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10/02/2023 | LUXEMBOURG | N°45777

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 2023, 45777


Tribunal administratif Numéro 45777 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45777 1re chambre Inscrit le 12 mars 2021 Audience publique extraordinaire du 10 février 2023 Recours formé par Madame A et consorts, contre un arrêté grand-ducal, une « décision » du ministre de l’Intérieur, et des décisions du conseil communal de la Ville de Diekirch, en matière d’impôts et taxes communaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45777 du rôle et déposée le

12 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la...

Tribunal administratif Numéro 45777 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45777 1re chambre Inscrit le 12 mars 2021 Audience publique extraordinaire du 10 février 2023 Recours formé par Madame A et consorts, contre un arrêté grand-ducal, une « décision » du ministre de l’Intérieur, et des décisions du conseil communal de la Ville de Diekirch, en matière d’impôts et taxes communaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45777 du rôle et déposée le 12 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Madame A, demeurant à L-…;

2) Monsieur B, demeurant à L-… ;

3) Monsieur C, demeurant à L-… ;

4) Monsieur D, demeurant à L-… ;

5) Monsieur E, demeurant à L-… ;

6) Monsieur F, demeurant à L-…;

7) Monsieur G, demeurant à L-… ;

8) Madame H, demeurant à L-… ;

9) Monsieur I, demeurant à L-… ;

10) Monsieur J, demeurant à L-…;

11) Madame K, demeurant à L-… ;

12) Monsieur L, demeurant à L-…;

13) Madame M, demeurant à L-… ;

14) Madame N, demeurant à D-… ;

15) Monsieur O, demeurant à D-…;

tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de :

1) L’ « arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 portant approbation des délibérations des conseils communaux aux termes desquelles ceux-ci ont fixé les nouveaux taux multiplicateurs à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier et en matière d’impôt commercial communal […] » ;

2) La « décision ministérielle de refus du 18 décembre 2020 […] » ;

3) La « décision du Conseil communal de DIEKIRCH du 2 mars 2020, ayant décidé l’augmentation du taux multiplicateurs B6 à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier de 750% à 15.000% sur certaines parcelles à bâtir de la Commune de Diekirch […] » ; et 4) La « délibération du 24 août 2020 du Conseil communal de DIEKIRCH ayant confirmé sa décision du 2 mars 2020 […] ».

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 19 mars 2021, portant signification de ladite requête à la Ville de Diekirch, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant sa maison communale à L-9233 Diekirch, 27, avenue de la Gare ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, déposée le 25 mars 2021 au greffe du tribunal administratif pour compte de la Ville de Diekirch ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2021 ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Albert Rodesch déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2021 pour compte de la Ville de Diekirch ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2021 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de ses mandants, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Albert Rodesch déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2021 pour compte de la Ville de Diekirch ;

Vu la requête en intervention volontaire déposée en date du 1er avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, préqualifié, au nom de Monsieur P, demeurant à L-…, déclarant intervenir dans l’instance introduite par requête portant le numéro 45777 du rôle, prédécrit, les motifs y déduits, Monsieur P déclarant vouloir faire valoir les mêmes moyens de droit que ceux présentés à l’appui de la requête introductive d’instance, ensemble l’article 20 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les trois avis tous datés du 1er avril 2022 du tribunal administratif ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 7 avril 2022, portant signification de ladite requête en intervention volontaire à la Ville de Diekirch, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant sa maison communale à L-9233 Diekirch, 27, avenue de la Gare, préqualifiée ;

Vu l’ordonnance du vice-président, présidant la première chambre du tribunal administratif du 20 avril 2022 (i) ordonnant aux parties demanderesse de notifier tous les actes de procédure, ainsi que toutes les pièces échangées à la partie intervenante, préqualifiée, (ii) autorisant la même partie intervenante à déposer un mémoire au greffe du tribunal administratif, et (iii) autorisant la partie étatique et la Ville de Diekirch à répondre à la requête en intervention volontaire et au mémoire déposé par la partie intervenante ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire Intervention volontaire » de Maître Jean-Marie Bauler, déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2022 au nom de Monsieur P, préqualifié ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire en réponse » du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2022 ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire supplémentaire » de Maître Albert Rodesch déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2022 pour compte de la Ville de Diekirch ;

Vu le courrier de la société à responsabilité limitée Rodesch Avocats SARL du 28 octobre 2022 informant le tribunal administratif de la reprise du mandat de Maître Albert Rodesch pour le compte de la Ville de Diekirch ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes attaqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie Bauler et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 novembre 2022.

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Par une délibération du 2 mars 2020, le conseil communal de la Ville de Diekirch, ci-

après désigné par le « conseil communal », décida à l’unanimité d’augmenter pour l’année 2021, le taux multiplicateur de l’impôt foncier des terrains relevant de la catégorie B6, intitulée « Terrains à bâtir à des fins d’habitations », de la Ville de Diekirch de 750% à 15.000%, dans les termes suivants :

« […] Vu sa délibération du 18.07.2019 (point 12.2), approuvée par arrêté grand-ducal du 06.12.2019, portant décision de fixer les taux multiplicateurs à appliquer pour la Commune de Diekirch en matière d’impôt foncier pour l’exercice 2020 :

Taux d’imposition A :

Propriétés agricoles :

500% B1 :

Constructions industrielles ou commerciales 750% B2 :

Constructions à usage mixte :

500% B3 :

Constructions à autre usage :

250% B4 :

Maisons unifamiliales, maisons de rapport :

250% B5 :

Immeubles non bâtis autres que les terrains à bâtir à des fins d’habitation :

500% B6 :

Terrains à bâtir à des fins d’habitation :

750% Considérant que le Collège des Bourgmestre et Echevins propose au Conseil communal de fixer maintenant le taux multiplicateur de l’impôt foncier B6 pour l’année 2021.

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes, et plus spécialement son article 32 se référant e.a. aux terrains à bâtir à des fins d’habitation (impôt foncier B6).

Vu la circulaire N° 2747 du 25 novembre 2008 du Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire et ayant comme objet : Nouvelles dispositions relatives à l’impôt foncier introduites par la législation relative au pacte logement.

3 Vu la convention « Pacte Logement CDA » signée le 29 avril 2009 entre l’État du Grand-Duché de Luxembourg et la Ville de Diekirch et plus spécialement son article 4.2., approuvée par le Conseil communal lors de sa séance du 08 juin 2009.

Considérant que l’article 32 de la loi prémentionnée du 25 novembre 2008 définit les terrains à bâtir à des fins d’habitation comme suit:

« Sont réputés terrains à bâtir à des fins d’habitation, les immeubles non bâtis susceptibles de faire l’objet d’une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. » Considérant qu’il résulte du relevé des terrains à bâtir à des fins d’habitation établi le 30.01.2020 par notre administration en conformité avec le point 3 de l’article 32 de la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes, que 42 parcelles cadastrales sises sur le territoire de la Ville de Diekirch sont considérées comme terrains à bâtir à des fins d’habitation.

Considérant qu’il résulte de ce même relevé que la première mise en valeur* de terrains à bâtir à des fins d’habitation date de 1976 (44 ans) et la dernière de 2005 (15 ans) (*date de mise en valeur = date à partir de laquelle le terrain est susceptible de faire l’objet d’une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain).

Considérant qu’il résulte finalement de ce même relevé que la surface totale des terrains à bâtir à des fins d’habitation prise en considération pour le calcul de l’impôt foncier B6 est de 391,19 ares.

Considérant que le montant encaissé par l’application du taux multiplicateur actuel de 750% de l’impôt foncier B6 pour l’année 2019 se chiffre à … €.

Vu la pénurie de terrains à bâtir sur le territoire de la Ville de Diekirch.

D’avis que le taux multiplicateur de 750% de l’impôt foncier B6 actuellement appliqué a un effet quasi nul sur l’accélération de l’occupation et de la création de logements sur des terrains pouvant accueillir immédiatement une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

D’avis qu’une augmentation substantielle du taux multiplicateur est le seul remède pour inciter les propriétaires des terrains à bâtir à introduire dans un délai rapproché des demandes en autorisation de bâtir.

Considérant que le Collège des Bourgmestre et Echevins propose au Conseil communal de fixer pour l’année 2021 le taux multiplicateur de l’impôt foncier B6 à 15.000%.

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.

Après en avoir délibéré conformément à la loi décide unanimement 4 de fixer le taux multiplicateur de l’impôt foncier B6 pour l’année 2021 à 15.000% La présente sera transmise à l’autorité supérieure aux fins d’approbation. […] ».

Par courrier du 22 avril 2020, les requérants préqualifiés s’adressèrent au ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par le « ministre », pour lui demander d’annuler la délibération du conseil communal sur le fondement des articles 103 à 105 de la loi communale du 14 décembre 1988, telle que modifiée, ci-après désignée par la « loi communale », et de « plafonner le taux multiplicateur communal à un niveau raisonnable […] jusqu’à l’entrée en vigueur d’une future solution nationale ».

Par courrier du 3 août 2020, les requérants préqualifiés s’adressèrent, à travers leur litismandataire, au ministre pour obtenir la communication de la délibération du conseil communal dans les termes suivants :

« […] J’ai l’honneur de vous écrire au nom des personnes suivantes : […] Elles m’ont notamment remis leur courrier du 22 avril 2020 (annexe) à votre adresse et m’ont chargé de la sauvegarde de leurs intérêts.

La décision de l’Administration Communale de Diekirch est parfaitement illégale, alors qu’au-delà qu’elle manque de bon sens, elle viole un certain nombre de principes juridiques élémentaires et la Constitution.

Mes mandants ne manqueront pas de saisir la juridiction administrative dans l’hypothèse où vous validez cette décision.

Conformément aux dispositions impératives de la PANC, je vous prie de bien vouloir me communiquer une copie de la décision litigieuse. […] ».

Par courrier daté du même jour, les requérants préqualifiés s’adressèrent, à travers leur litismandataire, au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Diekirch, dans les termes suivants :

« […] J’ai l’honneur de vous écrire au nom des personnes suivantes : […].

Elles m’ont formellement chargé d’introduire un recours contre la décision du Conseil communal visant à augmenter l’impôt sur les terrains B6 sis à la Commune de Diekirch dans l’hypothèse où votre décision est validée par la Ministre des Tutelles.

Vous ne devriez ignorer que cette augmentation démesurée est disproportionnée et notamment contraire aux principes de droit élémentaires ainsi qu’à la Constitution.

Par ailleurs il revient à mes mandants qu’une distinction serait opérée entre différents propriétaires de terrains non construits, ce qui constitue une violation de l’article 10 bis de la Constitution.

Conformément aux exigences de la PANC et afin de vérifier si votre décision ne comporte pas de différence de traitement inégale, je vous prie de bien vouloir me communiquer un relevé de toutes les parcelles B6 et B5 concernées à priori par votre décision.

5 Afin d’éviter un fastidieux débat relatif à la protection des données (vous n’ignorez pas que toutes ces données sont à communiquer obligatoirement dans le cadre d’une instance judiciaire), je vous prie de bien vouloir m’indiquer le nombre, sinon un relevé anonymisé de tous les propriétaires des parcelles précitées. […] ».

Par une délibération du 24 août 2020, le conseil communal décida, une seconde fois, à l’unanimité d’augmenter pour l’année 2021, le taux multiplicateur de l’impôt foncier des terrains relevant de la catégorie B6, intitulée « Terrains à bâtir à des fins d’habitations », de la Ville de Diekirch de 750% à 15.000%, dans les termes suivants :

« […] Considérant que, vu que le Conseil communal est appelé à fixer annuellement les taux multiplicateurs de l’impôt foncier A, B1, B2, B3, B4, B5 et B6, le Collège des Bourgmestre et Echevins propose au Conseil communal de procéder à une révision des taux multiplicateurs de l’impôt foncier A, B1, B2, B3, B4, B5 et B6 pour l’année 2021.

Considérant que chaque administration communale est compétente pour la fixation du taux communal et de la détermination de l’impôt foncier assis sur les propriétés immobilières situées sur son territoire.

Considérant que d’après le paragraphe 2 du Kommunalabgabengesetz du 14 juillet 1893 (KAG), l’augmentation substantielle du taux multiplicateur doit faire valoir et justifier l’existence d’un besoin réel, concret et circonstancié.

Considérant que l’ensemble des travaux d’investissement, de rénovation et de mises à jour des infrastructures souterraines effectués à plusieurs reprises et profitant aux terrains à bâtir à des fins d’habitation au niveau des raccordements, d’exploitation et de développement se chiffre à un montant de l’ordre de … €.

Considérant que la perception de l’impôt foncier, notamment l’impôt foncier B6, permettra de récupérer une partie des frais résultant de l’exécution des travaux prémentionnés.

Vu la lettre-circulaire N° 3834 du 08 mai 2020 de la Ministre de l’Intérieur relative à l’impact du COVID-19 sur les finances communales.

Considérant qu’il résulte de cette lettre-circulaire prémentionnée que les prévisions budgétaires du programme de stabilité et de croissance du Grand-Duché de Luxembourg (PSC) 2020 prévoient des variations de -24,8% au niveau de la participation directe au produit en ICC, de -17,4% au niveau du Fonds de dotation globale des communes (FDGC) et de -25,1% au niveau du Fonds de l’emploi.

Considérant qu’il résulte de cette même lettre-circulaire que les avances relatives au FDGC ont été revues à la baisse à partir de l’avance du mois de juin 2020.

Vu une lettre du 19 mai 2020 de la Ministre de l’Intérieur au sujet de l’actualisation du plan de payement du Fonds de dotation globale des communes (FDGC) et de la participation au Corps grand-ducal d’incendie et de sauvetage (CGDIS) et de laquelle il résulte que les montants à recevoir ont été fixé à partir du mois de juin 2020 comme suit :

- tranche juin 2020 :

… € - tranche juillet 2020 :

… € - tranche septembre 2020 :

… € 6 - tranche de décembre 2020:

… € - solde :

à déterminer Considérant qu’avant le mois de juin 2020, notre Administration communale a touché les montants suivants :

- tranche janvier 2020 :

… € - tranche mars 2020 :

… € - tranche avril 2020 :

… € Considérant que le Conseil communal avait fait inscrire au budget de l’exercice 2020 une recette totale de … € provenant du FDGC.

Considérant qu’en se basant sur la lettre-circulaire ministérielle du 08 mai 2020, la commune de Diekirch touchera pour l’année 2020 des recettes provenant du FDGC de … x -

17,4% = … €, soit une moins-value en recettes de … - … = … €.

Considérant que cette diminution en recettes au niveau du budget ordinaire aura des conséquences certaines sur la politique d’investissement de la Ville de Diekirch et de par là au niveau du budget extraordinaire.

Considérant qu’il est à prévoir que la situation financière ne s’améliorera guère pour l’année 2021, de sorte qu’il y a lieu de récupérer une partie de cette moins-value en recettes ordinaires par une révision des taux multiplicateurs de l’impôt foncier.

Considérant que pour l’exercice 2019 la Ville de Diekirch a touché les montants ci-

après en matière d’impôt foncier :

Catégorie d’impôt Taux Montants A 500% … € B1 750% … € B2 500% … € B3 250% … € B4 250% … € B5 500% … € B6 750% … €
_

TOTAL :

… € Considérant que le Collège des Bourgmestre et Echevins propose au Conseil communal de maintenir pour l’exercice 2021 les taux multiplicateurs pour l’impôt foncier de la catégorie A, B1, B2, B3, B4 et B5 et de les fixer comme suit :

A :

Propriétés agricoles :

500% B1 :

Constructions industrielles ou commerciales 750% B2 :

Constructions à usage mixte :

500% B3 :

Constructions à autre usage :

250% B4 :

Maisons unifamiliales, maisons de rapport :

250% B5 :

Immeubles non bâtis autres que les terrains à bâtir à des fins d’habitation :

500% 7 Considérant que pour la fixation du taux multiplicateur de la catégorie B6 pour l’année 2021, le Collège des Bourgmestre et Echevins soumet au Conseil communal les considérations suivantes :

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes, et plus spécialement son article 32 se référant e.a. aux terrains à bâtir à des fins d’habitation (impôt foncier B6).

Vu la circulaire N° 2747 du 25 novembre 2008 du Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire et ayant comme objet : Nouvelles dispositions relatives à l’impôt foncier introduites par la législation relative au pacte logement.

Vu la convention « Pacte Logement CDA » signée le 29 avril 2009 entre l’État du Grand-Duché de Luxembourg et la Ville de Diekirch et plus spécialement son article 4.2., approuvée par le Conseil communal lors de sa séance du 08 juin 2009.

Considérant que l’article 32 de la loi prémentionnée du 25 novembre 2008 définit les terrains à bâtir à des fins d’habitation comme suit:

« Sont réputés terrains à bâtir à des fins d’habitation, les immeubles non bâtis susceptibles de faire l’objet d’une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. » Considérant qu’il résulte du relevé des terrains à bâtir à des fins d’habitation établi le 12.08.2020 par notre administration en conformité avec le point 3 de l’article 32 de la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes, que 43 parcelles cadastrales sises sur le territoire de la Ville de Diekirch sont considérées comme terrains à bâtir à des fins d’habitation.

Considérant qu’il résulte de ce même relevé que la première mise en valeur* de terrains à bâtir à des fins d’habitation date de 1976 (44 ans) et la dernière de 2005 (15 ans) (*date de mise en valeur = date à partir de laquelle le terrain est susceptible de faire l’objet d’une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain).

Considérant qu’il résulte finalement de ce même relevé que la surface totale des terrains à bâtir à des fins d’habitation prise en considération pour le calcul de l’impôt foncier B6 est de 416,95 ares.

Considérant que le montant encaissé par l’application du taux multiplicateur actuel de 750% de l’impôt foncier B6 pour l’année 2019 se chiffre à … €.

Vu la pénurie de terrains à bâtir sur le territoire de la Ville de Diekirch.

Vu le programme « Baulücken » lancé en 2014 par le Gouvernement.

Considérant que la collectivité subit un préjudice matériel considérable du fait que des investissements en équipements publics (voies publiques, raccordements aux réseaux…), financés par l’impôt et remis en état à maintes reprises au cours des années restent inexploités et inefficaces du fait que certains propriétaires de parcelles construisibles à l’intérieur du périmètre d’agglomération choisissent de thésauriser leurs propriétés foncières sur des 8 décennies, profitant ainsi - en raison de la pénurie de terrains construisibles sur le marché -

d’un accroissement régulier, disproportionné et dès lors déraisonnable de leur patrimoine.

Considérant que l’intérêt général exige de privilégier des mesures incitant à la construction de logements proches des infrastructures publiques, plutôt que de procéder à l’extension du périmètre d’agglomération par la destruction de zones vertes.

D’avis que le taux multiplicateur de 750% de l’impôt foncier B6 actuellement appliqué a un effet quasi nul sur l’accélération de l’occupation et de la création de logements sur des terrains pouvant accueillir immédiatement une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

D’avis qu’une augmentation substantielle du taux multiplicateur est le seul remède pour inciter les propriétaires des terrains à bâtir à introduire dans un délai rapproché des demandes en autorisation de bâtir.

Considérant que sur base de l’encaissement de l’impôt foncier pour l’année 2019, les recettes prévisibles résultant de l’augmentation du taux multiplicateur de l’impôt foncier B6 peuvent être estimées comme suit :

Catégorie Taux en Taux en Montants Recettes Recettes d’impôt 2019 2020 encaissés en prévisibles supplémentaires 2019 B6 750% 15.000 % … € … € … € Considérant que les recettes supplémentaires de … € permettront d’absorber une partie des moins-values en recettes du Fonds de dotation globale des communes (FDGC) en 2021 et pour couvrir une partie des frais encourus pour les travaux d’infrastructures dont question ci-

dessus.

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.

Après en avoir délibéré conformément à la loi décide unanimement de fixer les taux multiplicateurs à appliquer pour la Commune de Diekirch en matière d’impôt foncier pour l’exercice 2021 comme suit Taux d’imposition A :

Propriétés agricoles :

500% B1 :

Constructions industrielles ou commerciales 750% B2 :

Constructions à usage mixte :

500% B3 :

Constructions à autre usage :

250% B4 :

Maisons unifamiliales, maisons de rapport :

250% B5 :

Immeubles non bâtis autres que les terrains à bâtir à des fins d’habitation :

500% B6 :

Terrains à bâtir à des fins d’habitation :

15.000% 9 La présente sera transmise à l’autorité supérieure aux fins d’approbation. […] ».

Par courrier du 8 septembre 2020, les requérants préqualifiés s’adressèrent, à travers leur litismandataire, au ministre en lui demandant de l’informer dans les meilleurs délais de ses intentions au motif que le courrier du 3 août 2020, prémentionné, serait resté sans réponse.

Par courrier du 29 octobre 2020, la Ville de Diekirch fit parvenir, à travers son litismandataire, sa réponse à laquelle les requérants préqualifiés répliquèrent, à travers leur litismandataire, par courrier du 17 novembre 2020.

Par arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, publié au Mémorial B sous le numéro 4338 du 17 décembre 2020, entretemps abrogé, la délibération du conseil communal du 24 août 2020, précité, fut approuvée, dans les termes suivants :

« […] Vu la loi modifiée du 1er mars 1952 modifiant certaines dispositions relatives aux impôts directs ;

Vu la loi modifiée du 1er février 1967 modifiant certaines dispositions de la loi sur l’impôt foncier relatives aux taux communaux ;

Vu l’article 105 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Vu les délibérations des conseils communaux aux termes desquelles ceux-ci ont fixé les taux multiplicateurs à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier et en matière d’impôt commercial communal ;

Sur le rapport de Notre Ministre de l’Intérieur et après délibération du Gouvernement en Conseil ;

Art. 1er.

Sont approuvées les délibérations des conseils communaux aux termes desquelles ceux-

ci ont fixé les taux multiplicateurs à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier et en matière d’impôt commercial communal tels qu’ils sont repris dans le tableau ci-après :

[tableau reprenant la liste des communes du Grand-Duché de Luxembourg, les dates de délibérations des conseils communaux et les taux multiplicateurs pour les catégories A et B1 à B6 existantes de l’impôt foncier, parmi lesquels figurent les taux multiplicateurs de la Ville de Diekirch] Art. 2.

Notre Ministre de l’Intérieur est chargée de l’exécution du présent arrêté. […] ».

Par courrier du 18 décembre 2020, le ministre s’adressa au litismandataire des requérants préqualifiés, dans les termes suivants :

« […] Par la présente, j’accuse bonne réception de votre courrier du 8 septembre 2020.

10 Par sa délibération du 24 août 2020 le conseil communal de la Ville de Diekirch a confirmé sa décision du 2 mars 2020. Mes services ont transmis ladite délibération pour approbation à S.A.R. le Grand-Duc. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2021, les requérants, préqualifiés, ont fait introduire une requête tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de : 1) l’ « arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 portant approbation des délibérations des conseils communaux aux termes desquelles ceux-ci ont fixé les nouveaux taux multiplicateurs à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier et en matière d’impôt commercial communal […] » ; 2) la « décision ministérielle de refus du 18 décembre 2020 […] » ; 3) la « décision du Conseil communal de DIEKIRCH du 2 mars 2020, ayant décidé l’augmentation du taux multiplicateurs B6 à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier de 750% à 15.000% sur certaines parcelles à bâtir de la Commune de Diekirch […] » ; et 4) la « délibération du 24 août 2020 du Conseil communal de DIEKIRCH ayant confirmé sa décision du 2 mars 2020 […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2022, Monsieur P a déclaré vouloir intervenir volontairement dans la présente instance, sur base de l’article 20 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par la « loi du 21 juin 1999 ».

L’intervention étant toujours un accessoire du litige principal en ce sens notamment que l’intervenant ne peut ni étendre la portée de la requête, ni exposer des moyens nouveaux, elle doit rester sans incidence sur la recevabilité de la demande principale1.

Il s’ensuit qu’il y a d’abord lieu d’examiner la recevabilité du recours principal, avant d’analyser la question de la recevabilité de la requête en intervention volontaire.

I) Quant à la compétence du tribunal administratif et à la recevabilité du recours principal Arguments des parties Dans leur requête introductive d’instance, les requérants expliquent avoir un intérêt personnel, direct et certain à agir au motif que les « actes » en cause leur causeraient tort et griefs en raison de l’augmentation du taux multiplicateur à appliquer pour l’année d’imposition 2021 en matière d’impôt foncier de la catégorie B6 à 15.000% et que leur réformation, sinon annulation pourrait leur procurer une satisfaction certaine et personnelle. Ils ajoutent qu’ils seraient tous propriétaires d’une ou de plusieurs parcelles soumises à l’augmentation du taux multiplicateur en question dont ils dressent une liste.

Les requérants font valoir que leur recours en annulation serait recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, étant donné que l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 aurait été publié au Mémorial B en date du 17 décembre 2020.

Sur le fondement de l’article 7, paragraphe (1) de loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 1 cf. Michel Leroy, Contentieux administratif, 3ème édition, Bruylant, p. 566.novembre 1996 », ils exposent que dans la mesure où le courrier ministériel du 18 décembre 2020 aurait été notifiée en date du 22 décembre 2020, leur recours en annulation serait également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement affirme qu’aucune loi n’aurait créé un recours au fond en la présente matière, de sorte que seul un recours en annulation aurait pu être valablement introduit et que le tribunal ne serait pas compétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal.

Il soulève ensuite, de manière générale, l’irrecevabilité du « recours » introduit contre le courrier du ministre daté du 18 décembre 2020 dont il rejette la qualification de décision au motif que le courrier n’aurait qu’une valeur purement informationnelle et qu’il ne ferait que renseigner que le ministre aurait transmis la délibération du conseil communal du 24 août 2020 au Grand-Duc, de sorte qu’aucun acte de nature à faire grief aux requérants n’aurait été posé, le délégué du gouvernement ajoutant que le ministre ne disposerait pas d’une compétence décisionnelle en la matière.

Il est d’avis que le recours serait encore à déclarer irrecevable en ce qu’il viserait la délibération du conseil communal du 2 mars 2020 au motif qu’elle n’aurait jamais été soumise pour approbation à l’autorité de tutelle, tel que cela ressortirait de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020. Cette délibération n’aurait partant jamais sorti d’effets juridiques et ne saurait être considérée comme décision administrative faisant grief.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en annulation pour le surplus.

La Ville de Diekirch fait valoir, de son côté, que le recours en réformation dirigé contre les quatre « décisions » qualifiées comme telles par les requérants serait irrecevable à défaut de base légale.

Elle soulève également l’irrecevabilité du recours en annulation au motif que l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 ne serait pas applicable aux décisions émanant du conseil communal, mais qu’elles relèveraient des articles 2, et le cas échéant, 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », qui porteraient respectivement sur le recours en annulation et le recours en réformation.

La Ville de Diekirch se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du « recours en la pure forme ».

Elle expose ensuite que le fait pour le ministre de signaler aux requérants que les délibérations auraient été transmises à qui de droit, ne paraîtrait pas constituer une décision susceptible de recours, et ce d’autant plus que l’arrêté grand-ducal aurait déjà été pris et publié antérieurement à la date de cet envoi.

Le recours introduit contre la délibération du conseil communal du 2 mars 2020 serait, quant à lui, irrecevable, alors que la décision n’aurait jamais été approuvée ultérieurement.

La Ville de Diekirch se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en annulation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la délibération du 24 août 2020 du conseil communal.

Elle ajoute encore que le recours serait irrecevable alors qu’il n’aurait pas dû être introduit contre la délibération de l’autorité communale, mais contre la « facture » qui serait transmise, comme tous les ans, fin novembre de l’année sur laquelle elle porterait, tout en affirmant qu’il aurait été jugé que le relevé complet des terrains à bâtir à des fins d’habitation qui serait dressé par l’administration communale ne serait pas à considérer comme acte de nature à produire, par lui-même, des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale du réclamant. Elle invoque un arrêt de la Cour administrative du 28 mars 2017, inscrit sous le numéro 38296C du rôle, qui aurait rappelé, d’une part, que les § 10 et 13, alinéa (1) de la loi sur l’impôt foncier du 1er décembre 1936, telle que modifiée, appelée « Grundseteuergesetz », en abrégé « GrStG », et des § 18, 213, alinéas (1) et (2), 214 et 216, alinéa (1), point 1. de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », consacreraient la compétence de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’ « ACD », pour la fixation de la valeur unitaire du terrain et de la base d’assiette calculée à partir de la valeur unitaire, et, d’autre part, que l’ACD prendrait un acte décisionnel qui serait fondé sur des déclarations de situation factuelle et de qualification juridique constatée et effectuée par les administrations communales et qu’elle devrait défendre ces qualifications en cas d’exercice d’un recours, la Ville de Diekirch faisant valoir qu’en l’espèce, aucune décision n’aurait été prise par l’ACD à ce moment.

La Ville de Diekirch se rapporte encore à prudence de justice en ce qui concerne l’intérêt à agir des requérants contre la délibération du 24 août 2020, tout en affirmant que l’intérêt à agir contre la délibération du 2 mars 2020 serait inexistant.

Dans leur réplique, les requérants affirment que leur recours dirigé contre l’ensemble des « actes » déférés serait recevable et rejettent la contestation du délégué du gouvernement quant au caractère décisionnel du courrier ministériel du 18 décembre 2020. Ils font valoir que le ministre aurait considéré les délibérations du conseil communal des 2 mars et 24 août 2020 comme des décisions et serait chargé, en tant que ministre de tutelle, d’exercer un contrôle de légalité a priori des décisions communales, les requérants ajoutant que la transmission au Grand-Duc pour approbation vaudrait décision dans le chef du ministre.

Ils estiment que le contrôle de légalité attaché à un recours contre un acte administratif impliquerait une analyse de l’existence d’un grief et qu’en l’espèce le contrôle de légalité qui aurait été exercé par le ministre de tutelle aurait été défaillant. Ils expliquent que le 18 décembre 2020, date à laquelle le ministre aurait transmis la décision communale au Grand-Duc pour approbation, le ministre aurait nécessairement pris une décision quant à la conformité des délibérations communales aux lois et règlements.

Ils en concluent que le recours serait recevable à l’égard des quatre « actes » visés dans le dispositif de leur requête introductive d’instance.

En terme de duplique, le délégué du gouvernement reproche aux requérants de rester en défaut de démontrer dans quelle mesure la transmission par le ministre au Grand-Duc produirait par elle-même des effets juridiques susceptibles d’affecter leur situation personnelle ou patrimoniale, tel que cela serait requis par la jurisprudence constante des juridictions administratives, tout en se référant à un jugement du tribunal administratif du 12 juin 2003,inscrit sous le numéro 15385 du rôle, qui aurait jugé un recours dirigé contre un simple transmis comme étant irrecevable.

Le délégué du gouvernement en conclut que le courrier du 18 décembre 2020 ne constituerait pas une décision administrative et indique ne pas revenir sur les autres chefs d’irrecevabilité soulevés dans son mémoire en réponse au motif que les requérants n’auraient pas pris position à ce sujet.

Dans son mémoire en duplique, la Ville de Diekirch affirme que seule la décision du conseil communal du 24 août 2020 serait devenue exécutoire et que la délibération antérieure du 2 mars 2020 n’aurait jamais été approuvée par le ministre, de sorte que le recours ne pourrait porter que sur cette délibération exécutoire et qu’il serait irrecevable pour autant qu’il porterait sur la délibération du 2 mars 2020.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater qu’il ressort des explications non contestées des requérants qu’ils sont tous propriétaires de parcelles situées sur le territoire de la Ville de Diekirch qui relèvent de la catégorie B6 de l’impôt foncier, intitulée « Terrains à bâtir à des fins d’habitation ».

Au regard des contestations de la Ville de Diekirch et du délégué du gouvernement tenant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours sous analyse, le tribunal est d’abord amené à qualifier les actes déférés pour ensuite trancher les moyens d’irrecevabilité y afférents.

Aux termes de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 : « Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent », étant précisé qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours en réformation en matière d’actes réglementaires.

A cet égard, le tribunal relève que constitue un acte à caractère réglementaire l’acte que l’autorité administrative émet en tant que puissance publique dans un domaine où la loi l’habilite à fixer des situations juridiques par la voie d’actes administratifs à caractère général qui affectent directement des intérêts privés, sans qu’il ne soit nécessaire de prendre des actes administratifs individuels2.

Il s’ensuit que lorsqu’un acte n’est susceptible d’affecter que la situation d’un seul administré, sa portée strictement individuelle lui imprime le caractère de décision individuelle.

Toutefois, un acte qui touche non pas la seule situation d’un individu, mais qui touche aux intérêts de plusieurs personnes, n’est pas, de ce seul fait, un acte échappant à la qualification d’acte individuel en ce qui concerne toutes ses dispositions. Il conserve cette qualification dans la mesure où il contient une ou plusieurs décisions à portée individuelle dans ce sens qu’il considère chaque situation isolément et non en fonction d’un mobile général susceptible de s’appliquer, a priori, de manière indifférente à une globalité de personnes se trouvant dans la même situation. En revanche, une décision administrative qui vise à régir une problématique de manière impersonnelle et qui produit ses effets à l’égard d’une pluralité de personnes se 2 Cour adm., 23 juillet 1997, n° 10128C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Compétence, n° 29 (3e volet) et les autres références y citées.trouvant, par rapport à cette décision, dans la même situation, n’est pas à qualifier de décision individuelle3.

En l’espèce, il y a lieu de relever de prime abord qu’en soutenant que l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 ne serait pas applicable et que les délibérations des 2 mars et 24 août 2020 relèveraient des articles 2 et 3 de la loi de la même loi – encore qu’elle se soit référée erronément aux articles 2 et 3 de la loi du 21 juin 1999 –, la Ville de Diekirch a entendu, de l’entendement du tribunal, contester que lesdites délibérations du conseil communal constituent des décisions administratives à caractère réglementaire et faire plaider qu’il s’agirait, au contraire, de décisions administratives individuelles.

Force est au tribunal de constater qu’en prenant la décision d’augmenter pour l’année 2021, le taux multiplicateur de l’impôt foncier à appliquer pour toutes les parcelles de la Ville de Diekirch relevant de la catégorie B6, à savoir les terrains à bâtir à des fins d’habitation, le conseil communal a pris une décision visant à produire, de manière impersonnelle, des effets à l’égard de tous les propriétaires de ces parcelles, partant à une pluralité de personnes se trouvant, par rapport à cette décision, dans la même situation, les propriétaires concernés n’étant, par ailleurs, pas nommément et individuellement visés dans les deux délibérations en cause.

Il s’ensuit que les délibérations du conseil communal des 2 mars et 24 août 2020 constituent des actes administratifs à caractère réglementaire, de sorte que les contestations y afférentes de la Ville de Diekirch sont à rejeter.

Le tribunal constate ensuite que l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 constitue également un acte administratif à caractère réglementaire, alors qu’il porte sur l’approbation par le Grand-Duc – exerçant une tutelle administrative en matière de changement des impositions communales conformément à l’article 107 de la Constitution4 et 105 de la loi communale5 – de tous les taux multiplicateurs de toutes les catégories d’impôt foncier de toutes les communes du Grand-Duché de Luxembourg, de sorte à produire des effets de manière indifférente et impersonnelle à l’égard de tous les propriétaires fonciers du pays concernés par les actes à caractère réglementaire approuvés.

Les contestations de la Ville de Diekirch et du délégué du gouvernement y afférentes encourent dès lors le rejet.

Il s’ensuit qu’au regard de la nature d’acte administratif à caractère réglementaire des délibérations du conseil communal des 2 mars et 24 août 2020 et de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce conformément à l’article 7, paragraphe (1) précité de la loi du 7 novembre 1996, précité.

Le tribunal se déclare dès lors incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé à leur égard.

3 Trib. adm., 15 juillet 1997, n° 9436 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Compétence, n° 30 et les autres références y citées.

4 Article 107 de la Constitution : « (3) Le conseil établit annuellement le budget de la commune et en arrête les comptes. Il fait les règlements communaux, sauf les cas d'urgence. Il peut établir des impositions communales, sous l'approbation du Grand-Duc. Le Grand-Duc a le droit de dissoudre le conseil. ».

5 Article 105 de la loi communale : « Sont soumises à l’approbation du Grand-Duc les délibérations des conseils communaux relatives à l’établissement, au changement et à la suppression des impositions communales et les règlements y relatifs. En cas de refus d’approbation le refus doit être motivé. ».

Le tribunal relève ensuite que pour qu’un acte administratif à caractère réglementaire soit susceptible d’un recours en annulation conformément à l’article 7, paragraphe (1) précité de la loi du 7 novembre 1996, l’acte en question doit être de nature à produire un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes dont il affecte immédiatement la situation sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution6.

Etant donné que par sa délibération du 24 août 2020, le conseil communal a augmenté le taux multiplicateur de l’impôt foncier de la catégorie B6 pour l’année 2021 de 750% à 15.000%, cette décision est de nature à faire grief aux requérants, alors qu’elle affecte immédiatement leur situation sans nécessiter la prise d’un acte administratif individuel d’exécution.

Si la Ville de Diekirch soutient que le recours sous analyse n’aurait pas dû être introduit contre la délibération du conseil communal, mais contre la « facture » transmise annuellement, au motif que le relevé des terrains à bâtir dressé par l’administration communale ne serait pas à considérer comme un acte de nature à causer grief aux requérants, ce moyen d’irrecevabilité doit être rejeté.

En effet, à travers leur recours sous analyse, les requérants ne contestent ni l’inscription de leurs propriétés sur un tel relevé, ni l’attribution d’une classification déterminée de leurs propriétés, ni même la fixation de la valeur unitaire par l’ACD, alors que leur recours tend à obtenir l’annulation de la décision du conseil communal du 24 août 2020 ayant décidé de fixer le taux multiplicateur pour la catégorie B6 de l’impôt foncier de la Ville de Diekirch à 15.000% pour l’année 2021, la décision afférente ayant été prise à travers ladite délibération litigieuse et non pas à travers les bulletins émis par la suite qui ne font qu’appliquer le taux ainsi décidé. Un bulletin fixant la cote d’impôt foncier, suite à la délibération du conseil communal, et émis individuellement et de manière nominative afin de fixer le montant de l’impôt foncier dû par chacun des requérants en fonction de l’étendue de sa propriété, ne matérialise en effet que l’exécution de la décision du conseil communal.

En ce qui concerne la délibération du conseil communal du 2 mars 2020, le tribunal relève de prime abord qu’en matière de tutelle administrative, un acte soumis à tutelle d’approbation est juridiquement valable, mais son exécution est soumise à la condition suspensive de l’approbation, étant encore précisé que la décision d’approbation de l’autorité tutélaire et l’acte approuvé constituent à la base deux actes juridiques distincts. Il s’ensuit qu’avant l’approbation, l’acte soumis à tutelle n’est pas susceptible de recours, en ce qu’il ne fait pas encore grief, tandis que l’acte approuvé constitue une décision administrative susceptible de recours7.

Dans cet ordre d’idées, le délai du recours contentieux contre l’acte soumis à tutelle ne saurait, à défaut de grief réalisé avant l’approbation d’un acte soumis à tutelle, commencer à courir avant le jour de la décision d’approbation de l’autorité de tutelle8.

6 Trib. adm., 16 février 2000, n° 11491 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Actes réglementaires (recours contre les), n°2 (1er volet) et les autres références y citées.

7 Trib. adm., 27 mars 2017, nos 37536 et 37538 du rôle, confirmés par Cour adm., 24 octobre 2017, nos 39457C, 39518C, 39474C et 39517C, Pas. adm. 2021, V° Tutelle administrative, n° 29 et les autres références y citées ;

Cour adm., 6 novembre 1997, n° 10011C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Tutelle administrative, n° 27 et les autres références y citées.

8 Cour adm., 6 novembre 1997, n° 10013C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 244 et les autres références y citées.

En l’espèce, l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 ne fait aucune mention de ladite délibération, mais se réfère à la seule délibération du conseil communal du 24 août 2020. Il s’ensuit que le Grand-Duc n’a approuvé que la délibération du 24 août 2020 et que celle du 2 mars 2020 est restée sans approbation, de sorte que la délibération du conseil communal du 2 mars 2020 n’est pas susceptible de recours à défaut d’approbation.

En revanche, les requérants ont valablement pu introduire un recours subsidiaire en annulation contre la délibération du conseil communal du 24 août 2020 qui a fait l’objet d’une approbation à travers l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, de sorte à leur causer grief, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour été introduit dans les formes et délai de la loi.

A cet égard, le tribunal relève que la Ville de Diekirch s’est rapportée à prudence de justice quant à la recevabilité du « recours en la pure forme », ainsi que du « recours en annulation en la forme » dirigé contre la délibération du conseil communal du 24 août 2020, et qu’elle a encore soulevé, par des considérations vagues et non circonstanciées, l’absence d’intérêt pour les requérants d’agir à l’encontre de ladite décision du conseil communal, le délégué du gouvernement s’étant, quant à lui, rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du « recours en annulation en la forme ».

Or, force est au tribunal de constater que s’il est vrai que le fait de se rapporter à prudence équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins que le délégué du gouvernement et la Ville de Diekirch sont restés en défaut de formuler une explication concrète à l’appui de leurs contestations. Or, une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de faire des suppositions sur les moyens qu’elles ont voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense9.

Il s’ensuit que les moyens d’irrecevabilité y afférents sont à rejeter de part et d’autre.

Le tribunal relève ensuite qu’à défaut de contestations, le recours subsidiaire en annulation introduit en date du 12 mars 2021 et dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 ayant approuvé la seule délibération du conseil communal du 24 août 2020 est, quant à lui, à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai10 prévus par la loi, ledit arrêté ayant fait l’objet d’une publication au Mémorial B en date du 17 décembre 2020.

En ce qui concerne, finalement, le recours dirigé contre le courrier ministériel du 18 décembre 2020, les requérants y voyant une décision de refus de tenir compte de leurs observations, force est au tribunal de constater qu’indépendamment de la pertinence des articles 103, 104 et 105 de la loi communale sur lesquels les requérants se sont fondés pour solliciter auprès du ministre l’annulation de la délibération du conseil communal du 24 août 2020, ledit courrier ne véhicule pas une décision administrative de nature à causer grief aux requérants, de sorte que le recours en annulation dirigé à l’encontre du courrier ministériel du 18 décembre 2020 est à déclarer irrecevable.

S’il est vrai que le ministre a indiqué aux requérants, à travers son courrier du 18 décembre 2020, que par sa délibération du 24 août 2020, le conseil communal de la Ville de 9 Trib. adm. 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.

10 Article 16 de la loi du 21 juin 1999, « Le délai d’introduction est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance. ».Diekirch avait « confirmé » sa décision du 2 mars 2020, force est au tribunal de constater que ce faisant, le ministre n’a pas pris de décision faisant grief aux requérants, dans la mesure où la compétence appartient, en la présente matière, au Grand-Duc conformément à l’article 107 de la Constitution et 105 de la loi communale, tel que retenu ci-avant et tel que cela ressort expressément dudit courrier.

Dans ces conditions et dans la mesure où le recours des requérants est, non pas dirigé contre un refus tacite d’approbation de la délibération du 2 mars 2020 par le Grand-Duc11, mais contre la décision non approuvée du conseil communal du 2 mars 2020, il doit être déclaré irrecevable sous ce volet12.

A titre superfétatoire, le tribunal relève que le Grand-Duc est seul compétent pour procéder à l’approbation des délibérations du conseil communal en la présente matière, tel que cela ressort du visa de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 qui se réfère à l’article 105 de la loi communale, précité. La Cour administrative a, en effet, déjà jugé, saisie sur le fondement de l’article 107, paragraphe (3) de la Constitution et à propos de l’article 105 de la loi communale, qu’en matière d’imposition communale, d’une part, que le ministre est incompétent pour décider, ne fût-ce qu’à titre préalable, de la non-approbation de la délibération communale litigieuse au motif que cette compétence appartient exclusivement au Grand-Duc, et, d’autre part, que le ministre ne saurait refuser de continuer la délibération du conseil communal au Grand-Duc au motif qu’un tel refus aboutirait indirectement à une non-

approbation de ladite délibération du conseil communal qui ne relève justement pas de sa compétence13. Dans ces conditions, la conclusion s’impose a contrario qu’il ne saurait être admis qu’en décidant de continuer la décision du conseil communal du 24 août 2020 au Grand-

Duc pour approbation, le ministre ait pris une décision d’approbation, respectivement une décision de conformité de ladite délibération par rapport aux lois et règlements, et corrélativement aurait rejeté les observations des requérants, de sorte que le moyen y afférent des requérants est en tout état de cause à rejeter.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours subsidiaire en annulation des requérants est recevable pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 et la délibération du conseil communal du 24 août 2020, et qu’il est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal du 2 mars 2020 et le courrier ministériel du 18 décembre 2020.

II) Quant à la recevabilité de l’intervention volontaire Arguments des parties Dans sa requête en intervention volontaire, Monsieur P indique qu’il aurait un intérêt personnel, direct et certain, à intervenir au motif que les « actes » attaqués lui causeraient torts et griefs en raison de l’augmentation du taux multiplicateur à 15.000% que la Ville de Diekirch aurait décidé, à compter de l’année d’imposition 2021, pour la catégorie B6 de l’impôt foncier, tout en précisant qu’il pourrait tirer une satisfaction certaine et personnelle de l’annulation de cette décision. Il ajoute qu’il serait propriétaire de deux parcelles inscrites sous les numéros … et … du cadastre de la Ville de Diekirch et qu’il aurait reçu deux factures qui auraient soumis 11 Trib. adm., 14 juillet 2004, n° 17100 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Tutelle administrative, n° 11.

12 En ce sens : Cour adm., 6 novembre 1997, n° 10011C du rôle V° Tutelle administrative, n° 27 et les autres références y citées.

13 Cour adm., 22 décembre 2016, n° 38251C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Tutelle administrative, n° 105.ses deux parcelles à l’augmentation du taux multiplicateur en question au motif qu’une de ses parcelles serait répertoriée dans le plan cadastral comme partiellement construite et à caractère rural.

Monsieur P fait valoir les mêmes moyens de droit que ceux contenus dans le recours principal et s’y réfère intégralement.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de la requête en intervention volontaire et se réfère à ce sujet à un arrêt de la Cour administrative du 1er février 2011, inscrit sous le numéro 27202C du rôle, qui aurait retenu que la mise en intervention de parties tierces intéressées aurait pour finalité de permettre à des personnes dont les intérêts sont susceptibles d’être affectés par des décisions individuelles dont elles n’ont en principe pas connaissance, de faire valoir leur point de vue et de faire respecter leurs droits. Le délégué du gouvernement poursuit en expliquant que cet arrêt aurait également retenu qu’en cas de recours dirigés contre des actes réglementaires ayant connu une publicité légalement organisée, tel que ce serait le cas en l’espèce, chaque partie qui s’estimerait atteinte dans ses droits et qui pourrait justifier, aux termes de l’article 7, paragraphe (2) de la loi du 7 novembre 1996, d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain, pourrait attaquer en justice cet acte. Or, dans la mesure où les destinataires d’un acte réglementaire seraient indéterminés, une mise en intervention des personnes potentiellement intéressées ne serait en principe ni possible, ni nécessaire.

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement renvoie aux moyens irrecevabilité soulevés à l’encontre du recours principal des requérants.

De son côté, la Ville de Diekirch s’est limitée à indiquer maintenir l’intégralité de ses développements figurant dans son mémoire en réponse et dans son mémoire en duplique déposés dans le cadre du recours principal.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement et la Ville de Diekirch contestent, en substance, l’intérêt à intervenir de Monsieur P.

Dans ce contexte, le tribunal ne saurait partager la lecture faite par le délégué du gouvernement de l’arrêt de la Cour administrative du 1er février 2011, inscrit sous le numéro 27202C du rôle. Dans cette affaire, une partie intervenante critiquait en instance d’appel le fait qu’elle avait été mise en cause en première instance et en instance d’appel, sans avoir été mise en intervention, pour voir déclarer l’ensemble de la procédure, y compris en première instance, irrégulière. C’est dans ce contexte que la Cour administrative a rejeté l’argumentation de la partie intervenante en argumentant que cette dernière disposait, conformément à l’article 7, paragraphe (2) de la loi du 7 novembre 1996, d’un recours contre l’acte réglementaire litigieux dans cette espèce au motif qu’il avait fait l’objet d’une publicité légalement organisée, de sorte que la mise en intervention de cette partie intervenante, bien que potentiellement intéressée, n’était « en principe pas possible, ni nécessaire ».

Il ne ressort toutefois pas de cet arrêt que la Cour ait exclu ispo facto et en tout circonstance la possibilité d’une intervention volontaire d’un tiers intervenant dans le cadre d’un recours principal dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire.

La question essentielle qui se pose en l’espèce, au regard des contestations du délégué du gouvernement selon lesquelles l’intervention de Monsieur P ne serait pas nécessaire, est celle de savoir si Monsieur P a, en sa qualité de tiers intervenant, un intérêt à la solution du recours principal introduit par les requérants.

A ce sujet, le tribunal relève que l’intérêt à agir dans le chef d’un demandeur est à vérifier comme étant personnel et direct, légitime et certain, né et actuel14.

Dans le chef du tiers intervenant, l’intérêt à intervenir est apprécié de manière plus libérale que l’intérêt à agir. Sont recevables à intervenir tous ceux qui n’ont pas un intérêt direct à la solution du litige, mais à l’égard desquels le principe de cette solution peut avoir des incidences15.

En matière d’acte réglementaire, un demandeur ou tiers intervenant doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’il puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère réglementaire, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre l’acte querellé et sa situation personnelle. Finalement, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire au caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte administratif à caractère réglementaire soit déclaré recevable16. Ainsi, le recours contentieux contre un acte réglementaire n’est recevable que si l’annulation est susceptible de profiter personnellement et directement au requérant en ce sens que sa situation, de fait ou de droit, doit s’en trouver améliorée17.

Force est au tribunal de constater que Monsieur P est directement concerné par l’issue du recours principal sous examen, dans la mesure où il ressort de ses explications non contestées qu’il est propriétaire de deux parcelles situées sur le territoire de la Ville de Diekirch et qu’il a reçu des factures de la Ville de Diekirch dont le montant a été déterminé en application du taux multiplicateur de 15.000% approuvé par l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, de sorte qu’il a un intérêt à la solution du recours principal.

Il s’ensuit que les contestations y afférentes du délégué du gouvernement sont à rejeter.

Le tribunal relève ensuite que si une requête en intervention volontaire, lorsqu’elle intervient en appui à une requête, peut seulement étayer les moyens développés dans la requête principale, étant précisé que par une intervention, un intervenant ne peut ni étendre la portée de la requête, ni exposer des moyens nouveaux, alors l’intervenant ne peut que s’associer à l’action principale18, il ressort expressément des développements compris dans la requête en intervention volontaire de Monsieur P qu’il entend faire valoir les mêmes moyens que ceux développés par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance.

14 Cour adm., 12 octobre 2017, n° 39490C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 7.

15 Trib. adm., 22 juillet 2009, n° 24495 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 521 et les autres références y citées.

16 Trib. adm., 15 mai 2002, n° 14420 du rôle, confirmé par Cour. adm., 22 janvier 2004, n° 16628C, Pas. adm.

2021, V° Procédure contentieuse, n° 38 (1er volet) et les autres références y citées.

17 Trib. adm., 25 juin 2008, n° 22066 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 38 (2e volet) et l’autre référence y citée.

18 Trib. adm., 11 janvier 2012, n° 27576 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 522 et les autres références y citées.Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir l’intervention volontaire de Monsieur P dans la présente instance et de la déclarer recevable en la forme.

III) Quant au fond A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant19, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

En l’espèce, le tribunal entend d’abord toiser les moyens soulevés par les demandeurs pour contester tant la légalité de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 que celle de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 portant approbation de cette délibération, et, ensuite, les moyens exclusivement dirigés contre ledit arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020.

Dans ce contexte et dans la mesure où le tribunal a retenu ci-avant que seule la délibération du conseil communal du 24 août 2020 a fait l’objet d’une approbation par le Grand-

Duc, l’argumentation des demandeurs sera analysée par rapport à cette seule délibération, à l’exclusion de la délibération du conseil communal du 2 mars 2020.

Les moyens dirigés contre le courrier ministériel du 18 décembre 2020 ne seront, quant à eux, pas non plus pris en considération, le tribunal ayant déclaré le recours sous analyse également irrecevable en ce qu’il était dirigé à son encontre en raison de l’absence d’élément décisionnel.

A) Quant aux moyens dirigés contre la délibération du conseil communal du 24 août 2020 et l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 Les demandeurs concluent à l’annulation de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 et de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, en substance, pour :

- violation de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après désignée par la « loi du 1er décembre 1978 », et des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-

après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », au motif que la délibération du conseil communal du 24 août 2020 et l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 ne leur auraient pas été communiqués, malgré une demande en ce sens ;

- violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 au motif que le défaut de communication de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 et de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 équivaudrait à un défaut de motivation de ces deux actes ;

- violation de l’article 10bis et 101 de la Constitution au motif que l’augmentation du taux multiplicateur applicable aux terrains relevant de la catégorie B6 de l’impôt foncier constituerait une rupture du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt et plus généralement du principe d’égalité de traitement par rapport à des citoyens, 19 Trib. adm., 27 octobre 1999, n°11231 et 11232 du rôle confirmés par Cour adm., 18 mai 2000, n° 11707C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 955 et autres références y citées.d’une part, qui résideraient sur le territoire de la Ville de Diekirch et dont les parcelles (i) ne relèveraient pas de la catégorie B6 ou (ii) relèveraient certes de la catégorie B6, mais ne se seraient pas vu appliquer une telle augmentation dans les faits, et, d’autre part, qui résideraient sur le territoire des autres communes du pays;

- violation de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) au motif que l’augmentation du taux multiplicateur à 15.000% constituerait une atteinte à leur droit de propriété et équivaudrait à une expropriation ;

- violation des dispositions de la loi modifiée du 1er mars 1952 modifiant certaines dispositions relatives aux impôts directs et de la loi du 1er février 1967 modifiant certaines dispositions de la loi sur l’impôt foncier relatives aux taux communaux au motif que le taux multiplicateur aurait été augmenté par la Ville de Diekirch pour lutter contre la spéculation immobilière des terrains non bâtis, ce qui constituerait un détournement de l’objet de l’impôt foncier, alors que d’autres outils législatifs spécifiques existeraient pour ce faire et auxquels la Ville de Diekirch aurait dû, respectivement pu avoir recours ; et - violation du principe de proportionnalité fondé sur un détournement, sinon un excès de pouvoir, au motif que l’augmentation du taux multiplicateur de 750% à 15.000% pour la seule catégorie B6 de l’impôt foncier serait disproportionnée.

1) Quant à la légalité externe a) Quant à la violation alléguée de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 et des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments de parties Dans leur requête introductive d’instance, les demandeurs contestent de prime abord la façon de procéder de la Ville de Diekirch et du ministère.

Ils reprochent plus particulièrement à la Ville de Diekirch et au ministre de ne pas avoir répondu à leur demande de communication des décisions litigieuses, respectivement de leur avoir fourni des réponses non seulement tardives, mais également approximatives, incohérentes, voire entachées d’erreurs.

Les demandeurs insistent sur la considération que le fait que le litismandataire de la Ville de Diekirch aurait indiqué dans son courrier du 29 octobre 2020 qu’aucune décision définitive susceptible de recours n’aurait été « en vigueur », alors que le courrier ministériel du 18 décembre 2020 mentionnerait l’existence d’une délibération du 24 août 2020, démontrerait que la Ville de Diekirch aurait elle-même ignoré, à l’instar de son litismandataire, la délibération de son propre conseil communal. Les demandeurs poursuivent en reprochant à la Ville de Diekirch et au ministère de ne pas leur avoir, malgré d’itératives demandes, communiqué la délibération du conseil communal du 24 août 2020 avec un exposé des motifs détaillé, attitude qu’ils qualifient de manque de bienséance non tolérable et attentatoire aux droits de la défense précontentieux, au principe de bonne collaboration administrative, ainsi qu’au respect des droits issus de la procédure administrative non contentieuse, les demandeursajoutant qu’ils auraient, en conséquence, été forcés de prendre position et d’imaginer les motifs de la décision communale dans le cadre de leur recours.

Les demandeurs donnent à considérer que le ministre et la Ville de Diekirch aurait été informés dès le 3 août 2020 de leur demande de se voir communiquer la délibération du conseil communal du 24 août 2020, tout en soulignant que le ministre aurait été en charge, en tant qu’« autorité de tutelle », d’en contrôler la légalité et de la formaliser dans un acte à caractère réglementaire, en l’occurrence l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020.

Ils expliquent que si « dans une logique évidente d’efficience », l’obligation de motivation qui serait prévue à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ne serait pas applicable dans le cadre d’un acte à caractère réglementaire, il n’existerait aucune raison objective susceptible d’exclure l’applicabilité de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1979 et des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en l’espèce. Les demandeurs justifient leur argumentation par la considération que le ministre serait l’autorité administrative en « bout de chaine » qui serait chargée non seulement de contrôler la légalité des décisions communales, mais aussi de les formaliser dans un arrêté grand-ducal pour leur donner autorité de la chose décidée, de sorte qu’il serait « évident » que ces dispositions lui seraient applicables.

Sur demande expresse, le ministre devrait communiquer lesdites décisions, et ce d’autant plus lorsque le nombre et la qualité des propriétaires des parcelles seraient bien définis, sinon identifiables à travers l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020.

Les demandeurs concluent que le refus de communiquer la décision communale « motivée » aurait été fait dans le seul but de leur nuire, non seulement pour éviter l’introduction d’un recours contre l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, mais aussi pour les priver des éléments matériels et juridiques nécessaires à l’exercice des recours précontentieux et contentieux.

Ils ajoutent que même en cas d’annulation de la décision communale préalable, l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 resterait applicable et que ce serait bien ledit arrêté qui leur ferait grief, indépendamment de l’existence ou de la disparition de la décision communale initiale de l’ordonnancement juridique.

Dans leur mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, rejoint par la Ville de Diekirch, conclut au rejet du moyen dans la mesure où l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 exclurait explicitement de son champ d’application les actes administratifs réglementaires.

Il se réfère ensuite à l’article 82 de la loi communale pour soutenir que les règlements communaux ne feraient pas l’objet d’une notification individuelle, mais d’une publication par voie d’affichage.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs reprochent au délégué du gouvernement et à la Ville de Diekirch de se contredire sur la portée de leurs propres droits et obligations.

Ils avancent qu’indépendamment du constat qu’ils ne sauraient toujours pas si la délibération du 24 août 2020 aurait dû être affichée, leur moyen porterait sur la question du respect de la loi du 1er décembre 1978 et plus particulièrement du principe de collaboration procédurale prévu par son article 1er, les demandeurs se référant encore à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Ils avancent que la seule question qui subsisterait serait celle de savoir si la délibération du conseil communal du 24 août 2020 qui serait à la base de la motivation de l’arrêté grand-

ducal du 9 décembre 2020, déféré, aurait dû, en vertu du principe de collaboration procédurale, leur être communiquée au motif qu’ils en auraient fait la demande, les demandeurs faisant valoir, dans ce contexte, que le refus de se voir communiquer ladite demande démontrerait que la Ville de Diekirch aurait voulu taire les motifs de sa décision qui sanctionnerait financièrement ses administrés.

Tout en affirmant comprendre que la procédure administrative non contentieuse ne serait pas applicable aux décisions à caractère réglementaire, les demandeurs estiment que la Ville de Diekirch ne pourrait pas ignorer les demandes des administrés d’obtenir la communication des motifs de droit et de fait d’une décision administrative qui serait attentatoire à leurs droits, lorsqu’une motivation circonstanciée existerait comme en l’espèce.

Dans leur mémoire en duplique respectif, le délégué du gouvernement et la Ville de Diekirch maintiennent leur argumentation, la partie étatique faisant encore valoir que la délibération en question aurait été communiquée au plus tard dans le cadre de la procédure contentieuse, de sorte que les demandeurs auraient pu prendre utilement position par rapport à son contenu.

Analyse du tribunal En substance, les demandeurs reprochent à la Ville de Luxembourg de ne pas leur avoir communiqué la délibération du conseil communal du 24 août 2020 malgré leur demande en ce sens.

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 sur lequel les demandeurs se fondent, « Les règles établies par le règlement grand-ducal [du 8 juin 1979] s´appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n´organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l´administré », de sorte que les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne s’appliquent pas aux actes administratifs à caractère réglementaire20.

C’est dès lors à tort que les demandeurs reprochent à la Ville de Diekirch d’avoir violé l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978, y compris le principe de collaboration procédurale, et les articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au motif qu’il n’aurait pas été répondu, voire qu’il aurait été répondu de manière tardive, sinon incomplète, par rapport à leur demande de communication de ladite délibération du conseil communal du 24 août 2020 qui, tel que relevé ci-avant, est un acte administratif à caractère réglementaire.

Pour les mêmes considérations, leur reproche est encore à rejeter en ce qu’il est dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020.

Le moyen des demandeurs est dès lors à rejeter.

b) Quant à la violation alléguée de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties 20 Trib adm., 21 février 2000, n° 11434 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 17 octobre 2000, n° 11904C, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n°6 et les autres références y citées.

Les demandeurs se fondent sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 pour expliquer qu’encore que l’obligation de motivation ne s’appliquerait qu’aux décisions individuelles, à l’exclusion des décisions à caractère réglementaire, le conseil communal aurait néanmoins dû en l’espèce motiver sa décision.

Tout en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives portant sur les sanctions d’un défaut d’indication formelle des motifs d’une décision administrative et sur le silence gardé par une autorité administrative durant la procédure contentieuse qui empêcheraient le juge administratif de contrôler l’existence et la légalité des motifs pouvant justifier une décision administrative, les demandeurs font valoir que bien que le litismandataire de la Ville de Diekirch les ait informés, suivant un courrier du 29 octobre 2020, que la décision du conseil communal du 24 août 2020 contiendrait un exposé des motifs détaillé, cette motivation ne leur aurait pas été communiquée.

Le silence gardé par la Ville de Diekirch serait à qualifier de refus formel de communiquer toute motivation des décisions litigieuses. Ce silence aurait également porté atteinte à leurs droits de la défense, de sorte que les décisions litigieuses seraient à annuler pour violation de l’obligation de motivation.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, rejoint sur ce point par la Ville de Diekirch, conclut au rejet du moyen tiré d’un défaut de motivation dans la mesure où il n’existerait aucune obligation de motivation formelle en matière d’actes réglementaires, le délégué du gouvernement donnant encore à considérer que la délibération du conseil communal du 24 août 2020 serait amplement motivée.

Dans leur réplique, les demandeurs se réfèrent à des jurisprudences des juridictions administratives qui auraient retenu, en substance, que lorsqu’un administré n’aurait pas pu avoir une connaissance effective des motifs réels à la base d’une décision avant d’entamer un recours judiciaire, respectivement lorsque l’administration aurait décidé de garder le silence y compris pendant la phase contentieuse, la décision devrait encourir l’annulation.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement affirme que les jurisprudences invoquées par les demandeurs concerneraient des affaires dans lesquelles les administrations auraient choisi de ne fournir aucune motivation, tandis que la Ville de Diekirch renvoie à ses développements antérieurs.

Analyse du tribunal Le tribunal relève que l’argumentation des demandeurs repose sur un défaut de motivation des décisions litigieuses qui, d’un côté, tirerait son origine du défaut de communication des décisions litigieuses, et, d’un autre côté, serait dû à l’omission par l’arrêté grand-ducal de reprendre la motivation de la délibération du conseil communal du 24 août 2020.

Force est de constater que dans la mesure où les demandeurs ont fondé leur argumentation exclusivement sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le moyen est à rejeter pour être non fondé, étant donné que l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 et la délibération du 24 août 2020 constituent, tel que retenu ci-avant, des actes administratifs à caractère réglementaire auxquels, conformément à l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978, précité, les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne sont pas applicables.

2) Quant à la légalité interne a) Quant à la violation du principe de proportionnalité Arguments des parties Les demandeurs citent des extraits d’un arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, inscrit sous le numéro 35574C du rôle, qui porterait notamment sur l’analyse de « l’existence préalable des besoins » au sens de la loi générale communale du 14 juillet 1893, telle que modifiée, appelée « Kommunalabgabengesetz », en abrégé « KAG », dont une commune devrait rapporter la preuve pour justifier l’augmentation des taux de l’impôt foncier sur son territoire.

Ils font valoir que la perception de recettes dont la Ville de Diekirch aurait besoin pour assurer la réalisation d’une mission dont elle est investie ne justifierait pas la multiplication par 20 de l’impôt foncier des terrains non bâtis pour lutter contre la spéculation. Les demandeurs reprochent à la Ville de Diekirch d’avoir voulu substituer l’application de la taxe communale spécifique prévue par la loi modifiée du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes, ci-après désigne par la « loi du 22 octobre 2008 », par l’augmentation de l’impôt foncier de la catégorie B6 de 750% à 15.000%. La Ville de Diekirch aurait ainsi implicitement mais nécessairement reconnue détourner l’impôt foncier de son objet en en faisant un « impôt sanction », alors qu’elle aurait dû avoir recours à une taxe rémunératoire pour ce faire.

Les demandeurs se réfèrent à l’arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, prémentionné, pour expliquer que la mission du juge administratif serait de vérifier si la décision de fixer le montant d’un impôt foncier était nécessaire au budget communal, c’est-à-

dire si l’administration communale avait besoin de recettes supplémentaires pour réaliser une mission dont elle est investie, et en tirer la conclusion que la proportionnalité d’un impôt foncier serait exclusivement liée à la nécessité d’augmenter les recettes communales pour un motif légitime, ce qui exclurait que l’administration communale augmente l’impôt foncier pour un motif autre que l’augmentation des recettes communales et notamment, comme ce serait le cas en l’espèce, pour empêcher la spéculation immobilière en sanctionnant les propriétaires de terrains non bâtis.

Les demandeurs ajoutent que l’impôt foncier ne serait pas un outil anti-spéculatif, mais un outil budgétaire, à savoir une recette, et que la fixation du taux de l’impôt foncier servirait à augmenter les recettes communales dans le but d’atteindre un objectif légitime d’une mission confiée à une commune, mais ne saurait en aucun cas être utilisé pour contraindre les propriétaires de terrains à les vendre ou à construire, les demandeurs se référant dans ce contexte encore à l’avis complémentaire du Conseil d’Etat et à l’avis de la Chambre des métiers rendus dans le cadre des travaux préparatoires ayant abouti à la loi du 22 octobre 2008.

Enfin, les demandeurs entendent démontrer la disproportion entre la mesure prise et l’objectif poursuivi en faisant valoir, d’une part, qu’il serait inconcevable qu’une augmentation du taux multiplicateur à 15.000% correspondant à un impôt foncier multiplié par 20 favorise une diminution de la spéculation et des prix de l’immobilier, dans la mesure où si les propriétaires actuels entendaient vendre leurs terrains, ils répercuteraient nécessairement le montant de l’impôt annuel sur le prix de vente, de sorte qu’il serait très probable que lesdécisions litigieuses aient, dans un premier temps, un effet inflationniste sur le prix des terrains.

D’autre part, les demandeurs estiment que dans une logique de contrepartie d’un service fourni par la Ville de Diekirch, l’augmentation de l’impôt foncier sur les seuls terrains non-bâtis, qui seraient, par définition, les moins susceptibles de provoquer des dépenses communales, serait particulièrement disproportionnée et en tout cas contradictoire, voire dépourvue de toute logique.

Les demandeurs concluent à l’annulation des décisions litigieuses pour excès, sinon détournement de pouvoir.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement invoque le § 2 de la KAG en se référant à un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2015, inscrit sous le numéro 34616 du rôle, pour soutenir qu’il ne serait pas nécessaire pour la Ville de Diekirch de justifier l’existence de son pouvoir fiscal autonome par des motifs particuliers. Tout en prenant appui sur l’arrêt prémentionné de la Cour administrative du 14 juillet 2015 pour expliquer, en substance, que l’obligation légale d’énoncer la motivation relative à l’augmentation du taux multiplicateur serait remplie dès lors qu’elle serait incluse dans la délibération du conseil communal, le délégué du gouvernement se réfère au même arrêt du 14 juillet 2015, ainsi qu’à un arrêt de la Cour administrative du 18 février 2016, inscrit sous le numéro 35374C du rôle, dans lesquels la notion de besoin au sens du § 2 de la KAG aurait été explicitée.

Dans son mémoire en réponse, la Ville de Diekirch expose, en faisant référence à un arrêt de la Cour administrative du 4 avril 2019, inscrit sous le numéro 41278C du rôle, que le souci de préserver la stabilité juridique ne devrait pas être confondu avec le souci de préserver ad vitam aeternam des avantages injustifiables et une injustice criante. Elle ajoute que le législateur communal et la justice ne seraient pas tenus de contribuer à « bétonner » les privilèges fiscaux d’une minorité en sacrifiant les intérêts de la collectivité, de la jeunesse et des moins bien lotis sur le plan financier. Le prétendu intérêt à une stabilité juridique serait antinomique au souci de favoriser la confiance du public dans la justice. Sauf exception, le pouvoir judiciaire admettrait que le pouvoir le mieux apte à faire la balance des divers intérêts et à préserver la confiance dans les institutions et dans les pouvoirs serait le pouvoir législat if démocratiquement élu, à savoir le conseil communal sur le plan local. Il appartiendrait au pouvoir judiciaire de veiller à la préservation de l’Etat de droit vu dans le contexte de la situation de crise qui nécessiterait l’application de mesures « draconiennes ». La Ville de Diekirch poursuit en expliquant que la délibération du 24 août 2020 du conseil communal déférée serait parfaitement motivée, à savoir par le fait que suite à la pandémie de la Covid-19, mais aussi au vu du changement climatique dans le monde, l’Etat luxembourgeois et les communes se trouveraient aujourd’hui dans une situation de crise financière extraordinaire impactant lourdement leurs finances et dont les effets néfastes ne se matérialiseraient que progressivement, la Ville de Diekirch renvoyant encore à la motivation de la délibération en question. La Ville de Diekirch se rallie également aux considérations développées par l’Etat dans son mémoire en réponse à ce sujet.

Elle se réfère ensuite à un relevé intitulé « Dette financière brute et fonds de réserve » versé à l’appui de son mémoire en réponse pour expliquer qu’elle aurait eu une dette de … euros au 31 décembre 2020 selon le budget rectifié et que les projections pour les années subséquentes figurant dans ce document ne correspondraient plus à aucune réalité au motif que les rentrées fiscales ne correspondraient plus aux projections optimistes élaborées en 2019, c’est-à-dire avant la pandémie de la Covid-19. A cela s’ajouterait que d’importants investissements seraient prévus dans les années à venir sur le territoire communal et notamment la construction d’unenouvelle école fondamentale, la construction d’une nouvelle Maison relais déjà en cours, l’agrandissement du Conservatoire National de véhicules historiques, l’extension respectivement la construction d’un nouveau bâtiment pour le Conservatoire de Musique du Nord et la construction d’une troisième crèche. La Ville de Diekirch estime qu’il paraîtrait dès lors pour le moins raisonnable et proportionné d’exiger des propriétaires de terrains relevant de la catégorie B6 dont les parcelles seraient sans aucune utilité sociale de contribuer, du moins partiellement, aux frais engendrés par l’entretien des chaussées longeant ces propriétés, tout en soulignant que la solidarité nationale ou communale ne devrait pas financer la spéculation immobilière.

Par rapport à la référence faite par les demandeurs à l’arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015 pour étayer leur moyen fondé sur une violation du proportionnalité de la délibération du conseil communal, la Ville de Diekirch renvoie à ses considérations selon lesquelles une augmentation significative des recettes serait nécessaire afin de palier, en partie, aux effets de la crise et la diminution des recettes annoncée par le ministère, recettes qui seraient pourtant nécessaires pour financer les dépenses courantes et les projets d’infrastructures importants ci-avant mentionnés.

La Ville de Diekirch ajoute que rien ne permettrait d’affirmer que la délibération critiquée ne serait pas proportionnée par rapport à ce but et dénonce que la preuve contraire n’en serait pas rapportée, tout en précisant que le juge de l’annulation ne saurait en ce domaine éminemment politique et sensible, écarter l’analyse et les choix politiques des élus et que la délibération du conseil communal du 24 août 2020 aurait, par ailleurs, été approuvée par le Grand-Duc à travers l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020.

Enfin, la Ville de Diekirch estime que l’arrêt de la Cour administrative du 4 avril 2019 aurait été rendu dans un contexte politique, factuel et juridique fondamentalement différent.

Dans leur réplique, les demandeurs reprochent à la Ville de Diekirch de verser dans la contradiction en ce qu’elle justifierait l’augmentation du taux multiplicateur, tantôt par sa volonté de sanctionner, pour des raisons politiques et idéologiques, les propriétaires de terrains non bâtis, tantôt en mettant en avant une crise budgétaire liée à la pandémie de la Covid-19, les demandeurs faisant valoir qu’il ne serait pas acceptable qu’ils soient les seuls, en leur qualité de propriétaires de terrains non-bâtis, à faire les frais de cette crise. Ils ajoutent que si l’augmentation de l’impôt foncier entendait réellement compenser les pertes financières liées à la crise sanitaire, le taux multiplicateur de l’impôt foncier aurait dû être augmenté, dans les mêmes proportions, pour toutes les catégories des terrains soumis à l’impôt foncier, et non pas seulement pour les terrains classés dans la catégorie B6.

Ils contestent également l’argument consistant à exiger des propriétaires de terrains de la catégorie B6 de contribuer aux frais engendrés par l’entretien des chaussées longeant ces propriétés. Tout en admettant qu’une telle contribution serait effectivement conforme à l’objet de l’impôt foncier, ils donnent à considérer qu’il ne serait pas acceptable qu’ils soient les seuls à participer à ce financement et réfutent l’idée que la Ville de Diekirch aurait investi et engagé des frais pour l’entretien des seules chaussées longeant les propriétés relevant de la catégorie B6.

Les demandeurs poursuivent en affirmant qu’il serait disproportionné d’appliquer un taux multiplicateur de 15.000% aux seuls propriétaires de terrains relevant de la catégorie B6,alors que tous les autres propriétaires de la Ville de Diekirch seraient soumis à des taux d’impôt foncier bien inférieurs, tout en bénéficiant des mêmes investissements.

Ils en concluent que l’augmentation de l’impôt foncier pour les seuls terrains non-bâtis, qui par définition seraient les moins susceptibles de provoquer des dépenses communales, serait particulièrement disproportionnée, en tout cas contradictoire, voire échapperait à la logique de contrepartie d’un service fourni par la Ville de Diekirch. En conséquence, la décision du conseil communal du 24 août 2020 serait à annuler pour excès, sinon détournement de pouvoir.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement renvoie à ses développements contenus dans sa réponse, la Ville de Diekirch n’ayant, de son côté, pas ajouté de plus amples développements dans sa duplique.

Analyse du tribunal (i) Quant au cadre juridique du pouvoir d’imposition communale Il convient de prime abord de préciser le cadre du présent litige relatif à l’impôt foncier, à savoir celui du système de financement des communes, lequel repose sur le principe de l’autonomie communale énnoncé à l’article 107, paragraphe (1) de la Constitution qui dispose que « les communes forment des collectivités autonomes sur base territoriale possédant la personnalité juridique et gérant par leurs organes, leur patrimoine et leurs intérêts propres ».

Cette disposition constitutionnelle est à lire en combinaison avec la Charte européenne de l’autonomie locale, faite à Strasbourg le 15 octobre 1985, ci-après désignée par la « Charte européenne de l’autonomie locale », dont l’article 2 prévoit que le principe de l’autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution, le législateur luxembourgeois ayant, de son côté, confirmé son adhésion aux grands principes de l’autonomie des communes par la ratification de ladite Charte à travers la loi du 18 mars 1987.

Conformément à l’article 3, paragraphe (1) de la Charte européenne de l’autonomie locale, on entend par autonomie locale, « le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ».

En ce qui concerne les ressources financières des communes, la Charte européenne de l’autonomie locale dispose en son article 9 notamment que (i) les communes ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences, (ii) leurs ressources financières doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi, (iii) une partie au moins de leurs ressources financières doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi, et que (iv) les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les communes doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences21.

21 Trib. adm., 21 juin 2017, n° 37869, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 727En droit interne, les limites au pouvoir de l’autonomie communale sont posées à l’article 107, paragraphes (3) et (6) de la Constitution aux termes desquels :

« (3) Le conseil [communal] établit annuellement le budget de la commune et en arrête les comptes. Il fait les règlements communaux, sauf les cas d’urgence. Il peut établir des impositions communales, sous l’approbation du Grand-Duc. […].

(6) La loi règle la surveillance de la gestion communale. Elle peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance et même en prévoir l’annulation ou la suspension en cas d’illégalité ou d’incompatibilité avec l’intérêt général, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs ».

Dans le cadre constitutionnel et conventionnel tracé ci-avant, l’article 29 de la loi communale attribue au conseil communal le droit d’établir des règlements communaux, tout en précisant que « ces règlements ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale », tandis que selon l’article 105 de la loi communale, «»sont soumises à l’approbation du Grand-Duc les délibérations des conseils communaux relatives à l’établissement, au changement et à la suppression des impositions communales et les règlements y relatifs ».

Il se dégage de la lecture combinée de ces dispositions conventionnelles, constitutionnelles et légales que les communes sont fiscalement autonomes et qu’elles peuvent déterminer librement, en fonction de l’intérêt communal, les différents éléments constitutifs de l’impôt, tels le fait générateur, la base imposable, le taux et les redevables, ainsi que les modalités d’application et d’exemption. Elles peuvent également poursuivre, par l’exercice de leurs compétences fiscales, outre des buts d’ordre financier, des objectifs de politiques particulières, dans le cadre de leurs compétences matérielles22.

Aussi, l’autonomie financière des communes inclut nécessairement deux composantes, à savoir, d’une part, la capacité de gérer librement les fonds dont elles disposent, et, d’autre part un certain pouvoir de décision en matière fiscale à l’égard d’impôts qui leur sont propres, encore que cette autonomie fiscale des communes ainsi consacrée ne soit pas absolue, les communes ne pouvant l’exercer que sous le contrôle de l’autorité supérieure, qui est appelée à veiller à ce que les communes agissent sous réserve des limitations prévues par la loi et exigées par l’intérêt général, dont celle que leur pouvoir s’exerce dans la mesure – et partant dans la limite – de leurs besoins23.

Il y a encore lieu de relever que l’établissement de l’impôt au niveau communal doit observer le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt et ne peut se faire que sous l’observation des formes portées par la Constitution et par la loi24, étant précisé que le principe d’égalité devant la loi, de même que le principe de proportionnalité qui lui est inhérent, est applicable en matière d’imposition communale25, le principe de proportionnalité ayant, par 22 Trib. adm., 21 juin 2017, n° 37869, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 727.

23 Cour adm., 6 décembre 2007, n° 23020C à 23023C et 23040C, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 728 et l’autre référence y citée.

24 Cour adm., 17 mars 1998, n° 10049C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 724.

25 Cour adm., 18 février 2016, n° 35374C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 725.ailleurs, été érigé au rang de principe général du droit à valeur constitutionnelle par la Cour constitutionnelle26.

(ii) Quant à l’augmentation du taux multiplicateur de l’impôt foncier décidée par le conseil communal de Diekirch En l’espèce, il est constant en cause que le conseil communal a décidé d’augmenter, pour l’année 2021, le taux multiplicateur de l’impôt foncier de la Ville de Diekirch pour la seule catégorie B6, intitulée « Terrains à bâtir à des fins d’habitation », de 750% à 15.000%, et que les demandeurs sont, tel que relevé ci-avant, des particuliers propriétaires de parcelles relevant de cette catégorie.

A cet égard, le tribunal relève que la GrStG, prémentionnée, autorise, en son § 1, alinéa (1), les communes à lever un impôt au niveau communal grevant les propriétés foncières (« Die Gemeinden sind berechtigt, eine Grundsteuer als Gemeindesteuer zu erheben »).

Outre le fait que la liberté des communes dans le changement des impositions communales est soumise aux principes constitutionnels, conventionnels et légaux dégagés ci-

avant, dont notamment à une approbation ex post par le Grand-Duc, l’habilitation des communes à établir des impôts réels – tel que l’impôt foncier – doit encore s’inscrire dans le cadre des dispositions de la KAG, prémentionnée – introduite par l’occupant allemand et tenue pour valable et continuée à être appliquée à partir du 10 septembre 1944 en vertu de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 concernant les impôts, taxes, cotisations et droits (lequel arrêté de 1944 vise expressément en son article 2 l’impôt foncier (« Grundsteuer »)) – et plus particulièrement du § 2 de la KAG, intitulé « Einschränkung des Rechts der Steuererhebung », qui limite le pouvoir fiscal des communes en disposant, en ses alinéa (1) et (2) que :

« (1) die Gemeinden dürfen von der Befugnis Steuern zu erheben, nur insoweit Gebrauch machen, als die sonstigen Einnahmen, insbesondere aus dem Gemeindevermögen, aus Gebühren, Beiträgen und vom Staate oder von weiteren Kommunalverbänden den Gemeinden überwiesenen Mittel zur Deckung ihrer Ausgaben nicht ausreichen.

(2) Durch direkte Steuern darf nur der Bedarf aufgebracht werden, welcher nach Abzug des Aufkommens der indirekten Steuern von dem gesamten Steuerbedarf verbleibt ».

Les dispositions précitées du § 2 de la KAG opèrent ainsi une limitation du pouvoir des communes à ne procéder qu’aux mesures fiscales justifiées par leur nécessité. Dès lors, la validité d’un impôt communal auquel la KAG est applicable – tel que l’impôt foncier, correspondant à la Grundsteuer maintenue à travers l’arrêté grand-ducal prémentionné du 26 octobre 1944 – présuppose que la commune qui se propose d’introduire, de modifier ou d’augmenter les taux d’imposition puisse faire valoir et justifier l’existence d’un besoin réel, concret et circonstancié de ce faire. La limitation opérée par le § 2 de la KAG se résout ainsi essentiellement dans une obligation légale de motiver et de légitimer le recours des communes à leur prérogative de lever des impôts, afin de garantir qu’elles ne perçoivent des recettes dont elles n’ont pas besoin pour assurer la réalisation d’une mission dont elles sont investies27.

26 Cour constitutionnelle, 19 mars 2021, n° 00146 du registre ; voir également Cour constitutionnelle, 22 janvier 2021, n° 00152 du registre.

27 Trib. adm., 3 novembre 2014, nos 33178 et 33179 du rôle, confirmés par Cour adm., 14 juillet 2015, nos 35574C et 35575C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 732 et les autres références y citées.En l’espèce, le tribunal constate de prime abord que les demandeurs ne contestent pas, dans le cadre du moyen sous analyse, l’existence d’un besoin financier nécessaire au sens du §§2 de la KAG dans le chef de la Ville de Diekirch de prélever l’impôt foncier pour l’année 2021 concernée, ni le principe même d’une augmentation du taux multiplicateur de l’impôt.

Le moyen des demandeurs sous analyse met en effet en exergue une disproportion entre, d’une part, l’augmentation du taux multiplicateur de l’impôt foncier de 750% à 15.000% et ce pour la seule catégorie d’impôt foncier B6 dont ils relèvent, et, d’autre part, les coûts d’entretien ou d’investissement engagés ou à venir pour ces mêmes terrains par la Ville de Diekirch, respectivement une disproportion entre le niveau de participation financière des propriétaires de terrains à bâtir relevant de la catégorie B6, exigée par la Ville de Diekirch, au budget communal, et l’assainissement des difficultés financières de la Ville de Diekirch.

En ce sens, le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité se présente d’une manière différente par rapport à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, inscrit sous le numéro 35575C du rôle, invoqué par les demandeurs, par la Ville de Diekirch et par la partie étatique, dans laquelle les requérants avaient soulevé une violation du principe de proportionnalité pour remettre en cause une augmentation généralisée de 50% des taux multiplicateurs de toutes les catégories de l’impôt foncier de la commune en question, au motif qu’une telle augmentation n’aurait été motivée par aucune nécessité fiscale impérieuse. Si la Cour en a conclu que le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité commandait, dans cette affaire, d’analyser si les autorités communales étaient en droit d’augmenter les taux de l’impôt foncier en considération du bout de phrase « insoweit… » visé au § 2, alinéa (1) de la KAG et à vérifier l’existence d’un « Bedarf » au sens du § 2, alinéa (2) de la KAG, l’invocation du principe de proportionnalité ne s’inscrit en l’espèce justement pas dans une contestation des conditions d’application du § 2 de la KAG, tel que retenu ci-avant.

Pour les mêmes motifs tirés de l’absence de contestation du besoin financier de la Ville de Diekirch au sens du § 2 de la KAG, le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité ne requiert pas de vérifier l’existence d’une proportionnalité entre les besoins financiers de la Ville de Diekirch, d’un côté, et, l’imposition communale décidée, d’un autre côté, tel que retenu dans l’arrêt du 18 février 2016, inscrit sous le numéro 35374C du rôle, ayant porté sur l’introduction d’une taxe de participation au financement des équipements collectifs de la commune28, invoqué par le délégué du gouvernement, mais il tend à analyser si l’augmentation du taux d’impôt foncier 750% à 15.000% à compter de l’année 2021 pour la seule catégorie B6 est proportionnée par rapport à (aux) l’objectif(s) poursuivi(s) par le conseil communal, une telle analyse du principe de proportionnalité par rapport au but(s) poursuivi(s) se dégageant également de la solution adoptée par la Cour administrative dans l’arrêt du 4 avril 2019, inscrit sous le numéro 41278C du rôle, invoqué par la Ville de Diekirch29.

28 Cour adm., 18 février 2016, n° 35374C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 725.

29 « Afin de garantir le respect des exigences d’effectivité découlant notamment de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le juge de l’annulation ne peut pas être limité à ne sanctionner que des situations dites « manifestes », ni à limiter son contrôle de proportionnalité à un contrôle soi-disant marginal, sous peine d’aboutir à un contrôle ineffectif. Il est au contraire appelé à opérer une balance et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but. » ; souligné par le tribunal ; voir également Cour adm., 23 mars 2019, nos 41948C et 41949C, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 31 et l’autre référence y citée. ; Cour adm., 12 janvier 2021, n° 44684C, disponible sur le site www.jurad.etat.lu. En sa séance du 24 août 2020, le conseil communal a justifié l’augmentation du taux multiplicateur de la catégorie B6 de l’impôt foncier de 750% à 15.000% par les considérations suivantes :

- récupérer une partie des frais résultant de l’exécution des travaux d’investissement, de rénovation et de mise à jour des infrastructures souterraines effectués à plusieurs reprises et qui auraient profité aux terrains à bâtir à des fins d’habitation au niveau des raccordements, d’exploitation et de développement, travaux qui se seraient chiffrés à un montant de l’ordre de … euros ;

- compenser, au moins en partie, une moins-value en recettes de l’ordre de … euros pour l’année 2020 consécutive à une baisse du total des recettes provenant du Fonds de dotation globale des communes (FDGC) par rapport aux montants qui auraient été initialement inscrits au budget de l’exercice 2020 au titre des recettes à percevoir du FDGC, alors que l’augmentation sous analyse serait de nature à procurer à la Ville de Diekirch des recettes supplémentaires de l’ordre de … euros pour l’année 2021 au lieu des … euros perçus au titre de l’année 2019 ;

- le préjudice matériel « considérable » que subirait la collectivité du fait des investissements en équipements publics financés par l’impôt et remis en état à maintes reprises qui seraient restés « inexploités et inefficaces » au motif que certains propriétaires de parcelles relevant de la catégorie B6 profiteraient de la pénurie de terrains à bâtir sur le territoire de la Ville de Diekirch en conservant leurs parcelles dans le but d’en accroître la valeur pécuniaire de manière disproportionnée et déraisonnable. A ce sujet, la Ville de Diekirch explique encore que le taux multiplicateur de 750% aurait un effet restreint, voire inexistant dans l’accélération de l’occupation et de la création de logements sur des terrains pouvant accueillir immédiatement une autorisation de construire au sens de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », et que le seul moyen pour inciter les propriétaires de terrains à bâtir à introduire dans un délai rapproché des demandes en autorisations de bâtir aurait été l’augmentation substantielle du taux multiplicateur ;

En cours de phase contentieuse, la Ville de Diekirch a encore fait état des considérations suivantes :

- la crise financière extraordinaire à laquelle elle ferait face dans un monde en proie à des difficultés grandissantes, exacerbées par la pandémie du Covid-19 et du changement climatique ;

- la dette communale qui se serait élevée à … euros au 31 décembre 2020 ; et - les dépenses d’investissements publics à venir sur le territoire communal, tels que la construction d’une école fondamentale, d’une crèche et d’une maison relais, ainsi que l’agrandissement du Conservatoire national de véhicules historiques et du Conservatoire de musique.

Les objectifs avancés par la Ville de Diekirch pour justifier l’augmentation du taux multiplicateur de la catégorie B6 de l’impôt foncier se situent ainsi, en substance, à troisniveaux, à savoir (i) remédier à la pénurie de logements en faisant cesser la thésaurisation des terrains à bâtir à des fins d’habitation et corrélativement augmenter le nombre de demandes d’autorisation de construire d’immeubles d’habitation sur le territoire communal, (ii) financer ses dépenses d’investissement publics engagées et à venir, et (iii) combler la perte de recettes budgétaires liées à la réduction de la part de dotation du FDCG et in fine le déficit existant dans son budget.

Dans le cadre de l’analyse du moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, le tribunal est dès lors amené à apprécier si l’augmentation du taux multiplicateur de l’impôt foncier pour la seule catégorie B6 de 750% à 15.000% constitue une réponse proportionnée aux trois objectifs mis en avant par la Ville de Diekirch.

Cette analyse amène le tribunal à souligner qu’en la présente matière, il statue en tant que juge de l’annulation, de sorte qu’il est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie.

Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse justement alors en contrôle de proportionnalité30 appelant le juge administratif à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but31, sans égard à des considérations de pure opportunité, notamment d’ordre politique.

Le principe de proportionnalité a, par ailleurs, tel que relevé ci-avant, été reconnu comme principe général d’ordre constitutionnel par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n°152 du 22 janvier 202132.

Par rapport au premier objectif mis en avant par le conseil communal, le tribunal relève qu’en affirmant qu’une augmentation substantielle du taux multiplicateur constituerait le seul remède pour inciter les propriétaires des terrains à bâtir à introduire dans un délai rapproché des demandes en autorisation de bâtir afin de remédier à la pénurie de logement, la Ville de Diekirch fait implicitement peser la responsabilité de la pénurie de logements sur son territoire sur les seuls propriétaires relevant de la catégorie B6, catégorie de propriétaires qui correspond, de façon non contestée, à 43 terrains représentant une surface totale de 416,95 ares.

A cet égard, il y a lieu de relever de prime abord que la décision du conseil communal de vouloir imposer une certaine catégorie de contribuables plus qu’une autre, en l’occurrence 30 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 52 et les autres références y citées.

31 Cour adm., 23 mars 2019, nos 41948C et 41949C, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 31 et l’autre référence y citée ; voir également : Cour adm., 12 janvier 2021, n° 44684 du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

32 Cour adm. 23 décembre 2021, n° 46070C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu. les propriétaires de terrains à bâtir à des fins d’habitation, constitue un choix politique qui relève du pouvoir de l’autonomie communale, tel qu’explicité ci-avant, et qui échappe au juge de l’annulation, sans préjudice du respect du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt dans les limites de la Constitution et des lois33.

En effet, à travers les modifications de la GrStG introduites par la loi du 22 octobre 2008, le législateur national a justement entendu « procéder à une reclassification de la catégorie „immeubles non bâtis“, afin de séparer les terrains à bâtir des autres immeubles non bâtis relevant également de cette catégorie et d’abolir les liens entre les différents taux, afin de donner aux communes la possibilité de fixer l’impôt foncier suivant les nécessités financières des communes, tout en modulant cet impôt communal en fonction du genre des propriétés foncières taxées »34, l’intention du législateur ayant été de permettre une « imposition plus substantielle des terrains à bâtir »35 et de donner à la commune la possibilité de fixer sept taux différents36.

L’augmentation, dans son principe, du taux multiplicateur pour la seule catégorie B6 ne porte dès lors pas à critique et n’est, par ailleurs, pas non plus contestée par les demandeurs, tel que relevé ci-avant.

La question essentielle en l’espèce est toutefois celle de savoir si l’augmentation de ce taux de 750% à 15.000% est une mesure proportionnée par rapport à l’objectif affiché, à savoir d’endiguer la pénurie de logements. Conformément aux principes dégagés ci-avant, le caractère proportionné d’une mesure doit être examiné au regard des objectifs que cette mesure poursuit, en ce sens que la mesure ne peut pas dépasser la limite de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant précisé que les inconvénients causés par la mesure ne doivent pas être démesurés par rapport aux objectifs visés.

Le tribunal constate tout d’abord que le document, intitulé « Le logement en chiffres », daté d’avril 2021 émis conjointement par l’Institut national de la statistique et des études économiques (STATEC), le ministère du Logement et l’Observatoire de l’Habitat, invoqué par la Ville de Diekirch pour justifier l’adéquation de la mesure prise par rapport à l’objectif poursuivi, contient des informations générales sur la situation immobilière au Grand-Duché de Luxembourg relatives à l’évolution des prix des logements entre 2016 et 2020 en distinguant entre les ventes d’appartements et de maisons, ainsi que les ventes de biens existants et les ventes en l’état futur d’achèvement, tout en présentant un focus sur l’activité sur le marché de l’immobilier résidentiel, ainsi qu’un second focus sur les prix des logements des propriétaires occupant leur logement dans l’indice des prix à la consommation. Les informations y contenues relatives à la situation particulière de la Ville de Diekirch révèlent notamment que le prix de vente des biens sis sur son territoire se situent en dessous de la moyenne du pays37 et que dans la « zone Nord » regroupant notamment le canton de Diekirch38, le prix de vente par m2 des appartements et des maisons est le moins élevé39.

33 Cour adm., 18 février 2016, n° 35274C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 724.

34 Doc. parl., 5696, Exposé des motifs, p.9.

35 Ibidem., p.10.

36 Ibidem.,p.45 37 Page 9 du document.

38 ainsi que les cantons de Clervaux, Redange, Vianden et Wiltz.

39 Pages 7 et 8 du document.Si la même information ressort du document, intitulé « Les prix de vente des terrains à bâtir en zone à vocation résidentielle entre 2010 et 2017 », daté de février 2019 et émis par l’Observatoire de l’Habitat, invoqué, par ailleurs, par la Ville de Diekirch, ledit document indique néanmoins que le taux de croissance annuel entre 2010 et 2017 du prix par are médian a baissé de 1,4% dans le canton de Diekirch40.

Le tribunal relève ensuite que ce document émis par l’Observatoire de l’Habitat s’attache à « fournir une statistique détaillée sur les prix des terrains à bâtir » et à « présenter les principaux enseignements de l’analyse des prix de vente des terrains à bâtir entre 2010 et 2017 » par l’identification du foncier à bâtir en zone à vocation résidentielle, la mise en lumière d’une forte asymétrie dans la distribution des prix du foncier à bâtir sur le territoire luxembourgeois, la présentation d’un nouvel indice des prix des terrains à bâtir afin de permettre une analyse de la dynamique des prix des parcelles situées en zone à vocation résidentielle à travers le temps et, finalement, la révélation d’importantes différences dans les prix des terrains à bâtir sur ce même territoire.

Il mentionne certes que ce sont les prix du foncier qui ont contribué le plus fortement aux évolutions des prix des logements neufs, et par ricochet, aux évolutions des prix des logements anciens41 et que les prix des terrains à bâtir ont augmenté entre 5,2% et 6,5% sur une période s’étalant de 2010 à 201742, augmentation qui a été beaucoup plus forte que celle des logements anciens et des logements en construction, il n’en reste pas moins que l’Observatoire de l’Habitat explique que « [C]ette conclusion est tout à fait cohérente avec les évolutions des coûts de la constructions publiées par la STATEC, qui suggèrent que les coûts de la construction ont été proches de l’inflation sur les biens de consommation depuis 2010 »43.

Le tribunal relève encore que s’il ressort de ce même document émis par l’Observatoire de l’Habitat que « la valeur d’une parcelle dépend très fortement de sa situation potentielle, c’est-à-dire de l’usage que peut en faire son propriétaire » et que ce sont les plans d’aménagement général (PAG) des communes qui définissent l’usage potentiel que peut faire le propriétaire de la parcelle en question, le tribunal ne dispose en l’espèce d’aucun élément au sujet de la politique d’affectation des zones du PAG de la Ville de Diekirch « susceptibles d’accueillir des logements », à savoir des zones d’habitation et des zones mixtes définies comme des « zones à vocation résidentielle » dans ledit document44, respectivement de la mise en œuvre d’une politique d’élargissement de telles zones.

La question de l’existence d’une marge de manœuvre à ce niveau se pose d’autant plus au regard du document intitulé « Le potentiel foncier destiné à l’habitat au Luxembourg en 2016 » daté de février 2019 et émis par l’Observatoire de l’Habitat qui révèle certes que la Ville de Diekirch est faiblement pourvue en terrains disponibles pour l’habitat45 et qu’elle ne dispose pas d’un potentiel foncier disponible dans des zones non affectées46, mais qui mentionne, d’une 40 Page 8 du document : « Les cantons de Diekirch, Echternach et Redange ont quant à eux connu des variations plus faibles. Le prix par are médian a même légèrement baissé dans le canton de Diekirch entre 2010 et 2014 (-

1,4% en moyenne par an ».

41 Page 1 du document.

42 Page 6 du document.

43 Page 6 du document.

44 Pages 2 et 3 du document.

45 Page 6 : « Ce qui est assez frappant est que les [Centres de Développement et d’Attraction] d’ordre moyens à savoir Esch-sur-Alzette et la Nordstad, les centres amenés à se développer le plus, sont très faiblement pourvus de terrains disponibles pour l’habitat (Ettelbrück 8 ha, Diekirch 10 ha et Esch-sur-Alzette 16 ha). ».

46 Pages 7 et 8 du document.part, un taux de disponibilité, autrement dit un rapport entre la surface des terrains potentiellement disponibles dans les zones destinées à l’habitat et la totalité de la superficie de ces zones dans le PAG, de 13% – bien que ledit document souligne que ce taux de disponibilité est inférieur à la moyenne nationale se situant à 21,7%47–, et, d’autre part, qu’en 2016, seule environ 9% de la superficie totale du pays correspondait à des zones urbanisées ou destinées à être urbanisées selon les PAG des communes48.

Le faible taux de disponibilité de logements de la Ville de Diekirch est, tel que relevé ci-avant, en réalité, de nature à soulever des doutes quant au caractère adéquat d’une telle mesure, alors qu’il ressort de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 que l’augmentation en cause ne serait à même que de libérer une surface disponible de 416,95 ares, étant précisé, par ailleurs, que la Ville de Diekirch a déjà institué un règlement-taxe sur les logements inoccupés conformément à la délibération du conseil communal du 18 décembre 2012 qui ne lui a permis de libérer, d’après ses explications, que 25 logements.

Au-delà de ces considérations, le tribunal constate que ces trois documents traitent essentiellement de la situation de l’immobilier au Grand-Duché de Luxembourg au cours des années 2010 à 2017 et posent le constat de l’augmentation des prix des terrains à bâtir sur le territoire luxembourgeois, sans toutefois mettre en évidence de manière circonstanciée la situation particulière de la Ville de Diekirch par rapport à la thématique du logement et sans mettre en évidence une pratique de thésaurisation des terrains à bâtir par les propriétaires de la Ville de Diekirch relevant de la catégorie B6 de l’impôt foncier, de sorte que la Ville de Diekirch n’est pas fondée à en tirer la conclusion que cette pratique serait à l’origine d’une augmentation artificielle des prix des logements sur son territoire et in fine de la pénurie de logements, respectivement que les propriétaires de terrains relevant de la catégorie B6 en seraient seuls à l’origine.

En tout état de cause, il ne ressort pas des explications de la Ville de Diekirch dans quelle mesure une augmentation du taux multiplicateur de la catégorie B6 de l’impôt foncier de 750% à 15.000% serait à même de constituer une réponse proportionnée aux buts affichés de remédier à la pénurie de logements, de faire cesser la thésaurisation des terrains et de faire augmentation les demandes d’autorisation de construire, alors qu’une telle mesure (i) ne tient pas compte d’éventuelles raisons existantes dans le chef des propriétaires concernées, telles que celles avancées par les demandeurs selon lesquelles la conservation de leurs terrains à bâtir à des fins d’habitation serait temporaire et motivée par leur volonté de les donner à leurs enfants, (ii) ne tient pas non plus compte des effets immédiats d’une telle augmentation, à savoir une éventuelle impossibilité des propriétaires concernés de faire face à une brusque augmentation de leur charge fiscale d’une année à l’autre, alors qu’en l’espèce, la fixation du taux multiplicateur de 750% à 15.000% correspond de façon non contestée à une multiplication par 26 du montant que les demandeurs payaient avant cette augmentation, ce manque de considération étant d’autant plus susceptible d’être préjudiciable pour les propriétaires concernés que l’impôt foncier est, en raison de sa nature d’impôt réel49, prélevé indépendamment de leur capacité contributive50, et (iii) n’octroie aucun délai de réaction aux propriétaires concernés pour leur laisser le choix de décider, le cas échéant, d’introduire une 47 Page 9 du document.

48 Page 3 du document.

49 § 1, alinéa (3) AO: « Realsteuern sind die Grundsteuer und die Gewerbesteuer (Steuer vom stehenden Gewerbe).».

50 J.-P. Winandy, Précis de droit fiscal, Legitech, Edition 2011, p.9 ; J.-P. Winandy, Les impôts sur le revenu et sur la fortune, Editions Promoculture, 1992, p.26.autorisation de construire afin de changer de catégorie d’impôt foncier, sinon de vendre leur terrain.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir qu’il ne ressort pas à suffisance de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 que l’augmentation, d’une année à l’autre, du taux multiplicateur de 750% à 15.000% pour la seule catégorie B6 de l’impôt foncier constituerait le seul remède pour endiguer le problème de pénurie de logements sur son territoire, faire cesser la thésaurisation des biens immobiliers et augmenter le nombre de demandes d’autorisation de construire.

Cette conclusion est d’autant plus vraie, alors que le tribunal constate une certaine incohérence au niveau de la justification de l’augmentation du taux multiplicateur avancée par la Ville de Diekirch. Si elle a, dans un premier temps, expliqué qu’il devrait s’agir d’un outil permettant de remédier à la pénurie de logements sur son territoire, tel que cela ressort de la délibération du conseil communal du 2 mars 2020, la Ville de Diekirch a, dans un second temps, ajouté lors de la délibération de conseil communal du 24 août 2020, à titre de motivation, la considération selon laquelle l’augmentation devrait servir à financer des dépenses d’investissements publics engagées et à venir, ainsi qu’à combler la perte de recettes budgétaires liées à la réduction de la part de dotation du FDCG et in fine le déficit existant dans son budget. Or, l’ajout de ces justifications est de nature à remettre en question le sérieux de la première motivation tenant à la thématique du logement, de même qu’il soulève la question de savoir pourquoi une seule catégorie limitée de citoyens communaux devraient contribuer à répondre à ces objectifs nouvellement affichés de façon substantiellement plus élevée que les autres citoyens de la Ville de Diekirch qui ne sont pas concernés par une multiplication par 26 de leur cote d’impôt foncier d’une année à l’autre.

Ensuite, par rapport au deuxième objectif avancé par la Ville de Diekirch tenant au financement des dépenses d’investissement publics engagées sur les terrains relevant de la catégorie B6, le tribunal relève que la circonstance que cette catégorie de propriété soit soumise à contribution en contrepartie des dépenses d’intérêt général est en réalité inhérente à la nature de tout impôt, y compris l’impôt foncier.

En effet, aux termes de l’article 32 de la loi du 22 octobre 2008, un « terrain à bâtir à des fins d’habitation » est défini comme un « immeuble non bâti susceptible de faire l’objet d’une autorisation de construire au sens de l’article 37, alinéa 3, de la loi […] du 19 juillet 2004 […]»», tandis que l’article 37, alinéa 3 en question est libellé comme suit : « Le bourgmestre n’accorde aucune autorisation de construire tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés, sauf si l’exécution et les délais d’achèvement de ces travaux, la participation aux frais et les termes de paiement sont réglés par une convention spéciale, sur la base des principes arrêtés par l’article 36 ».

Il en ressort que le classement en tant que « terrain à bâtir à des fins d’habitation » présuppose la réunion de deux conditions, à savoir, d’une part, un immeuble non bâti, et, d’autre part, la viabilisation de cet immeuble au travers de l’achèvement des travaux de voirie et d’équipements publics51.

51 Trib. adm., 11 juillet 2011, n° 27131 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 721 et les autres références y citées.En conséquence, si la Ville de Diekirch argumente que l’augmentation du taux multiplicateur de 750% à 15.000% pour la catégorie litigieuse des terrains à bâtir à des fins d’habitation serait justifiée par la considération que les propriétaires de ces terrains auraient, en substance, bénéficié du résultat de travaux d’investissement, de rénovation et de mise à jour des infrastructures souterraines effectués à de multiples reprises, y compris au niveau des raccordements, d’exploitations et de développements, ces dépenses participent en réalité à la viabilisation des terrains à bâtir à des fins d’habitation en vue de l’octroi d’autorisations de construire et ne constituent dès lors pas, dans leur principe, des dépenses exceptionnelles que la Ville de Diekirch a dû engagées pour les terrains relevant de la catégorie B6.

S’il est vrai que d’après un tableau versé par la Ville de Diekirch, deux des rues faisant partie de ladite catégorie B6, dont certains des demandeurs seraient propriétaires, ont nécessité de dépenses publiques conséquentes, la Ville de Diekirch est restée en défaut d’apporter des explications circonstanciées et des éléments probants de nature à démontrer que ces dépenses ainsi engagées seraient, dans leur quantum, exceptionnelles par rapport aux dépenses engagées pour les autres catégories de l’impôt foncier, de sorte à pouvoir justifier, en conséquence, que l’application d’un taux de 750% ne serait plus suffisante pour les couvrir.

Les propriétaires de parcelles relevant de la catégorie B6 ont en effet déjà financé, respectivement contribué au financement de ces travaux publics, alors qu’ils étaient, jusqu’à la modification litigieuse applicable à compter de l’année 2021, soumis au taux multiplicateur de 750% et que ce taux, déjà le plus élevé de la Ville de Diekirch, correspond, par ailleurs, à celui appliqué à la catégorie B1, intitulé « Constructions industrielles ou commerciales », autrement dit aux entreprises industrielles et commerciales.

Il ne ressort cependant pas de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 dans quelle mesure le coût des travaux de viabilisation des terrains à bâtir à des fins d’habitation concernés dépasserait celui que la Ville de Diekirch a engagé pour la viabilisation des terrains relevant des autres catégories d’impôt foncier et dont le taux multiplicateur n’a jusqu’alors pas, de l’avis de la Ville de Diekirch, nécessité d’augmentation, d’autant plus qu’il ressort de ses explications que certaines de ces dépenses ont été engagées, pour une rue en particulier relevant de la catégorie B6, à trois reprises depuis l’année 1976, tandis qu’une autre aurait bénéficié de travaux de réfection d’un montant de … euros au cours des années 2015 à 2020.

Par rapport aux dépenses d’investissement actuelles et futures mises en avant par le conseil communal pour justifier l’augmentation du taux multiplicateur pour la catégorie B6, telle que la construction ou l’agrandissement de bâtiments publics, à savoir une école, une crèche, une maison relais, le Conservatoire national de véhicules historiques ou encore le Conservatoire de musique, le tribunal relève de prime abord qu’aux termes du § 2 de la GrStG, qui dispose que « Die Gemeinde erhebt die Steuer von dem in ihrem Gebiet gelegenen Grundbesitz », les communes perçoivent l’impôt foncier sur les propriétés foncières situées sur leur territoire.

Par opposition à une taxe rémunératoire perçue à raison d’un avantage spécial que l’on retire de la chose publique, de l’usage du domaine communal ou d’un service rendu52, l’impôt – en ce compris l’impôt foncier – est un prélèvement obligatoire sans contrepartie déterminée, en ce sens qu’il a pour objectif d’assurer les dépenses d’intérêt général, tels que les services 52 Trib. adm., 24 mai 2000, n° 11259 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 737 et les autres références y citées.publics, les infrastructures locales et plus généralement les interventions publiques sur un plan économique et social53.

Par opposition à un impôt personnel qui, par nature, tient compte de la situation subjective du contribuable, l’impôt foncier est un impôt réel54 et est donc fondée sur des caractéristiques objectives en ce sens qu’il ne tient pas compte de la capacité contributive du propriétaire du fonds en question55 et que son montant dépend notamment de la valeur unitaire du bien immobilier.

Il s’ensuit que l’impôt foncier est levé par les communes sur le patrimoine de tous les propriétaires fonciers, sauf exceptions, indépendamment de leur situation financière personnelle, pour financer les dépenses d’intérêt général de la commune, indépendamment de l’avantage ou du bénéfice, le cas échéant, tiré par les différents propriétaires fonciers.

Or, encore que (i) le montant de l’impôt foncier ne soit pas déterminé en fonction de la contrepartie de l’avantage ou du bénéfice perçu en contrepartie, tel qu’un service public ou une infrastructure publique, (ii) il est de l’essence même de tout impôt – y compris l’impôt foncier – de constituer la contrepartie de dépenses d’intérêt général, tel que relevé ci-avant, et (iii) une commune dispose – sous réserve des limites légales et constitutionnelles dépeintes ci-avant – de la latitude d’imposer une catégorie d’impôt foncier plus qu’une autre, force est au tribunal de constater que les travaux futurs invoqués correspondent à des projets susceptibles de profiter à la généralité de la population communale et qu’il ne ressort pas de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 pourquoi la participation des propriétaires de terrains à bâtir à des fins d’habitation au financement de services ou de la construction de bâtiments publics à hauteur de 750% serait insuffisante – alors que leur participation est déjà la plus élevée de la commune –, et qu’une fixation à 15.000% correspondrait à une contribution plus appropriée, ni dans quelle mesure la contribution financière actuelle des propriétaires des autres catégories d’impôt, telle que celle portant sur les maisons d’habitation (catégorie B4), dans la construction d’une crèche, d’une maison relais ou d’une école serait, quant à elle, suffisante.

Dans ces conditions, le tribunal ne saurait déceler dans la délibération du conseil communal du 24 août 2020 décidant d’augmenter la contribution financière des propriétaires de terrains à bâtir à des fins d’habitation de 750% à 15.000%, la seule réponse proportionnée au financement de travaux de viabilisation de ces terrains et de projets d’infrastructures publics, alors qu’une telle mesure intervient en laissant inchangée la contribution financière des propriétaires de toutes les autres catégories d’impôt foncier pourtant tout aussi susceptibles de profiter, tant de par leur envergure que par leur nature, à ces travaux et projets, et que leur contribution financière a été maintenue à un niveau moindre par application d’un taux moins élevé, respectivement le moins élevé.

Par rapport au troisième et dernier objectif avancé par le conseil communal qui est plus de nature à soulever le besoin financier nécessaire de la Ville de Diekirch au sens du § 2 de la KAG, le tribunal n’entrevoit pas de justification suffisante dans la décision du conseil communal du 24 août 2020 qui expliquerait que les propriétaires de terrains à bâtir à des fins 53 Voir en ce sens : A. Steichen, Précis de finances publiques, Legitech, Edition 2020, Chapitre 4. Les recettes publiques, p.105, n° 54 ; Ibidem, p.311, n° 168.

54 § 1, alinéa (3) AO: « Realsteuern sind die Grundsteuer und die Gewerbesteuer (Steuer vom stehenden Gewerbe).».

55 J.-P. Winandy, Précis de droit fiscal, Legitech, Edition 2011, p.9 ; J.-P. Winandy, Les impôts sur le revenu et sur la fortune, Editions Promoculture, 1992, p.26.d’habitation relevant de la catégorie B6 devraient contribuer à l’assainissement des comptes de la Ville de Diekirch par application d’un taux multiplicateur de 15.000%, tandis que toutes les autres personnes relevant des catégories A et B1 à B5 verraient leur contribution aux charges publiques inchangée, d’autant plus que la catégorie B6 est, avec la catégorie A, déjà soumise au taux le plus élevé de la Ville de Diekirch, tel que relevé ci-avant.

Ce constat n’est pas remis en cause par les considérations tout à fait générales avancées par la Ville de Diekirch selon lesquelles la pandémie du Covid-19 aurait accentué le déficit des finances communales dont la dette financière s’élevait à … euros au 31 décembre 2020, respectivement par les considérations selon lesquelles le monde serait en proie à des difficultés grandissantes, exacerbées par la pandémie de la Covid-19, et au changement climatique – indépendamment de la question des conséquences de l’augmentation des constructions sur l’environnemental, notamment sur les sols et sous-sols –, ni encore par la baisse de dotations du FDGC subie par la Ville de Diekirch.

Sur base des trois objectifs mis en avant par le conseil communal pour justifier l’augmentation du taux multiplicateur de la catégorie B6, le tribunal est amené à tirer des enseignements de l’arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, prémentionné – affaire ayant eu trait à une augmentation généralisée de 50% des taux multiplicateurs de toutes les catégories de l’impôt foncier par une commune –, que l’augmentation d’un taux multiplicateur doit « normalement paraître comme étant exorbitante, sauf si le taux initial a été très bas ou que la valeur unitaire à laquelle ce taux multiplicateur est appelé à s’appliquer se situe, du moins en règle générale, pour la grande majorité des cas d’imposition, à un niveau très bas par rapport à la valeur réelle de l’assiette à imposer »56.

En l’espèce, le tribunal constate que le taux multiplicateur applicable aux terrains à bâtir à des fins d’habitation relevant de la catégorie B6 était, avant l’approbation de l’augmentation litigieuse, le plus élevé de toutes les catégories d’impôt foncier de la Ville de Diekirch, soit un taux de 750%, à l’instar de celui applicable aux constructions industrielles et commerciales de la catégorie B1, étant précisé que les autres taux multiplicateurs en vigueur au sein de la Ville de Diekirch s’élevaient, et s’élèvent à ce moment, à 250% (catégories B3 et B4), 500% (catégories A, B2 et B5) et 750% (catégorie B1). Il s’ensuit que le taux initialement applicable aux propriétés relevant de la catégorie B6 ne saurait être considéré comme ayant été « très bas ».

Le tribunal relève ensuite que le conseil communal a certes relevé que la première mise en valeur des propriétés relevant de la catégorie B6 datait de l’année 1976 et que la dernière mise à jour datait de l’année 2005, de sorte que la valeur unitaire de ces terrains se situait à un niveau très bas par rapport à la valeur réelle de l’assiette à imposer.

Or, sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent et eu égard aux dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires et des principes constitutionnels dégagés ci-avant, le tribunal est amené à retenir, dans les circonstances particulières de l’espèce, que l’augmentation de 750 à 15.000% du taux multiplicateur de la catégorie B6 de l’impôt foncier constitue une augmentation exorbitante qui ne satisfait pas au principe constitutionnel de proportionnalité.

56 Cour adm., 14 juillet 2015, nos 35574C et 35575C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 732 et les autres références y citéesSi l’autonomie communale garantie par la Constitution, la Charte européenne de l’autonomie locale, ainsi que par la loi communale, doit certes permettre à une commune de déterminer librement le taux multiplicateur d’une catégorie d’impôt foncier, y compris lorsqu’il est motivé par des considérations politiques, et de fixer un taux multiplicateur plus élevé pour une seule catégorie d’impôt foncier, il n’en reste pas moins que l’exercice de cette autonomie s’inscrit dans les limites constitutionnelles et légales tracées ci-avant, y compris le principe de proportionnalité érigé par la Cour constitutionnelle en principe général du droit à valeur constitutionnelle, tel que relevé ci-avant.

Or, la décision d’augmenter la charge fiscale d’une seule catégorie de propriétaires, de 750% à 15.000% – taux le plus élevé parmi toutes les autres catégories d’impôt foncier de l’ensemble des communes du Grand-Duché de Luxembourg pour l’année 2021 – ne saurait être considérée comme une réponse proportionnée et a fortiori appropriée par rapport aux considérations avancées par la Ville de Diekirch liées au problème du logement, aux dépenses publiques et à l’assainissement de ses comptes, une telle mesure constituant une rupture de l’équilibre à rechercher entre l’intérêt général communal et la contribution des citoyens communaux à la poursuite de cet intérêt, étant précisé que la Ville de Diekirch qualifie elle-

même l’augmentation litigieuse de mesure « draconienne ».

L’ensemble des considérations qui précèdent amène le tribunal à annuler la délibération du conseil communal de la Ville de Diekirch du 24 août 2020 pour excès de pouvoir pour être contraire au principe constitutionnel de proportionnalité.

Le recours des demandeurs est partant à déclarer fondé sous ce volet, l’examen des autres moyens devenant surabondant.

(iii) Quant aux conséquences de l’annulation de la délibération du conseil communal de Diekirch du 24 août 2020 sur la légalité de l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 déféré Dans la mesure où en matière de tutelle administrative, la décision d’approbation et l’acte approuvé constituent des actes juridiques distincts, tel que relevé ci-avant, l’annulation de la délibération du conseil communal du 24 août 2020 ne devrait a priori pas entraîner ipso facto celle de l’arrêté grand-ducal.

Or, en approuvant la délibération du conseil communal du 24 août 2020, le Grand-Duc a marqué son accord à l’augmentation du taux multiplicateur de la catégorie B6 de l’impôt foncier de la Ville de Diekirch, augmentation que le tribunal vient de déclarer contraire au principe constitutionnel de proportionnalité, de sorte que l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 est également entaché du même vice, les demandeurs ayant, par ailleurs, soulevé le même moyen d’annulation à son encontre.

Etant donné que l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 a approuvé les décisions des conseils communaux de toutes les communes du Grand-Duché de Luxembourg pour l’année 2021, il y a lieu de limiter les effets de l’annulation dudit arrêté dans la seule mesure où il approuve la délibération du conseil communal de Diekirch du 24 août 2020, cette délibération étant un élément détachable de toutes les autres délibérations approuvées par ailleurs57.

57 Trib. adm., 5 juin 2002, n° 13947 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Actes réglementaires, n° 36 et les autres références y citées. ; Cour adm., 28 février 2008, n° 23349C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Actes réglementaires, n° 37 et l’autre référence y citée.

IV) Quant à l’indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent une indemnité de procédure de 1.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qu’il y a lieu de rejeter, alors qu’ils sont en restés défaut d’alléguer et a fortiori de démontrer en quoi il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais non compris dans les dépens.

Par application de l’article 32 de la loi du 21 juin 1999 et eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, le tribunal fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour un tiers aux demandeurs, pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et pour un tiers à la Ville de Diekirch.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

déclare le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du conseil communal de la Ville de Diekirch du 2 mars 2020 et contre le courrier du ministre de l’Intérieur du 18 décembre 2020 irrecevable ;

déclare le recours subsidiaire en annulation en ce qu’il est dirigé contre la décision du conseil communal de la Ville de Diekirch du 24 août 2020 et contre l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020 recevables en la forme ;

reçoit la requête en intervention volontaire en la forme ;

au fond, déclare le recours subsidiaire en annulation partiellement justifié ;

partant annule la délibération du conseil communal de la Ville de Diekirch du 24 août 2020 ;

annule l’arrêté grand-ducal du 9 décembre 2020, publié au Mémorial B n° 4338 de 2020, dans l’unique mesure où il porte approbation de la délibération du conseil communal de Diekirch du 24 août 2020 aux termes de laquelle elle a fixé le nouveau taux multiplicateur concernant la catégorie B6 à appliquer pour l’année d’imposition 2021 à 15.000% en matière d’impôt foncier ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure de 1.500 euros formulée par les demandeurs ;

fait masse des frais et dépens et les impose pour un tiers aux demandeurs, pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et pour un tiers à la Ville de Diekirch.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 10 février 2023 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 février 2023 Le greffier du tribunal administratif 44


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 45777
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-02-10;45777 ?

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