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14/09/2022 | LUXEMBOURG | N°47898

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 septembre 2022, 47898


Tribunal administratif Numéro 47898 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 14 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47898 du rôle et déposée le 5 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Na

ïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif Numéro 47898 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 14 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47898 du rôle et déposée le 5 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 août 2022 ayant prorogé son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Naïma EL HANDOUZ et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs respectives plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 14 septembre 2022.

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Suivant le rapport de la police grand-ducale du 10 mai 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur … fut interpellé le même jour alors qu’il dormait dans un garage proche de la « … ». Lors de ce contrôle, il apparut que l’intéressé faisait l’objet d’un signalement dans la base de données du système d’information Schengen (SIS) pour refus d’entrée sur le territoire du Royaume de Belgique.

Il ressort ensuite du dossier administratif qu’en réponse à une demande adressée au Centre de coopération policière et douanière (CCPD) en date du 17 mai 2022, les autorités belges informèrent les autorités luxembourgeoises que Monsieur … faisait l’objet d’une fiche SIS en Belgique pour interdiction d’entrée dans l’espace Schengen, qu’il avait des antécédents judiciaires et qu’il avait été radié de leur registre national pour perte de droit de séjour depuis le 15 octobre 2020.

Suivant le rapport de la police grand-ducale du 25 mai 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur … fut interpellé le même jour dans une maison vide, suite à l’alerte donnée par un témoin. A cette occasion, l’intéressé déclara aux agents être sans domicile et travail fixes 1au Luxembourg.

Par arrêté du 25 mai 2022, notifié à l’intéressé le jour même, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le même territoire pendant une durée de cinq ans, cet arrêté remplaçant un arrêté de décision de retour et d’interdiction du territoire du 10 mai 2022 lequel fut rapporté.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé également le 25 mai 2022, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n° … du 25 mai 2022 établi par la Police grand-ducale, Région Sud-Ouest Commissariat … ;

Vu ma décision de retour du 25 mai 2022 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le recours contentieux introduit par Monsieur … en date du 10 juin 2022 contre la décision de placement en rétention du 25 mai 2022 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 20 juin 2022, inscrit sous le numéro 47546 du rôle.

Par un arrêté du 22 juin 2022, notifié à l’intéressé le 24 juin 2022, le ministre prorogea une première fois le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois avec effet au 25 juin 2022.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … en date du 8 juillet 2022 contre la décision de prorogation de son placement en rétention du 22 juin 2022 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2022, inscrit sous le numéro 47672 du rôle.

Par un arrêté du 21 juillet 2022, notifié à l’intéressé le 25 juillet 2022, le ministre prorogea une deuxième fois le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Le recours contentieux contre ledit arrêté de prorogation de placement en rétention fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 3 août 2022, inscrit sous le numéro 47765 du rôle.

2Par un arrêté du 24 août 2022, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea une nouvelle fois le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question Ledit arrêté est fondé sur la motivation suivante :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 25 mai, 22 juin et 21 juillet 2022, notifiés le 25 mai, le 24 juin avec effet au 25 juin et le 25 juillet 2022, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 25 mai 2022 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 24 août 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour « vices d’excès et de détournement de pouvoir », pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Il critique plus particulièrement le fait pour le ministre de ne pas avoir pris en considération les éléments liés à sa personne. A cet égard, il explique que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permettait le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier au cas où des circonstances rendraient l’exécution de l’éloignement de celui-ci impossible, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. A cet égard, il se réfère à un jugement du tribunal administratif du 9 février 2009, inscrit sous le numéro 25344 du rôle, selon lequel, afin de pouvoir vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière 3répond aux critères posés par le principe de proportionnalité, il y a lieu de tenir non seulement compte de l’opportunité du principe de l’enfermement, mais également du type de structure fermée retenu par le ministre. Dans ce contexte, le demandeur fait également valoir, qu’il serait en couple avec une ressortissante belge, avec laquelle il aurait un enfant âgé de … ans, de sorte que son placement en rétention violerait l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH », l’intéressé ajoutant ne pas présenter de danger pour l’ordre public.

Le demandeur fait ensuite valoir que comme le placement en rétention devrait être considéré comme ultime remède, portant atteinte à la liberté de mouvement, et qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Tout en admettant que l’article 5 de la CEDH prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. En insistant sur le fait qu’il serait le père d’un enfant domicilié en Belgique et en soulignant que la mesure de placement litigieuse l’empêcherait de lui rendre visite et porterait atteinte à son droit de liberté, il estime que ce serait dès lors à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans envisager d’autre possibilité.

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, dans la mesure où les autorités tunisiennes ne lui auraient pas délivré de laissez-passer après plus de trois mois de rétention, le demandeur estimant ainsi qu’il ne serait as probable que la mesure de placement en rétention aboutisse.

Au vu de ces considérations, le demandeur estime que l’arrêté ministériel sous analyse devrait encourir la réformation et qu’il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate ou son « placement dans un centre ouvert ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Quant au moyen de légalité externe tenant à un défaut de motivation de la décision déférée, force est de relever qu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. Le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de l’arrêté ministériel litigieux, il y a lieu de rappeler qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

4Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Tel que cela a été retenu par le tribunal dans les jugements prémentionnés des 20 juin, 13 juillet et 3 août 2022, inscrits sous les numéros 47546, 47672 et 47765 du rôle, il est 5constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant rappelé à cet égard qu’une décision de retour, ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire ont été prises à son encontre le 25 mai 2022, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Dans ses jugements prémentionnés, le tribunal en a déduit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », tout en relevant que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question. Sur base de ces considérations, le tribunal a retenu que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, le tribunal ayant encore relevé que le demandeur n’a fourni aucun élément susceptible de renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui.

Force est de constater qu’à l’appui du présent recours, le demandeur a en substance réitéré ses contestations quant au risque de fuite en invoquant les mêmes considérations que celles avancées à l’appui des recours ayant donné lieu aux jugement précités des 20 juin, 13 juillet et 3 août 2022.

Au regard de la solution retenue par dans les prédits jugements, que le tribunal ne peut que réitérer, les contestations du demandeur quant au risque de fuite dans son chef sont rejetées. Cette conclusion n’étant pas énervée par l’affirmation du demandeur, sous-tendue par un acte de naissance, délivré le du 21 juin 2022, selon laquelle il serait en couple avec une ressortissante belge, dénommée …, avec qui il aurait un enfant commun, Gabriel … et auquel il voudrait rendre visite, alors que mis à part le fait que l’intéressé a fait l’objet d’une fiche issue de la base de données intitulée : « Système d’information Schengen », désignée ci-après par « le SIS » en Belgique depuis le 10 mai 2021 pour interdiction d’entrée dans l’espace Schengen valable jusqu’au 9 mai 2024, de sorte qu’il doit être admis, à défaut de preuves contraires, qu’il ne pourra actuellement pas retourner en Belgique, cette affirmation est, de surcroît, de nature à conforter l’existence d’un risque de fuite dans son chef, alors que la notion de risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement et non point comme le risque de quitter le territoire luxembourgeois.

S’agissant de la référence faite par le demandeur à l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, le tribunal constate que si le demandeur affirme certes avoir un fils en Belgique, il reste toutefois non seulement en défaut de rapporter à suffisance de droit l’existence de liens personnels étroits avec celui-ci et sa compagne. Par ailleurs, et tel que retenu ci-avant, étant donné qu’il ne saurait en tout état de cause retourner en Belgique compte tenu de l’interdiction d’entrée dans l’espace Schengen dont il fait l’objet le tribunal constate que, dans ces circonstances, l’existence d’une vie familiale au sens de l’article 8 CEDH est sérieusement remise en question.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la 6liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays1.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de prorogation de son placement en rétention basés sur une absence d’un risque de fuite dans son chef ainsi qu’une violation des articles 5 et 8 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser son éloignement, le tribunal a retenu dans son jugement précité du 20 juin 2022 que les démarches entreprises jusqu’à ce moment étaient suffisantes, le tribunal ayant relevé que le jour-même de la notification de la décision du placement en rétention en date du 25 mai 2022, l’autorité ministérielle a adressé au Consulat Général de Tunisie à Bruxelles une demande en vue de l’identification de Monsieur … et de la délivrance d’un laissez-passer en faveur de celui-ci, et que cette demande a été réitérée par l’autorité ministérielle par le biais d’un rappel adressé aux autorités tunisiennes le 15 juin 2022.

Dans son jugement précité du 13 juillet 2022, le tribunal a retenu, en ce qui concerne les démarches entreprises par la suite, qu’il se dégage des explications du délégué du gouvernement, pièces à l’appui, que par télécopie du 29 juin 2022, l’agent en charge du dossier a adressé un rappel au Consulat Général de Tunisie. Il a encore retenu qu’après qu’en date du 4 juillet 2022, le demandeur ait informé le ministre de sa volonté de retourner volontairement en Belgique au motif qu’il disposerait de documents administratifs belges, l’agent en charge du dossier a, par un courrier du 8 juillet 2022, demandé au litismandataire de Monsieur … de fournir la preuve d’un titre de séjour belge. Le tribunal a dès lors conclu, au vu des démarches ainsi déployées, que le dispositif d’éloignement était toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Dans son jugement du 3 août 2022, le tribunal a encore constaté que par télécopie du 13 juillet 2022, l’autorité ministérielle s’est adressée au Consulat Général de la Tunisie en vue d’avoir des renseignements sur l’état d’avancement du dossier et que par télécopie du 27 juillet 2022, les autorités compétentes tunisiennes ont été relancées à cet égard et il est arrivé 1 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 792 et les autres références y citées.

7à la conclusion que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Quant aux démarches postérieures au jugement prémentionné du 3 août 2022, force est de constater qu’en date du 10 août 2022, le ministre a de nouveau contacté le Consulat Général de Tunisie afin de s’enquérir sur l’avancement du dossier et que par télécopie du 24 août 2022, il a adressé un itératif rappel aux autorités tunisiennes.

Au regard de ces démarches concrètes et compte tenu du fait que le ministre est tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités tunisiennes, auxquelles il s’est adressé, étant à cet égard relevé qu’il ne saurait nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter, sans que l’affirmation non autrement circonstanciée suivant laquelle l’envoi d’une lettre ne pourrait être considéré comme diligences requises au sens de la loi du 29 août 2008 ne permet de retenir le contraire.

De même, le tribunal ne décèle, en l’état actuel du dossier, aucune raison permettant de penser que l’éloignement n’aura aucune perspective d’aboutir, aucun refus définitif n’ayant été fourni par les autorités tunisiennes.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 14 septembre 2022 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Thessy Kuborn, vice-président, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic Lejila Adrovic Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 septembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 47898
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-09-14;47898 ?

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