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14/09/2022 | LUXEMBOURG | N°47899

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 septembre 2022, 47899


Tribunal administratif Numéro 47899 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 14 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47899 du rôle et déposée le 5 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Na

ïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif Numéro 47899 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 14 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47899 du rôle et déposée le 5 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 août 2022 ayant prorogé son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Naïma EL HANDOUZ et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 14 septembre 2022.

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Suivant le rapport de la police grand-ducale du 5 mai 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur … fut interpellé le même jour par les forces de l’ordre et soumis à un interrogatoire. A cette occasion l’intéressé déclara avoir consommé de la cocaïne et de l’alcool. Lors de ce contrôle, il apparut que l’intéressé faisait l’objet d’un signalement dans la base de données du système d’information Schengen (SIS) pour interdiction d’entrée sur le territoire italien pour une durée de trois ans à partir du 25 février 2021.

Par arrêté du 5 mai 2022, notifié à l’intéressé le jour-même, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le même territoire pendant une durée de cinq ans.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale du 24 mai 2022, référencé sous le numéro …, que Monsieur … fut appréhendé le même jour par les forces de l’ordre alors qu’il se trouvait dans une maison inhabitée sise à …, …. Lors de cette interpellation, Monsieur … ne put présenter de documents d’identité.

1 D’après un troisième rapport de la police grand-ducale du 31 juillet 2022, référencée sous le numéro …, Monsieur … fut interpellé dans le cadre d’un vol dans un supermarché. Il ressort du même rapport de police, que l’intéressé finit par présenter sa carte de sécurité sociale italienne aux forces de l’ordre, lesquelles constatèrent à nouveau que celui-ci faisait l’objet d’un signalement dans la base de données du système d’information Schengen (SIS) pour interdiction d’entrée sur le territoire italien.

Par arrêté du 31 juillet 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n°… du 31 juillet 2022 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat de Luxembourg C3R ;

Vu ma décision de retour du 5 mai 2022 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par un arrêté du 30 août 2022, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea une première fois le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification.

Ledit arrêté est fondé sur la motivation suivante :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 31 juillet 2022, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 31 juillet 2022 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l’intéressé refuse systématiquement la prise d’empreintes digitales ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté 2ministériel précité du 30 août 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour « vices d’excès et de détournement de pouvoir », pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Il fait plus particulièrement valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme ultime remède, portant atteinte à la liberté de mouvement, et qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Tout en admettant que l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. En mettant en exergue qu’il aurait disposé, et disposerait toujours, d’un domicile sur le territoire luxembourgeois, le demandeur expliquant à cet égard être hébergé par un ami, Monsieur …, il estime que ce serait à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans avoir eu recours aux mesures moins coercitives de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, notamment une assignation à résidence ou encore un placement dans une structure d’hébergement d’urgence, le demandeur précisant qu’une entrave à la liberté d’aller et de venir reconnue à tout individu ne devant être envisagée que si aucune autre possibilité n’avait pu être envisagée.

Il critique ensuite le fait pour le ministre de ne pas avoir pris en considération les éléments liés à sa personne. A cet égard, il explique que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permettait le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier au cas où des circonstances rendraient l’exécution de l’éloignement de celui-ci impossible, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. A cet égard, il se réfère à un jugement du tribunal administratif du 9 février 2009, inscrit sous le numéro 25344 du rôle, selon lequel, afin de pouvoir vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité, il y aurait lieu de tenir non seulement compte de l’opportunité du principe de l’enfermement, mais également du type de structure fermée retenu par le ministre. Dans ce contexte, le demandeur fait préciser qu’il n’aurait jamais tenté de se soustraire à son éloignement et qu’il serait en couple avec une ressortissante luxembourgeoise depuis plusieurs mois, le concerné ajoutant vouloir fonder une famille avec celle-ci. Son placement en rétention violerait dès lors l’article 8 de la 3CEDH, Monsieur … ajoutant à cet égard ne pas présenter de danger pour l’ordre public et ne pas avoir d’antécédents judiciaires.

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, dans la mesure où aucun laissez-passer ne lui aurait été délivré après plus d’un mois de rétention, le demandeur estimant ainsi qu’il ne serait pas certain qu’il puisse être éloigné endéans les délais légaux.

Au vu de ces considérations, le demandeur conclut que l’arrêté ministériel sous analyse devrait encourir la réformation et qu’il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate ou son « placement dans un centre ouvert ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Quant au moyen de légalité externe tenant à un défaut de motivation de la décision déférée, force est de relever qu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. Le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de l’arrêté ministériel litigieux, il y a lieu de rappeler qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus 4particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 5 mai 2022, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg. Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant 5une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le 6territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, à savoir l’assignation à résidence, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’y serait pas concevable.

Concernant l’attestation du 19 août 2022 établie par Monsieur … suivant laquelle celui-ci pourrait héberger le demandeur, force est de souligner que ce seul élément, en l’absence du moindre autre élément visant à établir l’existence d’attaches particulières au Luxembourg, est insuffisant pour établir dans le chef d’un étranger, par ailleurs démuni de documents d’identité et qui n’appert pas être en mesure de verser une garantie financière, l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite pesant sur lui2.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays3.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 16 avril 2020, n° 44352C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 932 et l’autre référence y citée.

3 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 792 et les autres références y citées.

7valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de prorogation de son placement en rétention basés sur une absence d’un risque de fuite dans son chef ainsi qu’une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne finalement les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser son éloignement, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif de même que des explications circonstanciées du délégué du gouvernement que par courrier électronique du 1er août 2022, l’agent en charge du dossier a contacté la police grand-ducale et lui a demandé de lui faire parvenir les empreintes digitales du demandeur. Il en ressort encore que par courrier électronique du 4 août 2022, l’agent en charge du dossier a contacté les agents du Centre de coopération policière et douanière en vue d’obtenir des renseignements sur la situation administrative du concerné et que lors des recherches ainsi effectuées, il s’avéra que le demandeur était connu en France pour des faits de vol et qu’il y faisait l’objet d’une mesure d’interdiction d’entrée.

Finalement, il résulte de notes au dossier datées respectivement du 5 août 2022, du 12 août 2022, du 17 août 2022 et du 29 août 2022 que le demandeur avait refusé à quatre reprises la prise d’empreintes digitales.

Dès lors, au vu des démarches ainsi entreprises et compte tenu du manque de collaboration manifeste du demandeur, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Quant à l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien, le tribunal constate qu’il ne se dégage d’aucun élément soumis à son appréciation que les susdites démarches de la part de l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec. Par ailleurs, et si l’identification du demandeur, qui constitue un préalable nécessaire à son éloignement, n’a certes pas encore abouti, Monsieur … ne saurait néanmoins valablement s’en prévaloir pour conclure à l’absence de perspective raisonnable de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, étant donné qu’il est lui-même responsable des difficultés rencontrées par les autorités luxembourgeoises afin de procéder à son identification, vu son refus systématique de laisser prendre ses empreintes digitales.

S’agissant enfin de la référence faite par le demandeur à l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut d’expliquer les raisons pour lesquelles il estime que la mesure de placement au Centre de rétention porterait une atteinte disproportionnée aux droits protégés par ledit article 8. En effet, la seule affirmation que la mesure est privative de liberté et qu’elle nuirait à sa volonté de fonder une famille avec sa compagne, ressortissante luxembourgeoise, - étant ici précisé que les affirmations du demandeur quant à la réalité de cette relation restent à l’état d’allégations, dans la mesure où il n’a fourni aucun élément probant à cet effet - est en tout état de cause insuffisante. Le moyen afférent est dès lors rejeté.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

8 Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 14 septembre 2022 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Thessy Kuborn, vice-président, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic s. Lejila Adrovic s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 septembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 47899
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-09-14;47899 ?

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