Tribunal administratif No 44343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:TADM:2023:44343 4e chambre Inscrit le 2 avril 2020 Audience publique du 31 janvier 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de la Sécurité intérieure ainsi que des bulletins de traitement en matière de classement et de traitement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 44343 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2020 par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation partielle de l’arrêté du ministre de la Sécurité intérieure du 6 décembre 2019, en ce qu’il a décidé de son classement au grade F6 du groupe de traitement B1, ainsi que des bulletins de traitement de septembre 2019 à avril 2020 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2020 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Pol Urbany déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2020 pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2020 ;
Vu les pièces versées en cause, et notamment les décisions critiquées ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Guillaume Vaysse, en remplacement de Maître Pol Urbany, et Madame le délégué du gouvernement Charline Radermecker en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2022.
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Par un courrier du 4 octobre 2019, signé du directeur central « ressources et compétences », de la police grand-ducale, en sa qualité de président de la commission d’examen, Monsieur Christian …, premier inspecteur, classé dans le groupe de traitement C1 de la police grand-ducale, se vit notifier sa réussite et son classement en rang utile à l’examen-concours d’admission à la formation de base du fonctionnaire stagiaire du groupe de traitement B1 du cadre policier.
En date du 6 décembre 2019, le ministre de la Sécurité intérieure, ci-après dénommé « le ministre », nomma Monsieur … au groupe de traitement B1 du cadre policier, tout en le classant au grade F6, avec effet au 1er octobre 2019.
1 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 6 décembre 2019, en ce que cette dernière l’a classé au grade F6. Par la même requête, Monsieur … sollicite la réformation sinon l’annulation des bulletins de rémunération pour les mois d’aout 2019 à avril 2020 en ce qu’ils fixent l’échelon barémique dans lequel il est classé ainsi que les points indiciaires lui attribués.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut d’abord, quant au type de recours admissible en la matière, qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours de pleine juridiction contre une décision portant sur le classement d'un fonctionnaire du cadre policier dans un grade déterminé, de sorte que le tribunal devrait se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation formé contre l'arrêté ministériel du 6 décembre 2019, tout en relevant que selon la jurisprudence, les décisions de classement d’un fonctionnaire, du fait de n’avoir qu’un effet indirect sur le traitement, ne tomberaient pas dans le champ d’application de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général ».
Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’objet, en ce qu’il est dirigé contre les bulletins de rémunération, lesquels ne renfermeraient aucun élément décisionnel propre, de sorte à ne pas pouvoir être considérés comme des actes affectant les droits et intérêts d’un fonctionnaire.
Pour le surplus, la partie étatique se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité dudit recours quant à la forme et aux délais.
Dans son mémoire en réplique, Monsieur … fait rétorquer quant au type de recours admissible en la matière, que ses contestations tomberaient sous le champ d'application de l'article 26 du statut général, alors qu’elles auraient clairement trait à la fixation de son traitement et ce, tant en ce qu'elles viseraient l'arrêté ministériel du 6 décembre 2019 que les bulletins de rémunération déférés, en ce que son grade de traitement serait contesté, de même que son échelon barémique et ses points indiciaires, tels qu'ils lui auraient été appliqués dans les bulletins de rémunération contestés.
Monsieur … fait finalement souligner que la nomination à un grade de traitement et les bulletins de rémunération iraient de pair, ces derniers étant la conséquence de la première, tout en relevant qu’il aurait été jugé qu’un bulletin de rémunération mensuelle serait à considérer comme constituant la matérialisation de la décision relative à la fixation du traitement, alors que l'évolution d'une carrière d'un fonctionnaire au niveau du traitement ne serait retraçable qu'à travers la fiche de rémunération mensuelle constituant la matérialisation des décisions au niveau de l'évolution du traitement du fonctionnaire. Ainsi, le bulletin de rémunération renfermerait un élément décisionnel en ce qu'il porterait sur le calcul proprement dit du traitement.
Quant à la compétence du tribunal et la recevabilité des recours Quant à la question de la nature du recours aux termes duquel le tribunal est saisi en cette matière, il échet au tribunal de préciser que le présent recours comporte deux volets, le premier mettant en cause le classement, par l’arrêté ministériel déféré du 6 décembre 2020, 2de Monsieur … dans le grade F6, alors que ce dernier estime qu’il aurait dû être classé dans le grade F8, sinon F10, le deuxième volet mettant en cause le fait qu’il n’aurait pas bénéficié, en septembre 2019, d’un avancement au grade F4 et, à partir d’octobre 2019, d’une reconstitution de carrière, respectivement d’une prime de régime militaire s’élevant à 35 points indiciaires et d’une prime d’astreinte s’élevant à 22 points indiciaires, ainsi que d’un supplément de traitement personnel à partir du mois d’avril 2020.
Si aux termes de l’article 26 du statut général, « Les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du Tribunal administratif, statuant comme juge du fond. », il a cependant été jugé que le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre une décision de classement d'un fonctionnaire1, quand bien même ce classement a nécessairement un effet indirect sur le traitement, étant relevé qu’il a été jugé qu’un recours au fond n'est pas admissible concernant les décisions qui n'ont qu'un effet indirect sur le traitement.2 Force est partant de relever que c’est à bon droit que la partie gouvernementale a souligné qu’aucune disposition législative n’attribue au tribunal une compétence au fond en matière de classement, de sorte que le tribunal doit se déclarer incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contre l’arrêté du 6 décembre 2019.
Par contre, le recours subsidiaire en annulation dirigé contre l’arrêté du 6 décembre 2019 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
En ce qui concerne le recours dirigé contre les bulletins de rémunération, force est au tribunal de relever qu’il a été jugé que s’il est exact que l’arrêté de nomination fixe implicitement, mais nécessairement le classement de l'agent dans une carrière déterminée, le grade découlant de l’annexe à la loi du 22 juin 1963, il n’en reste pas moins que l’évolution d’une carrière d’un fonctionnaire au niveau du traitement n’est retraçable qu’à travers la fiche de rémunération mensuelle qui constitue la matérialisation des décisions au niveau de l’évolution du traitement du fonctionnaire, de sorte que le bulletin de rémunération renferme un élément décisionnel en ce qu’il porte sur le calcul proprement dit du traitement3.
Il s’ensuit que les bulletins de rémunération sont attaquables en ce qu’ils constituent la matérialisation des décisions sous-jacentes fixant le traitement en principal et accessoires, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé à leur encontre, en application de l’article 26 du statut général, tel que précité.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation y relatif.
Etant donné que, dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en ce qui concerne la forme et le délai d’action, force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient 1 Trib. adm. 22 juin 1999, n° 11051 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Fonction Publique, n° 176.
2 Cour adm. 6 mars 2014, n° 33591C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Fonction Publique, n° 485 et les autres références y citées.
3 Trib. adm. 19 juillet 2012, n° 29037 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Fonction Publique, n° 490.
3pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-
même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le recours serait irrecevable, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.
Il suit de ces considérations que le recours en réformation afférent est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse explique être détentrice d’un diplôme de fin d’études secondaires lui délivré en date du 1er juillet 2011, mais avoir intégré la police grand-ducale dans la carrière de l’inspecteur, actuel groupe de traitement C1.
Elle relate encore qu’après s’être vu refuser un classement d’office dans le groupe de traitement B1 par le ministre en date du 15 février 2019, avoir passé avec succès l’examen concours pour l’accès au groupe de traitement B1 organisé le 4 juillet 2019, ce qui aurait abouti à l’arrêté déféré du 6 décembre 2019 la nommant dans le groupe de traitement B1 avec effet au 1er octobre 2019.
Elle fait relever, dans ce contexte, qu’au 1er octobre 2019, elle aurait affiché une ancienneté de 6 ans au sein de la police grand-ducale depuis sa nomination définitive, respectivement 8 ans avec les deux années passées à l’école de police.
La partie demanderesse passe ensuite en revue ses bulletins de rémunération pour les mois de septembre 2019 à avril 2020, qui n’auraient, dans un premier temps, pas pris en compte son changement de groupe à partir du 1er octobre 2019, de sorte qu’un redressement aurait été nécessaire dans le cadre du bulletin de rémunération pour le mois de février 2020.
En raison de son reclassement dans le groupe de traitement B1, la partie demanderesse donne à considérer qu’elle serait passée du grade F3, échelon 6, 184 points indiciaires, au grade F6, échelon 6, 230 points indiciaires. Ses primes d’astreinte et de régime militaire, ayant, quant à elles diminué, étant passées de 22, respectivement 35 points indiciaires à 12, respectivement 15 points indiciaires, à partir du 1er octobre 2019.
Quant au recours dirigé contre l’arrêté ministériel déféré du 6 décembre 2019 En droit et en ce qui concerne son classement au grade F6, la partie demanderesse fait plaider que l’arrêté ministériel déféré du 6 décembre 2019 aurait été pris en violation du principe d’égalité devant la loi, tel qu’il serait prévu à l’article 10bis de la Constitution, se comparant principalement aux fonctionnaires de l’Etat, employés de l’Etat et fonctionnaires communaux et, subsidiairement aux policiers de la carrière C1 ayant accédé au groupe de traitement B1, par le biais de la voie expresse au sens de l’article 94 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la police grand-ducale, dénommée ci-après « la loi du 18 juillet 2018 », et, plus subsidiairement, aux policiers de la carrière C1 ayant accédé au groupe de traitement B1, par le biais de la carrière ouverte en application de l’article 79 de la loi du 18 juillet 2018.
Ainsi, concernant d’abord les fonctionnaires de l’Etat, la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des 4fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », en ses articles 43 et 47, aurait procédé au reclassement au groupe de traitement B1 des expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, des informaticiens diplômés, des préposés de la nature et des forêts, des techniciens diplômés, des agents sanitaires, des assistants techniques médicaux, des éducateurs, des infirmiers et des infirmiers spécialisés, tous détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générale ou d'un diplôme équivalent.
Il en aurait été de même en ce qui concerne les employés de l’Etat pour lesquels la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État, ci-
après dénommée « la loi modifiée du 25 mars 2015 (employés de l'Etat) », à travers les articles 18 et 19, aurait procédé au reclassement, dans le nouveau groupe d'indemnité B1, des employés de l'Etat détenteurs de diplômes de fin d'études secondaires, de diplômes de fin d'études secondaires générales et de diplômes équivalents.
Pour les fonctionnaires communaux, le reclassement aurait eu lieu par le biais des articles 40 et 44 du règlement grand-ducal modifié du 28 juillet 2017 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires communaux, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 ».
La partie demanderesse fait relever que tous ces agents reclassés auraient accédé dans le groupe de traitement B1 au grade correspondant à leur ancienneté de service acquise depuis la date de début de leur carrière au groupe de traitement ou d'indemnité initial, sans devoir repasser un examen de promotion dans le groupe de traitement ou d'indemnité B1 si celui-ci aurait déjà été réussi dans leur carrière ou groupe de traitement ou d'indemnité initial.
Au niveau de l'échelon qui leur serait appliqué, la loi du 25 mars 2015 aurait prévu un reclassement « à la valeur de l'échelon barémique atteint la veille de l'entrée en vigueur de la présente loi ou à défaut à la valeur de l'échelon barémique immédiatement supérieur », la loi du 25 juillet 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et employés de l'État ayant néanmoins changé ce système, en remplaçant « le mécanisme de reclassement à la même valeur d'échelon, qui fut utilisé à l'époque, par un reclassement au même numéro d'échelon, diminué d'un échelon ».
Or, pour les policiers s’étant vus reclassés, comme elle, dans le groupe de traitement B1 suite à la réussite de l’examen concours, l’article 66 de la loi du 18 juillet 2018 se limiterait à les dispenser de suivre la formation professionnelle de base du groupe de traitement B1, si celle du groupe C1 a été passée avec succès, sans pour autant préciser les règles sur la promotion, l'avancement en grade et en échelon s'appliquant aux candidats ayant réussi à l'examen-concours et qui ont déjà suivi avec succès la formation professionnelle de base du groupe de traitement Cl, au moment de leur nomination dans le groupe de traitement B1.
Or, par application des règles d'accès au groupe de traitement B1, applicables aux autres catégories d’agents publics mis en exergue, la partie demanderesse estime qu’elle aurait dû être nommée dans le groupe de traitement B1 au grade de traitement F8, à l'échelon 5 à 266 points indiciaires, au lieu de son classement, après la réussite de l'examen-concours pour l'accès au groupe de traitement B1, au grade de début de traitement du groupe de traitement B1, donc au grade F6, à l'échelon 6 à 230 points indiciaires.
5 La partie demanderesse propose trois questions préjudicielles à poser à la Cour Constitutionnelle à cet effet.
Dans son mémoire en réplique et par rapport à l’argumentation étatique selon laquelle les situations des autres agents publics mis en exergue ne seraient pas comparables à la sienne, s'agissant plutôt d'un choix de nature politique qu’il n'appartient pas au tribunal de contrecarrer, la partie demanderesse fait relever que même si le choix politique du législateur échapperait a priori au contrôle des juridictions de droit commun, ce serait néanmoins sous réserve du contrôle de la conformité à la Constitution des dispositions législatives concernées, alors que, dans un état de droit, la définition du champ d'application des différents régimes légaux ne pourrait pas être arbitraire, le principe d'égalité étant devenu, dans la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, un instrument puissant de contrôle du législateur.
S’il serait permis au législateur, sans violer le principe constitutionnel de l'égalité, de soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, cette possibilité serait néanmoins liée à la condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.
Ainsi, la partie demanderesse estime que les situations qu’elle aurait mises en exergue dans le cadre de son moyen tenant à une violation de l’article 10bis de la Constitution seraient tout à fait comparables, relevant que le ministre lui-même, dans sa décision précitée du 15 février 2019, aurait notamment présenté le reclassement au groupe de traitement B1 par examen-concours comme alternative au reclassement automatique lui refusé.
La partie demanderesse formule également une nouvelle question préjudicielle dans ce contexte.
Or, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé que la partie demanderesse, en tant que membre de la police grand-ducale, n’est pas comparable aux autres agents publics mis en exergue, alors qu’il ressort d’un arrêt de la Cour Constitutionnelle du 26 novembre 2021, inscrit sous le numéro 00168 du registre, que « La nécessité préalable d’une restructuration du statut particulier de la Police grand-ducale, corps relevant de la force publique, essentiellement hiérarchisée à sa base, par l’instauration de nouvelles catégories et de nouveaux groupes de traitement et par l’introduction du mécanisme de la voie expresse à partir de la seule catégorie de traitement C, laisse apparaître que la situation du cadre policier de la Police grand-ducale est spécifique à tel point qu’elle doit être analysée à part et n’est pas comparable à celle des fonctionnaires de l’État en général, ni à celle des fonctionnaires expéditionnaires informaticiens, détenteurs d’un diplôme luxembourgeois de technicien ou d’un diplôme équivalent, ni à celle des fonctionnaires communaux. ».
Il en va nécessairement de même en ce qui concerne la comparabilité entre policiers et fonctionnaires communaux, d’un côté, et employés de l’Etat, de l’autre côté, ces derniers n’étant déjà, par la nature de leur statut, pas comparables aux fonctionnaires de l’Etat, tel que cela a également été retenu par la Cour Constitutionnelle en soulignant notamment, dans son arrêt du 15 novembre 2013, inscrit sous le numéro 103/13 du registre, que « sous l’aspect de leur régime en général […], la situation des deux catégories, employés de l’Etat et fonctionnaires de l’Etat, n’est pas comparable; ».
6 Il s’ensuit que ce premier moyen de violation de l’article 10bis de la Constitution est d’ores et déjà à rejeter pour être manifestement infondé, sans qu’il n’y ait lieu de saisir la Cour Constitutionnelle à cet effet, étant relevé qu’en application de l’article 6 de la loi modifiée du 7 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, dénommée ci-
après « la loi du 7 juillet 1997 », « (…) Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que:
a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».
En deuxième lieu, la partie demanderesse s’estime discriminée non seulement par rapport aux fonctionnaires de police de la carrière C1 ayant accédé au groupe de traitement B1 par le mécanisme de la voie expresse, mais également par rapport à ceux y ayant accédé par le mécanisme de la carrière ouverte.
Ainsi, elle conclut d’abord à une violation de l’article 10bis de la Constitution en ce qu’elle serait traitée différemment par rapport aux policiers ayant accédé au groupe de traitement B1 par le mécanisme de la voie expresse au sens de l’article 94 de la loi du 18 juillet 2018, alors que les agents retenus au terme de la procédure de sélection accèderaient par promotion au groupe de traitement B1, soit en application de l'article 8, paragraphe 1er, alinéa 3 de la loi du 25 mars 2015, par une « nomination à un grade de traitement supérieur relevant du niveau supérieur », à savoir au grade de traitement F10 du groupe de traitement B1, contrairement à ce qui serait le cas pour l’accès par le biais de l’examen concours en application de l’article 66 de la loi du 18 juillet 2018 qui ne préciserait pas les règles sur la promotion, l'avancement en grade et en échelon s'appliquant aux candidats ayant réussi à l'examen-concours.
Or, au lieu d’accéder au grade F10, la partie demanderesse n’aurait accédé qu’au grade de traitement F6, à l'échelon 6 à 230 points indiciaires dans le groupe de traitement B1, perdant ainsi son ancienneté acquise au sein de la police grand-ducale, tout en étant obligée, malgré la réussite de l'examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police, de repasser l'examen de promotion du groupe de traitement B1.
Elle propose de poser une question préjudicielle à ce propos à la Cour Constitutionnelle.
Ensuite, la partie demanderesse s’estime discriminée, en violation de l’article 10bis de la Constitution, par rapport aux policiers ayant accédé au groupe de traitement B1 par le mécanisme de la carrière ouverte, au sens de l’article 76 de la loi du 18 juillet 2018, lesquels, en remplissant toutes les conditions, accèderaient également par promotion au grade correspondant de leur nouveau groupe de traitement, soit en application de l'article 8, paragraphe 1er, alinéa 3 de la loi du 25 mars 2015, « à un grade de traitement supérieur relevant du niveau supérieur », à savoir au grade de traitement F10 du groupe de traitement B1, étant relevé que, pendant la période transitoire de cinq ans prévue par la loi du 25 mars 2015, courant du 1er octobre 2015 au 1er octobre 2020, tous les policiers ayant accompli dix ans de service depuis leur nomination auraient encore accédé, en application de l'article 41, paragraphe 1er de cette loi, au grade de traitement F6 du groupe de traitement C1.
7 Ainsi, à nouveau, au lieu d’accéder au grade F10, la partie demanderesse n’aurait accédé qu’au grade de traitement F6, à l'échelon 6 à 230 points indiciaires dans le groupe de traitement B1, perdant ainsi son ancienneté acquise au sein de la police grand-ducale, tout en étant obligée, malgré la réussite de l'examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police, de repasser l'examen de promotion du groupe de traitement B1.
Elle propose également une question préjudicielle à cet égard à poser à la Cour Constitutionnelle.
Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse, fait souligner que le ministre lui-même, dans sa décision précitée du 15 février 2019, aurait présenté le reclassement au groupe de traitement B1, l'accès par examen-concours au groupe de traitement B1, l'accès par voie expresse au groupe de traitement B1 et l'accès, par carrière ouverte, audit groupe comme différentes possibilités d'accès au groupe de traitement B1, reconnaissant ainsi la comparabilité des différents accès au groupe de traitement B1, de sorte que les différentes situations mises en exergue seraient, contrairement aux allégations étatiques, parfaitement comparables, sans que les différences de traitement ne soient justifiées.
Elle critique encore la partie gouvernementale de ne pas prouver son allégation, selon laquelle les policiers accédant au groupe de traitement B1 par le mécanisme de la voie expresse ou par la carrière ouverte ne seraient pas nommés au grade de traitement F10. Elle souligne que le délégué du gouvernement passerait également sous silence l'absence d'obligation, pour les policiers accédant au groupe de traitement B1 par voie expresse ou carrière ouverte, de repasser un examen de promotion dans le groupe de traitement B1.
Deux nouvelles questions préjudicielles sont encore proposées par la partie demanderesse dans ce contexte.
Force est d’abord au tribunal de relever, en ce qui concerne la prémisse avancée par la partie demanderesse pour soutenir sa discrimination, que c’est à bon droit que la partie gouvernementale a souligné que l’accès « par promotion » au groupe de traitement B1 en application des articles 94, respectivement 76 de la loi du 18 juillet 2018, n’implique pas la nomination à un grade de traitement supérieur relevant du niveau supérieur, tel que la partie demanderesse le déduit de l’article 8, paragraphe 1er, alinéa 3 de la loi du 25 mars 2015, soit au grade F10, alors qu’il a été jugé par la Cour administrative, notamment dans son arrêt du 8 décembre 2022, inscrit sous le numéro 47535C du rôle, que la promotion telle que visée par l’article 94 de la loi du 18 juillet 2018 constitue une promotion sui generis4, dont les effets se règlent en application de l’article 80 de la loi du 18 juillet 20185, solution qu’il y a lieu de 4 « Le mécanisme de la voie expresse de l’article 94 de la loi du 18 juillet 2018 est d’ailleurs inspiré du mécanisme introduit par la réforme dans la Fonction publique. Or, il ressort des travaux parlementaires relatifs à la loi du 25 mars 2015 que le législateur a considéré le mécanisme temporaire de changement de groupe de traitement comme un « mécanisme de promotion complémentaire » à celui prévu par la loi (cf. doc. parl. n° 6459, commentaire des articles, p. 86).
Les dispositions de l’article 8, paragraphe (1), alinéa 3, susvisé, ne sauraient dès lors trouver application dans le cadre d’un changement de groupe de traitement par le biais du mécanisme temporaire de la voie expresse, tel que prévu par l’article 94 de la loi du 18 juillet 2018. » 5 « (…) en l’absence de disposition afférente à l’article 94, il convient de se référer à l’article 80 de la loi du 18 juillet 2018 qui dispose que : « Le membre du cadre policier qui change de groupe de traitement bénéficie d’une 8transposer par analogie au mécanisme d’accès au groupe de traitement B1 de la carrière ouverte.
C’est ensuite encore à bon droit que la partie étatique a conclu à la non comparabilité évidente des situations mises en avant par la partie demanderesse, alors que, telle qu’elle l’a soulignée elle-même dans ses développements, les conditions d’accès aux différents mécanismes d’accès au groupe de traitement B1 sont fondamentalement différentes.
En effet, selon l’article 94 de la loi du 18 juillet 2018, la voie expresse est réservée aux agents ayant « accompli quinze années de service depuis sa nomination » et étant « classé à une fonction relevant du niveau supérieur », respectivement selon l’article 76 de la loi du 18 juillet 2018, l’accès par la voie de la carrière ouverte est réservée aux agents ayant « au moins dix années de service depuis la date de sa nomination » et ayant « réussi à l'examen de promotion de son sous-groupe de traitement initial, si un tel examen y est prévu. », conditions, notamment d’ancienneté, qui n’existent pas pour l’accès au groupe de traitement B1 sous l’égide de l’article 66 de la loi du 18 juillet 2018, outre les travaux et devoirs individuels à fournir par les candidats, tels que figurant aux articles 94, respectivement 76 de la loi du 18 juillet 2018.
Dès lors que le caractère comparable des situations invoquées ne se trouve manifestement pas vérifié, il n’y a pas lieu de pousser plus loin l’analyse par rapport au principe d’égalité de traitement, de sorte que les moyens afférents visant une violation de l’article 10bis de la Constitution encourent le rejet, sans qu’il n’y ait lieu de saisir la Cour constitutionnelle des quatre questions de constitutionnalité formulées par la partie demanderesse, en application de l’article 6, point b) de la loi du 7 juillet 1997, tel que précité.
Il suit de toutes les considérations qui précèdent que le recours subsidiaire en annulation contre l’arrêté ministériel déféré du 6 décembre 2019 en ce qu’il met en cause le classement de la partie demanderesse est à rejeter en tous ses moyens.
Quant au recours dirigé contre les bulletins de rémunération déférés En ce qui concerne d’abord le bulletin de rémunération du 28 août 2019 pour le mois de septembre 2019, la partie demanderesse fait plaider en droit qu’en application des dispositions transitoires de la loi du 25 mars 2015, et plus particulièrement son article 41, prévoyant que les fonctionnaires qui, en application de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'État et de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d'avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l'État, avaient une perspective de carrière plus favorable pour l'accès aux différents grades de l'ancien cadre ouvert et de l'ancien cadre fermé peuvent bénéficier pendant une période transitoire de cinq ans, à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi, au maximum de deux avancements en grade, avancements en traitement ou promotions, d'après les anciennes dispositions d'avancement, lorsque celles-ci s'avèrent plus favorables.
La partie demanderesse fait souligner qu’avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2015, l'avancement du grade de l’inspecteur (P3) au grade de premier inspecteur (P4) aurait promotion et est classé dans son nouveau groupe de traitement au grade immédiatement supérieur à celui qu’il avait atteint dans son groupe de traitement initial. ».
9été, en application de l'article 19 du règlement grand-ducal modifié du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel policier, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 27 avril 2007 », subordonné à une ancienneté de service de 6 ans depuis la nomination définitive.
Depuis le 1er octobre 2015, l'avancement des policiers serait régi par l'article 14 de la loi du 25 mars 2015, selon lequel le fonctionnaire accède au grade F4 s’il a passé six années de grade depuis sa première nomination.
Il s’ensuivrait qu’au vu de la similitude des dispositions en conflit, elle devrait en tout état de cause passer au grade F4, échelon 6, 199 points indiciaires, dès le mois de septembre 2019, alors qu’elle aurait atteint ses six ans d’ancienneté en date du 20 septembre 2019.
Or, la partie demanderesse explique avoir seulement accédé au grade F4 en date du 1er octobre 2019.
La partie demanderesse fait encore répliquer à cet égard qu’elle conteste l’allégation du délégué du gouvernement selon laquelle, même si l’ancienneté de 6 ans serait reconnue à la date du 20 septembre 2019, l’avancement au grade F4 n’aurait pas d’impact financier pour elle, alors que les agents du groupe de traitement C1, qui n’auraient pas participé à l’examen concours ou qui ne s’y seraient pas classés en rang utile, auraient cependant accédé au grade F4.
Or, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé que s’il n’est pas contesté que la partie demanderesse a bien acquis son ancienneté de 6 ans en date du 20 septembre 2020, l’effet de l’avancement en grade y relatif ne pourrait en tout ltat de cause n’avoir lieu qu’à partir du 1er octobre 2019, alors qu’en application de l’article 6 de la loi du 25 mars 2015 dénommé « Chapitre 5 – Les échéances en matière de traitement », « (1) Le traitement est dû à partir du premier jour du mois qui suit celui pendant lequel a lieu l’entrée en fonctions du fonctionnaire. (…) (3) Les dispositions du paragraphe 1er s’appliquent également en cas d’avancement en échelon, d’avancement en traitement et de promotion ».
Il s’ensuit que la demande de réformation du bulletin de rémunération du mois de septembre 2019 en ce que la partie demanderesse entend se voir nommée au grade F4 à partir du mois de septembre 2019 est à rejeter, sans que cette conclusion ne soit énervée par le fait que la nomination au grade F4 due au 1er octobre 2019 n’a finalement pas eu lieu, en raison de la nomination de la partie demanderesse, à cette même date, au grade F6 du groupe de traitement B1.
En ce qui concerne ensuite les bulletins de rémunération pour les mois d'octobre 2019 à mars 2020, la partie demanderesse estime qu’elle aurait dû être classée à l’échelon 7 du grade F6 suivant l’application de la méthode de la reconstitution de carrière, prenant en compte non seulement le classement de début de carrière du groupe de traitement B1 à l’échelon 3, mais aussi son ancienneté de 8 années correspondant à 4 biennales.
Dans son mémoire en réplique et quant à l’invocation par la partie gouvernementale de l’article 7 de la loi modifiée du 15 décembre 20196, dénommée ci-après « la loi du 15 6 loi modifiée du 15 décembre 2019 portant modification :
10décembre 2019 », fixant l’échelon de début de carrière dans le groupe de traitement B1 à l’échelon 2 au lieu de l’échelon 3, la partie demanderesse invoque le principe de la non rétroactivité des lois inscrit à l’article 2 du Code Civil.
C’est d’abord à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé que l'échelon de début de carrière de la partie demanderesse a été fixée au deuxième échelon (194 points indiciaires) par l’article 7 de la loi du 15 décembre 2019, qui est expressément applicable, en vertu de l’article 27, paragraphe (10) de cette même loi, rétroactivement dès le 1er janvier 2019, soit non seulement au jour de nomination de la partie demanderesse dans le groupe de traitement B1, à savoir le 1er octobre 2019, mais également lors du recalcul litigieux ayant eu lieu en février 2020, sans que la partie demanderesse puisse y opposer un droit acquis à ce sujet, étant relevé que l’article 2 du Code Civil prévoit expressément l’admissibilité de lois rétroactives et que la nomination au groupe de traitement B1 en date du 6 décembre 2019 s’est limitée à fixer le grade dans lequel la partie demanderesse est reclassée.
Force est ensuite de relever que la partie demanderesse ne conteste pas, pour le surplus, les calculs présentés par le délégué du gouvernement, sur base du tableau de calcul de la reconstitution figurant au dossier administratif, selon lequel l’ancienneté de la partie demanderesse, lors du classement dans le groupe de traitement B1 a été fixée au 1er octobre 2011, prenant dès lors bien en compte les 8 années d’ancienneté depuis sa première nomination et selon lequel, en application de l’article 7 de la loi du 25 mars 20157, ont été pris en compte d’abord une annale en date du 1er octobre 2012 (203 points indiciaires), suivie de 3 biennales intervenues respectivement les 1er octobre 2014 (212 points indiciaires), 2016 (221 points indiciaires) et 2018 (230 points indiciaires), de sorte que le classement de la partie demanderesse à l’échelon 6 (230 points indiciaires) du grade F6 au 1er octobre 2019 n’encourt pas de critique.
Il s’ensuit que la demande de se voir classé à l’échelon 7 du grade F6 à partir du 1er octobre 2019 encourt le rejet.
Ensuite, la partie demanderesse estime qu’en application de l'article 66, paragraphe (2) de la loi du 18 juillet 2018, prévoyant un supplément personnel de traitement pour les agents dont le nouveau traitement serait inférieur à leur traitement de base, y compris les primes de régime militaire et d'astreinte, l'accession du groupe de traitement Cl au groupe de traitement B1 ne pourrait pas avoir pour conséquence qu’un policier touche une rémunération inférieure à la rémunération antérieurement touchée dans le groupe de traitement C1, respectivement à celle qu’il aurait touché s’il était resté dans le groupe de traitement C1.
1°de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État ;
2°de la loi modifiée du 15 juin 1999 portant organisation de l’Institut national d’administration publique ;
3°de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’État ;
4°de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’État ;
5°de la loi modifiée du 30 juillet 2015 portant création d’un Institut de formation de l’éducation nationale ;
6°de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale.
7 « Le fonctionnaire comptant depuis sa nomination définitive deux ans de bons et loyaux services dans le même échelon de son grade accède à l’échelon suivant de ce grade, sans préjudice de l’application des dispositions inscrites à l’article 5 fixant l’échéancier de cet échelon et des échelons subséquents. Il en est de même après chaque période subséquente de deux ans de bons et loyaux services. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le deuxième échelon viendra à échéance après un an de service ou un an de service computable en application de l’article 5. » 11Or, la partie demanderesse estime que si, suite au recalcul dans le cadre du bulletin de rémunération du mois de février 2020, elle aurait, pendant les mois d'octobre 2019, novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020, touché une rémunération plus élevée que celle qu'elle aurait touchée en septembre 2019, elle aurait cependant touché une rémunération moins importante que celle qu'elle aurait perçue pendant ces mêmes mois dans le groupe de traitement Cl.
En effet, tandis qu'elle aurait dû toucher, pour le mois d'avril 2020, un traitement total calculé sur base de 265 points indiciaires, primes d’astreinte et de régime militaire incluses, si elle était restée dans le groupe de traitement C1, elle n'aurait, d’après sa fiche de traitement du même mois, dans le groupe de traitement B1, seulement touché un traitement total calculé sur base de 257 points indiciaires, soit 8 points indiciaires de moins, de sorte qu’un supplément personnel de traitement de 8 points indiciaires devrait lui être accordé pour les mois en question.
La partie demanderesse fait préciser, dans sa réplique, que contrairement aux allégations étatiques, le supplément personnel de traitement ne pourrait pas seulement être appliqué au moment de la nomination au groupe de traitement B1, de même qu’elle serait parfaitement en droit de comparer sa rémunération au groupe B1 avec celle qu’elle aurait touchée au groupe C1 si elle n'avait pas réussi à l'examen-concours, traitement sur lequel elle aurait un droit acquis que son accession au groupe de traitement supérieur ne pourrait pas remettre en cause.
Elle serait dès lors en droit, contrairement aux prétentions adverses, de comparer mensuellement la différence de traitement par rapport à ce qu’elle aurait touché si elle avait continué à évoluer dans le groupe de traitement C1.
En ce qui concerne la détermination concrète du supplément personnel de traitement, la partie demanderesse conteste que ce dernier serait calculé par rapport à la différence entre le traitement touché au moment de sa nomination au groupe de traitement B1 et son traitement antérieurement perçu en septembre 2019, tel que l’affirmerait erronément le délégué du gouvernement sur base d’un extrait des travaux parlementaires d'après lequel « un complément personnel en traitement (est accordé) au cas où (le) nouveau traitement serait inférieur à celui (…) avant le changement de groupe de traitement ».
Or, d’après cet extrait, un complément personnel de traitement devrait également être accordé si le nouveau traitement est inférieur au traitement que le policier aurait continué à toucher dans le groupe de traitement C1.
La partie demanderesse fournit un exemple hypothétique devant établir l'aberration à laquelle mènerait le raisonnement étatique adopté dans l'application du supplément personnel de traitement.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette demande en allocation d’un supplément personnel de traitement.
Aux termes du 2e paragraphe de l’article 66 de la loi du 18 juillet 2018, « Au cas où leur nouveau traitement serait inférieur à leur traitement de base, y compris les primes de régime militaire et d’astreinte, ils bénéficient d’un supplément personnel de traitement. Le 12supplément personnel diminue au fur et à mesure que le traitement augmente par l’accomplissement des conditions de stage, d’examen et d’années de service. ».
Les parties sont en désaccord en ce qui concerne le moment auquel la différence en traitement au sens de l’article 66, paragraphe (2) de la loi du 18 juillet 2018 doit être constatée, la partie étatique se limitant à vérifier un éventuel écart par rapport au traitement perçu avant le changement de groupe, la partie demanderesse estimant qu’il faudrait analyser un tel écart sur la durée par une comparaison de l’évolution de l’ancienne carrière par rapport à la nouvelle.
C’est d’abord à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé qu’il ressort du commentaire de l’article 77 (devenu article 66) dans le cadre du projet de loi n° 7045, ayant abouti à la loi du 18 juillet 2018, que « Le paragraphe 2 de cet article leur accorde un complément personnel en traitement au cas où leur nouveau traitement serait inférieur à celui qu'ils avaient avant le changement de groupe de traitement. » Il s’agit dès lors d’éviter que, lors du passage a priori valorisant d’un groupe de traitement hiérarchiquement inférieur vers un groupe de traitement hiérarchiquement supérieur, soit en l’occurrence du groupe C1 au groupe B1, un agent se trouve confronté à une diminution de son traitement.
C’est dès lors au moment du changement de groupe de traitement qu’il faut se situer pour apprécier une éventuelle diminution du traitement, en comparant le dernier traitement avant le changement de groupe avec le premier traitement dans le nouveau groupe.
Les éléments du traitement à prendre en compte à cet égard sont le traitement de base, auquel se rajoutent les primes de régime militaire et d’astreinte.
Force est d’abord au tribunal de relever qu’au vu de la solution dégagée ci-avant en ce qui concerne le refus justifié de l’avancement en grade sollicité pour le mois de septembre 2019, c’est bien le classement de la partie demanderesse au 1er septembre 2019 qui est à prendre en compte pour déterminer la situation de départ, à savoir le classement au grade F3, échelon numéro 6, 184 points indiciaires.
Il ressort des fiches de traitements redressées versées au débat que le traitement touché par la partie demanderesse le premier mois dans le groupe de traitement B1, à savoir pour le mois d’octobre 2019, équivaut à un traitement de base de 230 points indiciaires, auxquels s’ajoutent 15 points de prime de régime militaire et 12 points de prime d’astreinte, soit un total de 257 points indiciaires. Or, étant donné que le mois d’avant, soit le dernier mois dans le groupe de traitement C1, à savoir septembre 2019, la partie demanderesse n’avait touché que 241 points indiciaires (traitement de base de 184 points auquel s’ajoutent 35 points de prime de régime militaire et 22 points de prime d’astreinte), le nouveau traitement n’est pas inférieur à celui qu'elle avait avant le changement de groupe de traitement, de sorte qu’il n’y a pas lieu à versement d’un supplément personnel de traitement au sens de l’article 66, paragraphe (2) de la loi du 18 juillet 2018.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de la partie demanderesse sur base d’un prétendu droit acquis à son traitement, alors qu’au-delà du constat que la partie demanderesse se rapporte à une évolution de son traitement dans un groupe de traitement dans lequel elle ne se trouve finalement plus depuis le 1er octobre 2019, le supplément 13personnel de traitement, comme cela résulte des développements qui précèdent, ne saurait non seulement pas faire revivre des expectatives de carrières d’un groupe de traitement dans lequel on ne se trouve plus, mais également pas consacrer un droit acquis à un traitement qui, en vertu de l’article 21 du statut général, reste toujours couplé à une certaine fonction respectivement à un certain classement dans la carrière.
Par ailleurs, au vu des expectatives de carrière nettement plus avantageuses à long terme dans le groupe de traitement B1, la partie demanderesse ne saurait faire valoir qu’elle aurait eu intérêt à rester dans le groupe de traitement C1.
La demande en allocation d’un supplément de traitement pour le mois d’avril 2020 est dès lors à rejeter.
Finalement, la partie demanderesse estime, dans le cadre de son recours dirigé contre ses bulletins de rémunération, que les articles 22 et 23 de la loi du 25 mars 2015 violeraient l’article 10bis de la Constitution, en ce que la valeur des primes d’astreinte respectivement de régime militaire serait moindre pour les agents du groupe de traitement B1 par rapport à celles du groupe C1, sans qu’un telle différenciation ne soit objectivement justifiée, surtout dans le contexte de policiers qui, quel que soit le groupe de traitement dans lequel ils se trouvent, C1 ou B1, réaliseraient exactement le même travail.
Elle demande, dans cette optique, au tribunal de soumettre, avant tout progrès en cause, les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :
« L'article 22, paragraphe 2, b) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime d'astreinte de 12 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport à l'article 22, paragraphe 1er, c) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, qui fait bénéficier les policiers du groupe de traitement C1 d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires? ».
« L'article 23, paragraphe 1, alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime de régime militaire de 15 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport à l'article 23, paragraphe 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, qui fait bénéficier les policiers du groupe de traitement C1 d'une prime de régime militaire de 35 points indiciaires? ».
Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse s’offusque encore contre l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle le montant des primes résulterait de la loi et ne constituerait pas une décision individuelle du gouvernement, de sorte à insinuer que le choix politique opéré par le législateur ne saurait être discuté, sans que ce dernier ne fournisse cependant une quelconque justification quant à la différence de traitement opérée.
Etant donné que la différence de traitement en ce qui concerne le montant des primes ne serait pas objective, rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, la 14question de la constitutionalité des dispositions législatives y relatives serait parfaitement fondée.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce dernier volet du recours, en soulignant que la hauteur de la prime d'astreinte serait légalement fixée par l'article 22 de la loi du 25 mars 2015 et celle de la prime de régime militaire par l'article 23 de la même loi, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’une décision individuelle du gouvernement.
Il donne à considérer que la situation d'un agent du groupe de traitement Cl et celle d'un agent du groupe de traitement B1 ne seraient pas comparables, car ces deux catégories de personnes se trouveraient dans des carrières différentes et donc pas dans la même situation de fait.
Aux termes de l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. (…) ».
Il échet de relever que ce principe constitutionnel interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.
Le contrôle de la constitutionalité d’une loi étant le monopole de la Cour Constitutionnelle, il est rappelé que l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 dispose que :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :
a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».
En l’espèce, les deux questions de constitutionalité ainsi soulevées visent les articles 22, respectivement 23 de la loi du 25 mars 2015, fixant, notamment pour les agents de police relevant des groupes de traitement C1 et B1, la valeur des primes d’astreinte, respectivement de régime militaire.
Aux termes de l’article 22 de la loi du 25 mars 2015 « (1) Une prime d’astreinte de 22 points indiciaires est allouée: (…) c) aux agents de la catégorie de traitement C, autres que ceux du groupe de traitement C1 sous-groupe à attributions particulières, de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police, ainsi que l’officier appelé à exercer les fonctions d’infirmier gradué de l’armée; (…) ».
(2) Une prime d’astreinte de 12 points indiciaires est allouée: (…) b) aux agents de la catégorie de traitement B, groupe de traitement B1 du sous-
groupe policier de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police»; (…) ».
15Aux termes de l’article 23 de la loi du 25 mars 2015, « (1) Une prime de régime militaire non pensionnable de 35 points indiciaires est allouée aux agents relevant de la catégorie de traitement C de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police».
Une prime de régime militaire non pensionnable de 15 points indiciaires est allouée aux agents relevant des groupes de traitement A1, A2 et B1 de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police ». (…) ».
Il suit de ces deux dispositions que les primes d’astreinte et de régime militaires sont effectivement moindres pour les agents du groupe de traitement B1 que pour ceux du groupe C1.
La partie demanderesse contestant ses bulletins de rémunération à partir du mois d’octobre 2019, premier mois en tant qu’agent du groupe de traitement B1, en ce que les primes d’astreinte, respectivement de régime militaire lui octroyées ne sont plus que de 12, respectivement 15 points indiciaires, il y a lieu de retenir que les réponses auxdites questions sont susceptibles d’avoir des répercussions directes sur la légalité des bulletins de rémunération déférés et doivent partant être considérées comme étant nécessaires à la solution du litige.
Etant donné que la Cour Constitutionnelle n’a pas encore statué sur des questions ayant le même objet, il appartient dès lors au tribunal de vérifier si les questions ne sont pas dénuées de tout fondement.
Il s’agit dès lors, dans un premier temps, de vérifier si les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent a priori dans une situation comparable au regard des mesures invoquées.
Force est au tribunal de constater que si les agents mis en comparaison appartiennent à deux groupes de traitement bien distincts, à savoir le groupe de traitement B1 et C1, correspondant aux anciennes carrières moyenne respectivement inférieure en ce qui concerne la fonction publique générale, force est néanmoins de relever qu’au sein de la police grand-
ducale, les groupes de traitement C1 et B1 ne se distinguent a priori pas en ce qui concerne les fonctions exercées, la nomination dans l’une ou l’autre de ces groupes de traitement dépendant principalement de la détention d’un diplôme de fin d’études secondaires, respectivement de la reconnaissance d’une expérience professionnelle équivalente.
Or, il échet de relever que la partie gouvernementale se limite à invoquer le fait qu’il s’agirait de deux groupes de traitement distincts, sans pour autant prendre plus amplement position quant aux explications de la partie demanderesse selon lesquelles les agents de la police grand-ducale, qu’ils appartiennent au groupe de traitement C1 ou au groupe de traitement B1, exécuteraient exactement les mêmes fonctions, affirmation corroborée notamment par les fiches de postes versés en cause, lesquelles prévoient à chaque fois, pour les postes en question, un niveau de recrutement « Carrière policière B1 ou C1 », respectivement « Carrière policière B1, C1 ou C2 » et même « Carrière policière A1, B1 et C1 ». Etant donné que la loi du 18 juillet 2018 ne distingue a priori pas clairement entre les fonctions exercées par ces deux groupes de traitement, prévoyant en tout état de cause, en son article 54, les mêmes grades d’ancienneté pour les catégories de traitement B et C, une différenciation de traitement au niveau des primes d’astreinte et de régime militaire entre les différentes catégories d’agents se trouvant a priori dans une situation comparable pourrait 16effectivement être constitutive d’une violation de l’article 10bis de la Constitution à défaut de justification y relative dans l’exposé des motifs, respectivement dans le commentaire de l’article afférent du projet de loi.
Au regard du fait que la comparabilité des statuts n’est pas d’ores et déjà dénuée de tout fondement, le tribunal ne saurait conclure au caractère manifestement non fondé des questions de constitutionalité soulevées, de sorte qu’il échet de surseoir à statuer et de poser, avant tout progrès en cause, à la Cour Constitutionnelle les questions préjudicielles plus amplement détaillées au dispositif du présent jugement.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté du ministre de la Sécurité intérieure du 6 décembre 2019 portant nomination de la partie demanderesse au grade F6 du groupe de traitement B1;
reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision précitée du ministre de la Sécurité intérieure du 6 décembre 2019 ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de rémunération des mois de septembre 2019 à mars 2020 ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
au fond, déclare le recours dirigé contre le bulletin de rémunération pour le mois de septembre 2019 non justifié, partant en déboute ;
pour le surplus et avant tout autre progrès en cause, tous autres droits des parties étant réservés, soumet à la Cour Constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
1) « L'article 22, paragraphe 2, b) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime d'astreinte de 12 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport aux policiers du groupe de traitement C1, bénéficiant aux termes de l'article 22, paragraphe 1er, c) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires? ».
2) « L'article 23, paragraphe 1, alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime de régime militaire de 15 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport aux policiers du groupe de traitement C1, bénéficiant, aux termes de l'article 23, paragraphe 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, d'une prime de régime militaire de 35 points indiciaires? » ;
17 sursoit à statuer pour le surplus ;
réserve les frais et dépens ;
fixe l’affaire au rôle général.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2023 par :
Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 janvier 2023 Le greffier du tribunal administratif 18