monsieur … y fut à nouveau placé en détention préventive à la même date. Il ressort encore d’une information du service administratif du CPL du 30 juin 2022 que Monsieur … n’était pas en possession d’une pièce d’identité.

Il ressort de deux autres relevées journaliers du Centre pénitentiaire de Luxembourg 1que Monsieur … fut libéré du Centre pénitentiaire de Luxembourg en date du 12 juillet 2022, pour l’intégrer de nouveau en date du 23 juillet 2022 à la suite d’un mandat d’amener.

Après avoir été transféré au Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff en date du 28 décembre 2022, il ressort finalement d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff du 19 janvier 2023, que Monsieur … y fut libéré de sa détention préventive à la même date.

Par un arrêté du 19 janvier 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié le 19 janvier 2023, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 19 janvier 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2023, inscrite sous le numéro 48531 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 19 janvier 2023 ayant ordonné son placement en rétention, recours dont il se désista le 20 février 2023.

La mesure de placement en rétention de Monsieur … fut par la suite prolongée, pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 19 février 2023, par arrêté ministériel du 14 février 2023, notifié à l’intéressé le 17 février 2023 et fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre 2circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 19 janvier 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 19 janvier 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du susdit arrêté ministériel du 14 février 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour « (…) vices d’excès et de détournement de pouvoir (…) », pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Il fait ensuite valoir que, premièrement le placement en rétention ne constituerait pour le ministre qu’une simple faculté dont l’usage ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivé à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle.

En mettant en exergue le fait que le ministre aurait été informé du fait qu’il résiderait depuis plusieurs mois avec sa copine et les parents de cette dernière au Luxembourg, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans avoir eu recours à des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (« SHUK »).

En deuxième lieu, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir pris en considération « (…) les éléments liés à [sa] personne (…) ». Tout en admettant qu’en application de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, la simple qualité d’étranger se trouvant 3illégalement au Grand-Duché de Luxembourg et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement autoriserait le ministre à le placer en rétention dans une structure fermée au cas où il existe des circonstances de fait rendant l’exécution de ladite mesure d’éloignement impossible, le demandeur fait valoir que la mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation personnelle de l’étranger ainsi visé.

Il conviendrait ainsi de vérifier si, par rapport à la situation de l’étranger concerné, le placement dans une structure fermée serait approprié, le demandeur affirmant à cet égard que non seulement l’opportunité du principe de l’enfermement devrait être examinée, mais également le type de structure fermée retenu par le ministre, afin de pouvoir vérifier si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité. A cet égard, il y aurait lieu de prendre en considération tous les éléments liés à la personne de l’étranger.

Or, en l’espèce, le demandeur explique ne jamais avoir tenté de se soustraire à son éloignement, qu’il ne présenterait aucun risque de fuite et que, se sachant en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois, il préfèrerait passer du temps avec sa copine le temps que le ministre obtienne un laissez-passer.

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention. A cet égard, il insiste sur le fait que dans l’arrêté déféré, le ministre reconnaîtrait lui-même que les démarches entreprises n’auraient pas abouti, et ce malgré la longue durée de son placement en rétention. Il estime qu’en tout état de cause, aucun laissez-passer n’aurait, à ce jour, été délivré dans la mesure où les diligences à cet effet n’auraient pas été effectuées par le ministre.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision. Le ministre n’avait, dès lors, pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Par ailleurs, quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée serait à réformer pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés et pour méconnaissance de l’article 121 de la loi du 29 août 2008, régissant la notification d’une décision de placement en rétention, le tribunal retient que ladite argumentation est à rejeter pour ne pas être autrement étayée en fait et en droit, étant précisé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Quant au fond, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue 4à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances 5raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, le tribunal constate qu’il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 19 janvier 2023, est en séjour irrégulier au Luxembourg.

Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), alinéa c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question, étant relevé que le demandeur n’a pas soumis au tribunal le moindre élément de nature à renverser cette présomption.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations 6auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. En effet, le demandeur reste en défaut d’établir qu’il dispose d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, l’affirmation de sa part de résider avec sa copine et les parents de cette dernière ne ressortant d’aucun élément du dossier, de sorte qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

En ce qui concerne les diligences entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate que par courriel du 20 janvier 2023, soit le lendemain de la notification de l’arrêté de placement en rétention initial, les autorités luxembourgeoises ont contacté le Consulat général d’Algérie à Bruxelles, en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef, en y joignant un jeu d’empreintes digitales de l’intéressé. Des rappels ont, par la suite, été adressés aux autorités algériennes par courriers des 13 février et 1er mars 2023. Les 14 février et 1er mars 2023, les autorités algériennes ont informé leurs homologues luxembourgeois du fait que la procédure d’identification de Monsieur … serait en cours.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

7 Force est ainsi de relever, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes – que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois. En effet, le tribunal est amené à conclure que non seulement le dispositif de l’éloignement est en cours, mais qu’il est encore poursuivi avec la diligence légalement requise, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Ce constat n’est pas énervé par les développements du litismandataire du demandeur à l’audience des plaidoiries relativement au fait que le ministre aurait déjà dû entreprendre des démarches en vue de son identification au moment où il se serait trouvé en détention préventive au CPL, alors qu’il a été jugé que la condition de l’exécution du dispositif d’éloignement d’un étranger en séjour illégal avec suffisamment de diligences, vise essentiellement les diligences à entreprendre au cours de la rétention de l’intéressé. Décider le contraire, reviendrait à perdre de vue le fait que le législateur, à travers l’article 120 de la loi du 29 août 2008, a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, prorogeable par la suite, précisément en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, c’est-à dire en vue de l’accomplissement des formalités requises pour ce faire et qu’il n’exige point que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté diligemment avant même la prise d’une décision de placement, de sorte qu’un manque de diligences en vue de l’identification d’un étranger en séjour illégal pendant une période pendant laquelle la personne concernée se trouvait incarcérée au Centre pénitentiaire, précédant la rétention administrative de celle-ci, ne saurait être reproché au ministre qu’à condition que la personne en question ait elle-même activement collaboré pour assurer son identification. 2 Eu égard aux développements faits ci-avant, le tribunal conclut que la prorogation de la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et que, contrairement à l’argumentation du demandeur, aucun excès ou détournement de pouvoir n’est vérifié en l’espèce.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, le cas échéant à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

2 Cour adm. 1 mars 2016, n°37573 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 962 et les autres références y citées.

8condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2023 par :

Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mars 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 48657
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-03-17;48657 ?

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