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15/02/2023 | LUXEMBOURG | N°48514

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 février 2023, 48514


Tribunal administratif N° 48514 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48514 3e chambre Inscrit le 10 février 2023 Audience publique du 15 février 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48514 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2023 par Maître Philippe

STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 48514 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48514 3e chambre Inscrit le 10 février 2023 Audience publique du 15 février 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48514 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2023 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc), et être de nationalité marocaine, alias …, né le …, de nationalité marocaine, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, alias …, né le …, de nationalité algérienne, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 février 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique de ce jour.

Il ressort d'un rapport de police du 22 novembre 2018, dressé par le commissariat Luxembourg Gare référencé sous le numéro 54359, que Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, désigné ci-après par « Monsieur … », fut appréhendé par les forces de l'ordre le même jour lors d'un contrôle d'identité sans pouvoir justifier de documents d’identité et de voyage valables.

Par arrêté du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Maroc, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destinationd’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans.

Il ressort des documents figurant au dossier administratif que les recherches effectuées à l’époque par les autorités luxembourgeoises révélèrent que Monsieur … avait introduit une demande de protection internationale en Autriche le 27 mai et le 27 septembre 2012, ainsi qu'en Suisse le 27 juin 2013 et qu’il était connu par les autorités françaises sous différentes identités et y avait déclaré être marié à Madame … avec qui il aurait un enfant de trois ans. Les autorités suisses informèrent les autorités luxembourgeoises qu’elles avaient procédé au transfert de Monsieur … vers l’Italie en date du 28 août 2013. Après avoir ensuite contacté les autorités italiennes, le ministre prit le 18 décembre 2018 une décision de transfert à l’égard de de Monsieur …, dont le transfert vers l’Italie put être organisé par les autorités luxembourgeoises le 18 février 2019.

Au courant de l’année 2022, Monsieur … fit encore l'objet de plusieurs rapports émanant de la Police grand-ducale datés respectivement du 23 juin 2022, du 18 juillet 2022 et du 19 juillet 2022.

Il ressort ensuite d'un rapport de police du 25 septembre 2022, dressé par le commissariat Luxembourg Gare référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut appréhendé par les forces de l'ordre le même jour lors d'un contrôle d'identité sans pouvoir justifier de documents d’identité et de voyage valables.

Par arrêté du même jour, le ministre, constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Maroc, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Il ressort du relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg que Monsieur … y fut placé pour vol à l'aide de violences en date du 22 octobre 2022 et qu'il fut libéré le 16 décembre 2022.

Il ressort d'un rapport de police du 4 février 2023, dressé par le commissariat Luxembourg Gare référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut interpellé par les forces de l'ordre le même jour alors qu’il aurait importuné des personnes dans le hall d’entrée d’une résidence. Lors du contrôle, Monsieur … ne pouvait présenter aucun document d’identité ou de voyage valable.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté, notifié à l’intéressé le 4 février 2023, est basé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

2 Vu les rapports n° 2022/115033-3 du 23 juin 2022, n° … du 18 juillet 2022, n° … du 19 juillet 2022, n° … du 25 septembre 2022, n°… du 15 octobre 2022, n° … du 22 octobre 2022, n° … du 27 janvier 2023 et n° … du 4 février 2023, établis par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 25 septembre 2022 assortie d'une interdiction d'entrée sur le territoire de 5 ans ;

Vu ma décision de transfert du 18 décembre 2018 ;

Considérant que l'intéressé se trouvait en détention préventive au Centre pénitentiaire du Luxembourg du 22 octobre 2022 au 16 décembre 2022 ;

Considérant que l'intéressé a déjà été transféré en date du 18 février 2019 vers l'Italie en vertu du règlement (UE) ne 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Considérant que l'intéressé est revenu au pays malgré ma décision de transfert du 18 décembre 2018 ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'indentification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée le 10 février 2023 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de placement précitée.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur …, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique, s’agissant d’une atteinte évidente à sa liberté de mouvement. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d'une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter son éloignement dans les meilleurs délais.

Le demandeur conteste ensuite toute perspective d’éloignement vers son pays d’origine ou bien vers le pays où il a toutes ses attaches familiales, de sorte à mettre en question que son éloignement puisse être réalisé dans un délai raisonnable.

Il affirme avoir déposé une demande de protection internationale en Italie « dès son arrivée dans l’espace Schengen en 2012 » et avoir habité pendant près de huit ans à Milan en Italie avec sa copine ainsi que leur fils commun mineur. Il explique vouloir quitter volontairement le Luxembourg pour rejoindre l’Italie et y retrouver sa famille et pouvoir « réactualiser sa situation administrative ».

En deuxième lieu, le demandeur s’empare de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu fixé par le ministre et avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée, tout en affirmant que le placement en rétention serait disproportionné.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Plus particulièrement en ce qui concerne les démarches effectuées par les autorités luxembourgeoises en vue de l’éloignement de Monsieur … vers son pays d’origine, le délégué du gouvernement signale que le ministre aurait contacté les autorités consulaires marocaines en date du 13 février 2023 afin de procéder à l’identification de Monsieur …, de sorte que les diligences entreprises seraient à considérer comme suffisantes.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision - de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne du placement en rétention litigieux, force est d’abord de constater qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin 4 de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire a été prise à son encontre le 25 septembre 2022, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement. Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite. Or, le demandeur, lequel est en outre connu sous divers alias dans des pays limitrophes, n’a fourni aucun élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef.

En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, dont fait état le demandeur, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre.

Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, 6 conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant ensuite des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il ressort du dossier administratif ainsi que des explications concordantes du délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, qu’après le placement au Centre de rétention de Monsieur … le 4 février 2023, les autorités luxembourgeoises ont contacté le 13 février 2023 le Consulat Général du Royaume du Maroc à Bruxelles en vue de l’identification de Monsieur …, tout en joignant des photos d’identité et un jeu d’empreintes digitales de l’intéressé à cette même demande. Aucun autre document renseignant sur une quelconque démarche en vue de l’identification et/ou de l’éloignement du demandeur n’a été soumis au tribunal.

Force est dès lors au tribunal de constater que Monsieur … a été placé au Centre de rétention le 4 février 2023 et partant privé de sa liberté de mouvement, sans que les autorités ministérielles n’aient entrepris une quelconque démarche en vue de son éloignement jusqu’au 13 février 2023, de sorte à avoir laissé s’écouler une durée de dix jours avant d’entamer la première démarche en 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.vue d’organiser son éloignement sans autrement expliquer la raison de cette carence. Les autorités luxembourgeoises ne peuvent partant pas être considérées comme ayant en l’espèce accompli toutes les diligences nécessaires afin d’écourter au maximum le placement en rétention du demandeur.

Il convient dans ce contexte de rappeler, d’une part, qu’un placement au Centre de rétention constitue une mesure privative de liberté qu’il échet d’écourter au maximum et, d’autre part, qu’il appartient corrélativement aux services ministériels d’accomplir toutes les diligences nécessaires, précisément, de façon à écourter au maximum la privation de liberté inhérente à une mesure de rétention. En effet, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, le placement en rétention devant constituer une période transitoire avant l’acheminement de la personne retenue vers son pays d’origine, de sorte qu’il ne faut pas, à ce titre, que le Centre de rétention se transforme en une prison2.

En l’espèce, les autorités ministérielles luxembourgeoises, en ayant attendu dix jours avant d’effectuer une première démarche en vue de l’identification de Monsieur …, sont partant restées en défaut de déployer toutes les diligences nécessaires en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, afin d’écourter au maximum sa privation de liberté de sorte que le tribunal est amené à constater que le dispositif d’éloignement n’a pas été exécuté avec toute la diligence requise au sens de l’article 120 paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.

Il y a partant lieu de réformer la décision déférée et d’ordonner la libération immédiate du demandeur, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser plus en avant les autres moyens développés par celui-ci.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation introduit à titre principal en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 février 2023, ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 février 2023 par :

2 cf. trib. adm. prés. 5 octobre 2022, n°47991 du rôle, publié sur : www.jurad.etat.luFrançoise Eberhard, premier vice-président, Annick Braun, vice-président, Paul Nourissier, vice-président, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 février 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48514
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-02-15;48514 ?

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