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29/11/2022 | LUXEMBOURG | N°45339

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 novembre 2022, 45339


Tribunal administratif N° 45339 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2022:45339 3e chambre Inscrit le 9 décembre 2020 Audience publique du 29 novembre 2022 Recours formé par la société anonyme SOCIETE A SA, …, contre des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45339 du rôle et déposée le 9 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Marianne GOEBEL, avocat

à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société an...

Tribunal administratif N° 45339 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2022:45339 3e chambre Inscrit le 9 décembre 2020 Audience publique du 29 novembre 2022 Recours formé par la société anonyme SOCIETE A SA, …, contre des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45339 du rôle et déposée le 9 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme SOCIETE A SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2013 à 2015, tous émis le 21 février 2018 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2021 par Maître Marianne GOEBEL pour compte de la société anonyme SOCIETE A SA, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes attaqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Allyson NOEL, en remplacement de Maître Marianne GOEBEL, et Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mai 2022.

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Suite au dépôt des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal des années 2013, 2014 et 2015, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes invita la société anonyme SOCIETE A SA, ci-après désignée par « la société SOCIETE A », par courrier du 5 juillet 2017, sur le fondement des paragraphes 170 et 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », de lui fournir pour le 4 août 2017 au plus tard les renseignements et/ou pièces suivants :

« 2013-2015 :

-70821000 Loyer immobilier : détail du compte avec indication par montant des noms des locataires et de la période de location ;

-74800000 Autres produits d’exploitation divers : détail du compte ;

-60816000 Vêtements professionnels : détail du compte ;

12013 : -Sorties du tableau d’amortissement …€ : explications avec copies des pièces à l’appui ;

2014 : -66820000 Amendes et pénalités (…€) : détail du compte avec copies des pièces à l’appui. ».

Le courrier prémentionné a fait l’objet d’un rappel en date du 20 novembre 2017.

Par courrier du 3 janvier 2018, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes informa la société SOCIETE A, sur le fondement du paragraphe 205, alinéa 3, AO, qu’il envisageait d’apporter des modifications aux déclarations fiscales telles que déposées par ladite société pour les exercices 2013 à 2015, tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite jusqu’au 2 février 2018. Ledit courrier est formulé comme suit : « […] En vertu du paragraphe 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts (AO), je vous informe, préalablement à l’imposition, qu’il sera dérogé à vos déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal des années 2013--

2015 sur le(s) point(s) suivant(s) :

A défaut de fournir les pièces demandées (v.nos courriers du 05.07 et 20.11.2017), les redressements suivants seront imposés :

°Usage gratuit de l’immeuble à … 2013-2015: …€/an ; ce montant sera soumis à une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de 15% (par année);

°La charge « Vêtements professionnels » sera considérée comme charge privée : les montants suivants seront ajoutés aux résultats déclarés avec une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de 15%: …€ en 2013 et …€ en 2014 ;

°Amende au sens de l’art.12 no 4 LIR : le montant de …€ sera remplacé par …€ Je vous invite à fournir vos observations y afférentes pour le 02.02.2018 au plus tard ;

ce délai passé, l’imposition des exercices en question sera établie compte tenu des redressements envisagés. […] ».

En date du 21 février 2018, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société SOCIETE A, le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2013 en y indiquant : « […] En exécution des dispositions de la section III (articles 146 à 151) de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, la société désignée ci-dessus est débitrice de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux du montant établi ci-après:

[…] Calcul de la retenue d’impôt (article 148 L.I.R.) […] La société n’a pas pris la retenue à sa charge […] 15,000 % de EUR … = EUR … Base d’imposition totale et montant de la retenue repris au décompte […] base : EUR … retenue : EUR … Motifs et remarques […] Usage gratuit immeuble … : … 2Vêtements professionnels: … Redressement suivant notre lettre du 03.01.2018 […] ».

En date du même jour, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société SOCIETE A, le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2014 en y indiquant : « En exécution des dispositions de la section III (articles 146 à 151) de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, la société désignée ci-dessus est débitrice de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux du montant établi ci-après:

[…] Calcul de la retenue d’impôt (article 148 L.I.R.) […] La société n’a pas pris la retenue à sa charge :

[…] 15% de EUR … = EUR … Base d’imposition totale et montant de la retenue repris au décompte […] base : EUR … retenue : EUR … Motifs et remarques […] Usage gratuit immeuble … : … Vêtements professionnels: … Redressement suivant notre lettre du 03.01.2018 […] ».

Toujours le même jour, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société SOCIETE A, le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2015 en y indiquant :

« En exécution des dispositions de la section III (articles 146 à 151) de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, la société désignée ci-dessus est débitrice de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux du montant établi ci-après:

[…] Calcul de la retenue d’impôt (article 148 L.I.R.) […] La société n’a pas pris la retenue à sa charge :

[…] 15% de EUR … = EUR … Base d’imposition totale et montant de la retenue repris au décompte […] base : EUR … retenue : EUR … Motifs et remarques […] Usage gratuit immeuble … Redressement suivant notre lettre du 03.01.2018 […] ».

Toujours le 21 février 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société SOCIETE A les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2013, 2014 et 32015 en indiquant dans ceux relatifs aux années 2013 et 2014 que « Distribution cachée de bénéfice, voir explications sur le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux […] ».

Le même jour, le bureau d’imposition émit enfin encore à l’égard de la société SOCIETE A les bulletins de l’impôt commercial communal des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que le bulletin d’établissement de la valeur unitaire et le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016.

Par courrier du 18 mai 2018, la société à responsabilité limitée SOCIETE B SARL, ci-

après désignée par « la société SOCIETE B », représentée par son gérant, Monsieur A, introduisit au nom de la société SOCIETE A une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2013 à 2015 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », qui fut réceptionnée le 22 mai 2018 et portée au rôle du contentieux sous le numéro …, la société SOCIETE B y indiquant plus particulièrement que la réclamation porte sur « l’ajout hors bilan de l’usage gratuit de l’immeuble situé à … ainsi que de l’ajout hors bilan de l’achat de vêtements professionnels ».

Par requête déposée le 9 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif, la société SOCIETE A a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2013 à 2015, émis le 21 février 2018.

1. Quant à la compétence et à la recevabilité Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement s’est rapporté à la prudence du tribunal en ce qui concerne la recevabilité du recours, étant à cet égard relevé que le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre une des décisions visées au paragraphe 228 AO, en ce compris des bulletins d’imposition et qu’un recours contre un bulletin n’est prévu à l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la même loi que dans l’hypothèse où une réclamation a été introduite par le contribuable et qu’aucune réponse n’est intervenue dans un délai de six mois.

Dans la mesure où le directeur n’a pas statué endéans un délai de six mois sur la réclamation introduite par la société SOCIETE A à l’encontre des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2013 à 2015 le 22 mai 2018, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre lesdits bulletins, lequel recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre ces mêmes bulletins.

1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n°17634 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.

42. Quant au fond A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse affirme tout d’abord qu’elle aurait été constituée le … 2010. Après voir cité les dispositions de l’article 3 de ses statuts relatif à son objet social, elle explique qu’elle aurait acquis le 29 novembre 2010 un immeuble situé dans la commune de … en France lequel serait destiné exclusivement à la location. Elle explique encore que la maison en question aurait été rénovée jusqu’à la fin de l’année 2012, et que dès le début de l’année 2013, elle aurait mandaté diverses agences en vue de la mise en location du bien immobilier lequel serait louable sur toute l’année, à savoir du 1er janvier au 31 décembre.

Elle met en avant qu’elle se serait également inscrite sur divers sites internet afin « d’accroître sa visibilité » et qu’elle aurait créé son propre site internet www.SOCIETE A.com permettant aux potentiels touristes de pouvoir louer ledit bien immobilier directement auprès d’elle. Elle dresse ensuite un tableau représentant le calendrier de location du bien immobilier en question pour la période de 2013 à 2015.

Elle soutient que ce serait manifestement « par abstraction » de la location de ladite maison à des tiers que l’administration des Contributions directes aurait décidé d’imposer un usage gratuit de l’immeuble lui appartenant en considérant qu’il existerait une distribution cachée de bénéfice au sens de l’article 164 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », passible d’une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de 15%, tout en reprochant plus particulièrement au bureau d’imposition d’avoir évalué l’avantage afférent à … euros pour chacune des années 2013, 2014 et 2015, montant qui serait surtout exagéré pour correspondre approximativement à 5% de la valeur de la propriété.

En droit, après avoir cité les termes de l’article 164 LIR et s’être référée à la jurisprudence des juridictions administratives en matière de distributions cachées de bénéfices, la demanderesse, en se prévalant de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de la procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », fait valoir que la charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices reposerait en premier lieu sur le bureau d’imposition lequel devrait procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable et relever les éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence d’une telle distribution. Elle continue que ce ne serait que lorsque le bureau d’imposition peut faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable qu’il y aurait alors renversement de la charge de la preuve, imposant au contribuable de prouver qu’il n’y a pas eu diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées.

Elle soutient qu’il ressortirait clairement de l’historique des comptes généraux qu’elle aurait perçu des revenus au titre de location de la maison litigieuse ne provenant aucunement de personnes liées à elle, de sorte que ce serait à tort que l’administration des Contributions directes a considéré qu’il y aurait eu mise à disposition d’un logement à titre gratuit pouvant être qualifiée de distribution cachée de bénéfice au sens de l’article 164, paragraphe (3) LIR.

La demanderesse reproche encore à l’administration des Contributions directes d’être restée en défaut d’apporter la moindre preuve permettant de retenir l’usage à titre gratuit de l’immeuble litigieux par une personne bénéficiaire associée, sociétaire ou intéressée qui n’aurait pas bénéficié d’un tel usage si elle n’avait pas eu cette qualité.

5A cet égard, elle se réfère aux pièces versées en cause desquelles il se dégagerait qu’elle aurait fait le nécessaire pour que le bien mis en location soit « le plus visible possible » en vue d’attirer de potentiels touristes, tout en soulignant que lesdits efforts commerciaux lui auraient permis de remplir son planning pour les années litigieuses, à savoir 2013, 2014 et 2015. Par ailleurs, ce serait grâce à des prestataires comme … ou … que le bien immobilier litigieux aurait accueilli des locataires au cours des années 2013 à 2015, ce qui confirmerait l’absence de relations particulières entre elle-même et lesdits locataires et a fortiori l’absence d’un avantage direct ou indirect dont aurait bénéficié un associé, sociétaire ou intéressé au sens de l’article 164, paragraphe (3) LIR.

Il s’ensuivrait que l’administration des Contributions directes serait restée en défaut de faire état d’un faisceau de circonstances permettant de douter de la réalité économique de ses opérations et rendant une distribution cachée de bénéfices probable.

Il s’ensuivrait également que l’estimation d’un usage gratuit de l’immeuble pour un montant annuel de … euros serait infondée, la demanderesse reprochant plus particulièrement à l’administration des Contributions directes de ne pas avoir justifié la méthode d’évaluation utilisée pour déterminer le prétendu usage gratuit et estime que celle-ci aurait fait application d’une valeur locative de 5% de la valeur de l’immeuble situé à …, par analogie à une affaire ayant fait l’objet d’un arrêt de la Cour administrative du 19 janvier 2012, inscrit sous le numéro 28781C du rôle. Or, dans le cadre de cette affaire, l’administration des Contributions directes aurait disposé de preuves concrètes d’une utilisation privée de l’immeuble mis en location, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Elle ajoute que la Cour administrative aurait, dans cette affaire, revu la valeur locative annuelle du logement à la baisse dans la mesure où les personnes en lien avec la société en cause et pour lesquelles l’administration des Contributions directes avait conclu à une distribution cachée de bénéfices seraient des résidents fiscaux allemands, laissant supposer qu’elles auraient séjourné la majeure partie des années litigieuses en Allemagne et non pas dans le pays de situation du bien immobilier.

Elle fait ensuite valoir que le concept de distribution cachée de bénéfices serait à comprendre dans un sens économique recouvrant tant les appauvrissements effectivement subis que le manque à gagner, tout en soulignant que le critère de comparaison serait celui du « gérant bon père de famille » prévu par le Code civil dans le sens qu’un gérant de sociétés normalement diligent n’aurait pas fait l’opération en question, aux mêmes conditions, avec un tiers.

Or, il n’existerait, en l’espèce, aucun acte exercé par un membre de son conseil d’administration ou de son actionnariat ou même un intéressé qui permettrait de retenir un appauvrissement, respectivement un manque à gagner, la demanderesse insistant sur le fait qu’elle aurait fait le nécessaire afin que le bien immobilier en question soit loué le plus de semaines possibles au cours d’une année par des touristes potentiels ne détenant aucun lien avec elle, tout en se prévalant à cet égard de factures relatives aux frais engagés par elle pour que le bien soit référencé sur des sites internet de location.

Elle estime que le fait que le bien immobilier litigieux n’ait pas pu être loué une année en intégralité ne devrait pas ipso facto conduire à retenir un manque à gagner, alors qu’elle ne pourrait être tenue responsable de l’absence de location d’une semaine à l’autre, malgré la publicité effectuée par les nombreux prestataires qu’elle aurait mandatés. Elle avance que dans la mesure où le bien immobilier litigieux aurait une vocation touristique, il serait normal qu’il ne soit pas occupé 52 semaines par an, tout en mettant en exergue qu’il existerait des périodes 6privilégiées pour une location située dans le sud de la France comme les vacances de Pâques ou les vacances d’été et que, de manière générale, un bien immobilier serait moins loué dans cette région pour la période allant de novembre à mars.

Elle en conclut que la perte réelle ou le manque à gagner seraient économiquement justifiés.

En ce qui concerne ensuite la présence de l’administrateur dans le bien immobilier 15 jours par an, elle soutient que celle-ci ne pourrait être considérée comme un avantage dans la mesure où le déplacement en question aurait été lié à l’exercice de son mandat, à savoir la gestion du bien immobilier litigieux, lequel aurait nécessité un entretien et des travaux une fois par an. A cela s’ajouterait que tant ses administrateurs que ses associés seraient des résidents fiscaux belges, de sorte qu’ils auraient séjourné la majeure partie des années 2013 à 2015 en Belgique. Il s’ensuivrait que l’immeuble sis à … en France ne saurait être considéré comme ayant été tenu à leur disposition durant l’intégralité des années litigieuses.

Au vu de ce qui précède, il devrait être retenu que le calcul effectué par le bureau d’imposition pour retenir une valeur locative de l’immeuble serait erroné.

Elle conclut qu’il n’existerait en l’espèce aucune mise à disposition gratuite du bien immobilier litigieux permettant de considérer l’existence d’une distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164, paragraphe (3) LIR, de sorte que les bulletins de l’impôt litigieux seraient à réformer en ce sens.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir rappelé les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-dessus, met en avant qu’il se dégagerait des tableaux versés en cause que le bien immobilier litigieux n’aurait été loué à des tiers que 15 semaines en 2013, 18 semaines en 2014 et 11 semaines en 2015, soit plus ou moins 4 mois en 2013 et 2014 et moins de 3 mois en 2015.

Il fait valoir que si la demanderesse avait comme objet social principal l’achat et la vente de biens immobiliers ainsi que la location, la gestion et la mise en valeur de biens immobiliers, le bien litigieux serait toutefois le seul actif immobilier détenu par celle-ci alors qu’elle n’aurait jamais ni acheté ni géré d’autres biens immobiliers dans le cadre de son activité.

Il donne à considérer que pour les exercices en cause, la demanderesse serait détenue de manière égale par Monsieur B et Madame C, résidant en Belgique à la même adresse et lesquels seraient également administrateurs de la société SOCIETE A, Monsieur B serait, de surcroît, délégué à la gestion journalière.

Il soutient que contrairement à l’argumentation de la demanderesse, le fait que le bien immobilier ait été loué à des tiers à certaines périodes de l’année ne permettrait en aucune manière d’en déduire qu’il n’aurait pas été utilisé à titre gratuit par des associés ou intéressés le reste du temps. De même, et contrairement à ce que soutiendrait la demanderesse, les contrats d’agence versés en cause ne prévoiraient pas que le bien en question serait destiné exclusivement et toute l’année à la location touristique, le délégué du gouvernement soulignant à cet égard qu’il ressortirait même clairement de ces contrats que les agences devraient requérir, avant toute location à des tiers, la confirmation de la disponibilité du bien, de sorte que ce serait la demanderesse seule, par le biais de son administrateur-délégué, Monsieur B, qui déterminerait à sa guise les périodes de mise en location effective.

7 Concernant l’utilisation à titre privé du bien litigieux, le délégué du gouvernement reproche à la demanderesse de n’appuyer son affirmation suivant laquelle « la présence de l’administrateur dans le bien immobilier 15 jours par an évoqué dans le cadre de la réclamation, il faut considérer qu’il ne s’agit ici nullement d’un avantage dans la mesure où ce déplacement est lié à l’exercice de son mandat, à savoir la gestion du bien immobilier détenu par la Société » sur aucun élément probant, tout en soulignant que l’« administrateur » auquel il serait fait référence ne serait à aucun moment identifié alors que le conseil d’administration de la demanderesse serait composé de trois membres. Il avance que la demanderesse ne justifierait pas non plus la nature professionnelle des déplacements et estime que l’indication à cet égard d’une période d’« une à deux semaines dans l’année » serait particulièrement évasive.

Il reproche de même à la demanderesse de produire « en abondance » des éléments relatifs à la location à des tiers, tout en restant toutefois en défaut de fournir le moindre élément concernant les périodes non occupées par des tiers, de sorte à ne donner qu’une vue fragmentaire de l’utilisation du bien litigieux.

Il fait valoir qu’il ressortirait, par ailleurs, du dossier fiscal que la demanderesse serait empreinte d’une forte connotation familiale alors que (i) Monsieur B et Madame C habiteraient à la même adresse, (ii) Madame D aurait également été administrateur de la société SOCIETE A de début 2013 à fin 2014 et (iii) Monsieur E en serait le commissaire aux comptes. Il soutient que même si le lien familial entre ces personnes n’était pas établi, la correspondance entre les noms de famille suggérerait fortement un tel lien, de sorte que même si les actionnaires ou administrateurs n’avaient pas eux-mêmes disposé de l’immeuble plus d’une ou deux semaines par an, il n’en resterait pas moins que des membres de leur famille ou des proches pourraient parfaitement disposer de l’immeuble non loué pendant ce temps.

Au vu de ces éléments, il existerait des indices laissant raisonnablement présumer une utilisation à titre privé du bien immobilier litigieux par les administrateurs, les actionnaires ou des personnes intéressées, le délégué du gouvernement soulignant encore à cet égard que la demanderesse reconnaîtrait elle-même dans sa réclamation que « nous pouvons en effet concevoir qu’un certain montant de revenus de location a été abandonné en faveur d’une relation actionnariale ».

Le délégué du gouvernement se réfère, enfin, à une publication de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de laquelle il se dégagerait que le taux annuel d’occupation hôtelière touristique dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur s’établirait au cours des exercices 2014 à 2016 autour de 57%, soit près de 30 semaines par an. Il avance que même si ce chiffre, de nature générale, devait nécessairement être apprécié avec pondération, celui-ci pourrait être mis en parallèle avec le taux de location du bien immobilier litigieux lequel s’établirait à 29%, 35% et 21% pour les années 2013, 2014 et 2015. Or, un tel écart entre le taux d’occupation touristique moyen de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et celui du bien immobilier de la société SOCIETE A, malgré la qualité du bien et les nombreux efforts commerciaux qu’elle mettrait elle-même en avant, serait particulièrement surprenant et laisserait raisonnablement supposer que le bien immobilier n’aurait pas été ouvert exclusivement à la location au cours des exercices 2013 à 2015, le délégué du gouvernement se référant, dans ce contexte, encore aux tableaux récapitulatifs versés en cause desquels il se dégagerait qu’à l’exception des congés d’été, le bien immobilier n’aurait jamais été loué aux périodes correspondant aux congés scolaires en France, comme les vacances de la Toussaint, de Carnaval ou de Noël (sauf 2013), périodes pourtant favorables aux locations touristiques dans le sud de la France, tout en insistant sur le fait qu’un gestionnaire même moyennement 8diligent et consciencieux tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale n’aurait pas renoncé annuellement à des recettes de location d’un tel immeuble pendant des périodes aussi longues.

Il conclut que tous ces éléments devraient être qualifiés de faisceau de circonstances permettant de douter de la réalité économique des opérations mises en avant par le contribuable et de nature à rendre probable l’existence d’un avantage accordé par la demanderesse à ses actionnaires et/ou administrateurs.

Il s’ensuivrait que dans la mesure où la demanderesse ne soumettrait aucun élément probant quant à l’absence d’une utilisation privée du bien immobilier par les administrateurs et/ou actionnaires pendant les périodes au cours desquelles le bien n’a pas été loué à des tiers, la mise en compte d’une distribution cachée de bénéfices pour utilisation gratuite du bien immobilier serait à confirmer.

Concernant enfin le montant de l’avantage résultant de l’occupation gratuite de l’immeuble, il explique que le bureau d’imposition l’aurait évalué à 5% de sa valeur unitaire, en conformité avec les dispositions du paragraphe 217 AO, soit … euros par an. Il met en avant que sur base de la position actuelle de la Cour administrative dans ses arrêts des 19 janvier 2012 et 5 août 2015, inscrits respectivement sous les numéros 28781C et 35970C du rôle, une réduction prorata temporis de l’avantage estimé devrait en principe être admise pour refléter le fait que l’immeuble aurait été loué à des tiers quelques semaines par an, tout en soulignant que contrairement aux affaires précitées, le prix de marché des loyers au cours de la période litigieuse serait connu en l’espèce puisque le bien litigieux aurait été loué à des tiers. Il explique que le montant de … euros mis en compte par le bureau d’imposition correspondrait à environ 12 semaines de location à des tiers pour un prix moyen utilisé en l’espèce de … euros par semaine, soit une période pendant laquelle le bien aurait dû être théoriquement loué sur base du taux d’occupation officiel précédemment cité. Il s’ensuivrait que l’avantage fixé sur la base de la valeur unitaire s’avérait nettement inférieur aux recettes qui auraient été perçues si le bien avait été effectivement loué à des tiers pendant cette même période, de sorte qu’une réduction de l’avantage prorata temporis ne serait pas justifiée.

Il met finalement en avant qu’en vertu des articles 146 et 148 LIR, les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées devraient faire l’objet d’une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux et que le taux de la retenue d’impôt applicable pour l’année 2015 serait de 15%, à moins que le débiteur des revenus ne prenne à sa charge l’impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices, ne serait jamais présumé.

Au vu de tout ce qui précède, le recours ne serait pas fondé et les bulletins litigieux seraient à confirmer dans leur intégralité.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse, en se basant sur la jurisprudence des juridictions administratives, fait tout d’abord valoir qu’il appartiendrait au directeur, saisi dans le cadre d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt, de vérifier si les bases imposables fixées par la voie de la taxation d’office se rapprochent autant que possible de la réalité économique et si la marge de sécurité fixée par le bureau d’imposition a été établie avec mesure et modération. Elle avance dans ce contexte qu’elle aurait apporté au directeur toutes les informations nécessaires permettant de justifier que les revenus fictifs de location de … euros considérés comme distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164, paragraphe (3) LIR par le bureau d’imposition ne correspondraient en aucun cas à sa situation réelle. Elle aurait 9ainsi précisé et justifié à suffisance que le bien immeuble situé à … serait destiné à la location et qu’il serait à sa disposition une à deux semaines par an afin de pouvoir en assurer l’entretien et la maintenance.

Elle soutient que le directeur, investi des mêmes pouvoirs que le bureau d’imposition pour la détermination des bases d’imposition et de la cote d’impôt, aurait dû examiner sa situation réelle, laquelle ne permettrait pas de considérer qu’il existe une mise à disposition gratuite du logement pour un associé ou une personne intéressée. Elle estime, par ailleurs, que le directeur aurait dû retenir que les revenus réalisés par elle s’écarteraient de manière significative des bases d’imposition fixées par le bureau d’imposition dans la mesure où l’ajout d’un revenu fictif de location de … euros par le bureau d’imposition engendrerait un écart significatif avec sa situation réelle.

En ce qui concerne ensuite le renversement de la charge de la preuve, elle rappelle que la charge de la preuve reposerait en premier lieu sur le bureau d’imposition qui devrait procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable et relever les éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence de distributions cachées de bénéfices. Ce ne serait qu’en présence d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable qu’il y aurait renversement de la charge de la preuve, imposant au contribuable de démontrer qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées.

A cet égard, la demanderesse fait valoir qu’elle aurait montré son implication afin de stimuler la location de son bien immobilier en faisant notamment la promotion de son annonce de location sur de nombreuses plateformes internet, auprès de nombreuses agences immobilières et également via son propre site interne. Elle aurait également apporté la preuve de la disponibilité du bien immobilier litigieux en l’offrant à la location sur des périodes annuelles, justifiant ainsi le caractère exclusif de la location de celui-ci.

Elle soutient que l’absence de location durant certaines semaines de l’année ne pourrait pas être assimilée à une mise à disposition gratuite du bien pour ses dirigeants et/ou ses associés, alors que dans cette hypothèse, toutes les sociétés qui possèdent un bien immobilier devraient se voir appliquer une imposition sur des revenus fictifs déterminés arbitrairement par l’administration des Contributions directes en fonction des périodes de disponibilité du bien.

Elle conclut que dans la mesure où il ressortirait des pièces fournies par elle que le bien immobilier litigieux serait destiné à la location touristique, sa situation réelle ne pourrait être remise en cause, de sorte que la charge de la preuve se trouverait de nouveau renversée et incomberait à l’Etat.

Elle reproche ensuite à la partie étatique de déduire de l’absence de location du bien immobilier, l’existence inéluctable d’un avantage pour un associé ou un intéressé qui pourrait disposer du bien à sa guise, tout en mettant en avant qu’elle aurait prouvé à suffisance que le bien en question serait mis en location toute l’année. Elle ajoute que si une location dudit bien à 100% était certes un objectif à atteindre, cela ne pourrait toutefois constituer une obligation à sa charge engendrant des pénalités fiscales pour elle et pour l’ensemble des professionnels du tourisme.

10En ce qui concerne ensuite l’affirmation du délégué du gouvernement que les contrats d’agence conclus par elle prévoiraient la confirmation de la disponibilité du bien avant toute location à des tiers, ce qui permettrait à son administrateur-délégué de déterminer à sa guise les périodes de mise en location effective, la société SOCIETE A fait valoir que le bien immobilier serait présent sur de nombreux sites internet de location mais également auprès de nombreuses agences immobilières, raison pour laquelle il serait prévu que les agences doivent requérir, avant toute location aux tiers, la confirmation de la disponibilité du bien afin de vérifier que le bien n’a pas été loué par un autre intermédiaire. Il s’agirait là d’une question de logique et de pratique dans la mesure où la situation inverse obligerait son administrateur-délégué à contacter tous les intermédiaires à chaque location du bien.

Elle met ensuite en exergue qu’elle tiendrait un planning qui serait mis à jour à chaque location. Elle se prévaut à cet égard d’un échange de courriers électroniques entre son administrateur-délégué, Monsieur B, et l’agence … sur la disponibilité du bien pour les mois de mars à août 2015, pour faire valoir qu’une comparaison des dates communiquées par courriers électroniques avec le planning de locations de l’année 2015, confirmerait que le bien serait exclusivement destiné à la location indépendamment des périodes de disponibilité du bien qui en auraient résulté, lesquelles ne pourraient en aucun cas être assimilées à une mise à disposition gratuite du bien immobilier pour ses associés ou des personnes intéressées. Par ailleurs, le contrat d’agence avec … du 9 janvier 2013 prévoirait que les périodes de location du bien s’étendraient du 5 janvier 2013 au 21 décembre 2013, tel qu’en attesterait également le planning de réservation.

En ce qui concerne ensuite la présence des administrateurs dans le bien litigieux, la demanderesse insiste sur le fait que celle-ci se limiterait à une ou deux semaines par an, tout en précisant que son administrateur-délégué serait en charge de sa gestion journalière et s’occuperait, à ce titre, de l’entretien et la maintenance du bien immobilier.

Après avoir énuméré certains exemples où son administrateur-délégué aurait été obligé de se déplacer afin d’assurer l’entretien et la maintenance du bien en question, à savoir des travaux d’aménagement intérieur en début de l’année 2013, une fuite au mois d’octobre 2013, la rénovation de la piscine et la finalisation des travaux d’aménagement intérieur et du plancher de la villa en mars et avril 2014 ainsi qu’une expertise et des travaux de réparations en octobre et novembre 2015 suite à des inondations de la maison, elle soutient que lesdits déplacements auraient été intrinsèquement liés à ses activités et auraient dès lors eu une nature purement professionnelle.

Elle fait valoir que les périodes au cours desquelles il n’y a pas eu location ne pourraient en aucun cas être assimilées à une mise à disposition gratuite du bien pour l’associé ou une personne intéressée alors que ces périodes d’absence de location seraient liées à l’absence de touristes ayant manifesté leur volonté de louer ledit bien, ainsi qu’aux périodes de travaux durant lesquelles le bien n’aurait pas pu être loué. A cela s’ajouterait encore que le bien immobilier litigieux serait une villa prestigieuse avec un tarif de location assez élevé, ce qui laisserait conclure que les potentiels touristes s’attendraient à des prestations luxueuses et à des infrastructures en très bon état, de sorte que tout devrait être mis en œuvre pour que les travaux et aménagements soient terminées au moment de la location.

Elle ajoute qu’il ne pourrait être reproché à son administrateur-délégué de s’installer pendant cette période de surveillance dans la maison litigieuse, alors que, dans le cas contraire, 11il serait obligé de louer une chambre d’hôtel pendant la durée de son séjour, frais qu’il pourrait ensuite déduire en tant que dépenses professionnelles.

La société SOCIETE A réfute ensuite l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle « des membres de leur famille ou des proches pouvaient parfaitement disposer de l’immeuble non loué pendant ce temps », en lui reprochant de rester en défaut d’apporter la moindre preuve à cet égard.

Elle conteste également l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle elle aurait reconnu, dans le cadre de sa réclamation, qu’un certain montant de revenus de location aurait été abandonné en faveur d’une relation actionnariale, tout en avançant qu’il s’agirait là de justifier la présence de 15 jours par an de l’actionnaire, également administrateur-délégué, dans la maison pour gérer les travaux et la maintenance du bien immobilier.

S’agissant ensuite des informations officielles publiquement disponibles de INSEE dont se prévaut le délégué du gouvernement, elle fait valoir que ces statistiques ne seraient pas applicables en l’espèce dans la mesure où l’étude de l’INSEE viserait spécifiquement le taux d’occupation des hôtels et des campings et non pas des villas, comme en l’espèce. A cela s’ajouterait que les taux y mentionnés seraient fournis à titre indicatif, de sorte à ne pouvoir en aucun cas constituer une obligation de résultat à charge de l’ensemble des professionnels du tourisme.

S’agissant de l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle elle aurait renoncé annuellement à des recettes de location de l’immeuble et qu’elle aurait ainsi pallié à ses obligations de gestionnaire moyennement diligent et consciencieux tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, elle réitère qu’elle aurait apporté l’ensemble des preuves portant sur la mise en valeur optimale de l’immeuble par la location.

Elle rappelle à cet égard que les périodes de mises à la location par l’agence … s’étendraient du 5 janvier 2013 au 21 décembre 2013, tout en soulignant que le bien en question aurait été loué les deux dernières semaines de décembre. Elle précise que tous les contrats d’agence auraient été renouvelés pour 2014 et 2015, périodes durant lesquelles le bien aurait été affecté exclusivement à la location à l’exception des périodes de travaux.

Au vu de ces considérations, il devrait dès lors être retenu qu’elle aurait agi comme un gestionnaire diligent et consciencieux tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale.

Elle affirme qu’une consultation sur internet permettrait de constater que la villa litigieuse serait omniprésente, tout en faisant valoir que si le but était de permettre à ses associés et personnes intéressées de profiter pleinement d’une « villa de rêve » dans le sud de la France, elle n’aurait pas développé autant d’efforts au niveau commercial et publicitaire pour attirer les potentiels touristes.

Elle conclut que la partie étatique resterait en défaut d’établir un faisceau de circonstances permettant de démontrer la mise à disposition gratuite du bien immobilier à un associé ou un intéressé, tout en ajoutant que le contraire laisserait la porte ouverte à la possibilité d’imposer des revenus fictifs issus de biens immobiliers touristiques lorsque ceux-ci n’ont pas trouvé de locataires, ce qui ne serait pas admissible et conduirait à la faillite de plusieurs sociétés.

12 S’agissant ensuite des deux arrêts de la Cour administrative des 19 janvier 2012 et 5 août 2015, inscrits respectivement sous les numéros 28781C et 35970C du rôle, dont se prévaut le délégué du gouvernement afin de justifier la possibilité d’un avantage résultant de l’occupation gratuite de l’immeuble ainsi que le montant de la valeur locative retenue en l’espèce, la demanderesse estime que les conclusions y retenues ne seraient pas transposables en l’espèce alors que dans ces affaires l’immeuble concerné aurait été affecté à une « utilisation privée », sans qu’aucune recette de location afférente n’aurait été inscrite dans les comptes sociaux. Le bureau d’imposition aurait ainsi décidé de fixer le montant de la distribution sur base de la valeur du domaine directement dégagée de la police d’assurance fournie par la société en question et d’une valeur locative afférente à hauteur de 5% et aurait ensuite pris en compte la valeur vénale du domaine et revu à la baisse la valeur locative de l’immeuble dans la mesure où le montant déterminé concernait une année entière et où les contribuables visés étaient des résidents fiscaux en Allemagne, ayant donc nécessairement passé moins de 6 mois dans l’immeuble en France.

Elle reproche à cet égard au bureau d’imposition d’avoir décidé d’appliquer un calcul arbitraire pour justifier le montant de … euros retenu à titre de mise à disposition gratuite du logement à un associé ou une personne intéressée en fixant un montant correspondant à environ 12 semaines de location à des tiers à un prix moyen utilisé de … euros par semaine, la demanderesse mettant en exergue que cela aurait pour conséquence que les périodes durant lesquelles il n’y a pas eu de fréquentation seraient imposées malgré l’absence de recettes de location y relatives. Or, cette position arbitraire serait totalement contraire aux « principes applicables en matière fiscale ».

Elle critique dans ce même contexte encore la méthode de calcul retenue par la partie étatique, laquelle ne se fonderait sur aucune base légale, ainsi que la période de 12 semaines retenue à titre de mise à disposition gratuite de l’associé et des membres de sa famille, laquelle ne serait appuyée par aucun élément de preuve quant à la présence effective de membres de la famille dans les lieux. Elle fait à cet égard valoir que Monsieur B aurait trois enfants nés en …, … et … qui auraient tous été scolarisés au cours de la période litigieuse, de sorte qu’il serait impossible que la famille de l’associé ait logé gratuitement dans la villa pendant 12 semaines par an. De même, il n’existerait aucune base légale permettant d’imposer des revenus fictifs qui se dégageraient des périodes de libre occupation d’un bien mis en location, la demanderesse estimant que le contraire signifierait qu’il existe une obligation de résultat à charge du bailleur qui serait tenu de louer son bien 52 semaines par an. Or, une telle situation ne correspondrait pas à la réalité économique. Elle met encore en avant l’augmentation progressive de son chiffre d’affaires lié aux loyers de la villa depuis la mise en location en 2013, à l’exception de l’année 2015 durant laquelle divers travaux auraient dû être effectués en raison notamment du dégât des eaux du mois d’octobre 2015.

La demanderesse donne ensuite à considérer que les revenus locatifs de la maison seraient imposés en France et que l’administration fiscale française n’aurait jamais remis en cause ses activités purement commerciales. A cet égard, elle explique que l’administration fiscale française considérait que la mise à disposition gratuite d’un logement par une société passible de l’impôt sur les sociétés en France à ses associés constituerait un abandon de loyer susceptible d’être réintégré au résultat fiscal de la société, tel que cela serait notamment le cas des logements de fonction. Or, en l’espèce, elle n’aurait jamais fait l’objet d’une qualification selon le droit fiscal français en un abandon de loyer pouvant générer une source d’impôt supplémentaire, la demanderesse en déduisant que le fisc luxembourgeois ne pourrait pas non 13plus y procéder par le biais de l’application de la distribution de bénéfice dans les conditions données.

La demanderesse insiste, enfin, une nouvelle fois sur le fait qu’elle aurait apporté la preuve de toutes les dépenses qui auraient été engagées afin de stimuler la location du bien immobilier au cours des exercices litigieux et de confirmer que l’ensemble des déclarations fiscales soumises correspondraient effectivement à sa situation réelle économique, de sorte qu’aucune distribution cachée de bénéfices ne pourrait être retenue dans le cadre de son imposition. Elle aurait, par ailleurs, également démontré l’absence de mise à disposition gratuite du logement au profit d’un associé ou d’une personne intéressée, de sorte que l’allégation du délégué du gouvernement, non autrement sous-tendue par un document probant, suivant lequel le bien immobilier n’aurait pas été loué 52 semaines par an, ne saurait suffire pour conclure à une mise à disposition gratuite par un associé ou une personne intéressée.

Au vu de tout ce qui précède, les bulletins de l’impôt litigieux encourraient la réformation.

A titre liminaire, le tribunal relève que la demanderesse affirme limiter son recours dirigé contre les bulletins de l’impôt litigieux au volet de la distribution cachée de bénéfices dans le cadre de la mise à disposition gratuite de l’immeuble à … évalué à … euros pour chacune des années 2013, 2014 et 2015, sans viser la qualification de distribution cachée de bénéfices pour les dépenses liées aux vêtements professionnels, de sorte que l’analyse du tribunal se limite également à ce volet.

A cet égard, force est de constater que les parties s’opposent essentiellement sur la question de savoir s’il existe en l’espèce une mise à disposition gratuite du bien immobilier situé à … en France en faveur des associés et/ou administrateurs de la société SOCIETE A, pouvant s’analyser en une distribution cachée de bénéfices, la demanderesse soutenant en effet que la maison litigieuse serait destinée exclusivement « à la location touristique à des tiers » et qu’il n’y aurait aucune utilisation gratuite du bien par une personne liée à elle.

Quant à l’existence d’une distribution cachée de bénéfices, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 164, paragraphe (3) LIR « Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité. ». Les distributions cachées de bénéfices visées par cette disposition existent si un associé, un actionnaire ou un intéressé reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qui s’analysent pour cette dernière en un emploi de revenus sans contrepartie effective et que l’associé, l’actionnaire ou l’intéressé n’aurait pas pu obtenir cet avantage en l’absence de ce lien. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers.

En ce qui concerne la charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices, sur le fondement de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable », la charge de la preuve repose en premier lieu sur le bureau d’imposition. Celui-ci doit en effet procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable et relever des éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence de distributions 14cachées de bénéfices. Ainsi, c’est essentiellement lorsque le bureau d’imposition peut faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable et qui n’ont pas été éclairées ou documentées par le contribuable que le bureau peut mettre en cause la réalité économique des opérations et supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées2.

Quant à la condition fixée à l’article 164, paragraphe (3) LIR, tenant à l’existence d’une relation particulière, il convient de relever que le cercle de personnes bénéficiaires d’avantages dont l’article 164, paragraphe (3) LIR autorise la requalification en distribution cachée qui seront à comprendre dans le revenu imposable est délimité par cette disposition aux associés, sociétaires et intéressés de l’entité sociale visée. La notion d’« intéressé » fait partie d’une formule générale afin de permettre à l’administration et aux instances de recours de prendre leur décision dans chaque cas d’espèce et ce, au vu de la difficulté de prévoir une énumération exhaustive. Une relation directe entre la société ou la collectivité ayant attribué l’avantage sans contrepartie réelle et le bénéficiaire de ce dernier n’est pas nécessaire. Seule est posée la condition de savoir si l’attribution d’un tel avantage par la société est motivée par le seul lien participatif d’un associé ou sociétaire, de manière que l’octroi dudit avantage à une autre personne ayant des liens suffisamment étroits avec l’associé ou le sociétaire puisse également être considéré comme distribution cachée si la relation économique entre ledit octroi et le lien participatif se trouve vérifiée d’après les éléments de l’espèce3.

La qualification d’une opération comme distribution cachée de bénéfices est ainsi soumise notamment à la condition de l’existence d’une relation d’associé ou de sociétaire (« Gesellschafterverhältnis ») qui est la cause de l’avantage sans contrepartie effective qui a été alloué par la société.

En l’espèce, il échet dès lors de vérifier, tel qu’énoncé ci-avant, si le bureau d’imposition a fait état d’un faisceau de circonstances rendant probable l’allocation d’un avantage sans contrepartie effective et équivalente par la société SOCIETE A à un associé, actionnaire ou intéressé au sens de l’article 164, paragraphe (3) LIR.

A cet égard, s’il n’est pas contesté que le bien immobilier litigieux a été loué à des tiers n’ayant aucun lien avec la société SOCIETE A pendant certaines périodes, force est toutefois de constater que le bureau d’imposition reproche à la demanderesse d’avoir fait profiter ses associés ou administrateurs de l’utilisation de l’immeuble litigieux pendant une partie de l’année sans contrepartie financière, de sorte que le cercle de personnes bénéficiaires d’avantages visé est celui relevant du champ d’application de l’article 164, paragraphe (3) LIR.

Ensuite, et s’agissant du faisceau de circonstances qui rendent en l’espèce une distribution cachée de bénéfices probable, il ressort d’un extrait du registre de commerce et des sociétés figurant au dossier fiscal que la société SOCIETE A a été constituée le … 2010 et qu’elle a notamment pour objet social l’achat et la vente de biens immobiliers, ainsi que la location, la gestion et la mise en valeur de biens immobiliers. Il se dégage encore des 2 Cour adm., 12 février 2009, n° 24642C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 629 et les autres références y citées.

3 Trib. adm. 18 décembre 2013 n° 30851 du rôle, confirmé par Cour adm., 2 décembre 2014, n° 33901C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 636 et les autres références y citées.

15explications non contestées de la partie étatique que la demanderesse ne dispose que d’un seul bien immobilier qui est celui situé à …. Il se dégage encore de la détermination des bénéfices comptables par pays annexée aux déclarations de l’impôt de la demanderesse pour les années 2013, 2014 et 2015, que les loyers générés au titre de la location du bien immobilier litigieux s’élèvent pour ces mêmes années à respectivement …, … et … euros, ce qui, en prenant un loyer moyen de … euros par semaine, correspond à 11 à 12 semaines de location par an. Il ressort ensuite d’une publication de l’INSEE figurant au dossier administratif que le taux annuel d’occupation hôtelière touristique dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans laquelle se situe également l’immeuble litigieux, s’établit au cours des exercices 2014 à 2016 autour de 57%, soit près de 30 semaines par an.

Au vu de ces éléments, et dans la mesure où la société SOCIETE A n’a pas donné suite ni aux courriers du bureau d’imposition des 5 juillet et 20 novembre 2017, l’invitant à lui faire parvenir différents renseignements et pièces au sujet de la mise en location de l’immeuble situé à …, ni à celui du 3 janvier 2018 par lequel le bureau d’imposition a informé la demanderesse de son intention de procéder à certains redressements, c’est à bon droit que celui-ci a considéré qu’il existe un faisceau de circonstances qui rendent probable une distribution cachée de bénéfices provenant de la mise à disposition gratuite du seul bien immobilier de la demanderesse, à savoir celui situé à …, au profit de ses associés ou administrateurs, ceci plus particulièrement dans la mesure où, d’une part, le bien immobilier en question n’a été loué que quelques semaines par an, et ce quand bien même l’objet social principal de la demanderesse consiste dans l’achat et la vente de biens immobiliers, ainsi que la location, la gestion et la mise en valeur de biens immobiliers, et où, d’autre part, pour les exercices concernés, la société SOCIETE A a été détenue de manière égale par des personnes physiques, à savoir Monsieur B et Madame C, lesquels résident à la même adresse en Belgique, et lesquels sont également administrateurs, respectivement administrateur-délégué à la gestion journalière de la demanderesse, laissant, en effet, présumer une utilisation à titre privé du bien immobilier litigieux.

Il s’ensuit que la partie gouvernementale peut valablement faire état d’un renversement de la charge de la preuve au sens de la jurisprudence précitée, de sorte qu’il appartient à la partie demanderesse de démontrer qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées.

A cet égard, force est de constater que dans le cadre de sa réclamation, la demanderesse a versé un planning de réservation de l’immeuble litigieux pour les années 2013 et 2014 duquel il se dégage que le bien immobilier a été loué à des tiers entre 15 à 18 semaines par an, tout en expliquant qu’elle dispose dudit bien une à deux semaines sur l’année pour en assurer l’entretien et la maintenance. Elle donne, par ailleurs, à considérer que le montant du loyer perçu varierait en fonction de la période de location et oscillerait entre … et … euros par semaine. A l’appui de son recours contentieux, la demanderesse a encore versé diverses pièces destinées à attester qu’elle aurait entrepris les démarches commerciales nécessaires afin d’optimiser « la visibilité » du bien immobilier et à démontrer que le bien immobilier litigieux a effectivement été loué à des tiers, de sorte qu’aucune mise à disposition à titre gratuit au profit de ses associés ou administrateurs ne pourrait être retenue.

Or, force est de constater qu’aucun des éléments versés en cause ne permet de retenir qu’il n’y a en l’espèce pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée.

16En effet, s’il ressort certes, d’une part, des contrats d’agences ainsi que des différentes factures relatives à la présence du bien immobilier sur des sites internet que la demanderesse s’est efforcée à rendre l’immeuble litigieux « visible » en vue d’une location à des tiers, et qu’il se dégage, d’autre part, du planning de réservation de l’immeuble litigieux pour les années concernés, ensemble les extraits de compte bancaires de la demanderesse, les contrats de location, les échanges de courriers électroniques entre les différentes agences et la société SOCIETE A, de même que de l’historique des comptes généraux de la demanderesse pour la période allant de 2013 à 2015, que le bien en question a effectivement été loué à des tiers 15 semaines en 2013, 18 semaines en 2014 et 11 semaines en 2015, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la partie étatique, force est toutefois de constater que la demanderesse est restée en défaut de verser un quelconque document ou pièce permettant d’établir qu’elle n’a pas utilisé le bien en question à titre privé, respectivement que les périodes d’absence de location s’expliquent par d’autres facteurs, tels un défaut de clients intéressés ou encore des difficultés pour mettre le bien immobilier en location, et ce malgré les efforts que la demanderesse a déployés au niveau publicitaire et commercial pour améliorer la visibilité du bien, d’une part, et au niveau de la mise en valeur de la propriété, d’autre part.

Ainsi et face aux explications circonstanciées de la partie étatique suivant laquelle le taux annuel d’occupation hôtelière touristique dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur au cours des années 2014 à 2016 était de 57%, soit près de 30 semaines par an, il aurait appartenu à la demanderesse, à qui incombe la charge de la preuve, de verser des pièces qui permettent plus particulièrement de démontrer, tel qu’elle le soutient d’ailleurs elle-même, que l’absence de location pendant pratiquement trois quarts de l’année est due aux difficultés qu’elle a rencontrées pour trouver des locataires intéressés surtout lors de la période de septembre à mars, en versant, par exemple, des attestations testimoniales de la part des agences immobilières mandatées ou des échanges de courriers entre elle-même et lesdites agences témoignant le cas échéant de ces difficultés de mises en location, ce qu’elle n’a pourtant pas fait, étant à cet égard encore relevé que même si la publication de l’INSEE est relative à l’occupation d’hôtels et de campings dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, elle permet toutefois de faire état, à défaut de toute pièce en sens contraire de la demanderesse, d’une fréquentation touristique à la hausse dans cette région pour les exercices concernés. De même, et au vu des contestations de la partie étatique, il aurait encore incombé à la demanderesse d’établir que ses associés ou administrateurs n’ont pas utilisé l’immeuble litigieux à des fins privées, en produisant, par exemple, des attestations testimoniales de la part des agences immobilières, voire des voisins, d’un jardinier éventuel ou de toute autre personne témoignant que l’immeuble en question est resté non occupé pendant la plus grande partie de l’année. Or, la simple affirmation suivant laquelle ses administrateurs et associés seraient des résidents fiscaux belges, de sorte qu’ils auraient séjourné la majeure partie des années 2013 à 2015 en Belgique est insuffisante pour retenir le contraire. La demanderesse aurait, par ailleurs, pu démontrer l’absence de mise à disposition à titre gratuit de l’immeuble litigieux à ses associés ou administrateurs pendant les congés scolaires en France et réfuter par-là le reproche afférent de la partie étatique suivant lequel le bien immobilier litigieux ne serait jamais loué pendant les vacances de Toussaint, de Carnaval ou de Noël, sauf en 2013, en versant des pièces qui permettent de prouver que les personnes concernées ont passé leurs congés respectifs à un autre endroit qu’à …, tels, par exemple, des réservations d’avions, de trains ou d’hôtels faisant état d’autres destinations de voyage, ou encore des attestations testimoniales de leurs voisins, amis ou membres de famille certifiant qu’ils sont restés à la maison pendant les périodes visées.

17Or, défaut de toute pièce en ce sens, le reproche que les associés ou les administrateurs de la société SOCIETE A utilisent le bien immobilier à titre privé et sans contrepartie financière n’est pas valablement ébranlé.

Cette conclusion n’est pas infirmée ni par l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle son administrateur-délégué, Monsieur B, disposerait du bien immobilier une à deux semaines par an pour en assurer l’entretien et la maintenance, ni par les travaux de rénovation ou d’entretien effectivement effectués sur le bien immobilier en question. En effet, s’il n’est pas contesté, pour relever par ailleurs des pièces versées en cause, que des travaux de rénovation, respectivement d’entretien ont été réalisés au cours des exercices litigieux, la demanderesse reste toutefois en défaut de fournir un planning précis faisant état des périodes pendant lesquelles ces travaux ont effectivement été exécutés, respectivement des jours pendant lesquels Monsieur B a occupé le bien en question pour en assurer la maintenance, de sorte que les intervalles pendant lesquels l’immeuble litigieux n’a effectivement pas pu être mis en location à cause des travaux en cours, respectivement à cause des missions d’entretien et de maintenance de Monsieur B ne sont pas clairement définis.

Il échet encore de rejeter l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle elle n’aurait jamais fait l’objet d’une qualification selon le droit fiscal français en un abandon de loyer pouvant générer une source d’impôt supplémentaire, de sorte que le fisc luxembourgeois ne devrait pas non plus pouvoir y procéder par le biais de l’application de distribution cachée de bénéfices dans les conditions données, dans la mesure où non seulement cette affirmation n’est appuyée par aucun élément tangible et probant, de sorte à rester à l’état de pure allégation, mais également où le fait que le fisc fiscal français n’a pas retenu une source d’impôt supplémentaire n’empêche pas le fisc luxembourgeois de soupçonner une mise à disposition gratuite de l’immeuble au bénéfice des associés ou administrateurs de la société SOCIETE A au vu des éléments en cause.

En ce qui concerne enfin les contestations de la demanderesse quant aux montants mis en compte au titre de la distribution cachée de bénéfices en relation avec l’occupation de l’immeuble situé à …, il y a lieu de rappeler qu’en l’espèce le contribuable a fait l’objet d’une taxation d’office dont le principe est inscrit au paragraphe 217 (1) AO, lequel dispose que : « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. (2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt4. Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable ou approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique. Ce procédé comporte nécessairement une marge 4 Trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts n° 306 et les autres références y citées.

18d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération5. La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents6.

Il est constant en cause que la demanderesse n’a pas soumis à l’administration des Contributions directes, ni dans le cadre de ses déclarations d’impôt pour les années 2013 à 2015, ni suite aux courriers du bureau d’imposition, des éléments permettant de déterminer, de manière concrète, le montant de l’avantage résultant de l’occupation gratuite de l’immeuble litigieux, de sorte que le bureau d’imposition, conformément aux termes du paragraphe 217 AO, l’a évalué à 5% de sa valeur unitaire, soit à … euros par an.

En ce qui concerne l’évaluation opérée par la partie étatique des prédits montants, le tribunal constate que la demanderesse se limite à critiquer la méthode de calcul retenue par le bureau d’imposition sans toutefois sous-tendre ses contestations par la moindre pièce concluante. Il y a cependant lieu de relever qu’au vu, d’une part, des explications fournies par la partie étatique, dans le cadre de son mémoire en réponse, quant à la méthode d’évaluation utilisée en l’espèce - consistant à mettre en compte une retenue d’impôt sur le revenu de capitaux de 15% pour la mise à disposition gratuite du bien immobilier, conformément à l’article 148 LIR, estimée en l’espèce à … euros par année fiscale litigieuse en considérant un loyer moyen de … euros par semaine pour en moyenne 12 semaines de location à des tiers par an, de sorte à exclure une réduction prorata temporis de l’avantage estimé dans la mesure où, contrairement aux affaires prémentionnées dans lesquelles la Cour administrative a statué à travers des arrêts des 19 janvier 20127 et 5 août 20158, le prix de marché des loyers au cours de la période litigieuse est connu en l’espèce - pour déterminer l’avantage litigieux, et, d’autre part, du fait que la demanderesse est restée en défaut de soumettre au tribunal un quelconque élément ayant pu permettre au tribunal d’infirmer la méthode de calcul, respectivement les montants ainsi retenus par la partie étatique, les contestations à cet égard de la demanderesse laissent d’être fondées et sont partant à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

5 Cour adm. 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts n° 907 et les autres références y citées.

6 Trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts n° 906 et les autres références y citées.

7 n° 28781C du rôle.

8 n° 35970C du rôle.

19 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 novembre 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 novembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45339
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-11-29;45339 ?

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