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15/12/2022 | LUXEMBOURG | N°45269

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2022, 45269


Tribunal administratif N° 45269 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2022:45269 2e chambre Inscrit le 24 novembre 2020 Audience publique 15 décembre 2022 Recours formé par la société anonyme …, …, contre une « décision » du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Steinfort, contre une décision du conseil communal de Steinfort et contre une décision du ministre de l’Intérieur, en présence de Monsieur …, …, et de Monsieur …, …, en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45

269 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020 par Maître Géral...

Tribunal administratif N° 45269 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2022:45269 2e chambre Inscrit le 24 novembre 2020 Audience publique 15 décembre 2022 Recours formé par la société anonyme …, …, contre une « décision » du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Steinfort, contre une décision du conseil communal de Steinfort et contre une décision du ministre de l’Intérieur, en présence de Monsieur …, …, et de Monsieur …, …, en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45269 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020 par Maître Géraldine Mersch, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) de « […] la décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Steinfort du 18 novembre 2019 portant un avis favorable quant au projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » au lieu-dit « … » concernant des fonds sis à …, commune de Steinfort […] », 2) de « […] la décision du conseil communal de la commune de Steinfort du 11 juin 2020 portant approbation du projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » au lieu-dit « … » concernant des fonds sis à …, commune de Steinfort […] » et 3) de « […] la décision de Madame le Ministre de l’Intérieur notifiée au conseil communal de la commune de Steinfort par courrier du 27 août 2020 et portant approbation du projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » au lieu-dit « … » concernant des fonds sis à …, commune de Steinfort […] » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges Weber, demeurant à Diekirch, du 26 novembre 2020, portant signification du susdit recours à Monsieur …, demeurant à L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luana Cogoni, en remplacement de l’huissier de justice Véronique Reyter, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 30 novembre 2020, portant signification de ce même recours, d’une part, à l’administration communale de Steinfort, établie à L-8443 Steinfort, 4, Square Général Patton, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions et, d’autre part, à Monsieur …, demeurant à 1 L-… ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2020 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie Prüm-Carré, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2020 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Steinfort, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2021 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2021 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Steinfort, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2021 par Maître Géraldine Mersch, au nom de la société demanderesse, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2021 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2021 par Maître Steve Helminger, au nom l’administration communale de Steinfort, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 27 octobre 2022, les parties s’étant excusées et rapportées à leurs écrits.

Le 18 novembre 2019, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Steinfort, ci-après désigné par « le collège des bourgmestre et échevins », avisa favorablement le projet d’aménagement particulier « … », introduit par la société à responsabilité limitée … au nom et pour le compte de Messieurs … et … et couvrant les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Steinfort, section … de …, sous les numéros … et …, ci-après désignées par « les parcelles … et … ».

Par courrier de son litismandataire de l’époque du 20 décembre 2019, la société anonyme …, ci-après désignée par « la société … », propriétaire de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Steinfort, section … de …, sous le numéro …, ci-après désignée par « la parcelle … », soumit au collège des bourgmestre et échevins ses objections à l’encontre de ce projet d’aménagement particulier.

2 Lors de sa séance du 11 juin 2020, le conseil communal de Steinfort, ci-après désigné par « le conseil communal », adopta le projet d’aménagement particulier « … ».

Par décision du 27 août 2020, le ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 11 juin 2020 portant adoption du projet d’aménagement particulier « … ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation (i) de « […] la décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Steinfort du 18 novembre 2019 portant un avis favorable quant au projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » au lieu-dit « … » concernant des fonds sis à …, commune de Steinfort […] », (ii) de « […] la décision du conseil communal de la commune de Steinfort du 11 juin 2020 portant approbation du projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » au lieu-dit « … » concernant des fonds sis à …, commune de Steinfort […] » et (iii) de « […] la décision de Madame le Ministre de l’Intérieur notifiée au conseil communal de la commune de Steinfort par courrier du 27 août 2020 et portant approbation du projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » au lieu-dit « … » concernant des fonds sis à …, commune de Steinfort […] ».

A titre liminaire, le tribunal constate que la requête introductive d’instance a été signifiée à Monsieur … le 26 novembre 2020 et à Monsieur … le 30 novembre 2020.

Si ces derniers n’ont pas constitué avocat, il n’en reste pas moins qu’en application de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’un jugement contradictoire.

I) Quant à la compétence Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé.1 Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce.

Il est par contre compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation.

II) Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Actes réglementaires, n° 54 et les autres références y citées.

3 (« PAP ») est prévue par la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 ». Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

Le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés. Or, dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise.2 Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter (1) de la loi du 19 juillet 2004, tel que modifié en dernier lieu par la loi précitée du 1er août 2011, « La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1er août 2011.

La procédure d’adoption des projets d’aménagement particulier, qui a été entamée avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 4 de la présente loi qui étaient en vigueur avant le 1er août 2011. ».

En l’espèce, le tribunal relève que la procédure d’adoption du PAP « … » a été entamée par la délibération susvisée du collège des bourgmestre et échevins du 18 novembre 2019, soit après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter (1), alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018 et 18 juillet 2018.

III) Quant à la recevabilité (i) Quant à la question du caractère attaquable de la délibération du collège des bourgmestre et échevins du 18 novembre 2019 Tant l’Etat que l’administration communale de Steinfort, ci-après désignée par « l’administration communale », soulèvent l’irrecevabilité du recours en ce qu’il vise la délibération du collège des bourgmestre et échevins du 18 novembre 2019, au motif, en 2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées.

4 substance, qu’il ne s’agirait pas d’un acte administratif susceptible de recours contentieux, mais d’un simple acte préparatoire.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse se rapporte à prudence de justice quant à ce moyen d’irrecevabilité.

L’intervention du collège des bourgmestre et échevins prévue par les alinéas 1er et 2 de l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, datant en l’espèce du 18 novembre 2019, ne comporte aucune adoption ni approbation du projet d’aménagement particulier, mais a pour unique objet une analyse de la conformité du projet avec le plan ou projet d’aménagement général. A l’instar du vote positif du conseil communal prévu, en matière de plan d’aménagement général (« PAG »), par l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, une telle analyse ne fait que préparer l’adoption ultérieure du PAP, sans être susceptible de produire par elle-même des effets juridiques sur la situation personnelle ou patrimoniale des administrés, de sorte à constituer, non pas un acte administratif de nature à faire grief, mais un simple acte préparatoire ne pouvant, en tant que tel, faire l’objet d’un recours contentieux.3 Il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable, pour autant qu’il vise la délibération du collège échevinal du 18 novembre 2019.

(ii) Quant à la recevabilité du recours quant à la forme, quant au délai et quant à l’intérêt à agir de la société demanderesse Tant l’administration communale que l’Etat se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme et au délai. L’administration communale se rapporte, par ailleurs, à prudence de justice quant à l’intérêt à agir de la société demanderesse.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation4, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions5. Dès lors et dans la mesure où l’administration communale et l’Etat sont restés en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant au délai et à la forme, respectivement en quoi le propriétaire d’une parcelle n’aurait pas intérêt à agir à l’encontre d’une décision communale portant rejet de ses objections dirigées à l’encontre d’un projet de PAP couvrant des parcelles voisines et contre la décision ministérielle d’approbation afférente, leurs contestations afférentes encourent le rejet.

(iii) Quant à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il comporterait des demandes nouvelles La partie étatique souligne qu’à l’exception de son moyen tiré de la violation de l’article 44 du règlement sur les bâtisses, les différentes irrégularités soulevées dans la requête 3 Trib. adm., 25 mai 2020, n° 40602 du rôle, confirmé par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44740C du rôle, Pas. adm.

2021, V° Actes réglementaires, n° 66 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.

5 introductive d’instance n’auraient pas été invoquées par la société demanderesse au cours de la procédure précontentieuse, de sorte que les contestations afférentes seraient tardives et devraient s’analyser en des demandes nouvelles, qui seraient à déclarer irrecevables. Sont ainsi visés les moyens suivants :

- le moyen tiré de l’incompétence de la commune pour renoncer au bénéfice de la servitude de vue prévue par l’article 678 du Code civil, - le moyen tiré de la violation de l’article 29 de la loi du 19 juillet 2004, au motif de l’absence d’un schéma directeur, - le moyen tiré de la violation de l’article 44.02 du règlement sur les bâtisses, au motif que le bloc A prévu par le PAP litigieux ne respecterait pas le recul postérieur y prescrit, - le moyen ayant trait à la violation par la partie graphique du PAP « … » de la partie écrite de ce dernier, - le moyen tiré de la violation de l’article 36 du règlement sur les bâtisses, au motif du non-respect des dispositions de celui-ci relatives au nombre d’emplacements de stationnements requis, - le moyen ayant trait à l’absence d’une représentation axonométrique dans le rapport justificatif du PAP litigieux et - le moyen tiré de la violation de l’article 2 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 ».

L’administration communale rejoint cette argumentation de la partie étatique.

La société … conclut au rejet du moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé par les parties défenderesses.

De l’entendement du tribunal, ces dernières soulèvent, à travers cette argumentation ayant trait à la formulation de demandes nouvelles non admissibles, l’irrecevabilité omisso medio du recours, en ce qu’il se fonderait sur des moyens non invoqués au cours de la phase précontentieuse.

A cet égard, le tribunal relève qu’à travers l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, le législateur a organisé une procédure précontentieuse de réclamation comprenant, à la différence de celle applicable en matière de PAG, une seule étape. Ainsi, l’article 30, alinéas 5 et 6 de ladite loi du 19 juillet 2004 prévoit que le projet d’aménagement particulier fait l’objet d’une publication, comprenant, notamment, le dépôt du projet pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ainsi que des mesures de publicité de ce dépôt. L’alinéa 8 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que « Dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent, sous peine de forclusion, être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins par les personnes intéressées. », tandis que l’alinéa suivant de la même disposition légale précise que le projet est ensuite soumis par le collège des bourgmestre et échevins, avec, notamment, les observations et les objections, au vote du conseil communal, régi par les alinéas 6 10 et 11 dudit article 306. La décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement particulier est, par la suite, soumise au ministre pour approbation, en vertu de l’alinéa 12 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004.

Aux termes d’une jurisprudence des juridictions administratives devenue constante, le recours introduit devant le juge administratif contre un PAP n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation ainsi mise en place par l’article 30 de cette même loi, impliquant en particulier que l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser au collège des bourgmestre et échevins à l’encontre du projet d’aménagement particulier entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif.7 En ce qui concerne le contenu de la réclamation à adresser au collège des bourgmestre et échevins, il convient d’abord de constater que la loi du 19 juillet 2004 a prévu à travers son article 30 une procédure non contentieuse d’adoption et d’approbation des PAP tendant à voir disparaître, au cours de l’élaboration du PAP, les objections et réclamations solutionnées, tout en ne laissant subsister que celles maintenues et réitérées, lesquelles seraient partant seules susceptibles d’être portées devant les juridictions de l’ordre administratif. Le fait que l’intention du législateur est de faire disparaître au fur et à mesure des procédures d’aplanissement des différends les différentes demandes et réclamations des administrés implique que seules les réclamations d’ores et déjà formulées au cours de la procédure précontentieuse sont susceptibles d’être portées devant le juge administratif, étant précisé à cet égard que la motivation à l’appui de ces réclamations peut être complétée et développée durant la phase contentieuse pour autant que la réclamation en elle-même ait d’ores et déjà été présentée en phase précontentieuse. Il y a partant lieu de distinguer entre le moyen nouveau avancé à l’appui d’une réclamation et la demande nouvelle invoquée une toute première fois devant les juridictions administratives. Ainsi, le moyen nouveau qui se définit comme la raison de droit ou de fait invoquée à l’appui de la réclamation est susceptible d’être invoqué devant le tribunal administratif même s’il y est invoqué pour la première fois, pour autant que la réclamation ait d’ores et déjà traversé la procédure précontentieuse sans aboutir. En revanche, les demandes nouvelles, se définissant comme demandes qui diffèrent de la demande initiale contenue dans la réclamation par son objet, par sa cause ou par les personnes entre qui elle est engagée, n’ayant pas été présentées au cours de la procédure d’élaboration du PAP, mais qui sont invoquées pour la première fois devant les juges administratifs, sont irrecevables.8 En l’espèce, le tribunal constate qu’à travers le courrier, précité, de son litismandataire de l’époque du 20 décembre 2019, la société demanderesse a entendu introduire des observations et objections contre le « […] projet d’aménagement particulier PAP-Nouveau quartier « … » […] ». Ces observations et objections tendaient, en substance, à convaincre le conseil communal de ne pas adopter, sous sa forme soumise à l’enquête publique, ledit projet, 6 Art. 30, al. 10 et 11 de la loi du 19 juillet 2004 : « Le conseil communal décide de la recevabilité en la forme et quant au fond des observations et objections présentées au collège des bourgmestre et échevins et peut, soit adopter le projet d’aménagement particulier dans sa présentation originale, soit y apporter des modifications répondant à l’avis de la cellule d’évaluation et aux observations et objections, soit rejeter le projet. Dans ce dernier cas, le dossier est clôturé.

Si le conseil communal souhaite apporter au projet des modifications nouvelles autres que celles visées à l’alinéa précédent, il doit recommencer la procédure prévue aux alinéas 1 et suivants. ».

7 P. ex. : trib. adm., 10 juillet 2014, n° 32627 du rôle, confirmé par Cour adm., 4 juin 2015, n° 35035C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme, n° 716 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 25 mai 2020, n° 40602 du rôle, confirmé par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44740C du rôle, Pas. adm.

2021, V° Urbanisme, n° 717 et les autres références y citées.

7 en raison de certaines irrégularités.

Le tribunal constate ensuite que le recours contentieux sous examen vise, à son tour, l’annulation de la décision du conseil communal portant adoption de ce même projet d’aménagement particulier et de la décision ministérielle portant approbation de cette décision.

Indépendamment de l’argumentation juridique soulevée, d’une part, au cours de la procédure précontentieuse d’adoption du PAP litigieux et, d’autre part, dans le cadre du présent litige, force est au tribunal de constater que les demandes présentées dans le cadre de ces deux procédures sont identiques, en ce qu’elles tendent, en substance, à la disparition de l’ordonnancement juridique du PAP sous examen. En effet, aucune demande nouvelle ne peut être décelée dans le recours sous examen par rapport aux observations et objections introduites devant le collège des bourgmestre et échevins à l’encontre du PAP litigieux.

Le moyen d’irrecevabilité omisso medio sous analyse encourt, dès lors, le rejet.

A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le tribunal conclut que le recours subsidiaire en annulation, pour autant qu’il vise les décisions communale et ministérielle portant adoption, respectivement approbation du PAP litigieux, est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

IV) Quant au fond A titre liminaire, le tribunal relève qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’inscrivent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens tenant à la légalité interne, étant précisé qu’après avoir jugé les qualités et intérêt à agir d’une personne comme étant vérifiés, la juridiction administrative ne vérifie pas l’intérêt au moyen9.

Le tribunal précise, encore à titre liminaire, que les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, respectivement lorsqu’elles adoptent un PAP, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.10 Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune 9 Cour adm., 12 février 2015, n° 34667C, 34671C et 34683C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 9 et les autres références y citées ; voir également : trib. adm. prés., 9 novembre 2015, n° 37082 du rôle, Pas.

adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 37 et les autres références y citées.

10 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme, n° 195 et les autres références y citées.

8 erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité.11 Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, respectivement lorsqu’elles adoptent un PAP, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

(i) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004 La société demanderesse soutient que le projet d’aménagement particulier n’aurait été soumis au vote du conseil communal qu’en date du 11 juin 2020, alors que le délai prévu à cette fin par l’article 30, alinéa 9 de la loi du 19 juillet 2004 aurait expiré au plus tard le 17 avril 2020.

De ce fait, les décisions déférées devraient encourir l’annulation, la société demanderesse soulignant que le dépassement du délai susmentionné l’aurait placée dans une situation d’incertitude quant au sort de ses objections dirigées à l’encontre du projet de PAP.

En réponse à l’argumentation des parties communale et étatique, selon laquelle, en substance, le délai prévu à l’article 30, alinéa 9 de la loi du 19 juillet 2004 constituerait un délai d’ordre, et non pas un délai de rigueur, de sorte que seul le dépassement d’un délai raisonnable serait susceptible de justifier l’annulation des décisions déférées, la société demanderesse fait valoir, dans son mémoire en réplique, d’une part, que l’article 10 du règlement grand-ducal modifié du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 aurait autorisé les conseils communaux de procéder au vote par procuration 11 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.

9 et par vidéoconférence, de sorte que les parties défenderesses ne sauraient valablement se prévaloir de l’état de crise déclaré par ce même règlement grand-ducal en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 et, d’autre part, que l’adoption du PAP litigieux ne serait intervenue que le 11 juin 2020, soit presque huit mois après le vote du collège échevinal du 18 novembre 2019, ce qui ne constituerait pas un délai raisonnable, la société … soulignant, à cet égard, que suite à l’introduction de ses observations et objections, elle se serait trouvée dans une situation d’attente.

Aux termes de l’article 30, alinéa 9 de la loi du 19 juillet 2004, « Le projet d’aménagement particulier est ensuite soumis par le collège des bourgmestre et échevins avec l’avis de la cellule d’évaluation, avec les observations et objections, le cas échéant, avec le rapport justificatif et s’il y a lieu, avec les propositions de modifications répondant à l’avis de la cellule d’évaluation et aux observations et objections présentées, au vote du conseil communal au plus tard dans les trois mois qui suivent l’écoulement du délai prévu à l’alinéa 3. ».

L’alinéa 3, auquel il est ainsi fait référence, prévoit, quant à lui, que « La cellule d’évaluation émet son avis quant à la conformité et à la compatibilité du projet avec les dispositions de la loi et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, ses règlements d’exécution, ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi précitée du 30 juillet 2013 endéans un mois de la réception du dossier complet. ».

Il s’ensuit que le projet d’aménagement particulier doit être soumis au vote du conseil communal dans les trois mois qui suivent l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la réception du dossier complet par la cellule d’évaluation.

En l’espèce, le tribunal constate que la date de la réception du dossier complet par la cellule d’évaluation, dont l’avis date du 20 décembre 2019, ne se dégage pas des pièces soumises à son appréciation.

Si la société demanderesse se prévaut du fait que l’article 30, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que le dossier complet doit être soumis à la cellule d’évaluation dans un délai de trente jours à compter de sa réception par le collège échevinal, pour en déduire qu’en l’espèce, le délai prévu à l’article 30, alinéa 9, précité, de la loi du 19 juillet 2004 aurait expiré au plus tard le 17 avril 2020, compte tenu du fait que le collège échevinal a émis son avis favorable en date du 18 novembre 2019, le tribunal relève qu’en matière de délais, la distinction est faite entre le délai d’ordre et le délai de rigueur. Le délai d’ordre est celui auquel l’administration ne doit pas nécessairement obéir puisqu’il s’agit d’un délai indicatif qui a pour objectif d’accélérer l’action administrative, sans pour autant, en principe, priver, par son expiration, l’administration de sa compétence ratione temporis. A côté du délai facultatif que constitue le délai d’ordre, on retrouve le délai impératif qu’est le délai de rigueur dont le dépassement est, lui, sanctionné. Le fondement de cette distinction réside dans le caractère facultatif ou obligatoire de l’exercice de la compétence par l’administration. Ainsi, dans le cas où l’exercice de la compétence est facultatif, le délai prescrit doit être considéré comme de rigueur ; sans cela, pareil délai n’aurait aucune portée. A l’inverse, le délai qui assortit une compétence dont l’exercice est obligatoire ne peut être qu’un délai d’ordre.12 12 Cour adm., 1er juillet 2010, n° 26747C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Travail, n° 188 et les autres références y citées.

10 Partant, par application de ce critère de distinction, le délai inscrit à l’article 30, alinéa 9 de la loi du 19 juillet 2004 est à considérer comme délai d’ordre, le collège des bourgmestre et échevins ayant l’obligation de soumettre le projet d’aménagement particulier au vote du conseil communal. Cette qualification ne signifie cependant pas que tout délai soit abrogé. Il suffit, mais il faut que le collège des bourgmestre et échevins ait soumis le projet de PAP au vote du conseil communal dans un délai raisonnable.

En l’espèce, même à admettre que le délai litigieux ait expiré au plus tard le 17 avril 2020, tel que soutenu par la société demanderesse, le délai en question n’aurait été dépassé que d’une durée n’atteignant même pas les deux mois, le vote du conseil communal étant intervenu le 11 juin 2020.

Or, ce dépassement ne saurait être considéré comme déraisonnable, même abstraction faite des implications de la crise sanitaire liée au Covid-19, le simple fait que la société demanderesse se soit trouvée en attente d’une décision quant à ses objections et observations n’étant, en l’absence d’autres éléments, pas de nature à ébranler cette conclusion.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004 encourt le rejet pour ne pas être fondé.

(ii) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 29 (2) de la loi du 19 juillet 2004, au motif de l’absence d’élaboration d’un schéma directeur La société demanderesse soutient que les décisions déférées méconnaîtraient l’article 29 (2) de la loi du 19 juillet 2004, au motif qu’aucun schéma directeur n’aurait été élaboré pour la zone couverte par le PAP litigieux.

Dans ce contexte, elle insiste sur le fait que le schéma directeur serait destiné à guider les initiateurs d’un PAP dans leurs choix urbanistiques et à mettre en place un concept d’urbanisation. Or, en l’espèce, des choix urbanistiques contraires à l’intérêt général auraient été faits, en ce que le PAP litigieux romprait avec l’harmonie du voisinage à caractère principalement rural, et ce tant par sa conception que par son envergure.

Ainsi, les décisions déférées devraient encourir l’annulation.

Dans son mémoire en réplique, la société … réfute l’argumentation de l’administration communale selon laquelle il serait logique qu’aucun schéma directeur n’aurait existé au moment de l’élaboration du PAP litigieux, étant donné que le PAG de la commune de Steinfort constituerait un PAG « mouture 2004 », de sorte à ne connaître ni la distinction entre PAP « nouveau quartier » (« PAP NQ ») et PAP « quartier existant » (« PAP QE »), ni le concept de schéma directeur.

A cet égard, elle se prévaut des dispositions de l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004 et soutient, en substance, que les initiateurs du PAP litigieux auraient estimé que les conditions dans lesquelles cette disposition légale permettrait la délivrance d’une autorisation de bâtir, sans élaboration préalable d’un PAP NQ, n’auraient pas été remplies en l’espèce, de sorte qu’ils se seraient vu obligés de procéder par adoption d’un PAP NQ, dont l’élaboration aurait dû répondre aux dispositions de la loi du 19 juillet 2004.

11 Or, aux termes de l’article 29 (2), alinéa 1er de cette loi, le PAP NQ serait orienté par le schéma directeur. Ainsi, un tel schéma directeur ferait nécessairement partie du dossier d’élaboration d’un PAP NQ, la société demanderesse insistant, dans ce contexte, sur le fait que le législateur n’aurait pas prévu de régime dérogatoire pour les PAP exécutant un PAG « mouture 2004 ».

En se prévalant d’un jugement du tribunal administratif du 8 août 2018, portant le numéro 39264 du rôle, elle fait valoir qu’en l’espèce, l’absence de schéma directeur aurait eu comme conséquence concrète des choix urbanistiques contraires à l’intérêt général, de sorte que les décisions déférées devraient encourir l’annulation.

Les parties défenderesses concluent au rejet de ce moyen.

Il est constant en cause que le PAG de la commune de Steinfort en vigueur au moment de la prise des décisions déférées a fait l’objet d’une refonte complète sur base des dispositions de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi, précitée, du 28 juillet 2011, cette refonte ayant été approuvée par décision ministérielle du 24 mars 201013. Il s’agit, dès lors, d’un PAG « mouture 2004 », tel que souligné à juste titre par l’administration communale.

La mise en œuvre d’un tel PAG est réglementée par les dispositions transitoires de l’article 108ter (2) de la loi du 19 juillet 2004, qui prévoit ce qui suit :

« La mise en œuvre des plans d’aménagement général visés au paragraphe qui précède, ainsi que des plans d’aménagement général dont la refonte complète a été achevée au 1er août 2011 se fait comme suit :

Le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » a pour objet d’exécuter et de préciser le plan d’aménagement général à l’exception des terrains bénéficiant des dérogations prévues par l’alinéa qui suit et des fonds faisant l’objet d’un plan d’occupation du sol au sens de l’article 11, alinéa 3 de la loi précitée du 21 mai 1999, ainsi que des fonds situés dans la zone verte telle qu’arrêtée par l’article 5 de la loi précitée du 19 janvier 2004.

Pour les communes qui ont défini dans leur plan d’aménagement général, conformément aux dispositions de la présente loi qui étaient en vigueur avant le 1er août 2011, des terrains ou ensembles de terrains auxquels l’obligation d’un plan d’aménagement particulier n’est pas applicable, le bourgmestre peut directement délivrer une autorisation de construire pour ces terrains ou ensembles de terrains dans les conditions suivantes :

– les projets de construction à réaliser doivent s’adapter à leur voisinage immédiat en ce qui concerne le mode et degré d’utilisation du sol des terrains concernés, le mode de construction, leurs dimensions et leur emprise au sol ;

– les terrains concernés doivent être situés en bordure d’une voie entièrement équipée sur base de l’article 23, alinéa 2 de la présente loi, à laquelle leur accès est garanti et doivent pouvoir être raccordés aux réseaux d’infrastructure existants ;

13 Rapport justificatif du PAP « 12, rue Neuve », p. 2, note de bas de page n° 2.

12 – les projets de construction à réaliser ne compromettent pas l’aménagement des terrains adjacents.

Si les trois conditions prémentionnées ne sont pas remplies cumulativement, toute autorisation de construire doit être précédée par un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » établi et mis en œuvre conformément aux dispositions de la présente loi.

Les plans ou projets d’aménagement général visés par le présent article peuvent être modifiés ou complétés conformément aux dispositions de la présente loi. ».

Il s’ensuit qu’un PAG « mouture 2004 » est précisé et exécuté par voie de PAP NQ, sauf les hypothèses (i) de terrains bénéficiant des dérogations prévues par l’alinéa 3 de l’article 108ter (2) de la loi du 19 juillet 2004, permettant, sous certaines conditions, la délivrance directe d’un permis de construire, sans adoption préalable d’un PAP NQ (ii) de fonds faisant l’objet d’un plan d’occupation du sol (« POS ») et (iii) de fonds situés dans la zone verte.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le PAP « … », couvrant des parcelles qui ne font pas l’objet d’un POS et qui ne sont pas situées en zone verte, constitue un PAP NQ s’inscrivant dans le cadre légal de l’article 108ter (2), précité, de la loi du 19 juillet 2004, étant relevé que la question de savoir si l’élaboration d’un tel PAP NQ était obligatoire au regard des dispositions dérogatoires de l’alinéa 3 de ladite disposition légale n’est pas litigieuse.

Il est certes exact, d’une part, qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 108ter (2) de la loi du 19 juillet 2004, un PAP NQ exécutant un PAG « mouture 2004 », tel que c’est le cas du PAP litigieux, doit être « […] établi et mis en œuvre conformément aux dispositions de la présente loi […] » et, d’autre part, qu’en vertu de l’article 29 (2) de la loi du 19 juillet 2004, « Le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » est orienté par le schéma directeur tel que défini à l’article 7 de la présente loi […] ».

Il n’en reste pas moins qu’il ressort de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004, auquel il est ainsi renvoyé, que le schéma directeur est, non pas une composante du dossier d’élaboration d’un PAP NQ, tel que suggéré par la société …, mais un élément constitutif de l’étude préparatoire du PAG, ledit article précisant, en effet, dans l’alinéa 4 de son paragraphe (2) que « Le projet d’aménagement général est élaboré sur base d’une étude préparatoire qui se compose : […] c) de schémas directeurs couvrant l’ensemble des zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » tels que définis à l’article 25. […] ».

Or, par la force des choses, l’étude préparatoire d’un PAG « mouture 2004 », tel que celui de la commune de Steinfort, ne comporte pas de schémas directeurs, étant donné que ces derniers n’ont été introduits dans la loi du 19 juillet 2004 en tant qu’éléments constitutifs de l’étude préparatoire d’un PAG qu’à travers la modification législative s’étant opérée avec la loi du 28 juillet 2011, le schéma directeur étant venu remplacer « […] le plan directeur, tel qu’il a été prévu initialement […] »14, « […] [d]ans le but de préserver au mieux l’intérêt général dans toute planification […] »15.

14 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs, p. 4.

15 Ibid..

13 C’est, d’ailleurs, pour cette raison que le législateur a prévu, à l’article 108ter (3) de la loi du 19 juillet 2004, l’obligation d’établir un plan directeur complétant le rapport justificatif d’un PAP NQ exécutant un PAG « mouture 2004 », lorsque ce PAP « […] ne couvre qu’une partie d’un ensemble de terrains destinés à être urbanisés et non encore viabilisés, ou encore s’il couvre des terrains enclavés dans un tissu urbain existant avec lequel il faut garantir les jonctions fonctionnelles respectivement l’intégration urbanistique […] », le commentaire de l’article afférent du projet de loi n° 6023, devenu la loi du 28 juillet 2011, précisant, en effet, qu’« […] Il va de soi que les plans d’aménagement particulier exécutant le plan d’aménagement général et ne comportant pas de schéma directeur au niveau de l’étude préparatoire, doivent être accompagnés d’un plan directeur, dans le cas où ils ne couvrent qu’une partie d’un ensemble de terrains destinés à être urbanisés. […] »16.

Dès lors, et dans la mesure où, à travers l’article 108ter (2) de la loi du 19 juillet 2004, le législateur a expressément prévu l’adoption de PAP NQ précisant et exécutant les PAG « mouture 2004 », qui, nécessairement, ne comportent pas de schémas directeurs au niveau de leurs études préparatoires, l’absence d’un tel schéma directeur ne saurait donner lieu à l’annulation d’un PAP NQ adopté sur cette base légale, tel que c’est le cas du PAP « … ».

Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.

(iii) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 108ter (3) de la loi du 19 juillet 2004 Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse soutient qu’en application de l’article 108ter (3) de la loi du 19 juillet 2004, un plan directeur aurait dû être établi pour le PAP litigieux, étant donné que les parcelles … et … seraient enclavées dans le tissu urbain existant, de sorte qu’il y aurait lieu de garantir les jonctions fonctionnelles et l’intégration urbanistique des constructions projetées par le PAP en question.

En l’absence d’un tel plan directeur, les décisions déférées devraient encourir l’annulation.

Les parties défenderesses concluent au rejet de ce moyen.

Le tribunal rappelle qu’aux termes de l’article 108ter (3), précité, de la loi du 19 juillet 2004, « Au cas où le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » visé à l’alinéa qui précède, ne couvre qu’une partie d’un ensemble de terrains destinés à être urbanisés et non encore viabilisés, ou encore s’il couvre des terrains enclavés dans un tissu urbain existant avec lequel il faut garantir les jonctions fonctionnelles respectivement l’intégration urbanistique, le rapport justificatif est complété par un plan directeur couvrant ce plan d’aménagement particulier ainsi que les terrains auxquels il doit être intégré. ».

Ainsi, ladite disposition légale prévoit deux hypothèses dans lesquelles le rapport justificatif d’un PAP NQ visé par la disposition en question doit être complété par un plan directeur, à savoir, d’une part, celle où ledit PAP ne couvre qu’une partie d’un ensemble de terrains destinés à être urbanisés et non encore viabilisés et, d’autre part, celle où il couvre des terrains enclavés dans un tissu urbain existant avec lequel il faut garantir les jonctions fonctionnelles respectivement l’intégration urbanistique.

16 Ibid., commentaire des articles, p. 33.

14 En l’espèce, il n’est ni allégué ni a fortiori établi que le PAP litigieux ne couvrirait qu’une partie d’un ensemble de terrains destinés à être urbanisés et non encore viabilisés.

Par ailleurs, les parcelles couvertes par le PAP en question sont toutes les deux directement adjacentes à la voirie publique, de sorte qu’à défaut d’autres précisions de la part de la société demanderesse, le tribunal ne perçoit pas en quoi les parcelles en question pourraient être qualifiées de terrains enclavés dans un tissu urbain existant avec lequel il faudrait garantir les jonctions fonctionnelles respectivement l’intégration urbanistique.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que l’élaboration d’un plan directeur n’était pas requise en l’espèce, de sorte que le moyen tiré de la violation de l’article 108ter (3), précité, de la loi du 19 juillet 2004 est à rejeter pour ne pas être fondé.

(iv) Quant au moyen ayant trait à l’absence de représentation axonométrique dans le rapport justificatif du PAP litigieux A l’appui de son moyen ayant trait à l’absence de représentation axonométrique dans le rapport justificatif du PAP litigieux, la société demanderesse fait valoir que les décisions déférées méconnaîtraient les articles 29 (2), alinéa 5 de la loi du 19 juillet 2004 et 2, alinéa 2 du grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du rapport justificatif et du plan directeur du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », ci-après désigné par « le règlement grand-ducal « rapport justificatif » du 8 mars 2017 », au motif que dans la mesure où les bâtiments illustrés sur les plans axonométriques figurant dans le rapport justificatif du PAP litigieux comprendraient des étages en retrait, ces plans seraient contraires à la partie graphique dudit PAP et à l’article 1.6. de la partie écrite de ce dernier, lesquels ne prévoiraient pas la possibilité de la réalisation d’un tel étage en retrait, la société … soulignant, à cet égard, que cette non-conformité serait à assimiler à une absence de plans axonométriques.

Elle ajoute que le plan axonométrique intitulé « 7. Axonométrie avec le contexte environnant » serait contraire à celui intitulé « 8. Axonométrie du volume maximal admissible ». En effet, le bloc C ne serait représenté avec un étage en retrait que sur le premier de ces deux plans. Par ailleurs, selon le deuxième de ces plans, le bloc … ne présenterait qu’un « […] retrait avant […] ».

Au vu de ces incohérences, ni le collège des bourgmestre et échevins, ni le conseil communal, ni le ministre n’auraient été en mesure de prendre une décision éclairée au sujet du PAP litigieux.

Ainsi, les décisions déférées devraient encourir l’annulation pour violation des articles 29 (2), alinéa 5 de la loi du 19 juillet 2004 et 2, alinéa 2 du règlement grand-ducal « rapport justificatif » du 8 mars 2017.

Dans son mémoire en réplique, la société … fait plaider que les incohérences entre les différents plans axonométriques, respectivement entre ces plans et les parties graphique et écrite du PAP seraient à analyser à la lumière d’une contradiction qui existerait entre ces parties graphique et écrite concernant la pente du toit du bloc ….

15 Au vu de l’ensemble de ces contradictions, les autorités communales et de tutelle n’auraient pu prendre connaissance « […] ne [serait-ce] que d’un seul graphique dont la réelle hauteur et dimension des trois blocs projetés ressortirait […] ».

Les parties défenderesses concluent au rejet de ce moyen.

Il est constant en cause que sur le plan axonométrique intitulé « 7. Axonométrie avec le contexte environnant », les blocs A et C présentent chacun un étage en retrait, tandis que sur celui intitulé « 8. Axonométrie du volume maximal admissible », seul le bloc A présente un tel étage, le retrait ne figurant, à la différence de la représentation de ce même bloc sur le premier de ces deux plans, qu’à l’avant du bâtiment.

La partie graphique du PAP ne prévoit, quant à elle, un étage en retrait pour aucun des différents blocs.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que la partie écrite du PAP, en ce qu’elle dispose, dans son article 1.6., que le nombre de niveaux est limité à un niveau en sous-sol, deux niveaux pleins et un niveau sous combles, ne prévoit pas la possibilité de réaliser un étage en retrait.

Quant aux conséquences de ces incohérences sur la légalité des décisions déférées, il y a lieu de se référer aux dispositions légales et réglementaires régissant l’objet et le contenu du rapport justificatif.

A cet égard, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 29 (2), alinéa 5 de la loi du 19 juillet 2004, « Tout projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » doit être accompagné d’un rapport justificatif. Le contenu du rapport justificatif est précisé par règlement grand-ducal. ».

L’article 1er du règlement grand-ducal « rapport justificatif » du 8 mars 2017 précise que « Le rapport justificatif expose de quelle manière et dans quelle mesure le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » précise et exécute le plan d’aménagement général. ».

Le contenu du rapport justificatif est déterminé par l’article 2 dudit règlement grand-ducal, libellé comme suit :

« Le rapport justificatif, qui accompagne les projets d’aménagement particulier « nouveau quartier », comporte :

1. un extrait du plan d’aménagement général en vigueur, y compris la partie écrite de la ou des zones concernées, et le schéma directeur élaboré au niveau de l’étude préparatoire;

2. un tableau récapitulatif qui reprend pour chaque lot ou parcelle les valeurs maximas et, le cas échéant, les valeurs minimas relatives à la surface construite brute, l’emprise au sol, la surface pouvant être scellée et le nombre de logements y admis. Ce tableau est complété, pour chaque ensemble de fonds couverts par un même degré d’utilisation du sol tel que fixé dans le plan d’aménagement général, les coefficients relatifs au degré 16 d’utilisation du sol résultant des valeurs précitées. Le tableau récapitulatif précité qui figure à l’annexe I fait partie intégrante du présent règlement;

3. un descriptif du concept urbanistique;

4. un descriptif du concept urbanistique;

a) l’implantation des constructions représentant le volume maximal admissible;

b) l’aménagement des espaces publics;

c) l’aménagement des espaces verts privés, le cas échéant, et d) le contexte environnant.

L’illustration du projet prévue à l’alinéa 1er est complétée par une représentation axonométrique tout en y intégrant les constructions avoisinantes.

Le rapport justificatif comprend également une fiche de synthèse, conformément à l’annexe II reprenant les données structurantes relatives au plan d’aménagement particulier.

La fiche de synthèse prévue à l’alinéa 3 doit être mise à jour lors de toute modification du projet pendant la procédure d’adoption du projet d’aménagement particulier « nouveau quartier ». ».

Force est au tribunal de constater que le rapport justificatif a pour finalité première d’expliquer les choix urbanistiques faits par les auteurs du PAP en vue de préciser et d’exécuter le PAG et que la représentation axonométrique du projet devant y figurer ne sert qu’à illustrer ces choix, s’agissant d’une représentation schématique tridimensionnelle comprenant les constructions projetées et l’environnement bâti existant.17 Le tribunal relève ensuite qu’en l’espèce, le rapport justificatif indique lui-même sa portée purement illustrative, en son point 1.1., libellé comme suit : « Les documents graphiques et écrits relatifs au rapport justificatif illustrent la démarche et étayent les dispositions réglementaires. Ils ne sauraient être invoqués pour imposer des contraintes réglementaires autres que celles de la partie écrite et de la partie graphique. ».

Cette formule, reprise dans la partie introductive de la partie écrite du PAP « … », reflète la hiérarchie entre les documents respectifs en cas de divergence entre le rapport justificatif, d’un côté, et le PAP, de l’autre. Que ce soit sa partie écrite ou sa partie graphique, c’est en règle générale le libellé du PAP qui l’emporte, sauf les erreurs grossières éventuelles y contenues pouvant être, le cas échéant, redressées grâce au rapport justificatif.18 Ainsi, le conseil communal adopte le PAP, parties écrite et graphique, par une délibération que le ministre approuve en cas d’assentiment y relatif de sa part. Le rapport justificatif est un texte d’explication destiné à expliciter le contenu du PAP. A ce titre, il est hiérarchiquement inférieur et peut tout au plus jouer un rôle de redressement d’erreur grossière sans jamais pouvoir être contraire au contenu du PAP, ni aller au-delà de celui-ci.19 17 Trib. adm., 17 décembre 2018, n° 40897 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

18 Cour adm., 20 juin 2019, n° 42280C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme, n° 681.

19 Ibid..

17 En l’espèce, il ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal et il n’est, d’ailleurs, pas soutenu que le rapport justificatif, et plus particulièrement les représentations axonométriques y figurant, auraient vocation à redresser des erreurs grossières affectant le contenu du PAP litigieux.

En outre, au vu de l’indication de la portée purement explicative du rapport justificatif, telle que figurant au point 1.1. de ce dernier, cité ci-avant, et telle que reprise dans la partie introductive de la partie écrite du PAP litigieux, et compte tenu du libellé suffisamment clair de l’article 1.6., précité, de ladite partie écrite, réglementant le nombre et les types des niveaux admissibles pour les maisons projetées, ni le collège échevinal, ni le conseil communal, ni le ministre, ni, d’ailleurs, le public intéressé n’ont raisonnablement pu se méprendre quant aux possibilités de construction offertes à cet égard par le PAP « … ».

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que les différentes représentations d’étages en retrait telles que figurant sur les plans axonométriques contenus dans le rapport justificatif du PAP litigieux et telles que décrites ci-avant doivent être considérées comme des erreurs matérielles affectant un simple texte d’explication, d’une hiérarchie inférieure au PAP, et ne portant pas autrement à conséquence par rapport à la validité du contenu des parties graphique et écrite dudit PAP, ni, de manière plus générale, par rapport à la légalité des décisions d’adoption et d’approbation de ce dernier.

Sur ce dernier point, le tribunal précise encore que l’argumentation de la société demanderesse selon laquelle les incohérences relevées ci-avant seraient à assimiler à une absence de plans axonométriques est à écarter pour ne reposer sur aucun fondement légal ou réglementaire.

Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet, étant précisé que les contestations de la société demanderesse quant à l’existence d’une contradiction entre la partie graphique du PAP « … » et la partie écrite de ce dernier concernant la pente du toit du bloc … seront examinées ci-après.

(v) Quant aux moyens ayant trait à l’incompétence des autorités communales pour renoncer au bénéfice de la servitude de vue prévue par l’article 678 du Code civil, respectivement à un détournement de pouvoir La société … fait valoir qu’à travers l’article 1.10. h) de la partie écrite du PAP litigieux, aux termes duquel « Le bloc … pourra pratiquer des ouvertures sur le mur de façade « nord » même si celui-ci présente un recul inférieur à 1,90m par rapport à la limite de propriété. », les autorités communales auraient renoncé au bénéfice de la servitude de vue prévue à l’article 678 du Code civil pour le compte des propriétaires de la parcelle du fonds dominant, de sorte à avoir dépassé leurs compétences en matière d’urbanisme qui seraient de nature administrative.

De ce fait, les décisions déférées seraient à annuler pour détournement de pouvoir.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse précise que son moyen d’incompétence ne concernerait pas la question de savoir si le PAP litigieux respecte ou non l’article 678, précité, du Code civil.

18 Elle soutient que dans la mesure où l’article 1.10. h), précité, de la partie écrite du PAP autoriserait expressément la réalisation d’ouvertures à l’intérieur du recul de 1,90 mètres par rapport à la limite cadastrale et dérogerait ainsi à l’assiette de la servitude prévue par l’article 678 du Code civil, les autorités communales auraient appliqué une disposition de droit civil et auraient dépassé leurs compétences qui seraient de nature strictement administrative.

Par ailleurs, elle donne à considérer qu’il serait de jurisprudence constante que les juridictions administratives « […] se [verraient] privées du contrôle de conformité aux dispositions de droit civil […] ».

Le juge civil, quant à lui, se verrait confronté à un PAP dérogeant expressément à une disposition du Code civil, acte qui aurait été pris par une autorité incompétente, de sorte à devoir procéder à un contrôle du PAP litigieux par voie d’exception.

Ainsi, les décisions déférées seraient à annuler en raison de l’incompétence du conseil communal pour prendre des décisions en matière de servitudes établies par le Code civil.

Les parties communale et défenderesse concluent au rejet de cet argumentaire.

L’article 678 du Code civil prévoit ce qui suit : « On ne peut avoir des vues ou fenêtres d’aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l’héritage clos ou non clos de son voisin, s’il n’y a dix-neuf décimètres (six pieds) de distance entre le mur où on les pratique et le dit héritage. ».

Or, le tribunal ne perçoit pas en quoi le conseil communal, en adoptant le PAP litigieux, prévoyant, en l’article 1.10. h), précité, de sa partie graphique que « Le bloc … pourra pratiquer des ouvertures sur le mur de façade « nord » même si celui-ci présente un recul inférieur à 1,90m par rapport à la limite de propriété. », aurait renoncé pour le compte du ou des propriétaire(s) de la parcelle située en face de la façade nord du bloc … au bénéfice de la servitude de vue prévue par l’article 678, précité, du Code civil. En effet, d’une part, le libellé dudit article 1.10. h) ne permet aucunement de conclure à l’existence d’une telle renonciation pour compte d’autrui. D’autre part, le PAP « … », lequel constitue un acte réglementaire communal qui précise et exécute les dispositions du PAG et qui, à ce titre, participe à la détermination du caractère autorisable ou non d’un projet de construction donné du point de vue purement administratif, n’a, en tant que tel, pas pour effet de priver le(s) propriétaire(s) concerné(s) du droit de se prévaloir de la servitude litigieuse devant le juge civil.

De même, le conseil communal n’a pas « appliqué » l’article 678, précité, du Code civil, ni pris une décision en matière de servitudes établies par ledit code, mais il a arrêté une règle de constructibilité dans le cadre d’un PAP pour l’adoption duquel il est l’autorité compétente. L’éventuelle contrariété de cette règle au susdit article 678 du Code civil – d’ailleurs non invoquée par la société …, aux termes des précisions figurant dans son mémoire en réplique – est sans incidence sur la légalité des décisions déférées, étant donné que les servitudes prévues par ledit article du Code civil n’ont pas pour objet l’utilité publique ou communale, relevant de l’urbanisme, mais concernent exclusivement l’utilité des particuliers et constituent en tant que telles des servitudes d’intérêt privé20, étant encore précisé qu’un permis de construire délivré, le cas échéant, sur base du PAP litigieux le sera sous réserve des 20 Sur ce point, voir : trib. adm., 2 février 2004, nos 14800 et 16729 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme, n° 844 et les autres références y citées.

19 droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartiendra de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles21.

Au vu des considérations qui précèdent, les décisions déférées ne sont pas entachées du vice d’incompétence, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Quant au moyen tiré d’un détournement de pouvoir, le tribunal précise que celui-ci consiste dans l’utilisation d’une compétence du pouvoir réglementaire communal dans un but autre que celui pour lequel elle lui est conférée. Le moyen ainsi présenté amène le juge administratif à examiner si le mobile véritable de l’administration correspond à celui qu’elle a exprimé, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits incriminés.22 Aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal […] ». Le but pour lequel le législateur a conféré aux autorités communales le pouvoir d’adopter un PAP, sous l’approbation du ministre, est, dès lors, l’intérêt général. La société demanderesse étant restée en défaut de prouver que le mobile véritable des autorités communales et, par la suite, du ministre ayant approuvé la décision de ces dernières n’aurait pas été le respect de l’intérêt général, aucun détournement de pouvoir n’est vérifié en l’espèce et le moyen afférent est à rejeter.

(vi) Quant aux moyens tirés de la violation des articles 44, 44.02 et 36 du règlement sur les bâtisses La société demanderesse soutient que le PAP litigieux violerait plusieurs dispositions du règlement sur les bâtisses, à savoir :

- l’article 44, en ce que le bloc … ne se trouverait pas en bordure d’une voie équipée existante et constituerait une construction en deuxième position, - l’article 44.02, au motif que les prescriptions de ce dernier relatives au recul arrière minimum des constructions ne seraient pas respectées et - l’article 36, en ce que l’article 1.4. de la partie écrite du PAP « … » prévoirait un nombre minimal d’emplacements de stationnement inférieur à celui fixé par ledit article 36 du règlement sur les bâtisses.

Dans son mémoire en réplique, la société … réfute l’argumentation de l’administration communale selon laquelle les dispositions du règlement sur les bâtisses ne sauraient tenir en échec celles du PAP litigieux, en soutenant que pareil raisonnement serait contraire à l’intention du conseil communal. En effet, le règlement sur les bâtisses contiendrait plusieurs dispositions prévoyant une possibilité de dérogation par un PAP, en l’occurrence les articles 44.02, 48, 50 et 51. En adoptant ces dispositions autorisant expressément l’institution de régimes dérogatoires à travers des PAP, le conseil communal aurait marqué son intention de 21 Trib. adm., 6 octobre 2010, n° 25782 du rôle, ainsi que nos 25786 à 25788 du rôle, confirmés par Cour adm., 22 mars 2011, nos 27480C à 27483C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme n° 815 et les autres références y citées ;

trib. adm., 13 janvier 2014, nos 30798 et 31849 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme n° 816 et les autres références y citées.

22 Trib. adm., 8 octobre 2001, n° 13445 du rôle, confirmé par Cour adm., 7 mai 2002, n° 14197C du rôle, Pas.

adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 9 et les autres références y citées.

20 limiter la possibilité de telles dérogations à certaines dispositions du règlement sur les bâtisses et d’exclure toute dérogation pour les autres dispositions de ce dernier.

Il est de jurisprudence constante que le règlement sur les bâtisses est un complément naturel et nécessaire des plans d’aménagement, destinés à prévoir les détails qui ne sauraient être inscrits dans les plans. Il se dégage de cette complémentarité du règlement sur les bâtisses par rapport aux PAG ou PAP que le règlement sur les bâtisses n’a pas de domaine réservé qu’il aurait vocation à régler de manière exclusive. Il n’est au contraire destiné qu’à édicter des règles de détail dans les domaines où les plans se sont bornés à énoncer des règles générales.

Il s’en dégage encore que les prescriptions d’un règlement sur les bâtisses ne sauraient tenir en échec les dispositions contraires d’un plan d’aménagement.23 Partant, il y a lieu de retenir qu’un règlement sur les bâtisses est une norme inférieure à un PAP.24 Logiquement, cette hiérarchie entre un PAP et un règlement sur les bâtisses ne saurait être inversée par le contenu des dispositions de la norme inférieure que constitue le règlement sur les bâtisses, telles que celles du règlement sur les bâtisses de la commune de Steinfort prévoyant des possibilités de dérogations par des PAP.

Il s’ensuit que même à admettre que le PAP litigieux soit contraire aux articles 44, 44.02 et 36 du règlement sur les bâtisses, tel que soutenu par la société demanderesse, cette circonstance n’aurait aucune incidence sur la légalité du PAP, norme supérieure au règlement sur les bâtisses.

Les moyens sous analyse encourent, dès lors, le rejet.

(vii) Quant au moyen ayant trait à une violation par la partie graphique du PAP « … » de la partie écrite de ce dernier La société … fait encore valoir que la partie graphique du PAP litigieux serait contraire à l’article 1.10. a) de la partie écrite de ce dernier, prévoyant que « Les toitures auront deux versants avec une toiture[…] présentant une inclinaison entre 30° et 45°. […] ».

A l’appui de ce moyen, elle se prévaut de la représentation du bloc … sur le plan intitulé « Coupes », constituant l’un des deux plans composant la partie graphique du PAP litigieux, sur laquelle elle a mesuré la hauteur du pan de la toiture et la largeur à l’horizontale de celui-ci, pour ensuite appliquer les valeurs ainsi recueillies à une formule mathématique (« Pente (°) =

180 * ATAN (H/L)/π » ; « Pente (%) = 100 * H/L »), le résultat indiqué de ces calculs étant une pente de 51,40°, respectivement de 125 %.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse relève qu’il se dégagerait de l’introduction de la partie écrite du PAP litigieux que les parties écrite et graphique de ce dernier seraient indissociables, de sorte que ce serait à tort que l’administration communale soutiendrait que la partie écrite devrait nécessairement prévaloir sur la partie graphique.

23 Trib. adm., 20 octobre 1997, n° 9796 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme, n° 26 et les autres références y citées.

24 Voir, par analogie : Cour adm., 13 novembre 2018, n° 41095C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

21 Le tribunal constate qu’outre le fait que la société demanderesse n’indique aucune source quant à la formule mathématique dont elle se prévaut, de sorte que ses calculs sont dépourvus de valeur probante, le susdit plan intitulé « Coupes » ne contient aucune indication expresse quant à l’inclinaison des toitures des maisons projetées, dont il pourrait être considéré qu’elle serait destinée à avoir un caractère réglementaire.

En d’autres termes, ledit plan ne réglemente tout simplement pas l’inclinaison des toitures.

Il en est autrement en ce qui concerne le plan intitulé « PAP-Partie graphique », formant, ensemble avec le susdit plan intitulé « Coupes », la partie graphique du PAP litigieux.

En effet, il se dégage du plan en question et, plus particulièrement, de la représentation schématique du degré d’utilisation du sol du lot 1 du PAP « … », ensemble la légende dudit plan, que le PAP en question permet la réalisation de toitures à deux versants dont le degré d’inclinaison est compris entre 30 et 45 degrés (« t2 (30-45°) »).

Le degré d’inclinaison des toitures prévu par la partie graphique du PAP litigieux est donc identique à celui inscrit à l’article 1.10. a) de la partie écrite de ce dernier.

Aucune contradiction entre la partie graphique du PAP et la partie écrite de ce dernier n’est ainsi vérifiée, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

(viii) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 La société … soutient que les décisions déférées méconnaîtraient l’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, au motif que le PAP litigieux ne fixerait pas l’évacuation des eaux pluviales, y compris les bassins de rétention.

A cet égard, elle souligne qu’en ce qui concerne l’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales, seule la canalisation pour eaux pluviales serait indiquée par une ligne discontinue bleue dans la partie graphique du PAP, tandis que la partie écrite de ce dernier se bornerait, en son article 2.4., à préciser que le détail des installations d’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales serait fourni dans le cadre de la mise en œuvre et de l’exécution du PAP.

Ainsi, contrairement à l’article 2 (1), précité, du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, le PAP ne préciserait pas l’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées.

Dans ce contexte, la société demanderesse insiste sur le fait que l’évacuation des eaux sur le site litigieux, qui présenterait une légère pente, serait particulièrement complexe et qu’elle aurait elle-même déjà dû faire face à des « […] difficultés techniques […] » de ce fait.

Il s’ensuivrait que les initiateurs du PAP litigieux n’auraient pas valablement pu se contenter d’un renvoi au projet d’exécution de ce PAP.

Les parties communale et étatique concluent au rejet de ce moyen.

L’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 prévoit ce qui suit :

22 « (1) Le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » définit les fonds nécessaires à la viabilisation du projet. En outre, il définit les fonds destinés à être cédés au domaine public communal conformément à l’article 34 de la loi précitée du 19 juillet 2004.

Pour les fonds nécessaires à la viabilisation du projet doivent être fixés :

1. les espaces verts ;

2. les voies de circulation ;

3. les emplacements de stationnement ;

4. l’évacuation des eaux pluviales, y compris les bassins de rétention ;

5. le modelage du terrain.

Le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » peut, en outre, définir l’aménagement des espaces publics ou ouverts au public, des servitudes écologiques, l’évacuation des eaux usées ainsi que les réseaux d’approvisionnement. ».

A l’instar de l’administration communale, le tribunal constate qu’il se dégage clairement du libellé du dernier alinéa de cette disposition réglementaire et, plus particulièrement, du terme « peut » y employé que la définition de l’évacuation des eaux usées est une simple faculté, et non point une obligation pour les autorités communales et de tutelle procédant à l’adoption, respectivement à l’approbation d’un PAP NQ.

Il en découle que le moyen sous analyse est à rejeter, en ce qu’il se fonde sur l’absence de définition de l’évacuation des eaux usées.

Quant à l’évacuation des eaux pluviales, le tribunal constate que celle-ci est bien représentée sur la partie graphique du PAP litigieux, étant donné que cette dernière indique la future canalisation pour eaux pluviales par une ligne discontinue bleue, tel que relevé par la société demanderesse elle-même.

Par ailleurs, c’est à juste titre que l’administration communale et la partie étatique soutiennent que l’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 n’exige pas que le détail des infrastructures d’évacuation des eaux pluviales soit fixé par le PAP NQ, de sorte qu’il peut être fourni au stade de l’exécution et de la mise en œuvre du PAP, et notamment dans le cadre du projet d’exécution de ce dernier, tel que visé par l’article 35 de la loi du 19 juillet 200425.

En outre, il est évident qu’un PAP NQ ne doit prévoir un bassin de rétention que si un tel bassin est nécessaire en vue de la viabilisation du projet.

25 Art. 35 de la loi du 19 juillet 2004 : « (1) En vue de la réalisation des travaux de voirie et d’équipements publics d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », l’initiateur du projet élabore un projet d’exécution.

On entend par projet d’exécution le ou les documents techniques, écrits ou graphiques, nécessaires à la réalisation des travaux de voirie et d’équipements publics d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ».

(2) Le projet d’exécution porte sur la voirie et les équipements publics visés à l’article 23 qui sont nécessaires à la viabilité du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ».

Le projet d’exécution est accompagné d’une estimation détaillée du coût de ces travaux de voirie et d’équipements publics. ».

23 A cet égard, l’administration communale explique de manière plausible et sans être utilement contredite par la société demanderesse que tel n’est pas le cas en l’espèce, compte tenu de la taille assez réduite du site couvert par le PAP litigieux et du fait que ce site est directement raccordé à la canalisation publique.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l’article 2 (1), précité, du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 est à rejeter pour ne pas être fondé.

(ix) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 La société demanderesse soutient encore que les décisions déférées méconnaîtraient l’article 2 b) et d) de la loi du 19 juillet 2004.

A l’appui de ce moyen, elle explique que le PAP litigieux aurait pour objet la construction, voire la reconstruction de trois maisons plurifamiliales sur des parcelles classées en « zone mixte à caractère rural » par le PAG en vigueur lors de l’adoption des décisions déférées.

Or, le PAG ferait actuellement l’objet d’une procédure de mise à jour. Dans ce contexte, un projet de partie écrite aurait été publié le 21 août 2020 sur le site internet de la commune de Steinfort, mais aurait, par la suite, été retiré en raison de l’arrêt et du report des enquêtes publiques suite à la crise sanitaire liée au Covid-19. Ce projet de mise à jour du PAG aurait prévu le classement des parcelles couvertes par le PAP litigieux en « zone mixte rurale », dans laquelle seules des maisons unifamiliales seraient autorisées aux termes de l’article 7 du susdit projet de partie écrite.

La société … en déduit que les autorités communales elles-mêmes considéreraient que le site litigieux ne se prêterait pas à l’implantation de maisons plurifamiliales.

Elle continue, en expliquant qu’il se dégagerait de la partie graphique du PAP litigieux que les trois blocs …, … et … auraient une hauteur au faîte de 13 mètres et une hauteur à la corniche de 7,5 mètres.

Or, en moyenne, les immeubles situés « […] au sein du vieux village de … […] » présenteraient une hauteur à la corniche comprise entre 5,6 et 5,8 mètres.

Par ailleurs, la société demanderesse donne à considérer que la densité d’habitation prévue par le PAP litigieux irait inévitablement de pair avec une augmentation de la circulation routière dans la rue … à … et diminuerait la qualité de vie des riverains.

Elle ajoute que l’implantation projetée du bloc C impliquerait une atteinte à la vue et à la luminosité offertes par les unités d’habitation se trouvant dans le corps de ferme situé sur la partie gauche de la parcelle …lui appartenant.

En conclusion, elle soutient que les immeubles projetés ne s’intégreraient pas de manière harmonieuse dans les structures urbaines existantes et ne préserveraient pas la qualité urbanistique du village, de sorte que les décisions déférées devraient encourir l’annulation pour violation de l’article 2 b) et d) de la loi du 19 juillet 2004.

24 Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse réfute l’argumentation de l’administration communale, selon laquelle ses immeubles auraient une hauteur comparable à ceux projetés par le PAP litigieux, en donnant à considérer qu’il se dégagerait du plan de coupe de l’immeuble adjacent au futur bloc C que ledit immeuble aurait une hauteur à la corniche de 6,28 mètres et une hauteur au faîte de 10,06 mètres.

Elle ajoute que dans la mesure où elle n’aurait pas accès à des statistiques précises à ce sujet, elle aurait elle-même évalué la hauteur moyenne des immeubles situées « […] au sein du vieux village de … […] ».

Dans ce contexte, elle se prévaut d’extraits de « google maps » versés en cause, dont il se dégagerait que la rue … serait marquée par une architecture rurale avec principalement des maisons unifamiliales présentant deux niveaux pleins.

Elle insiste sur le fait que la densité prévue par le PAP litigieux serait particulièrement élevée pour le quartier résidentiel dans lequel se trouveraient les parcelles qu’il couvrirait.

A cet égard, la société … donne à considérer que dans un jugement du 29 septembre 2014, portant le numéro 30944 du rôle, le tribunal de céans, saisi d’une décision communale de refus d’adoption d’un PAP NQ couvrant des fonds sis à …, aurait accepté de sanctionner une densité trop élevée à la lumière de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, et plus précisément sur base du critère du développement harmonieux des structures urbaines et rurales.

En l’espèce, l’augmentation de la circulation routière dans la rue … qu’impliquerait la mise en œuvre du PAP litigieux serait contraire aux objectifs inscrits à l’article 2 b) et d) de la loi du 19 juillet 2004.

Il en serait de même en ce qui concerne l’atteinte à la vue et à la luminosité offertes par l’immeuble appartenant à la société demanderesse, adjacent au futur bloc …. A cet égard, la société … explique que « […] le développement de la densification du quartier […] » n’aurait pas pour résultat d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité de …, alors que le futur bloc C porterait considérablement atteinte à la qualité de vie des habitants de l’immeuble lui appartenant.

Finalement, quant au reproche lui fait par l’administration communale d’avoir passé sous silence le fait que son immeuble serait implanté sur la limite parcellaire, la société demanderesse souligne qu’elle aurait réaménagé deux corps de ferme préexistants, qui auraient déjà présenté leur implantation actuelle au moment où elle les aurait acquis.

Les parties communale et étatique concluent au rejet de cet argumentaire de la société ….

Le tribunal relève qu’il se dégage de l’article 1.8. de la partie écrite du PAP litigieux que ce dernier prévoit trois immeubles d’habitation collectifs, comportant, au total, un maximum de 12 unités de logement, réparties comme suit : 5 unités pour le bloc …, 2 unités pour le bloc … et 5 unités pour le bloc …. Il ressort de l’article 1.6. de ladite partie écrite que les maisons projetées comprendront au maximum un niveau en sous-sol, deux niveaux pleins et un niveau sous combles. Par ailleurs, l’article 1.7. de la partie écrite du PAP « … » dispose 25 que la hauteur à la corniche et la hauteur à l’acrotère des maisons seront au maximum de 7,5 mètres, tandis que la hauteur au faîte maximale sera de 13 mètres.

La société … soutient, en substance, qu’eu égard à leur volume et à la densité de logement prévue, les constructions ainsi projetées par le PAP litigieux seraient disproportionnées par rapport au tissu urbain existant, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve de cette disproportion.

Or, son affirmation selon laquelle les immeubles situés « […] au sein du vieux village de … […] » présenteraient une hauteur à la corniche comprise entre 5,6 et 5,8 mètres est restée à l’état de pure allégation pour ne pas être corroborée par des pièces probantes.

Il en est de même en ce qui concerne son affirmation, faite dans son mémoire en réplique, selon laquelle la rue … serait marquée par une architecture rurale avec principalement des maisons unifamiliales présentant deux niveaux pleins.

Les extraits de « google maps » versés dans ce contexte ne permettent, en effet, pas de tirer de conclusion valable quant à l’architecture, au type et à la taille des bâtiments caractérisant le tissu urbain existant de la rue …, étant donné, d’une part, qu’ils ne montrent qu’une faible partie des immeubles situés dans cette rue et, d’autre part, qu’il ressort d’une mention y apposée que les images ont été pris en 2009, soit approximativement 10, respectivement 11 ans avant la prise des décisions déférées.

A cela s’ajoute que le nombre de niveaux pleins autorisés par le PAP litigieux, à savoir deux, correspond à celui que présenterait la majorité des immeubles situés dans la rue …, selon la société demanderesse.

Le tribunal constate ensuite qu’il ressort des propres explications de la société … que les immeubles implantés sur la parcelle …lui appartenant et qui est adjacente aux parcelles couvertes par le PAP litigieux constituent, à l’instar des immeubles prévus par ledit PAP, des maisons plurifamiliales, qui comportent dix unités de logement, soit un nombre d’unités de logement comparable à celui prévu par le PAP en question. Par ailleurs, il se dégage des images aériennes et des photographies des immeubles de la société …, telles que versées en cause par cette dernière, que ces immeubles comportent deux niveaux pleins et un niveau sous combles, ce qui correspond au nombre maximal de niveaux autorisés par le PAP « … ».

De même, la société demanderesse n’a pas utilement contredit les explications de l’administration communale selon lesquelles ses immeubles auraient une hauteur comparable à celle des immeubles projetés à travers le PAP litigieux. En effet, c’est à juste titre que la partie communale soutient que le plan de coupe versé par la société … à l’appui de son mémoire en réplique est dépourvu de valeur probante, étant donné qu’il ne comporte aucune mention permettant d’identifier l’immeuble y représenté.

Au vu des considérations qui précèdent, il ne saurait être retenu qu’eu égard à leur volume et à la densité de logement prévue, les constructions projetées par le PAP « … » seraient disproportionnées par rapport au tissu urbain existant, tel que la société … le soutient, en substance.

26 Dans ces circonstances et compte tenu du nombre assez limité de nouvelles unités de logement prévues par le PAP litigieux, il n’est pas établi que la mise en œuvre de ce dernier conduirait à une augmentation excessive de la circulation routière au sein de la rue … et, de manière plus générale, dans la localité de …. L’argumentation afférente de la société … est, dès lors, à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation de la société demanderesse ayant trait à une atteinte à la luminosité et à la vue offertes par l’immeuble adjacent au futur bloc C, étant donné qu’à travers l’argumentation en question, la société … confond l’intérêt général et la qualité de vie de la population de la commune, que les communes ont pour mission d’assurer, aux termes de l’article 2, précité, de la loi du 19 juillet 2004, avec son intérêt privé de propriétaire, respectivement avec celui des habitants de l’immeuble lui appartenant.

Par ailleurs, le seul fait que, selon la société demanderesse, les autorités communales aient, dans le cadre d’un simple projet de mise à jour du PAG n’ayant pas encore abouti, prévu de classer les parcelles litigieuses dans une zone ne permettant plus la construction de maisons plurifamiliales n’est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des choix urbanistiques faits dans le cadre du PAP litigieux sur base du PAG en vigueur lors de la prise des décisions déférées, outre le fait que l’argumentation en question n’est pas étayée par une quelconque pièce probante.

Il suit des considérations qui précèdent qu’aucune violation dudit article 2 de la loi du 19 juillet 2004 n’est vérifiée en l’espèce, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la demande subsidiaire de la société … tendant à voir ordonner une visite des lieux, le tribunal relève que la visite des lieux constitue une mesure d’instruction ordonnée par le juge afin de lui permettre de se procurer lui-même une appréciation de certains éléments de fait in situ, cette mesure ne pouvant cependant être instituée pour parer à la carence d’une partie dans l’administration de la preuve qu’il lui incombe de rapporter.26 Or, en l’espèce, les faits offerts en preuve constituent des faits susceptibles d’être établis aisément et à moindres frais par exemple par la production de photographies ou de plans d’architecte, de sorte que la demande tendant à l’institution d’une visite des lieux encourt le rejet.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Compte tenu de l’issue du litige, la société demanderesse est à débouter de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

26 Trib. adm., 8 juin 2005, n° 18679 et 19195 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 817 et les autres références y citées.

27 se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, dans la mesure où il vise la délibération du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Steinfort du 18 novembre 2019 ;

pour le surplus, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Annemarie Theis, juge, et lu à l’audience publique du 15 décembre 2022 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 décembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 28


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45269
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-12-15;45269 ?

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