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29/11/2022 | LUXEMBOURG | N°48196

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 novembre 2022, 48196


Tribunal administratif N° 48196 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI :LU :TADM :2022 :48196 3e chambre Inscrit le 21 novembre 2022 Audience publique du 29 novembre 2022 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48196 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 novembre 2022 par Maître Ana REAL GERALDO DIAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avoca

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Tribunal administratif N° 48196 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI :LU :TADM :2022 :48196 3e chambre Inscrit le 21 novembre 2022 Audience publique du 29 novembre 2022 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48196 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 novembre 2022 par Maître Ana REAL GERALDO DIAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 octobre 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

Le 12 juin 2013, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ». Cette demande de protection internationale fit l’objet d’une décision de refus ministérielle en date 30 octobre 2013, décision qui fut confirmée par un jugement du tribunal administratif du 19 novembre 2014, n°33838 du rôle, jugement non frappé d’appel.

Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 26 septembre 2020, portant la référence …, que le même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier dans la ville de Luxembourg, lors duquel il ne put présenter de documents d’identité en cours de validité. A l’occasion dudit contrôle, il s’avéra que le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et qu’il avait fait l’objet d’un signalement par les autorités ministérielles luxembourgeoises pour lui « refuser l’entrée sur le territoire ».

1 Il résulte d’un autre rapport de la Police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 8 novembre 2020, portant la référence …, que le même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité par les forces de l’ordre dans la ville d’Esch-sur-Alzette, lors duquel il ne put présenter de documents d’identité en cours de validité. A cette occasion, il fut constaté que l’intéressé était sans domicile, n’avait pas de moyens de subsistance au Luxembourg et avait été signalé par les autorités belges, italiennes et françaises pour un « refus d’entrer sur le territoire espace SCHENGEN ».

Suite à cette interpellation, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », constata, par décision du 8 novembre 2020, notifiée à Monsieur … en mains propres le même jour, le séjour irrégulier de ce dernier sur le territoire luxembourgeois et prit une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans à son encontre.

Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 4 décembre 2020, portant la référence …, que le même jour, Monsieur … fut appréhendé par les forces de l’ordre dans le cadre d’un vol avec violences.

Il résulte de plusieurs autres rapports de la Police grand-ducale1 que Monsieur … fut appréhendé à de multiples reprises par les forces de l’ordre, qu’il fut constaté auxdites occasions que l’intéressé était sans domicile, ne put présenter de documents d’identité en cours de validité, de sorte que son séjour sur le territoire luxembourgeois était irrégulier, qu’il avait fait l’objet de signalements des autorités nationales, belges, italiennes et françaises et qu’il n’avait pas de moyens de subsistance au Luxembourg.

D’après un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg, ci-après désigné par « le CPL », du 3 février 2022, qu’à cette même date, Monsieur … fut placé en détention préventive pour vol qualifié.

Le 2 août 2022, Monsieur … fut libéré du CPL.

Par arrêté du 1er août 2022, notifié à Monsieur … en mains propres le 2 août 2022, le ministre ordonna le placement de celui-ci au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision, laquelle est basée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

1 - Région …, Unité …, du 26 décembre 2020, portant la référence …, - Région …, Unité …, du 26 décembre 2020, portant la référence …, - Région …, Commissariat …, du 10 janvier 2021, portant la référence …, - Région …, Commissariat …, du 18 août 2021, portant la référence …, - Région …, Commissariat …, du 25 août 2021, portant la référence …, - Région …, Commissariat …, du 26 août 2021, portant la référence …, - Région …, …, du 16 septembre 2021, portant la référence …, - Région …, …, du 12 octobre 2021, portant la référence …, - Région …, Commissariat …, du 2 décembre 2021, portant la référence …, - Région …, Commissariat … – …, du 30 décembre 2021, portant la référence ….

Vu les rapports no … du 30 décembre 2021, no … du 2 décembre 2021 et no … du 12 octobre 2021 établis par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 8 novembre 2020 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans, lui notifiée le même jour ;

Considérant que l’intéressé se trouvait en détention préventive au Centre pénitentiaire depuis le 3 février 2022 ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté ministériel du 31 août 2022, notifié à l’intéressé le 2 septembre 2022, la mesure de placement en rétention initiale à l’égard de Monsieur … fut prolongée pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision.

Par arrêté ministériel du 29 septembre 2022, notifié à l’intéressé le 30 septembre 2022, la mesure de placement en rétention initiale à l’égard de Monsieur … fut prolongée une deuxième fois pour une durée d’un mois à partir du 2 octobre 2022.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre le prédit arrêté ministériel de prorogation de placement du 29 septembre 2022 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 26 octobre 2022, numéro 48072 du rôle.

Par arrêté ministériel du 31 octobre 2022, notifié à l’intéressé le 2 novembre 2022, la mesure de placement en rétention de Monsieur … fut prolongée pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification.

Ledit arrêté est basé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 1er août, 31 août et 29 septembre 2022, notifiés le 2 août, le 2 septembre et le 30 septembre avec effet au 2 octobre 2022, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 1er août 2022 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

3 Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 31 octobre 2022.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision de prorogation d’un placement en rétention.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base de l’arrêté ministériel déféré.

En droit, il s’empare de l’article 111 de la loi du 29 août 2008 et conteste tout risque de fuite dans son chef, tout en faisant valoir que celui-ci devrait être apprécié au cas par cas.

En droit, et après avoir rappelé qu’en vertu de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, la rétention ne pourrait être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement serait en cours et exécuté avec toute la diligence requise et en se prévalant d’un arrêt de la Cour administrative du 20 août 2014, inscrit sous le numéro 35058C du rôle, ayant retenu que « la mise en rétention ne s’envisage[rait] en règle générale que comme ultima ratio […] », le demandeur fait remarquer qu’il se trouverait en rétention depuis près de quatre mois et qu’« aucune avancée notable n’a pu être constatée laissant entrevoir l’imminence [de son] éloignement ».

L’absence de mesure efficace prise depuis plus de deux mois afin d’organiser son éloignement serait de nature à justifier sa mise en liberté immédiate.

Il explique, par ailleurs, qu’il souffrirait de dépressions, état nécessitant un traitement (Seroquel) de même qu’il prendrait également des anxiolytiques pour gérer son anxiété (Valium/Nexiam).

Il en conclut que son placement en rétention, dans une structure fermée, ne serait pas proportionnel au vu de sa situation actuelle, de sorte que sa mise en liberté dans les plus brefs délais devrait être accordée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le tribunal relève tout d’abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité valables, et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Le tribunal est tout d’abord amené à constater, à l’instar de ce qu’il a retenu dans le cadre du jugements prémentionné du 26 octobre 2022, qu’il est constant en cause que le demandeur ne dispose ni d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg, ni de documents d’identité et de voyage en cours de validité et qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, celui-ci ayant, en effet, fait l’objet d’une décision de retour ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans en date du 8 novembre 2020. En vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, soit s’il ne peut pas justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage valables, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni encore d’une autorisation de travail, et s’il fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur, sans qu’il ne se dégagent du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption de ce risque de fuite.

Au vu de ces considérations, le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, précité, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne ensuite l’affirmation non autrement détaillée du demandeur selon laquelle son placement en rétention serait disproportionné au vu de sa situation actuelle, et à admettre qu’il a entendu viser par là une violation de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, cette disposition prévoit ce qui suit :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance 6 électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire. Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110.

L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.

En l’espèce, le demandeur n’a toutefois toujours pas soumis d’éléments au tribunal qui seraient de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef.

Par ailleurs, et dans la mesure où il est constant en cause que Monsieur … ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a en outre présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose, ses contestations quant à une violation du principe de proportionnalité sont à écarter.

Cette conclusion n’est pas énervée par son état de santé, alors qu’il y a lieu de relever, à l’instar de ce qui a déjà été retenu dans le prédit jugement du 26 octobre 2022, qu’en application de l’article 9 de la loi modifiée du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention, le demandeur a droit aux soins médicaux requis au cours de son séjour au 2 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.Centre de rétention. Il s’ensuit que la pièce produite par le demandeur, à savoir le relevé du Centre de rétention intitulé « Ordonnance médicale », retraçant les médicaments prescrits au demandeur, est de nature à confirmer non seulement que son état de santé ne s’oppose pas à un placement au Centre de rétention, mais encore que le demandeur y obtient le traitement médicamenteux nécessaire.

En ce qui concerne, enfin, les démarches concrètement entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il échet de rappeler que le tribunal a retenu dans le cadre de son jugement du 26 octobre 2022 qu’il ressort du dossier administratif qu’en date du 2 août 2022, les autorités ministérielles ont adressé au consulat général de Tunisie à Bruxelles une demande d’identification de Monsieur … en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef, en y joignant deux photos d’identité ainsi qu’un jeu d’empreintes digitales du concerné. Dans le même jugement le tribunal a encore noté qu’en date du 22 août 2022, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités consulaires tunisiennes à Bruxelles en les priant de les renseigner sur l’état d’avancement du dossier et que des rappels de la demande d’identification de Monsieur … auprès des autorités étrangères compétentes ont encore été faits les 5 et 19 septembre 2022, ainsi que les 3 et 17 octobre 2022.

C’est sur base de ces considérations que le tribunal a conclu dans son jugement prémentionné qu’au regard des diligences ainsi déployées et du résultat concret auquel ces démarches ont abouti, le dispositif d’éloignement était toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

En ce qui concerne les démarches effectuées par les autorités luxembourgeoises depuis lors, force est de constater qu’il ressort tant des explications circonstanciées de la partie étatique que des pièces figurant au dossier administratif que les autorités luxembourgeoises ont relancé leurs homologues tunisiens à deux reprises, à savoir par téléfax des 31 octobre et 14 novembre 2022, lesquels sont restés sans réponses.

S’il résulte ainsi certes des éléments du dossier administratif soumis au tribunal que les autorités luxembourgeoises peinent à obtenir une réponse, positive ou négative, de la part des autorités tunisiennes, les démarches entreprises par les premières, tributaires de la collaboration de ces dernières, sont à considérer comme suffisantes pour retenir qu’il existe actuellement des chances raisonnables de croire que la mesure d’éloignement à l’encontre de Monsieur … pourra être exécutée et ainsi également justifier une troisième prorogation de la mesure de rétention litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse encourt le rejet.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 novembre 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 novembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48196
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-11-29;48196 ?

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