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13/03/2023 | LUXEMBOURG | N°48530

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mars 2023, 48530


Tribunal administratif N° 48530 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48530 1re chambre Inscrit le 14 février 2023 Audience publique du 13 mars 2023 Requête en relevé de forclusion introduite par Monsieur A, …, en présence de l’administration communale de Betzdorf, en matière de relevé de forclusion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48530 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2023 par Maître Geoffrey Paris

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif N° 48530 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48530 1re chambre Inscrit le 14 février 2023 Audience publique du 13 mars 2023 Requête en relevé de forclusion introduite par Monsieur A, …, en présence de l’administration communale de Betzdorf, en matière de relevé de forclusion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48530 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2023 par Maître Geoffrey Paris, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Betzdorf du 13 mai 2022 d’exercer le droit de préemption, tel que prévu aux articles 49 et suivants de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, sur les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Betzdorf, section … de …, sous les numéros …, … et … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Kurdyban, en remplacement de l’huissier de justice Cathérine Nilles, demeurant à Luxembourg, du 16 février 2023, portant signification de cette requête à l’administration communale de Betzdorf, établie à L-6922 Berg, 11, rue du Château, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Betzdorf, préqualifiée ;

Vu la convocation du 21 février 2023 des mandataires des parties en chambre du conseil en date du lundi, 27 février 2023, à 10.00 heures ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Geoffrey Paris et Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives en la chambre du conseil en date du 27 février 2023.

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Suivant compromis de vente du 12 janvier 2022, Monsieur B et son épouse, Madame C, vendirent à Monsieur A et à son épouse, Madame D, les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Betzdorf, section … de …, sous les numéros …, … et …, ci-après désignées par « les Parcelles ».

Par courrier recommandé avec avis de réception du 3 mai 2022, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Betzdorf, ci-après désigné par « le collège échevinal », après avoir reçu de la part du notaire chargé de la rédaction de l’acte notarié relatif à ladite vente, ci-après désigné par « le notaire », la notification prévue à l’article 53 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », annonça à Monsieur A son intention d’exercer sur les Parcelles le droit de préemption, tel que prévu aux articles 49 et suivants de la susdite loi, tout en l’informant de son droit de présenter ses observations par écrit dans un délai de huit jours à compter de la notification dudit courrier ou d’être entendu en personne dans le même délai, à condition d’en faire la demande, en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Par courrier recommandé adressé au collège échevinal le 5 mai 2022 et réceptionné le lendemain, Monsieur A prit position quant au susdit courrier du 3 mai 2022, en déclarant, en substance, s’opposer à l’exercice dudit droit de préemption sur les Parcelles.

Par délibération du 13 mai 2022, le collège échevinal décida d’exercer le susdit droit de préemption sur les Parcelles, ce dont il informa le notaire par courrier recommandé avec avis de réception du même jour, tout en l’invitant à rédiger l’acte authentique de vente, ledit courrier contenant, par ailleurs, une instruction sur les délai et voies de recours ouverts contre la décision en question.

En date du 16 mai 2022, le notaire transmit ce courrier du collège échevinal à Monsieur A.

Par délibération du 20 mai 2022, le conseil communal de Betzdorf, ci-après désigné par « le conseil communal », confirma la décision, précitée, du collège échevinal portant exercice du droit de préemption, tel que prévu aux articles 49 et suivants de la loi du 18 juillet 2018, sur les Parcelles.

Le collège échevinal en informa le notaire par courrier recommandé avec avis de réception du même jour.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 24 mai 2022, réceptionné le 27 mai 2022, Monsieur A prit position quant à cette délibération du conseil communal, en réitérant son opposition quant à l’exercice dudit droit de préemption sur les Parcelles.

En date du 14 février 2023, Monsieur A a fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai pour agir en justice à l’encontre de la décision, précitée, du collège échevinal du 13 mai 2022.

A l’appui de sa requête, le demandeur expose les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, tout en précisant que suite à la délibération, précitée, du conseil communal du 20 mai 2022, il se serait immédiatement mis à la recherche d’un avocat à la Cour, aux fins de l’introduction d’un recours contentieux. Ainsi, il aurait signé en date du 27 juin 2022 une convention d’honoraires avec un avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, qui se serait engagé à le représenter dans la procédure à introduire.

Cependant, aucun recours n’aurait été introduit par ce professionnel de la postulation et le délai de recours contentieux aurait expiré le lundi 15 août 2022 à minuit.

En se référant à l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, ci-après désignée par « la loi du 22 décembre 1986 », il fait valoir que dans la mesure où, d’une part, le ministère d’avocat à la Cour serait obligatoire pour introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision, précitée, du collège échevinal du 13 mai 2022, et, d’autre part, il aurait été confronté à la négligence du mandataire qu’il aurait chargé de l’introduction d’un tel recours, il aurait été, sans faute de sa part, placé dans l’impossibilité d’agir à l’encontre de la décision en question, de sorte qu’il devrait être relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai pour agir à l’encontre de cette même décision.

Lors de la réunion en chambre du conseil en date du 27 février 2023, le litismandataire de l’administration communale de Betzdorf, ci-après désignée par « l’administration communale », a conclu au rejet de la demande en relevé de forclusion, en contestant toute impossibilité d’agir dans le chef du demandeur.

A cet égard, il a précisé que Monsieur A aurait été au courant du délai pour agir à l’encontre de la décision litigieuse et qu’il ne prouverait pas avoir relancé l’avocat chargé de l’introduction d’un recours à l’encontre de cette dernière, ce qui équivaudrait à une faute, respectivement à un défaut de diligences de sa part, ledit litismandataire ayant encore précisé qu’il serait de jurisprudence que « […] les actes du mandant lie[raient] le mandataire […] ».

A titre subsidiaire, pour le cas où le tribunal devait arriver à la conclusion que la condition ayant trait à l’impossibilité d’agir, telle que visée à l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986, serait remplie en l’espèce, le litismandataire de l’administration communale a fait valoir que Monsieur A n’aurait pas introduit sa demande en relevé de forclusion endéans le délai de quinze jours à partir de la cessation de l’impossibilité d’agir, tel que prévu à l’article 3, alinéa 1er de la loi du 22 décembre 1986, de sorte que la demande en question serait irrecevable.

La loi du 22 décembre 1986 dispose en son article 1er que « Si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».

Ainsi, l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986 prévoit deux cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance introduit chacun par le mot « si ». Force est de constater que le texte légal ne subordonne que le premier cas d’ouverture, à savoir celui où la personne concernée n’a pas eu en temps utile connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, à la condition d’une absence de faute de la part du demandeur en relevé de déchéance, alors que pour le deuxième cas d’ouverture, relatif à l’impossibilité d’agir, pareille condition n’est pas requise.1 En l’espèce, le demandeur n’allègue pas ne pas avoir eu, en temps utile, connaissance de l’acte ayant fait courir le délai, mais se prévaut exclusivement de la deuxième hypothèse prévue à l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986, relative à l’impossibilité d’agir, en 1 Trib. adm. 2 octobre 2000, n° 12174 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 326 et les autres références y citées.

invoquant, à cet égard, la négligence de l’avocat qu’il aurait chargé de l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision concernée.

Or, il est de jurisprudence constante que dans l’hypothèse où un mandataire a été chargé par une personne en vue de l’introduction d’un recours et plus particulièrement pour les catégories d’affaires où le droit de postulation d’un professionnel est la règle, telles que celle de l’espèce – l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives réservant aux avocats à la Cour le monopole des recours à intenter au fond contre des décisions administratives individuelles –, l’impossibilité d’agir n’est en principe pas donnée, lorsque le mandat pour agir a été conféré en temps utile au professionnel par le justiciable concerné. En règle générale, la négligence de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie pas un relevé de forclusion. Admettre qu’une fois le mandat conféré par le justiciable au mandataire et toute diligence de rappel faite auprès de celui-ci, le relevé de déchéance devrait être conféré, quelle que soit la cause justificative de l’inaction du professionnel concerné, reviendrait à outrepasser sans cause légitime des délais par ailleurs fixés à titre obligatoire par le législateur, le relevé de déchéance étant à interpréter de façon restrictive, vu son caractère exceptionnel.2 Il a encore été jugé que l’inaction de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie un relevé de forclusion que dans le cas exceptionnel d’éléments irrésistibles vérifiés dans le chef du mandataire chargé en vue de l’introduction d’un recours.3 Dès lors, et dans la mesure où, en l’espèce, d’une part, il n’est pas contesté que suivant convention d’honoraires du 27 juin 2022, le demandeur a chargé en temps utile un professionnel de la postulation de l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision litigieuse du collège échevinal du 13 mai 2022, et, d’autre part, il n’est ni allégué ni a fortiori établi qu’il aurait existé, dans le chef du mandataire ainsi désigné, des éléments irrésistibles ayant empêché l’introduction d’un recours endéans le délai légal, Monsieur A ne saurait être considéré comme s’étant trouvé dans l’impossibilité d’agir, au sens de l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986.

Il s’ensuit que la demande en relevé de forclusion, telle que présentée par l’intéressé, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement et sans recours ;

rejette la demande en relevé de forclusion ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mars 2023 par :

Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, 2 Trib. adm., 2 octobre 2000, n° 12174 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 322 et les autres références y citées.

3 Cour adm., 15 mai 2018, n° 40805C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 322.

Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mars 2023 Le greffier du tribunal administratif 5



Références :

Origine de la décision
Formation : Première chambre
Date de la décision : 13/03/2023
Date de l'import : 27/03/2023

Numérotation
Numéro d'arrêt : 48530
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-03-13;48530 ?

Source

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