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17/03/2023 | LUXEMBOURG | N°46074

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2023, 46074


Tribunal administratif N° 46074 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46074 4e chambre Inscrit le 31 mai 2021 Audience publique du 17 mars 2023 Recours formé par la société anonyme Société 1 SA, …, contre une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière de fonds d’investissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46074 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2021 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l

a société anonyme Société 1 SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au...

Tribunal administratif N° 46074 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46074 4e chambre Inscrit le 31 mai 2021 Audience publique du 17 mars 2023 Recours formé par la société anonyme Société 1 SA, …, contre une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière de fonds d’investissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46074 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2021 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme Société 1 SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision d’une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, établissement public, du 19 mai 2021 portant retrait de la société anonyme Société 1 SA de la liste officielle des organismes de placement collectifs et l’informant sur l’introduction d’une requête de mise en liquidation auprès du procureur d’Etat ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Tessy Siedler, en remplacement de l’huissier de justice Gilles Hoffmann, les deux demeurant à Luxembourg, du 2 juin 2021, portant signification de la requête introductive d’instance à la Commission de Surveillance du Secteur Financier, établissement public, inscrit au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J26, représentée par ses directeurs actuellement en fonctions, établie et ayant son siège à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour adressée au greffe du tribunal administratif en date du 9 juin 2021 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, par laquelle ce dernier déclare occuper pour le compte de la Commission de surveillance du secteur financier, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 octobre 2021 par Maître Albert Rodesch, au nom et pour le compte de la Commission de surveillance du secteur financier, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2021 par Maître François Moyse au nom et pour le compte de sa mandante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2021 par Maître Albert Rodesch au nom et pour le compte de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laurent Heisten, en remplacement de Maître François Moyse, et Maître Virginie Verdanet, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 décembre 2022.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 4 mars 2021, la Commission de Surveillance du Secteur Financier, ci-

après désignée par « la CSSF », notifia à la société anonyme Société 1, ci-après désignée par « Société 1», son intention de la retirer de la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés, dans les termes suivants :

« (…) Nous nous référons à la société d'investissement SOCIÉTÉ 1 (la « SICAV »), soumise aux dispositions de la Partie I de la loi modifiée du 17 décembre 2010 relative aux organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 ») et pour laquelle Société 2S.A. (la « société de gestion ») agit en tant que société de gestion au sens du chapitre 15 de la loi du 17 décembre 2010.

Nous nous référons plus particulièrement à notre lettre du 15 décembre 2020 (N/Référence : OPC.20/41331-LBE/LBE 7045) qui vous a été adressée dans le contexte des décisions de résiliation suivantes :

- résiliation par Banque 1 S.A. du contrat « Depositary and Paying Agent Agreement » daté du 1er juillet 2017, conclu avec Société 1et la société de gestion et relatif aux fonctions de dépositaire de la SICAV, - résiliation par Société 2S.A. du contrat « Management Company Services Agreement » daté du 1er juillet 2017, conclu avec Société 1et relatif aux fonctions de société de gestion de la SICAV, - résiliation par Société 2S.A. du contrat « Investment Management Agreement » daté du 1er juillet 2017, conclu avec Société 1et Société 3 et relatif aux fonctions de gestion de la SICAV.

Nous retenons que les résiliations précitées sortiront leurs effets au 31 mars 2021.

La Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») a pris note du courrier électronique daté du 12 janvier 2021, nous adressé par Monsieur …, en sa qualité d'administrateur de la SICAV, par lequel la CSSF est informée que des efforts sont déployés afin de nommer des nouveaux prestataires de service.

Toutefois, sauf erreur ou omission de notre part, nous devons constater qu'à ce jour nous n'avons pas été saisis d'une demande d'agrément en relation avec la reprise des fonctions en question.

Dans ce contexte, nous vous rendons attentif à l'article 33 (1) de la loi du 17 décembre 2010 qui dispose que « Les SICAV doivent veiller à ce qu'un seul et unique dépositaire soit désigné (…) ».

En outre, nous vous rappelons que l'article 130 (2) de la loi du 17 décembre 2010 dispose que « l'inscription et le maintien sur la liste visée au paragraphe 1 sont soumis à la condition que soient observées toutes les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles qui concernent l'organisation et le fonctionnement des OPC ainsi que la distribution, le placement ou la vente de leurs titres. ».

En conséquence, la CSSF doit constater qu'à défaut de la reprise effective des fonctions de dépositaire, de société de gestion et de gestion de Société 1par une société faisant preuve des agréments nécessaires à l'accomplissement de ces fonctions, respectivement à défaut de la transformation de Société 1en une société d'investissement autogérée conformément à l'article 27 de loi du 17 décembre 2010, Société 1ne respectera plus les dispositions légales précitées à partir du 31 mars 2021, et la CSSF devra procéder au retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectif. Vous trouverez en annexe le projet de décision correspondant.

Dès lors, nous devons attirer votre attention sur le fait que la CSSF doit disposer avant le 31 mars 2021, respectivement avant toute autre date effective de résiliation retenue de commun accord entre les parties, d'une copie du ou des contrat(s) dûment signé(s) conclu(s) avec le(s) nouveau(x) prestataire(s) de services présentant les agréments nécessaires à la reprise des fonctions en question respectivement des documents nécessaires et pièces concrètes permettant d'agréer le transformation de Société 1en une société d'investissement autogérée. (…). ».

Un projet de décision de retrait fut annexé au courrier susvisé.

Par un courrier du 31 mars 2021, Société 1prit position par rapport au courrier, précité, de la CSSF du 4 mars 2021.

Suite au report, jusqu’au 15 mai 2021, de la date effective de la résiliation des fonctions de dépositaire de la société anonyme Banque 1 SA, ci-après désignée par « la société Banque 1 », ainsi que des fonctions de gestion de Société 1de la société anonyme Société 4 SA, ci-après dénommée « la société Société 4 », la CSSF, par décision du 19 mai 2021, notifia à Société 1son retrait de la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés sous les dispositions de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif, ci-après désignée par « la loi du 17 décembre 2010 », dans les termes suivants :

« (…) Nous nous référons à la société d'investissement SOCIÉTÉ 1 (la « SICAV »), soumise aux dispositions de la Partie I de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 ») et pour laquelle Société 2S.A. (la « société de gestion ») agit en tant que société de gestion au sens du chapitre 15 de la loi du 17 décembre 2010.

Nous nous référons plus particulièrement aux décisions de résiliation :

- par Banque 1 S.A. du contrat « Depositary and Paying Agent Agreement » daté du 1er juillet 2017, conclu avec Société 1et la société de gestion et relatif aux fonctions de dépositaire de la SICAV, - par Société 2S.A. du contrat « Management Company Services Agreement » daté du 1er juillet 2017, conclu avec Société 1et relatif aux fonctions de société de gestion de la SICAV, - par Société 2S.A. du contrat « Investment Management Agreement » daté du 1er juillet 2017, conclu avec Société 1et Société 3 et relatif aux fonctions de gestion de la SICAV.

Nous retenons que les résiliations précitées sont devenues effectives au 15 mai 2021.

Dans ce contexte, nous nous référons, plus particulièrement, à notre lettre du 4 mars 2021 (N/Référence : OPC.21/44250-LBE/LBE 7045) par laquelle nous vous avons notifié l'intention de la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») de procéder au retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectif à défaut de la reprise effective, à la date de résiliation effective, des fonctions de dépositaire, de société de gestion et de gestion de Société 1par une ou plusieurs sociétés qui font preuve des agréments nécessaires à l'accomplissement de ces fonctions.

Nous nous référons par ailleurs à notre lettre du 1er avril 2021 (N/Référence :

OPC.21/45316- LBE/LBE 7045) retenant la décision subséquente de Banque 1 S.A. et de Société 2S.A. de prolonger les contrats « Depositary and Paying Agent Agreement », « Management Company Services Agreement » et « investment Management Agreement », et ce jusqu'au 15 mai 2021 et par laquelle nous avons rappelé qu'à défaut de la reprise effective des fonctions de dépositaire, d'administration centrale et de domiciliataire par une ou plusieurs sociétés qui font preuve des agréments nécessaires à l'accomplissement de ces fonctions, Société 1ne respectera plus les dispositions légales précitées à partir du 15 mai 2021, respectivement toute autre date effective de résiliation retenue de commun accord entre les parties, et que la CSSF devra procéder au retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectif tel que notifié par notre lettre du 4 mars 2021 précitée.

Dans ce contexte, nous retenons que Banque 1 S.A. et Société 2S.A. ont décidé de ne plus prolonger les contrats en question au-delà du 15 mai 2021.

Dès lors, la CSSF vous notifie en annexe la décision de retrait de SOCIÉTÉ 1 de la liste officielle des organismes de placement collectif.

Un recours contre la décision précitée est ouvert auprès du Tribunal Administratif, par un avocat à la Cour inscrit soit au barreau de Luxembourg, soit au barreau de Diekirch.

Ce recours doit être introduit sous peine de forclusion dans le délai d'un mois à partir de la notification de la décision en annexe.

Conformément à l'article 142 (3) de la loi du 17 décembre 2010, cette décision de retrait entraîne de plein droit, à partir de sa notification à la société d'investissement SOCIÉTÉ 1 et à charge de celle-ci, jusqu'au jour où la décision sera devenue définitive, le sursis à tout paiement par SOCIÉTÉ 1 et interdiction sous peine de nullité, de procéder à tous actes autres que conservatoires, sauf autorisation de la CSSF qui exerce de plein droit la fonction de commissaire de surveillance.

Nous vous signalons que la CSSF introduira, conformément à l'article 143 (1) de la loi du 17 décembre 2010, une requête de mise en liquidation de SOCIÉTÉ 1 auprès du Procureur d'Etat.

Finalement, veuillez trouver ci-attaché une traduction non-officielle de la présente lettre. En cas de divergences entre la version française et la version anglaise, la version française fait foi.

Dans le cadre de la lutte contre la propagation du Coronavirus (COVID-19), les communications de la CSSF vers l'extérieur ne porteront pas de signatures manuscrites. La décision vous signifiée par la présente a été dûment prise par la Direction en accord avec la loi du 23 décembre 1998 portant création d'une Commission de Surveillance du Secteur Financier et le Règlement d'ordre intérieur de la Direction de la CSSF.

Veuillez recevoir, Messieurs, l'assurance de nos salutations distinguées.

COMMISSION de SURVEILLANCE du SECTEUR FINANCIER … … … Directeur Directeur Directeur … … Directeur Directeur général (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 mai 2021, inscrite sous le numéro 46074 du rôle, Société 1a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée de la CSSF du 19 mai 2021 décidant de son retrait de la liste officielle des organismes de placement collectif et l’informant que sa mise en liquidation sera demandée auprès du Procureur d’Etat.

Force est, à titre liminaire, au tribunal de constater que la décision déférée a un double objet, à savoir, d’une part, le retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectif et, d’autre part, l’information « (…) que la CSSF introduira, conformément à l'article 143 (1) de la loi du 17 décembre 2010, une requête de mise en liquidation de SOCIÉTÉ 1 auprès du Procureur d'Etat. ».

Concernant, tout d’abord, le deuxième volet de la décision déférée portant sur l’introduction, par la CSSF, d’une requête de mise en liquidation auprès du Procureur d’Etat, il y a lieu de relever que la CSSF, à la fin de son mémoire en réponse, fait valoir, face aux explications de Société 1que sa mise en liquidation serait de nature à mettre en péril son action judiciaire dirigée contre sa banque dépositaire et contre son gestionnaire originaires, qu’aucune requête de mise en liquidation ne serait introduite auprès des autorités répressives avant l’épuisement des voies de recours contre la décision de retrait de la liste officielle des organismes de placement collectif, de sorte à avoir ainsi implicitement mais nécessairement mis en cause le caractère décisionnel de ce volet de sa décision du 19 mai 2021.

Société 1n’a pas pris position quant à cette problématique.

Il échet, tout d’abord, de relever qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours en réformation, en ce qui concerne le volet du courrier de la CSSF du 19 mai 2021 quant à « (…) [l’introduction], conformément à l'article 143 (1) de la loi du 17 décembre 2010, [d’]une requête de mise en liquidation de SOCIÉTÉ 1 auprès du Procureur d'Etat. ».

Par ailleurs, l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que « Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ».

Force est de constater que cette disposition limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit avoir une force décisionnelle en ce sens qu’il doit non seulement constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés, mais qu’il doit également s’agir, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, d’une véritable décision affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste1.

Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. En effet, pour être susceptible de faire l’objet d’un recours, la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief2.

Plus particulièrement, n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision3. Pareillement, une lettre qui ne porte aucune décision et qui n’est que l’expression d’une opinion destinée à éclairer l’administré sur les droits qu’il peut faire valoir ou plus généralement sur la situation juridique, de même qu’un avis sur l’interprétation à donner à un texte légal ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation4.

Ainsi, force est au tribunal de relever que la CSSF, en ce qui concerne le volet de son courrier du 19 mai 2021 portant sur « (…) [l’introduction d’]une requête de mise en liquidation de SOCIÉTÉ 1 auprès du Procureur d’Etat (…) », n’a fait qu’informer Société 1des dispositions de l’article 143, paragraphe (1) de la loi du 17 décembre 2010, aux termes duquel « Le tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale prononce sur la demande du procureur d’État, agissant d’office ou à la requête de la CSSF, la dissolution et la liquidation des OPC visés par les articles 2 et 87, dont l’inscription à la liste prévue à l’article 130 paragraphe 1 aura été définitivement refusée ou retirée.», ladite disposition légale ne prévoyant pas de pouvoir décisionnel en la matière de la CSSF, mais uniquement que le fonds d’investissement concerné, une fois son retrait de la liste officielle des organismes de placement collectif revêtu de l’autorité de la chose décidée, voire jugée, fera l’objet d’une liquidation judiciaire à prononcer par le tribunal d’arrondissement siégeant en 1 Trib. adm., 6 octobre 2004, n° 16533 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 5 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 18 juin 1998, n° 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 44 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 7 mars 2007, n° 21708 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 81 et les autres références y citées.

matière commerciale suite à sa saisine par le ministère public agissant à sa propre initiative ou sur demande de la CSSF. Il est, par ailleurs, constant en cause pour ne pas être contesté par les parties, qu’en l’espèce, la CSSF n’a pas encore saisi le procureur d’Etat d’une telle demande de mise en liquidation judiciaire, la CSSF, tel que relevé ci-avant, ayant, au contraire, expressément souligné, dans son mémoire en réponse, qu’aucune requête de mise en liquidation ne serait introduite auprès des autorités répressives avant l’épuisement des voies de recours contre la décision de retrait de la liste officielle des organismes de placement collectif.

Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal doit se déclarer incompétent concernant le volet du recours portant sur l’introduction, par la CSSF, d’une requête de mise en liquidation de Société 1auprès du Procureur d’Etat.

En ce qui concerne le volet relatif au retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectifs, force est de retenir qu’étant donné que l’article 142, paragraphe (2) de la loi du 17 décembre 2010 dispose qu’un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions de la CSSF concernant l’octroi, le refus ou la révocation des agréments prévus par ladite loi, un recours en réformation a valablement pu être introduit à l’encontre la décision déférée visant à retirer Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectif.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours principal en réformation relatif au retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectifs est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, sans que cette conclusion ne soit énervée par la circonstance que la CSSF, dans son mémoire en réponse, se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, notamment en ce qui concerne l'existence d'une lésion, d'un intérêt né, actuel, personnel, direct et légitime de Société 1à agir contre la décision déférée, alors que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la CSSF est restée en défaut de préciser dans quelle mesure Société 1n’aurait pas intérêt à agir contre son retrait de la liste officielle des organismes de placement collectif, ayant comme conséquence in fine sa liquidation, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

A l’appui de son recours, la partie demanderesse expose les faits et rétroactes à la base du litige sous examen tout en expliquant avoir, le 7 juillet 2011 avec effet au 1er juillet 2011, mandaté la société anonyme Banque 2 SA, dénommée ci-après « Banque 2 », comme banque dépositaire du fonds, et conclu un contrat dénommé « Verwaltungsvertrag » avec la société anonyme Société 5 SA, dénommée ci-après « la société Société 5 », afin de nommer cette dernière en tant que société de gestion de la SICAV. A la même date, la société Société 5 aurait encore conclu avec Banque 2 un contrat dénommé « Zentralverwaltungsvertrag ».

La partie demanderesse fait relever que dans l'objectif de poursuivre des investissements à l'échelle mondiale, elle aurait été admise en tant qu'investisseur institutionnel étranger en Inde en 2013. Or, au cours de l'année 2016, la société à responsabilité limitée de droit allemand Société 3 , en sa qualité de promoteur de la SICAV, aurait été confrontée, dans le cadre d'un contrôle fiscal fait par les autorités indiennes, au soupçon de diverses irrégularités concernant, entre autres, les taux de change à appliquer lors de la comptabilisation de diverses transactions en devises étrangères effectuées par Banque 2 et Société 5 , de sorte que les soldes de comptes certifiés par son réviseur dans les rapports annuels pour les années 2014 et 2015 n’auraient pas pu être exacts.

La partie demanderesse donne à considérer qu’elle aurait immédiatement, notamment par un courrier daté du 13 février 2017, contacté la CSSF afin de lui faire part des irrégularités constatées, tout en demandant à Banque 2 et à Société 5 la communication des documents relatifs à la gestion du fonds et de plus amples informations sur cette situation, ce qu’auraient cependant refusé ces dernières.

Ainsi, il lui aurait été impossible de finaliser, endéans les délais légaux, le rapport sur la révision de son activité (« Long Form Report ») se rapportant à l'exercice comptable s'étant terminé le 30 juin 2016, ce qui aurait eu pour conséquence que la CSSF aurait infligé une amende à hauteur de 2.000.- euros à chaque membre de son conseil d'administration.

La partie demanderesse fait également noter que la société Société 3 aurait commandé une expertise indépendante de sa comptabilité au cabinet d'experts allemand Société 6 , lequel aurait révélé trois irrégularités majeures en violation des obligations contractuelles des sociétés Banque 2 et Société 5 et en violation notamment de l’article 37, paragraphe (2) de la loi du 17 décembre 2010.

Elle fait souligner que malgré le fait que la CSSF, laquelle aurait pourtant l'obligation de faire respecter la loi du 17 décembre 2010, aurait été mise au courant de ces pratiques illégales effectuées de manière systématique, cette dernière serait restée inactive par rapport à ces faits, ce qui l’aurait obligé à poursuivre ses démarches pour documenter toutes ces irrégularités, y remédier et obtenir une indemnisation de la part des sociétés Banque 2 et Société 5 , notamment par acte d'assignation du 31 mars 2021, ce qui lui aurait causé des frais d'expertise et de conseil juridique considérables ayant un impact sur son bilan et partant sur la volonté de nouveaux dépositaires et sociétés de gestion potentiels de conclure avec elle.

La partie demanderesse poursuit en relevant que suite à la résiliation non motivée par Banque 2 et Société 5 , en décembre 2016, des contrats de dépositaire, respectivement de gestion, avec effet au 30 juin 2017, elle aurait, en date du 1er juillet 2017, conclu un contrat de banque dépositaire avec la société anonyme Banque 1 SA, dénommée ci-après « la Banque 1 », laquelle aurait cependant par courrier recommandé daté du 1er décembre 2020, résilié ledit contrat avec effet au 31 mars 2021, délai prorogé ensuite jusqu'au 15 mai 2021.

À ce titre, la partie demanderesse fait relever que l'article XXX, paragraphe 6, lettre (b) du « Depositary and Paying Agent Agreement » stipulerait que la Banque 1 se serait engagée contractuellement à poursuivre la prestation des services prévus par le contrat précité au cas où elle n'aurait pas trouvé un nouveau dépositaire, sans que cet engagement ne soit limité aux prestations à titre conservatoire.

D’un autre côté, elle aurait encore, toujours en date du 1er juillet 2017, conclu un contrat dit « Management Company Services Agreement » avec la société anonyme Société 2SA, dénommée ci-après « la société Société 4 », de même qu’avec Société 3 et Société 4 un contrat dit « Investment Management Agreement », ainsi qu’en date du 13 juillet 2017, un contrat dit « Distribution Agreement », ces trois contrats ayant également été résiliés unilatéralement, en date du 1er décembre 2020, par Société 4 avec effet au 31 mars 2021, prorogé jusqu'au 15 mai 2021.

Dans ce contexte, la partie demanderesse fait encore préciser que l'article XVI du contrat dit « Management Company Services Agreement » stipulerait que Société 4 se serait obligée contractuellement à poursuivre la prestation des services prévue jusqu'à ce qu'une nouvelle société de gestion de Société 1soit nommée.

Or, malgré plusieurs négociations en ce sens, aucun nouveau dépositaire, ni aucune nouvelle société de gestion auraient pu être trouvés, en raison de la valeur du ratio des dépenses totales du fonds, qui auraient légèrement augmenté en raison de l’enquête et de la poursuite à l’égard de l'ancienne banque dépositaire respectivement de l'ancienne société de gestion. Par ailleurs, toutes les interventions auprès de la CSSF afin de trouver une solution arrangeant toutes les parties auraient été vaines.

En droit, la partie demanderesse fait d’abord plaider que la décision serait irrégulière en la forme en ce qu’elle ne comporterait pas de signature manuscrite, alors que la jurisprudence constante y relative exigerait que tout acte administratif écrit devrait être signé par son auteur, s’agissant d’une formalité substantielle puisque la signature attesterait l'exercice d'une compétence, formalité à laquelle le simple communiqué daté du 17 mars 2020, par lequel la CSSF aurait informé le public que toutes ses communications vers l'extérieur seraient effectuées par courriel et ne porteraient pas de signatures manuscrites, ne saurait déroger, alors qu’un tel communiqué n'aurait aucune valeur normative, faute de tomber sous le champ de l’article 9, paragraphe premier, troisième et quatrième phrases, de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur financier, dénommée ci-après « la loi du 23 décembre 1998 », et faute d’avoir été publié au Mémorial.

En l'absence de signatures manuscrites des membres de la direction de la CSSF, la décision déférée qui serait plus qu'une simple « communication de la CSSF » et qui se limiterait à préciser à ce sujet que dans le cadre de la lutte contre la propagation du Coronavirus (COVID-19), toutes ses communications vers l'extérieur ne porteront pas de signatures manuscrites, ne constituerait pas un acte administratif valable qu’il y aurait lieu de sanctionner.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait encore préciser à ce sujet que même la communication précitée du 17 mars 2020, suivant laquelle, dans le cadre de la lutte contre la propagation du Coronavirus (COVID-19), toutes les communications de la CSSF vers l'extérieur seront effectuées par courriel et ne porteront pas de signature manuscrite, outre de ne pas reposer sur une quelconque base légale, ne porterait pas de signature de son auteur, violant ainsi la sécurité juridique des justiciables.

Quant aux développements de la CSSF selon lesquels rien ne serait imposé quant aux formes que doit revêtir l’identification de l’auteur d’un acte administratif, sur base d’une jurisprudence selon laquelle une signature ne devrait répondre à aucune condition de forme ou de lisibilité, la partie demanderesse fait répliquer qu’il ne s’agirait en l’espèce pas d’une décision administrative comportant une signature manuscrite illisible, mais bien d’un acte ne comportant aucune signature manuscrite, situation non comparable.

En l'espèce, l'absence de signatures écrites ne permettrait pas de vérifier si toutes les personnes compétentes, dont les noms figurent en bas de la décision attaquée, ont pris connaissance de cette décision et l'ont effectivement approuvée, la décision déférée ne pouvant par ailleurs pas être considérée comme ayant été signée électroniquement pour ne pas respecter les conditions de validité prévues à l'article 26 du Règlement (UE) n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, alors qu’il s’agit en l’occurrence que d’un simple ajout d’un nom à la fin d'un document.

Ainsi, les noms des membres de la direction de la CSSF figurant certes à la fin de la décision attaquée ne sauraient équivaloir à des signatures électroniques, puisqu'elles ne rempliraient pas le standard minimal exigé pour pouvoir identifier avec certitude la personne ayant signé le document en cause.

La partie demanderesse met en exergue que par son argumentation et les jurisprudences que la CSSF cite, cette dernière admettrait indirectement que toute décision administrative devrait être pourvue d’une signature, de sorte qu’il ne suffirait pas que la personne concernée par une décision soit en mesure d'identifier l'autorité qui est légalement autorisée à édicter cet acte, mais devrait également pouvoir vérifier si cette autorité aurait légalement été engagée par les personnes autorisées par la loi à adopter la décision et si toutes les personnes devant légalement approuver la décision l'ont effectivement approuvée.

Elle conteste encore l’argumentation de la CSSF, selon laquelle il n'y aurait pas d'obligation de faire figurer sur chaque courrier une signature, classique ou électronique, alors que cette affirmation assimilerait les décisions administratives, encadrées par la législation et causant grief à leurs destinataires, à des simples courriers.

Elle relève encore que la situation liée au Covid-19, invoquée pour justifier le non-

respect des règles en vigueur, malgré sa gravité, ne saurait jamais justifier la violation du droit en vigueur. En l'absence de tout cadre légal ou règlementaire autorisant cette manière de faire, il faudrait continuer de respecter les « anciennes méthodes », même si elles seraient moins commodes à réaliser.

Finalement, la partie demanderesse réfute l’affirmation de la CSSF selon laquelle l’absence de signature manuscrite ne lui aurait causé aucun préjudice, mais que ce serait le fond de la décision qui causerait seul grief, alors qu’en suivant cette théorie, les moyens fondés sur le vice des formes destinées à protéger les intérêts privés n'auraient plus aucune valeur.

En deuxième lieu, la partie demanderesse conclut à une violation de l'article 36 de la loi du 17 décembre 2010, en application duquel la banque dépositaire devrait continuer à prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts pendant une période de deux mois à partir de la date où la résiliation du contrat de dépositaire prendrait effet, tandis que la société de gestion devrait continuer à gérer Société 1jusqu'au moment où une nouvelle société de gestion ait été désignée.

S’agissant d’obligations légales très claires en vue de la protection des intérêts des porteurs de parts, la CSSF serait obligée de veiller au bon respect des dispositions de l’article 36 pour l’application duquel et notamment pour le calcul du délai de deux mois y figurant, il faudrait prendre en compte, comme point de départ, non pas la date de notification de l'intention de la banque dépositaire de cesser ses engagements contractuels, mais bien la date effective de son retrait, de sorte que ce délai légal de deux mois ne saurait être inclus dans le préavis donné par la banque dépositaire, ce qui impliquerait que la CSSF serait obligée d’attendre l’écoulement de ce délai supplémentaire de deux mois avant de pouvoir décider du retrait de Société 1de la liste officielle des organismes de placement collectif.

Plus particulièrement quant au point a) de l'article 36 de la loi du 17 décembre 2010, la partie demanderesse fait préciser qu’il faudrait également prendre en compte les stipulations de son contrat de dépositaire relatives à la résiliation de ce dernier, prévoyant, en son article XXX, point 2, notamment un délai de préavis d’au moins 3 mois ainsi qu’au point 6 b) du même article que « the Bank may, in certain situations (for example when no replacing depositary has (yet) been appointed […] continue rendering certain services attached to the fonctions initially entrusted to it, in particular "for safeguard purposes" ("à titre conservatoire") in the interest of the shareholders of the Fund […]. ».

Etant donné qu’en l’espèce, la banque dépositaire aurait notifié la résiliation du contrat pour le 31 décembre 2020 avec effet au 31 mars 2021, délai prolongé par voie contractuelle jusqu'au 15 mai 2021, la partie demanderesse estime qu’en application de l'article 36, point a) de la loi du 17 décembre 2010, elle aurait eu un délai jusqu'au 15 juillet 2021 pour trouver une nouvelle banque dépositaire, de sorte que la CSSF n’aurait pas pu lui notifier sa décision de retrait déjà en date du 19 mai 2021, étant relevé que jusqu'au 15 juillet 2021, la banque dépositaire aurait l'obligation légale de prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts.

En ce qui concerne ensuite plus particulièrement les dispositions de l'article 36, point b) de la loi du 17 décembre 2010, la partie demanderesse donne à considérer que même si ses relations contractuelles avec sa société de gestion auraient également été résiliés avec effet au 15 mai 2021, et même si elle n'aurait pas encore été en mesure de désigner une autre société de gestion en raison des procédures judiciaires auxquelles elle devrait actuellement faire face et en raison des frais de procédure afférents, la CSSF n’aurait pas été en droit de fonder son retrait de la liste officielle des organismes de placement collectif sur la résiliation dudit contrat, puisque la société de gestion resterait légalement tenue à ses obligations en tant que société de gestion jusqu'à la désignation d'une nouvelle société de gestion.

Ainsi, la CSSF aurait manifestement violé l'article 36, point b) de la loi du 17 décembre 2010, en ce qu’elle l’aurait retirée de la liste officielle des organismes de placement collectif, au lieu d’informer la société Société 4 de l'obligation légale de cette dernière de continuer à remplir ses obligations de société de gestion jusqu'à la nomination d'une nouvelle société de gestion.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait préciser à cet égard, que suivant l'article 36, point a) de la loi du 17 décembre 2010, ainsi qu’en application de l'article XXX, paragraphe 6, lettre (b) du « Depositary and Paying Agent Agreement », la banque dépositaire devrait agir dans l'intérêt des investisseurs et continuer à prester ses services de dépositaire aussi longtemps qu'elle n'a pas pu être remplacée par une nouvelle banque dépositaire, la protection des intérêts des investisseurs étant d’ailleurs non seulement une obligation de la banque dépositaire et de la société de gestion, découlant de l'article 37, paragraphe (2) de la loi du 17 décembre 2010, mais également une obligation de la CSSF, laquelle découlerait de l'économie générale de la législation luxembourgeoise en vigueur, étant donné que la CSSF serait censée maintenir la confiance du public, en général, dans la place financière luxembourgeoise, par l'assurance du respect de la législation et des règles prudentielles en matière de gestion des avoirs confiées par des investisseurs aux organismes spécialisés.

En ce qui concerne l’affirmation de la CSSF, selon laquelle elle aurait disposé d'un délai total de 5 mois et demi à partir des lettres de résiliation initiales datées du 1er et du 2 décembre 2020 pour désigner un nouveau dépositaire et une nouvelle société de gestion, la partie demanderesse fait plaider qu’il ne s’agirait pas de considérer le temps nécessaire pour remplacer un dépositaire ou une société de gestion, mais le moment à partir duquel le dépositaire aurait l'obligation de prendre « toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts », seule question permettant de déterminer le moment à partir duquel la CSSF pourrait décider de retirer une SICAV de la liste officielle des organismes de placement collectif.

En effet, pendant le délai de préavis, le dépositaire continuerait à exécuter le contrat de façon pleine et entière, de sorte qu’il n'y aurait aucune raison, ni légale, ni logique, de penser que le dépositaire devrait se limiter à ne prester que « toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts ». En conséquence, la période de deux mois prévue par l'article 36 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 ne pourrait se situer dans la période entre la notification de la résiliation et le moment où la résiliation devrait prendre ses pleins effets.

Ainsi, la seule interprétation logique de l'article 36 de la loi du 17 décembre 2010 envisageable serait celle de dire que le délai de deux mois y figurant commencerait à courir à partir du jour où la résiliation du contrat de gestion aurait dû prendre effet, de sorte qu’en l’espèce, le dépositaire aurait dû prendre « toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts » jusqu' au 15 juillet 2021, en application de l'article 36 de la loi du 17 décembre 2010, et jusqu'au remplacement effectif du dépositaire, sans limitation de date, en vertu de l'article XXX, paragraphe 6, lettre (b) du « Depositary and Paying Agent Agreement ».

Même si, pendant cette période d'au moins deux mois, les activités du dépositaire seraient limitées à ne prendre que « toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts », il faudrait retenir que Société 1aurait ainsi, tout de même, disposé d'une banque dépositaire, quoiqu’avec des fonctions limitées, de sorte que l'article 147, paragraphe 2, point k) de la loi modifiée du 17 décembre 2010 ne saurait trouver application.

En tout état de cause, la CSSF aurait dû respecter au moins le délai de deux mois avant de retirer Société 1de la liste officielle des organismes collectifs de placement, soit jusqu’au 15 juillet 2021.

En ce qui concerne la notion des « mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts », la partie demanderesse fait répliquer que les travaux préparatoires de la loi du 25 août 1983 relative aux organismes de placement collectif, suivant lesquels la banque dépositaire n'interviendrait qu'en tant que dépositaire en cas de liquidation du fonds, tels qu’invoqués par la CSSF, ne concerneraient pas l'étendue des obligations de la banque dépositaire pendant les deux mois qui suivent le jour où la résiliation du contrat de gestion a pris effet, la précitée notion devant nécessairement englober toutes les mesures indispensables pour protéger et faire respecter les droits des investisseurs, impliquant dès lors le respect de l'ensemble des obligations d'une banque dépositaire, nécessaires pour être en mesure de fonctionner régulièrement et de poursuivre ses activités commerciales en attente de la conclusion d'un nouveau contrat de gestion, ce qui serait confirmé par l'article XXX, paragraphe 6, lettre b) du « Depositary and Paying Agent Agreement », lequel irait au-

delà du texte de l'article 36 de la loi du 17 décembre 2010 en mentionnant la conservation des intérêts des investisseurs comme une obligation parmi d'autres, par l’utilisation des termes « in particular "for safeguard purposes" ».

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait préciser que, selon le « Cambridge Dictionary », la notion « in particular » serait un synonyme du terme « especially », défini de la manière suivante : « used to emphasize the importance of one thing among others of its type or to point to one thing among others ».

Finalement, la partie demanderesse donne encore à considérer qu’elle aurait fait part à la CSSF de son interprétation de l’article 36 de la loi du 17 décembre 2010 et de l'article XXX, paragraphe 6, lettre b) du « Depositary and Paying Agent Agreement », dans son courrier du 31 mars 2021, sans que la CSSF n’ait réagi, la laissant ainsi dans le flou en ce qui concerne son interprétation de la législation en vigueur.

En troisième lieu, la partie demanderesse considère que la décision déférée violerait les articles 130, paragraphe (2) et 147, paragraphe (2), point k) de la loi du 17 décembre 2010, impliquant que le retrait d’un organisme de placement collectif ne pourrait être retiré que sous condition que ce dernier ne remplisse plus les conditions légales qui s'imposent à lui.

Or, aussi longtemps qu'un organisme de placement collectif disposerait d'un dépositaire et d'une société de gestion, il devrait être considéré comme étant en régularité, de sorte que la CSSF ne serait pas en droit de lui retirer son agrément, respectivement de le retirer de la liste officielle des organismes de placement collectif, étant donné que, même après la résiliation des contrats respectivement conclus avec un dépositaire et une société de gestion, ces derniers resteraient tenus de prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts durant les deux mois suivant le jour où la résiliation du contrat aurait pris effet. La partie demanderesse renvoie à ce titre à ses considérations prises en amont au sujet de son interprétation de l’article 36 de la loi du 17 décembre 2010.

Ainsi, au moment où la CSSF aurait adopté la décision attaquée, la partie demanderesse considère avoir toujours disposé d'une banque dépositaire et d’un gestionnaire.

La partie demanderesse fait encore répliquer à cet égard que la CSSF ne saurait se limiter à renvoyer aux décisions unilatérales du dépositaire et de la société de gestion en ce qui concerne la résiliation de leurs contrats respectifs, alors qu’elle aurait dû imposer à ces derniers de respecter leurs obligations légales et contractuelles de continuer leurs prestations respectives jusqu'à leur remplacement effectif, telle que cette obligation résulterait tant de l'article 36 de la loi du 17 décembre 2010 que de l'article XXX, paragraphe 6, lettre b) du « Depositary and Paying Agent Agreement », ce qu'elle aurait cependant omis de faire.

Dans ce contexte, la partie demanderesse fait encore souligner que, dans la mesure où la décision déférée serait intervenue à un moment où elle aurait toujours dû bénéficier des prestations de son dépositaire et de sa société de gestion, la CSSF l’aurait placé dans une situation peu confortable, puisqu'il s'avèrerait difficile d'entamer des négociations avec un nouveau dépositaire, respectivement une nouvelle société de gestion si le fonds ne peut plus fonctionner correctement en raison du refus du dépositaire et de la société de gestion de poursuivre leurs prestations respectives, notamment pour la détermination de la valeur nette d'inventaire.

En tout cas, le refus de la CSSF de répondre aux courriers lui adressés n'aurait pas permis d'augmenter la confiance dans le secteur financier luxembourgeois.

En quatrième et dernier lieu, la partie demanderesse fait souligner la nécessité de réformer la décision attaquée afin de faciliter la recherche d'un nouveau dépositaire et d'une nouvelle société de gestion et afin de lui permettre de maintenir le contrôle sur les procédures engagées afin d’éclairer les fraudes dont elle aurait été victime.

Ainsi, au-delà du constat qu’au moment de l'adoption de la décision déférée, elle ne se serait pas trouvée pas dans une situation irrégulière, telle que relevé ci-avant, et au-delà du fait que la CSSF n’aurait pas rappelé à sa banque dépositaire et à sa société de gestion leurs obligations légales, la CSSF serait encore en faute de ne pas avoir réagi par rapport aux reproches avancés à l'encontre de Banque 2 et Société 5 ayant procédé à des actes illégaux, lesquels auraient causé un préjudice considérable tel que révélé par le rapport d'expertise du cabinet d'experts allemand Société 6 .

En effet, la partie demanderesse estime qu’une enquête de la part de la CSSF aurait pu clarifier la situation, de manière à éviter les frais d'expertise et de justice considérables qui grèveraient sa situation financière de manière à rendre difficile la recherche de nouveaux cocontractants.

En conséquence, la partie demanderesse s’offusque de la circonstance qu’en tant que victime des pratiques litigieuses, elle devrait actuellement faire face à une procédure de liquidation, alors que, de leur côté, les sociétés à l'origine de ces pratiques auraient pu, jusqu'à présent, continuer à poursuivre leurs activités économiques.

Etant donné que la décision déférée aurait manifestement aggravé sa situation, elle paraîtrait comme étant manifestement disproportionnée par rapport aux circonstances de l’espèce, de sorte à devoir être considéré comme un excès de pouvoir, la partie demanderesse estimant qu’un établissement de droit public ne devrait en aucun cas contribuer à l'aggravation de la situation d'une entité de droit privé pour, au final, utiliser cette aggravation comme prétexte afin d'introduire une procédure de liquidation à son encontre, d’autant plus que la CSSF aurait été au courant de la procédure judiciaire engagée à l'encontre des anciennes banque dépositaire et société de gestion, procédure actuellement pendante devant le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg. Or, d’après la partie demanderesse, l’introduction d’une requête de mise en liquidation à son égard compromettrait le bon déroulement de la prédite procédure, en ce qu’elle perdrait le contrôle sur cette dernière, alors que même si le liquidateur, remplaçant son conseil d'administration, pourrait poursuivre cette action en justice, celui-ci ne le ferait pas dans l'intérêt personnel de Société 1elle-même.

Ainsi, la partie demanderesse estime se voir privée de ses droits les plus fondamentaux de mener et contrôler la procédure à l'encontre de ses anciens cocontractants, ce qui ne serait pas compatible avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après « la CEDH », suivant lequel toute personne aurait droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

En conclusion, il paraîtrait difficilement concevable qu'une partie lésée, laquelle, en application de la législation en vigueur, aurait fonctionné en toute régularité et laquelle se serait retrouvée, en raison de l'inaction des autorités publiques et des comportements fautifs de ses anciens cocontractants, dans une situation où elle aurait des difficultés pour trouver des nouveaux cocontractants, se verrait retirer de la liste officielle des organismes de placement collectif et devoir faire face à une procédure de liquidation.

La partie demanderesse fait encore préciser que la CSSF aurait adopté une décision manifestement contraire aux intérêts du Grand-Duché de Luxembourg en tant que place financière, puisque d'autres investisseurs pourraient devenir réticents à investir leur capital au Luxembourg, alors que la CSSF ne ferait pas preuve d'un engagement suffisant pour la protection des intérêts des investisseurs face aux pratiques frauduleuses de ses anciennes banque dépositaire et société de gestion, d’autant plus qu’il ne pourrait être exclu que ces dernières aient recours aux mêmes pratiques vis-à-vis d'autres fonds d'investissement. En effet, en vertu de l’article 3-2 de la loi du 23 décembre 1998, la CSSF, dans l'exercice de ses fonctions, devrait dûment tenir compte de l'impact potentiel de ses décisions sur la stabilité du système financier aux niveaux national, communautaire et international, de sorte à ce qu’elle devrait éviter toute décision qui pourrait faire en sorte que des investisseurs doutent du bon fonctionnement du système financier luxembourgeois.

La partie demanderesse ajoute à ce sujet qu’elle aurait communiqué le rapport d'expertise « Société 6 » à la CSSF en date du 9 février 2021, tout en lui fournissant des explications par rapport aux irrégularités commises par ses anciens dépositaire et société de gestion.

Elle critique finalement la CSSF de lui avoir, déjà en janvier 2021, adressé des reproches quant au montant élevé de ses frais, alors même qu'il se serait agi de frais déboursés afin de faire respecter les intérêts des investisseurs face aux actes frauduleux de ses anciens contractants, frais qui auraient pu être évités si la CSSF serait intervenue pour obliger les dépositaire et société de gestion à respecter leurs obligations contractuelles.

La CSSF conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

Le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent5.

5 trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 515 et les autres références y citées.

En ce qui concerne d’abord le moyen de légalité externe tenant à l’absence de signature sur la décision déférée, force est au tribunal de relever que si la signature d’un acte écrit constitue effectivement a priori une formalité substantielle, alors qu’elle permet de vérifier la compétence de l’auteur de l’acte, non mise en cause en l’espèce, l’absence de signature sur la copie envoyée à l’administré n’a pas de répercussion sur l’existence de l’acte en question6, laquelle n’est d’ailleurs pas non plus contestée en l’espèce.

Par ailleurs, il a été jugé qu’il n'existe aucune condition de forme à remplir par un acte, afin de déterminer s'il constitue une décision, pourvue que son existence puisse être établie7, ce qui est le cas en l’espèce, au vu de l’accord des deux parties sur ce point.

Il suit de ces considérations et des circonstances de l’espèce précitées que le moyen visant à mettre en cause la validité de la décision déférée en raison de l’absence de signatures manuscrites est à rejeter.

Au fond, force est d’abord de relever qu’aux termes de l’article 130 de la loi du 17 décembre 2010, « (1) Les OPC agréés sont inscrits par la CSSF sur une liste. Cette inscription vaut agrément et est notifiée par la CSSF à l’OPC concerné. (…) (2) L’inscription et le maintien sur la liste visée au paragraphe 1 sont soumis à la condition que soient observées toutes les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles qui concernent l’organisation et le fonctionnement des OPC ainsi que la distribution, le placement ou la vente de leurs titres. ».

Aux termes de l’article 147 de la loi du 17 décembre 2010, « (1) Aux fins de l’application de la présente loi, la CSSF est investie de tous les pouvoirs de surveillance et d’enquête nécessaires à l’exercice de ses fonctions.

(2) Les pouvoirs de la CSSF incluent le droit : (…) k) de retirer l’agrément octroyé à un OPC, à une société de gestion ou à un dépositaire ; (…) ».

L’article 33 de la loi du 17 décembre 2010 dispose quant à lui que : « (1) Les SICAV doivent veiller à ce qu’un seul et unique dépositaire soit désigné conformément aux dispositions du présent article et des articles 34 à 37. (…) », tandis que l’article 34, paragraphe (3) de la même loi précise que « La garde des actifs de Société 1doit être confiée à un dépositaire, (…) ».

Aux termes de l’article 36 de la même loi, « Les fonctions du dépositaire ou de la société de gestion dans le cas d’une SICAV ayant désigné une société de gestion prennent respectivement fin à l’égard de Société 1:

a) en cas de retrait du dépositaire intervenu de sa propre initiative ou de celle de Société 1;

en attendant le remplacement du dépositaire qui doit avoir lieu dans les deux mois, le dépositaire doit prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts ;

6 Trib. adm. 19 mars 2007, n° 21762 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 162 et l’autre référence y cités.

7 En ce sens : Trib. adm. 27 novembre 1997, n° 10123 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 168 et les autres références y citées.

b) en cas de retrait de la société de gestion désignée intervenu de sa propre initiative ou de celle de la SICAV, à condition qu’elle soit remplacée par une autre société de gestion agréée conformément à la directive 2009/65/CE ; (…) ».

Il ressort d’abord des dispositions légales précitées que la CSSF, en présence d’un fonds d’investissement dépourvu de dépositaire, ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire mais d’une compétence liée8, dans la mesure où le maintien sur la liste officielle des organismes de placement collectif est soumis au respect des dispositions légales régissant lesdits fonds, de sorte que la CSSF n’a d’autre choix que de procéder au retrait d’un fond à la date de résiliation effective du contrat de dépositaire en l’absence de reprise de cette fonction par un nouveau dépositaire, et ce, sans que des éléments subjectifs puissent avoir une influence sur la décision à prendre.

Au vu des considérations qui précèdent, force est dès lors, à titre liminaire, de retenir que le quatrième moyen tiré d’un excès de pouvoir dans le chef de la CSSF, en ce que la décision déférée serait disproportionnée au regard des circonstances particulières de l’espèce, est d’ores et déjà à rejeter, étant, par ailleurs relevé que les autres argumentations y figurant quant à l’opportunité pour la CSSF de solliciter la liquidation de la partie demanderesse se rapportent au premier volet de la décision déférée au sujet duquel le tribunal vient de conclure, ci-avant, à l’absence d’une décision afférente faisant grief. De leur côté, les considérations de la partie demanderesse, émises dans ce contexte, relatives à un éventuel comportement fautif de la CSSF en relation avec les problèmes résultant d’une mauvaise exécution des contrats l’ayant liée à ses premiers dépositaire et gestionnaire, à savoir Banque 2 , respectivement Société 5 , laissent d’être pertinentes dans le cadre du présent litige provoqué par la résiliation des derniers contrats de dépositaire et de gestion qu’elle avait signés avec les sociétés Banque 1 , respectivement Société 4 . Il en va de même de la demande de surséance à statuer sollicitée dans ce contexte.

En ce qui concerne ensuite la date à laquelle il faut se positionner pour pouvoir conclure à l’absence d’un dépositaire au sens de l’article 36, point a), tel que précité, de la loi du 17 décembre 2010 c’est à bon droit que la CSSF a mis en exergue une jurisprudence rendue relativement à la matière de fonds d’investissement spécialisés, mais qui est parfaitement transposable en l’espèce pour avoir été basée non seulement sur les travaux parlementaires relatifs à l’ancienne législation applicables aux organismes de placement collectif, mais également pour avoir procédé à l’interprétation de dispositions de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés, en l’occurrence ses articles 36 et 43, dont les termes sont semblables à ceux des articles 36, respectivement 130 de la loi du 17 décembre 2010, litigieux en l’espèce.

Il a ainsi été jugé que « l’article 36 de la loi du 13 février 2007, en ce qu’il prévoit un délai de remplacement de la banque dépositaire de deux mois, est inspiré des articles 16 et 17 de la loi du 25 août 1983 relative aux organismes de placement collectif, entretemps abrogée, ci-après désignée par « la loi du 25 août 1983 », l’article 16 prévoyant que « Les fonctions de la société de gestion ou de la banque dépositaire à l´égard du fonds commun de placement prennent respectivement fin : (…) b) en cas de retrait de la banque dépositaire intervenu dans les conditions prévues par le règlement de gestion; en attendant son remplacement, sous réserve des dispositions de l´article 17 (1), litt b), elle prendra toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts ; (…) », 8 Par analogie : trib. adm. 14 juin 2019, n° 40847 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Régulation économique, n° 132.

tandis que l’article 17, paragraphe (1) de la même loi précise que « 1) Le fonds commun de placement se trouve en état de liquidation: (…) b) en cas de cessation des fonctions de la société de gestion ou de la banque dépositaire conformément aux litterae b), c), d) et e) de l´article 16, si elles n´ont pas été remplacées dans les deux mois; (…) ».

Or la loi du 13 février 2017 ne retient plus la mise en liquidation d’une SICAV à partir du moment où celle-ci est restée en défaut de procéder effectivement au remplacement de la banque dépositaire après l’écoulement d’un délai de deux mois à partir du retrait de ladite banque, tel que cela fut le cas sous l’égide des articles 16 et 17 de la loi du 17 janvier 1980, mais prévoit le retrait automatique de ladite SICAV de la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés, conformément à l’article 43, paragraphe (2) de la loi du 13 février 2007, à partir du moment où « les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles qui concernent l’organisation et le fonctionnement des fonds d’investissement spécialisés soumis à la présente loi (…) », tel que le fait de disposer d’une banque dépositaire, ne sont plus observées.

Il s’ensuit que le délai de deux mois prévus à l’article 36 de la loi du 13 février 2007, endéans lequel une SICAV doit procéder au remplacement de son dépositaire, doit être considéré comme une durée de préavis minimum à accorder par la banque dépositaire sortante à Société 1concernée, afin de permettre à cette dernière de trouver un nouveau dépositaire, ladite SICAV étant retirée de la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés à partir du moment où, à la date de la fin des relations contractuelles, aucune nouvelle banque n’a effectivement repris la fonction de banque dépositaire, étant encore précisé que les parties demeurent, pour le surplus, libre de prévoir, contractuellement, une durée de préavis plus importante, tel que cela fut le cas en l’espèce. Ainsi, il y a lieu de retenir que le délai minimum de deux mois de préavis endéans lequel une SICAV devrait procéder au remplacement de son ancien dépositaire, commence à courir à partir de la manifestation de volonté du précédent dépositaire de mettre un terme à la relation contractuelle et non pas à la date de fin du préavis contractuellement retenu.9 ».

Il s’ensuit, par analogie, que le délai de deux mois pour le remplacement du dépositaire, tel qu’il est prévu par l’article 36, point a) de la loi du 17 décembre 2010, est à considérer comme un délai de préavis minimum à accorder par la banque dépositaire sortante à Société 1concernée, afin de permettre à cette dernière de trouver un nouveau dépositaire, délai commençant à courir à partir de la manifestation de volonté de mettre un terme à la relation contractuelle et non pas à la date de fin du préavis contractuellement retenu, même prorogé, tel que l’estime erronément la partie demanderesse.

Ainsi, étant donné qu’en l’espèce, le délai de préavis initial de trois mois jusqu’au 31 mars 2021 a été prorogé au 15 mai 2021, c’est à bon droit que la CSSF a pu considérer que faute, pour la partie demanderesse, d’avoir disposé, au 16 mai 2021, d’un nouveau dépositaire, cette dernière est à considérer, à la même date, comme étant en défaut de remplir « toutes les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles qui concernent l’organisation et le fonctionnement des OPC », condition nécessaire, au vœu de l’article 130, paragraphe (2) de la loi du 17 décembre 2010, tel que précité, pour son maintien sur la liste officielle des organismes de placement collectif.

9 Trib. adm., 26 novembre 2021, n° 43554 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Régulation économique, n° 24.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de la partie demanderesse suivant laquelle elle estime qu’en application de l’article 36, point a) de la loi du 27 décembre 2010, respectivement de l’article XXX, paragraphe 6, lettre b) du « Depositary and Paying Agent Agreement », selon lesquels son dépositaire i) est obligé, en attendant son remplacement, de « prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne conservation des intérêts des porteurs de parts », respectivement ii) peut, en attendant son remplacement, continuer notamment des fonctions conservatoires dans l’intérêt des porteurs de parts10, elle devrait toujours être considérée comme disposant d’un dépositaire, alors que ces obligations, survivant à la résiliation du contrat de dépositaire jusqu’au remplacement de ce dernier, ne sont que des mesures provisoires nécessaires à la conservation des intérêts des porteurs de parts de la SICAV, lesquelles ne sauraient faire revivre, dans le chef de ce dernier, la qualité de dépositaire au sens de la loi du 17 décembre 2010 avec toutes les fonctions et obligations y rattachées.

Finalement il échet encore de relever qu’il ne ressort pas des éléments soumis à l’analyse du tribunal qu’un nouveau dépositaire ait, entretemps, été nommé pour la SICAV, étant rappelé que dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal n’est pas seulement compétent pour contrôler la légalité de la décision que l'administration a prise sur base d'une situation de droit et de fait telle qu'elle s'est présentée à elle au moment où elle a été appelée à statuer, mais doit refaire - indépendamment de la légalité - l'appréciation de l'administration, en tenant compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, en se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, pour apprécier la situation juridique et pour fixer les droits et obligations respectifs de l'administration et des administrés concernés.11 Il s’ensuit que c’est toujours à bon droit que la CSSF a décidé de procéder au retrait de la partie demanderesse de la liste officielle des organismes de placement collectif pour ne plus avoir eu de dépositaire effectif depuis le 15 mai 2021.

Au vu de cette conclusion au regard de l’article 36, point a) de la loi du 17 décembre 2010, combiné à l’article 130 de la même loi, dispositions suffisant à elles seules pour motiver le retrait de Société 1de la liste des organismes de placement collectif, il devient surabondant de statuer sur les conditions d’application du point b) du même article.

Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il en va de même du troisième moyen relatif à une violation des articles 130 et 147, paragraphe (2) de la loi du 17 décembre 2010, alors que ce dernier a comme prémisse l’interprétation erronée, par la partie demanderesse, des dispositions de l’article 36 de la même loi, telle que réfutée ci-avant par le tribunal, de sorte que le moyen afférent encourt également le rejet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours sous examen est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

10 « may, in certain situations (for example when no replacing depositary has (yet) been appointed (…) continue rendering certain services attached to the fonctions initially entrusted to it, in particular "for safeguard purposes" ("à titre conservatoire") in the interest of the shareholders of the Fund (…). ».

11 Cour adm. 6 mai 2008, n° 23341C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 12 et les autres références y citées.

Au regard de l’issue du litige, il y a encore lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 4.000,- euros, telle que sollicitée par la partie demanderesse sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Quant à l’indemnité de procédure sollicitée par la CSSF, d’un montant de 3.000,-

euros, il échet de constater qu’il n’est pas établi en cause en quoi le fait de laisser à sa charge une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens aurait un caractère inéquitable. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la demande afférente.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent concernant le volet du recours portant sur l’introduction, par la CSSF, d’une requête de mise en liquidation de la partie demanderesse auprès du Procureur d’Etat ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme quant au volet de la décision de la CSSF du 19 mai 2021 portant retrait de la partie demanderesse de la liste officielle des organismes de placement collectif ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette les demandes tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure sollicitées par la partie demanderesse, respectivement par la CSSF ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2023 par :

Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mars 2023 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 46074
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-03-17;46074 ?

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