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27/09/2022 | LUXEMBOURG | N°47965

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 septembre 2022, 47965


Tribunal administratif N° 47965 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2022:47965 3e chambre Inscrit le 22 septembre 2022 Audience publique du 27 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47965 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2022 par Maître Philipp

e STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif N° 47965 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2022:47965 3e chambre Inscrit le 22 septembre 2022 Audience publique du 27 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47965 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2022 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc), et être de nationalité marocaine, alias …, né le …, alias …, né le …, de nationalité algérienne, alias …, né le …, de nationalité marocaine, alias …, né le …, de nationalité algérienne, alias …, né le …, alias …, né le …, alias …, né le …, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 septembre 2022 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Charlotte MARC, en remplacement de Maître Philippe STROESSER et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 23 mai 2021, que Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias, …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », fit l'objet d'un mandat de dépôt pour vol qualifié.

Suivant des recherches dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin Ill », effectuées le 31 mai 2021, Monsieur … avait introduit une première demande de protection internationale au Danemark en date du 5 février 2019 et deux autres demandes de protection internationale en Allemagne en date des 9 mars et 10 septembre 2020.

Suivant relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 21 juin 2021, Monsieur … fit encore l'objet d'un mandat d'amener pour vol qualifié.

Il ressort d’un échange de renseignements par le biais du Centre de coopération policière et douanière entre le Luxembourg et la France du 22 juin 2021 que Monsieur … est connu par les autorités françaises pour avoir commis plusieurs infractions pénales et notamment des vols.

Par courrier du 30 juin 2021, les autorités luxembourgeoises s’adressèrent à leurs homologues allemands afin d’obtenir des renseignements supplémentaires au sujet de Monsieur …, dont l'état de la demande d'asile qu'il avait introduite en Allemagne.

Le 6 juillet 2021, les autorités allemandes confirmèrent que Monsieur … avait introduit une demande d'asile en Allemagne, tout en précisant que l’intéressé aurait disparu de sorte que sa demande aurait été classée sans suite.

Par courrier adressé à leurs homologues allemands en date du 8 juillet 2021, les autorités luxembourgeoises sollicitèrent la reprise en charge de Monsieur … sur base de l'article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin Ill, demande que les autorités allemandes acceptèrent sur base de l'article 18 paragraphe (1) point c) du règlement Dublin III par courrier du 13 juillet 2022.

Par décision du 15 juillet 2021, notifiée le 20 juillet 2021 à Monsieur …, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », décida de le transférer vers l'Allemagne.

Vu l’incarcération de Monsieur … au Centre pénitentiaire de Luxembourg, il ne put être transféré avant l’expiration du délai de transfert.

Il ressort d’un autre échange de renseignements entre le Luxembourg et ses pays limitrophes du 29 août 2022 par le biais du Centre de coopération policière et douanière que Monsieur … est connu tant en France qu'en Allemagne pour avoir commis diverses infractions et notamment des vols.

Par décision du 7 septembre 2022, notifiée à l’intéressé le 9 septembre 2022, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en prononçant une interdiction d'entrée sur le même territoire pour une durée de cinq ans.

Toujours le 7 septembre 2022, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté, notifié à l’intéressé le 9 septembre 2022, est basé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 7 septembre 2022, comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant que l’intéressé se trouvait en détention préventive au Centre pénitentiaire depuis le 21 juin 2021 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable, Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée le 22 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de placement précitée.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur …, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique, s’agissant d’une atteinte évidente à sa liberté de mouvement. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d'une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter son éloignement dans les meilleurs délais.

Le demandeur conteste ensuite toute perspective d’éloignement vers son pays d’origine ou bien vers le pays où il a toutes ses attaches familiales, de sorte à mettre en question que son éloignement puisse être réalisé dans un délai raisonnable.

En deuxième lieu, le demandeur s’empare de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu fixé par le ministre et avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée, tout en affirmant que le placement en rétention serait disproportionné.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision - de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne du placement en rétention litigieux, force est d’abord de constater qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire a été prise à son encontre le 7 septembre 2022, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement. Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite. Or, le demandeur, lequel est en outre connu sous divers alias dans des pays limitrophes, n’a fourni aucun élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef.

En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, dont fait état le demandeur, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, et il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant ensuite des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il se dégage des éléments du dossier, ainsi que des explications fournies par la partie étatique, non contestées sur ce point par le demandeur, qu’en date du 9 septembre 2022, le ministre a contacté le Consulat Général du Royaume du Maroc à Bruxelles en vue de l’identification de Monsieur …, tout en joignant des photos d’identité et un jeu d’empreintes digitales de l’intéressé à cette même demande.

Au vu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités marocaines, le tribunal retient que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes pour justifier la mesure de rétention litigieuse, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est exécutée avec toute la diligence requise. Il s’ensuit que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.

dans la requête introductive d’instance, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 septembre 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 septembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47965
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-09-27;47965 ?

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