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24/08/2022 | LUXEMBOURG | N°45548

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 août 2022, 45548


Tribunal administratif N° 45548 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2021 1re chambre Audience publique de vacation du 24 août 2022 Recours formé par Maître A, Luxembourg contre des décisions du ministre de la Justice en matière d’assistance judiciaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45548 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2021 par Maître Laurent Niedner, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Maître A, avocat à la Cour, ayant son domi

cile professionnel à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de la...

Tribunal administratif N° 45548 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2021 1re chambre Audience publique de vacation du 24 août 2022 Recours formé par Maître A, Luxembourg contre des décisions du ministre de la Justice en matière d’assistance judiciaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45548 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2021 par Maître Laurent Niedner, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Maître A, avocat à la Cour, ayant son domicile professionnel à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 31 janvier 2020 ayant ordonné au requérant le remboursement de la somme de … euros dans le cadre d’avances perçues au titre d’une assistance judiciaire et de la décision confirmative du ministre de la Justice du 23 octobre 2020 rendue sur recours gracieux ;

Vu la signification du recours par acte de l’huissier de justice Patrick Kurdyban, demeurant à Luxembourg, du 28 janvier 2021 à Maître Valérie Dupong, avocat à la Cour, en sa qualité de Bâtonnière de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, établie en sa maison de l’Avocat à L-1840 Luxembourg, 2A, Boulevard Joseph II ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er avril 2021 ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2021 par Maître Julie Durand, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, pour Maître Valérie Dupong, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Julie Durand déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 avril 2021 au nom et pour le compte de Maître Valérie Dupong, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 27 mai 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent Niedner au nom et pour le compte de Maître A, préqualifié;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2021 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les actes attaqués ;

1 Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1, toujours en vigueur à la date des plaidoiries ;

Vu les communications de Maître Julie Durand du 21 avril 2022, de Maître Laurent Niedner, ainsi que celle de Madame le délégué du gouvernement Tara Désorbay du 27 avril 2022, suivant lesquelles ils marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 27 avril 2022 ;

_______________________________________________________________________

Par un courrier du 24 septembre 2014, Maître A, ayant été désigné en sa qualité d’avocat à la Cour par le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Luxembourg, dénommé ci-après par le « bâtonnier », pour assister, sous couvert de l’assistance judiciaire, un particulier dans la défense de ses intérêts dans le cadre d’une affaire de droit pénal, s’adressa au bâtonnier afin de transmettre à ce dernier son décompte de frais et honoraires visant la période du 6 avril 2012 au 23 mai 2014 d’un montant de … euros hors TVA.

Par courrier du 8 octobre 2014, le délégué du bâtonnier adressa ledit décompte, accompagné de son avis, au ministre de la Justice, désigné ci-après par le « ministre », ledit courrier étant libellé comme suit :

« Veuillez trouver ci-joint le décompte final de Maître A dans l’affaire ci-avant mentionnée et avisé par le Bâtonnier avec prière d’arrêter le montant de …- € (provisions de … € à déduire), Maître A vous devra donc un montant de …-€ dans l’affaire sous rubrique.

Je vous invite dès lors à prendre contact avec Maître A, pour les modalités de remboursement. […] ».

Par courrier séparé du 8 octobre 2014, le délégué du bâtonnier s’adressa à Maître A pour l’informer que le bâtonnier avait été avisé de son décompte au montant de … euros, tout en y joignant une copie de la note d’honoraires et du courrier précité adressé au ministre.

Par courrier du 21 octobre 2014, qualifié de « recours gracieux », Maître A s’adressa au délégué du bâtonnier pour contester dans son intégralité la taxation effectuée auquel le bâtonnier répondit par courrier du 11 novembre 2014 en lui demandant de lui fournir une prise de position écrite avec des informations complémentaires, pour le 17 novembre 2014 au plus tard.

Par courrier du 31 juillet 2015, le ministre s’adressa à Maître A dans les termes suivants :

« J’ai l’honneur de vous faire tenir en annexe copie du décompte dans l’affaire sous rubrique.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

2 Suite au contrôle des pièces effectué par le service de la comptabilité du Ministère de la Justice, il s’avère que le solde est négatif et que les avances touchées dépassent le montant total du décompte.

Je vous prierais de bien vouloir 1) rembourser l’excédent, à savoir le montant de ….- euros à la Trésorerie de l’État, 3, rue du St. Esprit, L-1475 Luxembourg au profit du compte … N° … avec la mention « dossier no. 42544 - B » et 2) d’adresser une copie du virement effectué au bénéfice de la Trésorerie de l’État au Ministère de la Justice, à l’attention de Monsieur C.[…] ».

Après plusieurs échanges intervenus suite à l’absence de réponse de Maître A, celui-ci obtint un délai supplémentaire pour fournir sa prise de position qui fut adressée par courrier du 24 août 2015.

Par courrier du 24 août 2017, le bâtonnier rejeta la demande de Maître A et l’informa qu’il n’avait pas l’intention de revenir sur la taxation de son mémoire de frais et honoraires du 24 septembre 2014, précité.

Par arrêté du 8 novembre 2017, le ministre constata que la somme de … euros avait été indûment liquidée au profit de Maître A et devait être restituée au Trésor, ledit arrêté ayant été adressé au contrôleur financier et transmis à la Trésorerie de l’Etat pour exécution et à l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg pour information, le ministre ayant encore informé le bâtonnier dudit arrêté en date du 20 novembre 2017.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2018, et inscrite sous le numéro 40784 du rôle, Maître A fit introduire un recours tendant à l’annulation du courrier ministériel du 31 juillet 2015, précité.

Par jugement du tribunal administratif du 2 mai 2019, inscrit sous le numéro 40784 du rôle, le tribunal retint que la prise de position du bâtonnier ne constitue, en vertu de l’article 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 concernant l’assistance judiciaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 », qu’un avis préalable et qu’il appartient au ministre d’arrêter le montant à payer par l’Etat et de prendre une décision propre quant au bien-fondé des prestations facturées. Après avoir constaté que le ministre n’avait, de son propre aveu, exercé aucun pouvoir d’appréciation propre sur la prémisse que le pouvoir décisionnel incomberait au bâtonnier, le tribunal annula la décision ministérielle du 31 juillet 2015, précitée, pour violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995.

Par arrêt du 12 décembre 2019, inscrit sous le numéro 43045C du rôle, la Cour administrative confirma le jugement par adoption de motifs.

Par courrier du 31 janvier 2020, notifié le même jour, le ministre s’adressa à Maître A dans les termes suivants :

« La présente fait suite à l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019, n° 43045C du rôle, portant sur le dossier sous rubrique.

3 Votre décompte final, déposé auprès du Barreau de Luxembourg, a été avisé par le Bâtonnier et communiqué au Ministre de la Justice pour en arrêter le montant.

Il résulte de l’appréciation de votre décompte final que les avances touchées par vous dépassent le montant finalement arrêté par la Ministre de la Justice, de sorte que vous devez rembourser les paiements excédentaires à l’Etat.

En vertu de l’article 65 de la loi modifiée du 8 juin 1999 sur le Budget, la Comptabilité et la Trésorerie de l’Etat, les paiements indûment effectués donnent en principe lieu à l’établissement de rôles de restitution par l’ordonnateur. Les rôles de restitution sont soumis au visa du contrôleur financier et recouvrés par les comptables publics chargés de la perception de ces recettes.

Je vous prie de bien vouloir, dans la quinzaine, 1) rembourser l’excédent, à savoir le montant de ….- euros à la Trésorerie de l’État, 3, rue du St. Esprit, L-1475 Luxembourg au profit du compte … N° … avec la mention « dossier no. … — B» et 2) adresser une copie du virement effectué au bénéfice de la Trésorerie de l’État au Ministère de la Justice.

Passé ce délai, et en cas de non-remboursement de l’excédent, la procédure forcée du rôle de restitution ci-avant décrite sera appliquée. […]. ».

Par courrier du 27 juillet 2020, Maître A introduisit un recours gracieux contre la décision ministérielle du 31 janvier 2020, précitée.

Par courrier du 23 octobre 2020, notifié le 28 octobre 2020, le ministre répondit audit recours gracieux et confirma sa décision dans les termes suivants :

« […] 1. Vous estimez en premier lieu que ma décision encourt l’annulation pour avoir ignoré l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019.

Tel qu’indiqué dans ma décision du 31 janvier 2020, celle-ci est basée sur mon appréciation de votre décompte, conformément à l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019, n° 43045C du rôle. Dans le cadre de mon appréciation, j’ai décidé de suivre l’avis du Bâtonnier en faisant miennes les corrections adoptées par celui-ci, tel que l’arrêt précité le permet expressément.

Les règles relatives à la procédure administrative non contentieuse n’imposaient pas à mes services de vous entendre avant la prise de décision du 31 janvier 2020.

2. Vous estimez ensuite que l’avis du Bâtonnier est vicié.

Concernant tout d’abord vos accusations d’abus de pouvoir et de persécution envers le Bâtonnier, je tiens à souligner que la Ministre de la Justice n’a pas à s’immiscer dans les relations entre le Bâtonnier et un avocat.

4 2Ensuite, vous renvoyez à vos courriers du 21 octobre 2014 et du 24 août 2015 adressés au Bâtonnier. Ces courriers ne sont pas joints à votre recours gracieux, mais ont été versés dans le cadre de la procédure contentieuse ayant abouti à l’arrêt précité du 12 décembre 2019.

Par rapport aux protestations que vous émettez dans votre courrier du 21 octobre 2014 et aux explications supplémentaires que vous fournissez au Bâtonnier dans votre courrier du 24 août 2015 suite à son courrier du 11 novembre 2014, je renvoie au courrier en réponse que le Barreau vous a adressé en date du 24 août 2017 et que vous avez versé comme pièce n° 4 dans la cadre de votre recours devant le tribunal administratif, n°40784 du rôle, ainsi qu’à la requête en intervention volontaire déposée le 3 mai 2018 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg dans le même rôle.

Concernant les protestations que vous émettez, le Bâtonnier y a notamment précisé ce qui suit :

i.

Quant à la lecture des courriers : le temps nécessaire pour lire les lettres qui vous ont été envoyées a été surévalué au regard du dossier et de la farde de correspondance non particulièrement volumineuse. Le Service de taxation de l’assistance judiciaire a estimé devoir réduire le temps mis en compte de 39 heures à 21 heures.

ii.

Quant aux visites en prison : vous indiquez avoir passé 66 heures avec votre mandant alors que le Service de taxation de l’assistance judiciaire est d’avis que cette durée est surestimée au regard du dossier et que tant de visites, respectivement de temps, ne se justifiaient pas. Le Service de taxation de l’assistance judiciaire a estimé que seules 13,83 heures sont justifiées.

iii.

Quant aux entrevues avec la famille : vous affirmez avoir passé 12,25 heures avec la famille du mandant alors que le Service de taxation de l’assistance judiciaire est d’avis que le dossier ne le justifiait pas et qu’il ne contenait pas de notes à ce sujet.

iv.

En ce qui concerne les entretiens téléphoniques : le Service de taxation de l’assistance judiciaire a refusé de tenir compte des nombreux prétendus appels téléphoniques que vous avez eus avec la famille de M. B, en plus des nombreuses réunions que vous avez mises en compte. Le temps mis en compte pour les entretiens téléphoniques avec la famille a été réduit de 6 heures et 5 minutes à 40 minutes. Il en va de même des entretiens téléphoniques que vous avez prétendument eus avec des tiers et que vous avez évalués à 200 minutes, v.

Quant à la facturation de la procédure :

o le temps mis en compte pour rédiger les différentes demandes de mise en liberté provisoire a également été réduit. Il a été constaté lors de la taxation que toutes les demandes de mise en liberté provisoire ont été élaborées selon un texte de base que l’on retrouve pratiquement à l’identique dans chaque demande de mise en liberté. L’analyse de la première demande de mise en liberté provisoire a conduit le Service de taxation de l’assistance judiciaire à réduire le temps mis en compte de 300 minutes à 270 minutes. Les demandes subséquentes ont, quant à elles, fait l’objet d’une réduction plus conséquente au motif qu’elles sont très similaires à la première demande de 5 mise en liberté provisoire (technique du « copy-paste »). Le Service de taxation de l’assistance judiciaire a évalué le temps de rédaction des demandes de mise en liberté provisoire subséquentes à 15 minutes chacune, alors que d’un point de vue substantiel elles n’apportaient pratiquement aucun élément nouveau par rapport à la première demande, dont les moyens et développements étaient copiés et présentés en partie dans un autre ordre;

o le temps de préparation des plaidoiries pour chacune des demandes de mise en liberté provisoire a également été réduit par voie de conséquence. Le Service de taxation de l’assistance judiciaire a estimé que les 300 minutes mises en compte pour la rédaction de la première demande de mise en liberté provisoire du 24 avril 2012, laquelle a été réduite à 270 minutes, couvrent le travail réellement preste. Le temps qui a été mis en compte pour la préparation des plaidoiries de ces demandes a été réduit de 545 minutes à 240 minutes. Le Service de taxation de l’assistance judiciaire est d’avis que le temps qui a été facturé au titre de préparation des plaidoiries était, au regard des mêmes moyens et développements exposés depuis la première demande, des décisions qui ont été rendues et de votre expérience, disproportionné ;

o en ce qui concerne la rédaction de la requête d’appel, pour laquelle vous avez mis en compte 900 minutes, soit 15 heures, le minutage a été réduit à 210 minutes au vu du contenu et de la mise en page du document de 23 pages. En effet, la grande majorité des pages est remplie d’insertions d’articles du Code d’instruction criminelle, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que d’extraits de jurisprudence et d’extraits du rapport d’expertise du Dr …. Les développements en fait et en droit ont quant à eux déjà été développés en première instance et en partie même lors des plaidoiries dans le cadre des demandes de mise en liberté provisoire. Ils étaient dès lors déjà acquis et n’ont été que repris dans la requête d’appel. Par conséquent, le Service de taxation de l’assistance judiciaire a estimé que les 15 heures facturées apparaissent exagérées, alors que vous avez également facturé 550 minutes pour « recherches en matière de droits de l’homme » et 240 minutes pour «recherches de jurisprudence et analyse de jurisprudence », lesquelles ont été réduites à 240 minutes, respectivement à 120 minutes. De manière générale, vous avez facturé 1.600 minutes, soit plus de 27 heures pour des recherches juridiques, ce qui, à l’analyse du dossier, apparaît disproportionné et a de ce fait été réduit à 600 minutes. De plus, il ressort du dossier transmis que les recherches ont été effectuées par votre stagiaire, Me C et que les prestations auraient dû être facturées au taux de 58 euros par vacation au lieu de 87 euros par vacation mis en compte. De plus, le dossier que vous avez transmis au Service de taxation de l’assistance judiciaire ne contient pas de recherches qui auraient été le fruit d’un tel investissement.

Quant aux entretiens internes, recherche de jurisprudence et recherche de presse, je tiens à relever ce qui suit :

6 i. en ce qui concerne les recherches de jurisprudence, contrairement à ce que vous affirmez dans votre courrier du 21 octobre 2014, celles-ci n’ont pas été supprimées, mais uniquement réduites de 240 minutes à 120 minutes. Je renvoie aux explications figurant au point v. ci-dessus ;

ii. en ce qui concerne les entretiens internes que vous avez eus avec vos collaborateurs avocats ou votre secrétariat, je rappelle que le mandat que le Bâtonnier confie à l’avocat en matière d’assistance judiciaire est personnel. Si l’avocat délègue des tâches à des collaborateurs ou à son secrétariat, les explications et instructions données à ceux-ci ne sauraient être facturées au titre de l’assistance judiciaire. Je tiens encore à préciser que, contrairement à ce que vous affirmez dans le mémoire en réplique déposé le 6 juin 2018 dans le rôle n°40784 par rapport aux prestations fournies par Me C, en vertu de l’article 9 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 le taux horaire de 87 euros est dû à l’avocat qui est inscrit, au moment de sa désignation par le Bâtonnier, à la liste visée sous 1. ou à celle visée sous 4. de l’article 8, paragraphe 3, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat ;

iii. en ce qui concerne les recherches de presse, celles-ci n’ont aucun caractère juridique, de sorte qu’elles ne sauraient être facturées au titre de l’assistance judiciaire.

Au vu de ce qui précède, je maintiens ma décision de suivre l’avis du Bâtonnier en faisant miennes les corrections adoptées par celui-ci. […]. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2021, et inscrite sous le numéro 45548 du rôle, Maître A a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 31 janvier 2020 et contre la décision confirmative du 23 octobre 2020 rendue suite au recours gracieux introduit en date du 27 juillet 2020.

1) Quant à la compétence et à la recevabilité Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant aux délais et quant à la forme.

Le tribunal relève de prime abord que s’il est vrai que le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement n’a formulé aucune explication concrète à l’appui de sa contestation. Or, une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de faire des suppositions sur les moyens qu’ils ont voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense2.

Il s’ensuit que la contestation de la recevabilité du recours est à écarter.

Il échet ensuite de constater qu’aucun texte légal ou réglementaire ne prévoit de recours au fond en matière d’assistance judiciaire, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre la décision du ministre du 31 janvier 2020, précitée, confirmée par celle du 23 octobre 2020, précitée, conformément à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre 2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.

7 administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », qui dispose que le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements.

Le recours en annulation est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

2) Quant au fond En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant3, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

2.1 Quant à la légalité externe A l’appui de son recours, le demandeur rappelle d’abord les faits et rétroactes repris-

avant.

En droit, il se prévaut des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », pour soutenir que le ministre n’aurait respecté la procédure prévue par cette disposition ni avant de prendre la première décision du 31 janvier 2020 après l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019, précité, le demandeur reprochant au ministre dans ce contexte de ne l’avoir ni informé de son intention de prendre ladite décision, ni donné la possibilité de faire valoir ses observations, ni avant de prendre la seconde décision rendue sur recours gracieux le 23 octobre 2020 en ce que le ministre aurait refusé, en dépit de l’absence de péril en la demeure, de l’entendre malgré sa demande expresse et écrite formulée dans son recours gracieux.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé en reprochant tout d’abord au demandeur de ne pas préciser dans quelle mesure la décision attaquée tomberait dans le champ d’application dudit article 9 et de se limiter à y renvoyer en des termes généraux.

Le délégué du gouvernement explique que la décision attaquée ne serait ni intervenue dans le cadre d’un retrait, ni dans celui d’une révocation ou d’une modification, mais à la suite de l’annulation de la décision antérieure du 31 juillet 2015 consécutive à l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019. Etant donné que la décision annulée du 31 juillet 2015 serait censée ne jamais avoir existé, l’article 9, précité, ne serait dès lors pas applicable au présent cas d’espèce. Il considère que suite à cette annulation, le ministre aurait été obligé de prendre une nouvelle décision, à savoir celle du 31 janvier 2020, afin de se conformer à l’arrêt de la Cour administrative, précité.

3 Trib. adm., 27 octobre 1999, n°11231 et 11232 du rôle confirmés par Cour adm., 18 mai 2000, n° 11707C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 955 et autres références y citées 8 Il prend ensuite position par rapport au reproche tenant au défaut d’audition préalable en considérant qu’une telle exigence ne serait ni prévue par les dispositions légales et réglementaires régissant la procédure applicable en matière d’assistance judiciaire, ni imposée dans le cas d’espèce par les règles relatives à la procédure administrative non contentieuse.

Le délégué du gouvernement ajoute encore que la décision ministérielle aurait été prise suite à la soumission préalable par le demandeur du décompte final au bâtonnier, ce qui constituerait le point de départ de la procédure prévue par le règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 concernant l’assistance judiciaire, tel que modifié, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 », le délégué du gouvernement expliquant dans ce contexte, tout en citant la jurisprudence administrative ayant écarté l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dans le cas où une décision administrative serait intervenue dans le cadre d’un processus décisionnel intervenu à l’initiative de l’administré lui-

même, que le demandeur serait justement à l’origine de la décision administrative prise à son égard au motif qu’il aurait lui-même fait parvenir, par le biais du bâtonnier, son décompte final au ministère de la Justice aux fins du règlement de sa note d’honoraires, de sorte que le ministre n’aurait pas eu l’obligation d’informer le demandeur de ses intentions préalablement à sa décision.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 devrait recevoir une interprétation et une application qui permettent son effectivité et son efficacité, en ce sens que le ministre aurait dû lui donner la possibilité de faire valoir ses observations étant donné que le ministre entendait reprendre exactement dans les mêmes termes la nouvelle décision, et ce d’autant plus qu’il avait demandé à être entendu et que le grief qui avait fondé l’annulation de la décision antérieure était précisément celui de ne pas avoir exercé un pouvoir d’appréciation propre.

Le demandeur reproche au délégué du gouvernement de citer l’exemple du retrait d’un acte administratif existant pour tenter de limiter l’application de l’article 9 du règlement précité à cette seule hypothèse, alors qu’il ne s’agirait que d’un exemple, le demandeur estimant que cette disposition s’appliquerait à d’autres hypothèses et qu’en l’espèce, le ministre aurait entendu le priver du bénéfice d’une annulation judiciaire.

Il reproche ensuite au délégué du gouvernement de s’être livré à deux sophismes, le premier consistant à argumenter que son audition n’aurait pas été obligatoire ou prévue par les textes légaux ou règlementaires, alors qu’il aurait pourtant expressément demandé à être entendu et que ce droit lui aurait été refusé sans raison par le ministre, et, le second consistant à prétendre que les exigences de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne seraient pas applicables en l’espèce au motif que la décision serait intervenue de sa propre initiative dans la mesure où il aurait soumis son décompte final au bâtonnier, le demandeur affirmant dans ce contexte, d’une part, que le délégué du gouvernement ferait fi de la décision antérieure du ministre concernant ce décompte final et des décisions judiciaires d’annulation de cette décision qui seraient déjà intervenues, de sorte qu’il faudrait plutôt considérer que la décision attaquée prise le 31 janvier 2020 aurait été prise sur renvoi judiciaire, et, d’autre part, qu’en sa qualité d’administré, il n’aurait pas lui-même saisi le ministre d’une quelconque demande de taxation mais aurait soumis son décompte au bâtonnier qui l’aurait avisé et directement transmis au ministre, de sorte que c’est plutôt le bâtonnier qui serait à l’origine de la décision de taxation du ministre au sujet de laquelle il aurait dû être entendu.

Le bâtonnier se rallie en substance à la position de la partie étatique.

9 Force est au tribunal de constater que l’article 1er, alinéas 2 et 3 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après désignée par la « loi du 1er décembre 1978 », dispose que les règles destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse « doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de la décision administrative.

Dans ce cadre, elles assurent la collaboration procédurale de l’administration, consacrent le droit de l’administré d’être entendu et d’obtenir communication du dossier administratif, imposent la motivation des actes administratifs et indiquent le mode de procéder des organismes consultatifs ».

Cette disposition impose que soient assurés la participation la plus large possible à la prise de la décision et le droit de l’administré d’être entendu (« Recht auf Gehör »)4.

L’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.

L’obligation d’informer la partie concernée n’existe que pour autant que l’autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l’adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».

Cette disposition a pour objet d’instaurer une procédure contradictoire destinée à protéger les droits de la défense de l’administré, lorsque l’administration se propose de prendre, d’une part, des décisions de révocation ou de modification d’office pour l’avenir de décisions qui ont créé ou reconnu des droits et, d’autre part, des décisions en dehors d’une initiative de la partie concernée, c’est-à-dire sans avoir été saisie d’une demande préalable de l’administré concerné.

Force est de constater que l’article 9, précité, vise deux catégories de décisions, à savoir, d’une part, celles révoquant ou modifiant d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, et, d’autre part, celles prises par l’autorité administrative en dehors d’une initiative de la partie concernée.

En l’espèce, il échet de relever que ni la décision du 31 janvier 2020, ni celle du 23 octobre 2020 ne tombe dans une des deux catégories de décisions visées à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

4 Cour adm., 3 mai 2022, n° 46817C, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

10 Force est en effet de constater que la décision du 31 janvier 2020 a été prise suite au renvoi opéré par l’arrêt du 12 décembre 2019, précité, dans lequel la Cour administrative a confirmé le tribunal ayant jugé que l’article 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 imposait au ministre d’effectuer une appréciation propre du montant des honoraires décompté par l’avocat bénéficiaire de l’assistance judiciaire et ce pour en arrêter le montant définitif, de sorte qu’après ledit renvoi, le ministre demeure toujours saisi de la demande initiale de taxation, demande qu’il doit désormais traiter en conformité avec les principes dégagés par les juridictions administratives, et ce par application de l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 qui dispose que « (4) Lorsque le jugement ou l’arrêt annule la décision attaquée, l’affaire est renvoyée […] devant l’autorité dont la décision a été annulée, laquelle, en décidant du fond, doit se conformer audit jugement ou arrêt. » et dont il résulte qu’à moins qu’il n’y ait des éléments de droit ou de fait nouveaux par rapport à ceux dont était saisie la juridiction ayant renvoyé une décision, suite à son annulation, à l’autorité dont elle émanait, celle-ci doit se conformer à la décision juridictionnelle bénéficiant de l’autorité de la chose jugée en prenant une nouvelle décision conforme aux conclusions auxquelles a abouti la juridiction en question5.

Le tribunal relève encore que la demande initiale de taxation n’est pas non plus intervenue à seule initiative du bâtonnier. Si suivant la procédure prévue par l'article 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995, le bâtonnier donne son avis sur le décompte final de l’avocat, il n’en reste pas moins que l’autorité compétente, à savoir le ministre, a été saisie par le demandeur en ce sens que c’est lui qui a introduit, de sa propre initiative, une demande en vue de voir arrêter le montant définitif de ses honoraires pour en obtenir le paiement.

La décision du 31 janvier 2020 est dès lors intervenue dans le cadre d’un processus décisionnel initié par le demandeur. Ce dernier n’est partant pas non plus fondé à conclure à l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 au motif que le bâtonnier serait à l’origine de la décision litigieuse.

Il s’ensuit que la décision du 31 janvier 2020 n’est ni intervenue à l’initiative d’une autorité administrative – seule hypothèse visée par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 – en l’espèce du ministre, ni à l’initiative du bâtonnier, de sorte que le demandeur n’est pas fondé soutenir qu’il aurait dû être informé, être mis en mesure de présenter ses observations et entendu par le ministre, respectivement par le bâtonnier, avant la prise de ladite décision.

Le moyen du demandeur tendant à requérir l’annulation de ladite décision pour violation de l’article 9, précité, est partant à rejeter pour être non fondé.

2.2 Quant à la légalité interne Arguments des parties Le demandeur reproche de prime abord au ministre qu’il y aurait violation de la loi au vu de l’absence d’exercice d’un pouvoir d’appréciation propre, alors qu’il se serait rallié sans examen autonome aucun à l’avis du délégué du bâtonnier.

5 Trib. adm., 20 avril 2016, n° 35969 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 1232 et l’autre référence y citée.

11 Le demandeur estime que la décision du ministre aurait ainsi été prise en violation flagrante de l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019 au motif que le ministre se serait contenté de reprendre la même décision que celle du 31 juillet 2015 annulée. La décision du 31 janvier 2020 serait identique pour avoir été prise exactement de la même manière et dans les mêmes termes en se référant exclusivement à l’avis de taxation du bâtonnier sans aucune appréciation propre de la part du ministre et sans aucun examen par le ministre du le dossier d’assistance judiciaire composé de 7 fardes volumineuses dont le ministre n’aurait, de son propre aveu, pas disposé.

Par rapport à la remarque du ministre dans la décision du 23 octobre 2020 intervenue sur recours gracieux suivant laquelle la Cour administrative l’aurait autorisé dans l’arrêt précité à adopter les corrections du bâtonnier, le demandeur estime que cette permission, qui serait logique et compréhensible, ne dispenserait cependant pas le ministre de l’obligation première qui lui serait faite par le règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 d’arrêter lui-même le montant des honoraires à payer par l’Etat, l’avis du bâtonnier n’étant pas contraignant.

Le demandeur fait ensuite plaider que l’avis du délégué du bâtonnier serait dépourvu de motivation, lequel se réduirait à des corrections manuscrites sur le décompte qui lui aurait été présenté, alors que tout avis intervenant dans le cadre d’une procédure prévue par la loi devrait contenir une motivation.

Selon le demandeur, il ne pourrait pas être suppléé à cette absence de motivation par des éléments extrinsèques à cet avis, telle que par la lettre lui adressée en date du 24 août 2017 ou encore le mémoire en intervention du bâtonnier déposé le 4 mai 2018 au greffe du tribunal administratif, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement du 2 mai 2019, inscrit sous le numéro 40784 du rôle et à l’arrêt du 12 décembre 2019, inscrit sous le numéro 43045C du rôle.

Le demandeur reproche ensuite à l’avis du délégué du bâtonnier d’avoir de façon systématique et substantielle réduit le temps mis en compte par lui. En l’occurrence, son décompte aurait été réduit de 361 heures et 15 minutes à 147 heures par le bâtonnier ce qui correspondrait à une réduction du montant initialement facturé de … euros à … euros. Or, ce montant ne serait manifestement pas raisonnable pour un dossier d’une telle envergure et ayant nécessité des prestations sur plus de deux ans. Ce ne serait que pour des motifs clairement identifiés et indiqués que le ministre aurait pu rejeter les indications du décompte établi par l’avocat, auquel il incomberait de dresser son décompte.

Le demandeur expose encore les règles et usages qui seraient applicables en matière d’assistance judiciaire et invoque à ce titre les articles 8 et 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995, précité. Le décompte final de l’avocat intervenant sous le régime de l’assistance judiciaire serait d’abord accompagné de l’avis du bâtonnier et ensuite transmis au ministre ou à son délégué qui en arrêterait le montant. L’avocat chargé sous le régime de l’assistance judiciaire serait indemnisé pour tous ses devoirs suivant le barème de l’assistance judiciaire, c’est-à-dire selon le temps passé sur le dossier. Le législateur n’aurait sans doute pas voulu que les prestations d’avocat exerçant sous le régime de l’assistance judiciaire soient de moindre qualité ou d’une étendue moindre que celles ordinairement prestées. Il explique que l’avocat chargé sous le régime de l’assistance judiciaire ne serait pas censé se limiter au strict nécessaire, le demandeur estimant qu’adopter une telle ligne de conduite serait, par ailleurs, périlleux, car elle risquerait d’engager la responsabilité de l’avocat lors de chacun de ses actes 12 Le demandeur considère encore que l’avocat devrait être rémunéré pour le temps qu’il a effectivement consacré à l’affaire et souligne que le taux horaire de 87 euros qui serait appliqué dans le cadre de l’assistance judiciaire serait presque quatre fois inférieur au taux usuel de 250 euros qui serait appliqué par un avocat à la Cour ayant plus de cinq ans d’ancienneté.

S’il admet que certains devoirs pourraient apparaître inutiles ou superflus par la suite et qu’en l’espèce, tous les efforts entrepris par lui pour éviter la condamnation à perpétuité de la personne dont il était chargé d’assurer la défense dans le cadre de l’assistance judiciaire aurait été accordée auraient été vains, le demandeur considère qu’il n’aurait pas pu se dispenser de réaliser toutes ses prestations et que le ministre ne pourrait pas refuser à l’avocat sa rémunération dans une telle situation.

Le demandeur fait encore valoir que de tous temps, il aurait été d’usage que l’avocat chargé de la défense d’une personne sous le coup d’accusations graves et en détention préventive, ait des rapports avec les proches de son client, ceci dans l’intérêt bien compris de la défense, de sorte que ce temps devrait entrer en ligne de compte sous le régime de l’assistance judiciaire. Il pourrait en effet s’avérer que ces proches puissent servir de témoin de moralité. De plus, le contact avec ces personnes permettrait à l’avocat de mieux cerner la personnalité de son client, mais également d’obtenir des informations ou des pièces qu’il ne serait pas possible d’obtenir autrement, du moins plus difficilement. Le demandeur avance que les proches seraient également en mesure de rectifier certains éléments du dossier pénal auxquels l’accusé lui-même ne penserait pas. Il irait de soi que les contacts en question devraient avoir lieu dans le respect mutuel en respectant les règles de la bienséance. Le demandeur soutient encore que l’avocat devrait éviter de donner l’impression d’être pressé, placer ses interlocuteurs en confiance et ne pas supprimer les préliminaires d’usage, sous peine de ne pas obtenir le concours des personnes en question. Le demandeur conclut en affirmant qu’il irait de soi que l’avocat en charge du dossier apprécierait en âme et conscience dans quelle mesure il devrait avoir des contacts avec les proches de son client.

Le demandeur explique ensuite que les réductions faites sur son décompte feraient fi de ses indications, ce qui ne serait « ni normal, ni légal », car « les principes » voudraient que ce soit l’avocat qui dresse le décompte. Ce ne serait que pour des motifs clairement identifiés et indiqués que le ministre ou son délégué pourraient rejeter les indications du décompte dressé par l’avocat chargé sous le régime de l’assistance judiciaire.

Le demandeur donne encore à considérer qu’aucune des prestations qu’il aurait indiquées n’aurait été remise en question en tant que telle, mais que plus de 90 % des positions de son décompte se trouveraient affectées, en ce sens que soit le temps aurait été réduit en ce qui concerne notamment les recherches, la confection de fardes de pièces, les lettres, les e-mails ou encore les déplacements à la cité judiciaire, soit la position correspondante aurait été écartée, à savoir pour les entrevues avec des proches, la recherche de presse, les entretiens internes, les entretiens téléphoniques avec des tiers, ainsi que les réponses à une demande d’interview.

Il reproche au ministre d’avoir opéré des réductions de façon arbitraire, en citant comme exemples des réductions visant des e-mails, des réunions avec la famille du client et des entretiens téléphoniques avec des confrères. D’autres réductions systématiques et arbitraires auraient également été appliquées sur les positions concernant la prise de connaissance de courriers, les courriers adressés au client, au parquet, à des confrères ou à divers tiers, les 13 entretiens téléphoniques, de même que sur les visites au client en prison, les actes de procédure, le temps de préparation, le temps des plaidoiries et l’attente et le déplacement, de même que les recherches. L’instruction du dossier aurait été réduite de 3.445 à 600 minutes, ce qui serait d’autant plus inacceptable que celle-ci aurait dû se faire en plusieurs temps au regard des expertises ordonnées. Le temps du déplacement à la Cité judiciaire pour faire appel contre les ordonnances refusant la mise en liberté provisoire aurait été réduit de 2 × 30 minutes à 2 × 5 minutes, les visites des lieux à Ettelbruck et à Luxembourg-Ville et en forêt auraient été réduites de 115 à 45 minutes. En outre, neuf entretiens internes, soit 495 minutes, auraient été écartés.

Le demandeur prend ensuite position par rapport aux remarques figurant « dans le mémoire en intervention et dans la lettre du bâtonnier du 24 août 2017 auquel le Ministre de la Justice s’est référé dans sa lettre du 23 octobre 2020 » pour justifier son décompte final.

Le demandeur en conclut que le ministre aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation au motif que les 147 heures de vacations retenues resteraient manifestement en-

deçà des heures effectivement passées sur le dossier, tout en donnant à considérer subsidiairement que même à évaluer le travail fourni indépendamment des indications de temps données par lui, il y aurait sous-évaluation flagrante par le délégué du bâtonnier, ce qui entacherait également à son tour la décision du ministre dans la mesure où celui-ci se serait entièrement rallié à l’avis du délégué du bâtonnier.

D’autre part, les motifs sous-jacents à la prise de position du délégué du bâtonnier et partant également à la décision du ministre seraient illégaux, puisque le ministre se serait limité implicitement à faire sienne la position du bâtonnier. D’après le demandeur, le bâtonnier et son délégué sembleraient estimer que le nombre des vacations pourrait être fixé de façon arbitraire, indépendamment du temps réel passé sur l’affaire. De plus, il aurait été fait abstraction de tout temps de réflexion ou de préparation, supposant notamment qu’à toute lettre, il pourrait être répondu immédiatement sans temps de réflexion, ni recherches, ni corrections. Le demandeur reproche au ministre de n’avoir retenu pour chaque prestation que le temps minimal qu’elle prendrait à un avocat idéalement organisé, parfaitement instruit, exemplairement assidu et capable de se concentrer pleinement et sur le champ et n’ayant jamais besoin de relire un document plusieurs fois, soit à un avocat qui n’existerait pas.

Enfin, le demandeur demande l’annulation des décisions litigieuses sur base de l’article 84 de la loi du 7 novembre 1996 en réitérant le motif que le ministre aurait certes pris une nouvelle décision suite à l’arrêt de la Cour administrative, mais aurait sciemment omis de s’y conformer en prenant ses décisions litigieuses sans exercer un pouvoir d’appréciation propre, de sorte qu’il y aurait lieu de nommer directement un commissaire spécial.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur confirme en substance les moyens développés dans sa requête et prend encore position par rapport à l’argumentation du délégué du gouvernement incluse dans son mémoire en réponse, lequel conclut au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Le bâtonnier conclut au rejet du recours et se rallie en substance à la position de la partie étatique.

Analyse du tribunal 14 S’agissant de prime abord du reproche du demandeur fondé sur l’article 84 de la loi du 7 novembre 1996, qui dispose que « Lorsqu’en cas d’annulation […], coulée en force de chose jugée, d’une décision administrative qui n’est pas réservée par la Constitution à un organe déterminé, la juridiction ayant annulé […] la décision a renvoyé l’affaire devant l’autorité compétente et que celle-ci omet de prendre une décision en se conformant […] à l’arrêt, la partie intéressée peut, à l’expiration d’un délai de trois mois à partir du prononcé de l’arrêt […], saisir la juridiction qui a renvoyé l’affaire en vue de charger un commissaire spécial de prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci. La juridiction fixe au commissaire spécial un délai dans lequel il doit accomplir sa mission. La désignation du commissaire spécial dessaisit l’autorité compétente. », le tribunal ne peut que l’écarter.

Il se dégage en effet du libellé de l’article 84, précité, que l’intervention d’un commissaire spécial n’est prévue que dans l’hypothèse particulière où l’autorité compétente à laquelle l’affaire fut renvoyée à la suite d’une annulation est appelée à émettre une nouvelle décision afin de se conformer à l’arrêt en question6, décision dont la partie intéressée entend contester l’absence.

Or, force est de constater que le demandeur n’a pas introduit une requête tendant à la nomination d’un commissaire spécial à la suite d’un jugement, respectivement d’un arrêt d’annulation, procédure spéciale telle que prescrite par l’article 84, précité, mais que la demande tendant à la nomination d’un commissaire spécial a été formulée par le demandeur dans le cadre du recours en annulation dirigé précisément contre une décision rendue à la suite de l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2019.

Ainsi, indépendamment de la question de savoir si les décisions déférées respectent les enseignements du prédit arrêt de la Cour administrative, une demande tendant à la nomination d’un commissaire spécial dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision prise à la suite d’un arrêt de la Cour administrative encourt le rejet.

S’agissant ensuite du reproche du demandeur selon lequel le ministre ne se serait pas conformé à l’arrêt de la Cour administrative, précité, au motif qu’il n’aurait toujours pas opéré une appréciation propre, force est au tribunal de constater que la décision du 31 janvier 2020, citée in extenso ci-avant, diffère de la décision du 31 juillet 2015 en ce qu’elle indique que le décompte du demandeur a fait l’objet d’une appréciation et qu’un montant a été arrêté par le ministre. A cet égard, il résulte de la décision du 23 octobre 2020 prise sur recours gracieux que le ministre a manifestement procédé à une appréciation propre eu égard à la motivation y contenue, indépendamment de son bien-fondé à ce stade de l’analyse, étant encore précisé dans ce contexte qu’une décision confirmative peut même ajouter des éléments de motivation non contenus dans la première décision7.

Il y a dès lors lieu d’écarter le moyen du demandeur fondé sur une violation de la loi au motif que le ministre n’aurait pas exercé son pouvoir d’appréciation propre.

Cette conclusion n’est pas infirmée par le reproche d’un non-respect de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la Cour administrative, précité, au motif que le ministre se serait rallié 6 Trib. adm., 22 décembre 2004, n° 18036 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 1236.

7 Cour adm., 1er juillet 2010, n° 26661C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n°69 et les autres références y citées.

15 à l’avis du bâtonnier. A cet égard, le tribunal relève que le ministre n’a pas indiqué dans la décision du 31 janvier 2020 déférée s’être référé à l’avis du bâtonnier, mais a informé le demandeur que son décompte déposé auprès du Barreau de l’Ordre des avocats de Luxembourg avait été avisé par le bâtonnier et communiqué au ministre pour en arrêter le montant. Si certes, le montant arrêté par le ministre est identique à celui avisé par le bâtonnier, ce constat n’exclut pas un pouvoir d’appréciation propre par le ministre. En effet, tel que cela a été retenu par le tribunal administratif dans le jugement du 2 mai 2019 et par la Cour administrative dans l’arrêt du 12 décembre 2019, si le bâtonnier n’intervient que pour donner un avis, qui n’est pas contraignant pour le ministre, auquel revient in fine le pouvoir décisionnel, rien n’interdit au ministre de suivre le dit avis an faisant sienne les corrections apportées au décompte par le bâtonnier. En effet, la Cour a confirmé le tribunal en ce qu’il a retenu que l’article 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995 ne se réfère qu’à un « avis » et que le ministre peut valablement suivre cet avis en faisant siennes les corrections adoptées par le bâtonnier, sans y être obligé, le pouvoir d’appréciation revenant in fine au ministre et non au bâtonnier.

Il s’ensuit que le seul fait que le ministre a adopte intégralement l’avis du bâtonnier ne signifie pas ipso facto qu’il n’ait pas exercé son pouvoir d’appréciation propre.

Si dans son mémoire en réplique, le demandeur met dans ce contexte en doute le fait que le ministre ait, dans les faits, effectivement procédé à une appréciation personnelle au motif qu’il n’aurait pas eu à sa disposition l’intégralité du dossier, cette argumentation vise en substance à remettre en cause l’existence, voir le bien-fondé de la motivation gisant à la base de la décision ministérielle qui sera analysée ci-après. En tout état de cause, le demandeur n’est pas fondé à tirer de l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle il n’aurait pas été nécessaire pour le demandeur de remettre l’intégralité de son dossier au motif, d’une part, que ledit dossier aurait déjà pu être amplement examiné dans le cadre de la taxation, et, d’autre part, que le ministre n’entendait pas revenir sur le résultat du montant arrêté en vertu de l’article 11 du règlement grand-ducal du 18 septembre 1995, l’aveu que le ministre n’aurait pas procédé à une appréciation personnelle.

Il s’ensuit que le moyen du demandeur y afférent est à rejeter.

Par rapport au reproche du demandeur selon lequel l’avis du bâtonnier serait dépourvu de motivation, qui, de l’entendement du tribunal, est fondé sur l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, le tribunal relève de prime abord que ledit article 6 dispose comme suit :

« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:

- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé :

- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;

- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale.

Dans les cas où la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré concerné par la décision a le droit d’exiger la communication des motifs. […] ».

16 Il résulte de cette disposition qu’au-delà du fait que l’existence de motifs est une des conditions essentielles de la validité d'un acte administratif8, les décisions administratives qui y sont limitativement énumérées doivent reposer formellement indiquer lesdits motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base9.

Dans ce contexte, il échet de préciser que cette formalité ne constitue pas une fin en soi, mais consacre des garanties visant à ménager à l’administré concerné la possibilité d’apprécier la réalité et la pertinence de la motivation à la base d’une décision administrative, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte dans une phase pré-contentieuse, au travers de la réponse formulée par l’administration à un recours gracieux ou à une demande de communication des motifs, la question du respect de cette obligation par la décision initiale devient sans objet. Dès lors, l'administré n’a aucun intérêt à se prévaloir de cette obligation, ou plutôt d’un manquement par l’administration à cette obligation, lorsqu’il se dégage du dossier qu’il a effectivement pu prendre connaissance des motifs gisant à la base de la décision de refus lui opposée et décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir les juridictions administratives10.

Il est, par ailleurs, admis qu’une décision administrative est motivée à suffisance de droit si l'auteur de la décision déclare se rallier à l'avis d'une commission consultative et que cet avis est annexé en copie à la décision11, étant relevé qu’un organisme consultatif peut être collégial ou ne pas l’être, auquel cas l’avis émane d’une seule personne12.

Il y a encore lieu de rappeler que dans le cadre du recours en annulation, la juridiction administrative est appelée à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse13.

En effet, la possibilité pour l’auteur d’une décision administrative d’invoquer devant les juridictions administratives tels motifs complémentaires sur lesquels repose l’acte, si l’acte lui-même ne les précise pas et à condition que ces motifs soient vérifiés comme ayant existé au moment de la prise de la décision déférée au fond, constitue en tant que telle une exception au principe de la collaboration procédurale de l’administration imposant la motivation des actes administratifs consacré par l’alinéa 3 de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 et précisé à travers les articles 6 et suivants du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 à travers les modalités de l’obligation de motivation des décisions administratives y ancrées. En tant qu’exception au principe de collaboration procédurale de l’administration, ensemble l’obligation de motivation des actes administratifs, la possibilité de fourniture de motifs complémentaires en phase contentieuse devant les juridictions de l’ordre administratif est à appliquer de façon stricte, étant basée essentiellement sur des considérations d’utilité, voire de pragmatisme, lesquelles ont comme revers de tenir en échec les principes fondamentaux tenant à l’équilibre des droits 8 Trib. adm., 27 février 1997, n° 9601, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 64 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 11 janvier 2010, n° 25445, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 66 et les autres références y citées 10 Ibidem.

11 Trib. adm., 3 mars 1997, n° 9693, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 70.

12 Cour adm., 24 novembre 2009, n° 25900C, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 35.

13 Trib. adm., 15 avril 1997, n° 9510 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 860 et les autres références y citées.

17 et obligations respectifs entre l’administration et l’administré, dont plus particulièrement les garanties afférentes prévues dans le chef de l’administré par les loi et règlement régissant les règles de la procédure administrative non contentieuse14.

En l’espèce, le tribunal relève de prime abord que dans la mesure où le pouvoir d’arrêter le montant des honoraires de l’avocat appartient en l’espèce au ministre, une éventuelle absence de motivation contenue dans l’avis du bâtonnier est indifférente au regard des dispositions de l’article 6, précité, et des principes s’en dégageant.

Si l’absence de motivation du bâtonnier est susceptible de se répercuter sur la validité de la décision ministérielle lorsque le ministre s’est intégralement rallié à l’avis du bâtonnier, tel que c’est le cas en l’espèce, ce reproche revient en substance à contester le bien-fondé de l’analyse du ministre qui sera analysée ci-après.

Il échet ensuite de constater qu’il est constant que le ministre s’est intégralement rallié à l’avis du bâtonnier, de sorte que la motivation du bâtonnier est à prendre en considération dans le cadre de l’analyse du tribunal, le délégué du gouvernement ayant, par ailleurs, indiqué expressément que les remarques et observations faites par le bâtonnier « sont à considérer comme faisant partie intégrante de la motivation à la base de la décision du 31 janvier 2020 », déférée.

S’il est vrai que l’avis du bâtonnier du 8 octobre 2014 contenant une copie du décompte final du demandeur ne comporte que des annotations manuscrites se bornant à une simple réduction des minutes décomptées par le demandeur sans explications afférente, le tribunal relève que la motivation gisant à la base de ces annotations se retrouve dans les courriers de réponses du bâtonnier adressés au demandeur et datés des 11 novembre 2014 et 24 août 2017, courriers ayant précédé la décision litigieuse du 31 janvier 2020.

La motivation du ministre ne ressort quant à elle certes pas de la décision litigieuse du 31 janvier 2020, mais elle ressort de la décision du 23 octobre 2020 intervenue sur recours gracieux, citée in extenso ci-avant, dans laquelle le ministre a expressément renvoyé au courrier de réponse du bâtonnier adressé au demandeur en date du 24 août 2017 avant de reprendre, en 5 points, des éléments de motivation déjà explicités par le bâtonnier, éléments ayant trait à la lecture des courriers, des visites en prison, des entrevues avec la famille du prévenu, des entretiens téléphoniques, ainsi qu’au sujet de la facturation de la procédure. Le ministre y a encore exposé en 3 points des éléments d’appréciation personnels au sujet des entretiens internes, de la recherche de jurisprudence et de la recherche de presse pour conclure sa décision par la mention qu’il « maintien[t] [s]a décision de suivre l’avis du Bâtonnier en faisant [s]iennes les corrections adoptées par celui-ci ».

Il en ressort que les motifs invoqués par l’Etat et dirigés contre le demandeur portent en substance sur le fait que le demandeur n’aurait pas établi son décompte final avec « modération » tel que prévu par l’article 2.7.4. du règlement d’ordre intérieur de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg auquel est soumis le demandeur en sa qualité d’avocat inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg et qu’il aurait ainsi facturé des prestations de manière disproportionnée et manifestement excessive, allant au-delà de ce qui est strictement nécessaire.

14 Cour adm., 20 décembre 2007, n° 22976C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 92 et les autres références y citées.

18 Le tribunal est dès lors amené à retenir que la motivation comprise dans les décisions ministérielles des 31 janvier et 23 octobre 2020, y compris celle contenu les courriers de réponse du bâtonnier des 11 novembre 2014 et 24 août 2017 qui en font partie intégrante, ensemble les explications fournies par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, satisfait à l’obligation d’indication formelle prévue par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte que le moyen du demandeur y afférent est à rejeter.

Quant à la légalité interne, et plus particulièrement en ce qui concerne les contestations portant sur les réductions opérées, le tribunal relève de prime abord que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie.

Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité15 appelant le juge administratif à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but16.

Le tribunal retient de prime abord qu’au regard du pouvoir du juge de l’annulation décrit ci-avant, il ne lui appartient pas de refaire l’appréciation faite par le ministre et partant de procéder au contrôle ab initio de la taxation d’office opérée par lui, dans la mesure où les décisions attaquées ne sont susceptibles d’encourir l’annulation que s’il apparaît que le ministre a commis une erreur d’appréciation au regard des reproches concrets soulevés par le demandeur.

Le tribunal relève encore qu’indépendamment de la valeur juridique du règlement d’ordre intérieur de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, ci-après désigné par le « ROI », les parties s’accordent, pour s’y être référé de part et d’autre, que les règles y incluses sont pertinentes en l’espèce et plus particulièrement l’exigence pour le décompte final déposé par l’avocat bénéficiaire de l’assistance judiciaire de satisfaire à une condition de modération impliquant que seules les prestations utiles et nécessaires sont à décompter par l’avocat en application de l’article 2.7.4. ROI, qui dispose que « L’avocat fera preuve de modération dans l’établissement de son décompte. Dans le cas contraire, il s’expose à des sanctions disciplinaires. Lors de l’établissement de l’avis de taxation, le Bâtonnier ou son délégué pourra ne retenir que les prestations utiles et nécessaires à la défense des intérêts du bénéficiaire de l’assistance judiciaire. ».

C’est sur cette toile de fonds que le recours sous analyse sera examiné.

15 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 52 et les autres références y citées.

16 Cour adm., 12 janvier 2021, n° 44684C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

19 En l’espèce, il ressort des explications du délégué du gouvernement et du contenu des décisions ministérielles des 31 janvier et 23 octobre 2020, ensemble l’échange de courriers entre le demandeur et le bâtonnier, qu’il est en particulier reproché au demandeur d’avoir en substance :

- facturé, respectivement surfacturé des multiples demandes de mise en liberté formulées pour le même prévenu, la partie étatique affirmant que (i) leur rédaction aurait été faite en ayant recours à des « copier-coller » et suivant un modèle et contenu standard qui n’aurait été amendé que par des ajustements ponctuels sans que le demandeur ne se soit appuyé sur des éléments nouveaux et que (ii) le temps total facturé par le demandeur pour toutes les requêtes de mise en liberté équivaudrait à un total de 3.460 minutes par rapport au total de 5.830 minutes facturé pour l’ensemble des prestations ayant trait au fond du litige, de sorte à représenter plus de 50% du temps total consacré par le demandeur au traitement du dossier visé par l’assistance judiciaire, étant précisé que le demandeur aurait notamment décompté 200 minutes pour la rédaction d’une nouvelle requête de mise en liberté bien que déposée deux jours après la précédente ;

- surfacturé la durée (i) des entretiens avec des tiers, tels que des témoins, ainsi que des entretiens téléphoniques avec des tiers non-spécifiés, (ii) du temps de trajet vers la Cité judiciaire et la prison, (iii) des visites en prison avec un total de 66 heures qui dépasserait de loin ce qui serait d’usage dans ce genre de dossier, visites atteignant le nombre de 31, ce qui remettrait en cause leur efficacité, et (iv) des réunions avec la famille du client, à savoir un total de 12 heures, ainsi que 300 minutes d’entretiens téléphoniques avec les membres de la famille ;

- facturé des entretiens avec son avocat stagiaire l’ayant assisté sur le dossier, la partie étatique argumentant que l’assistance judiciaire serait personnelle ;

- facturé au taux horaire applicable à un avocat à la Cour, soit 87 euros, des prestations effectuées matériellement par l’avocat stagiaire qui l’assistait sur le dossier, et d’avoir facturé ab initio l’intégralité des prestations effectuées par ledit avocat stagiaire au taux de 87 euros sans opérer une distinction entre les prestations effectuées pendant la période où il était encore sur la liste II du tableau justifiant un taux horaire de 59 euros et celle où il a été admis sur la liste I en tant qu’avocat à la Cour ;

- surfacturé des recherches ayant porté sur des questions ayant trait aux notions de délai raisonnable, à la présomption d’innocence, au meurtre, à l’assassinat, à la détention préventive, aux droits de l’homme et plus particulièrement aux traitements inhumains et dégradants ; à l’organisation de la justice, de même que sur la jurisprudence, la presse et le placement forcé ;

- surfacturé la rédaction de la requête d’appel à concurrence de 15 heures contenant de nombreuses citations et reproductions d’articles du Code d’instruction criminelle, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), des extraits de jurisprudences et d’un rapport d’expertise, le délégué du gouvernement argumentant encore qu’en général, les débats en appel en matière pénale se limiteraient aux éléments clés critiqués dans le jugement de première instance sans que ne soit nécessairement remis en discussion l’intégralité du dossier ;

20 - facturé des prestations non-juridiques ;

- facturé du temps additionnel dans son décompte final, en procédant à des modifications et des ajouts de prestations, par rapport à celles indiquées lors de ses demandes de provisions, le délégué du gouvernement concédant que des erreurs peuvent survenir occasionnellement mais reprochant en l’espèce au demandeur d’avoir rectifié à plus de 20 reprises les heures initialement facturées, de sorte à devoir remettre en cause la crédibilité du décompte ; et d’avoir - surfacturé le temps consacré à la préparation de ses plaidoiries.

Il ressort des reproches ainsi formulés à l’encontre du décompte établi par le demandeur que l’ensemble des prestations facturées par lui ont fait l’objet d’une réduction, à l’exception de certaines prestations qui ont été refusées dans leur principe. Ce n’est dès lors pour l’essentiel pas le principe même des différentes catégories de prestations facturées par le demandeur qui a été remis en cause par le ministre, mais le caractère excessif du temps facturé en ce que le temps de 21.675 minutes, soit 361,25 heures, initialement mis en compte par le demandeur et correspondant à un montant total de … euros hors TVA, a été réduit par le ministre de plus de la moitié, soit à 147 heures correspondant à un total de … euros hors TVA.

Il échet d’abord de relever que le seul fait que certaines prestations ont été largement réduites n’est pas de nature à caractériser ispo facto une erreur d’appréciation, d’autant plus que les reproches du ministre portent justement sur le caractère exagéré des montants mis en compte dans le décompte du demandeur pour les prestations fournies.

Force est ensuite au tribunal de constater qu’il ressort des explications du délégué du gouvernement que le ministre a procédé à l’appréciation du décompte du demandeur sous l’angle de l’article 2.7.4. ROI, précité, et plus particulièrement de la condition de modération, en prenant en compte non seulement la complexité de l’affaire pour laquelle l’assistance judiciaire a été octroyée et la nature des prestations fournies, mais également les circonstances particulières de l’espèce, à savoir l’expérience et les qualifications professionnelles du demandeur ayant été avocat depuis plus de 10 ans à l’époque des prestations, ainsi que de sa qualité d’enseignant en droit pénal à l’Université de Luxembourg.

Compte tenu de ces éléments, le tribunal est amené à retenir qu’il ne saurait être reproché au ministre d’avoir dépassé sa marge d’appréciation en arrêtant le montant de … euros hors TVA suite à une réduction du temps décompté par le demandeur par rapport à ses prestations. Cette conclusion s’impose en particulier pour ce qui est des heures décomptées pour le temps, d’une part, des recherches consacrées au droit pénal ou relatif à des questions juridiques d’ordre tout à fait général en la matière qui ne devraient a priori pas poser des difficultés particulières pour un avocat ayant l’expérience du demandeur et en tout cas ne pas impliquer des heures de recherches excessives, et, d’autre part, de certaines prestations sans rapport avec des considérations juridiques ou contraires à la finalité de l’assistance judiciaire.

En l’espèce, l’absence de modération dans l’établissement du décompte final reproché au demandeur se traduit d’abord par la mise en compte, d’une part, de prestations de nature non juridique, à savoir la réponse du demandeur à une demande d’interview par une journaliste, ainsi que les « recherches de presse », sans que cela ne soit contesté par le demandeur, et, d’autre part, des prestations relatives à des entretiens internes du demandeur avec son avocat stagiaire pour lui fournir en substance des explications et in fine participer à la formation de 21 celui-ci, « la centaine d'heures d'entretiens internes et de correspondance interne réellement effectuées pendant les jours de la semaine » n’étant manifestement pas à mettre en compte dans le décompte final du demandeur – encore que le demandeur argumente en substance qu’il aurait réduit ses heures – alors qu’il n’appartient pas à l’Etat, et in fine à la collectivité, de participer au financement de la formation des avocats stagiaires par le biais de l’assistance judiciaire. Le rejet de ces prestations dans leur principe par le ministre ne porte dès lors pas à critique.

Il échet ensuite de relever que si le demandeur estime impossible de déterminer le temps qu’un avocat non spécialisé aurait dû consacrer au traitement du dossier en question, il n’a pas autrement justifié le temps consacré aux recherches – pour un total de 1.820 minutes, représentant un peu plus de 30 heures – en particulier eu égard à la généralité de ces recherches dont certaines constituent des « recherches de jurisprudence et analyse de jurisprudence » ou des « recherches relatives à l’organisation de la justice (changement de composition de la chambre criminelle, remplacement, tenue des audiences…) », le demandeur se contentant de de faire état de réductions arbitraires. Le tribunal rappelle dans ce contexte que le demandeur avait, au moment des prestations, 10 ans d’expérience professionnelle en tant qu’avocat et était enseignant à l’Université de Luxembourg en droit pénal et que le ministre pouvait dès lors légitimement motiver une réduction de ses prestations compte tenu de ces éléments.

Si le ministre et le bâtonnier contestent encore, dans le contexte des reproches prémentionnés ayant trait aux entretiens internes et diverses recherches, l’application ab initio par le demandeur du taux horaire de 87 euros – en principe applicable aux seuls avocats à la Cour – à l’intégralité des prestations effectuées par son avocat stagiaire qui l’a matériellement assisté sur le dossier, le tribunal relève que l’examen de ces reproches, de même que la question de savoir quelle version du Vademecum sur l’assistance judiciaire publié par le Barreau de Luxembourg était en vigueur au moment de la facturation des prestations par le demandeur, telle que débattue par les parties à l’instance, est surabondante dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le rejet de toutes les prestations portant sur les entretiens internes du demandeur avec son avocat stagiaire et la réduction du temps consacré aux recherches était justifié à suffisance par le ministre sous l’angle de l’article 2.7.4 ROI.

Le tribunal constate ensuite que si le demandeur concède que ses requêtes de mise en liberté provisoire contiennent toutes une « trame commune » et il avance que le temps mis en compte se justifierait en raison des spécificités de chacune de ses requêtes, le demandeur ne conteste pas que ces actes de procédure représentent plus de la moitié du temps total mis en compte pour l’ensemble des prestations fournies par le demandeur, de sorte que le ministre a légitimement pu procéder à une modération de ces prestations en ne tenant compte que des spécificités propres à chacune des requêtes, la trame commune n’ayant pas à être rémunérée plus d’une fois dans le cadre d’une assistance judiciaire.

Le tribunal ne saurait pareillement suivre l’argumentation du demandeur consistant à légitimer la facturation de 15 heures de travail pour la rédaction de sa requête d’appel dont il ne conteste pas le fait qu’elle comporte de nombreuses citations de textes et de jurisprudences, le demandeur se limitant à indiquer que « C’est parce que le texte comportait de nombreuses citations que sa rédaction pouvait être terminée en quinze heures » et « qu’un texte de 23 pages sans citations […] nécessite normalement un nombre d’heures de travail très supérieur à quinze », alors que le temps mis en compte pour la rédaction d’un acte de procédure dépend moins de sa longueur que de la nature et de la complexité de son contenu.

22 En ce qui concerne le temps de préparation des plaidoiries du demandeur à hauteur de 545 minutes, le tribunal relève que le demandeur n’a ni fourni d’explication, ni contesté les reproches du bâtonnier selon lesquels ce temps de préparation aurait largement été facturé à travers la première rédaction de demande de mise en liberté provisoire Par rapport aux entretiens téléphoniques du demandeur, il échet de relever la durée de la seule communication téléphonique du demandeur avec le Parquet, de même que ses quatre entretiens téléphoniques avec son client, pendant toute la durée de la procédure, équivalent à un total de 70 minutes, ces deux postes ayant été acceptés par le ministre sans réduction. Par comparaison, le tribunal relève qu’une durée totale de 535 minutes a été décomptée par le demandeur pour des entretiens téléphoniques avec les (i) tiers dont l’identité, mis à part l’information qu’il s’agirait de témoins, n’a pas été communiquée au ministre, (ii) la famille du client, entretiens dont le caractère inévitable n’est pas justifié à suffisance par le demandeur qui se borne à affirmer qu’ils s’expliqueraient au regard du nombre de personnes composant la famille du client et de la nécessité d’organiser une remise de photos en prison à son client, et (iii) des confrères avocats, au sujet desquels le demandeur reste en défaut de fournir une quelconque explication, étant rappelé que l’assistance judiciaire est personnelle. La comparaison des heures décomptées par le demandeur pour ses discussions avec son mandant, d’une part, avec celles décomptées pour ses discussions avec des tiers, la famille du client et des confrères avocats, d’autre part, amène le tribunal à conclure, à défaut d’une explication convaincante de la nécessité du temps consacré avec ces derniers, qu’aucune critique ne saurait être faite au ministre d’avoir réduit la durée de ces entretiens téléphoniques pour les ramener à une durée modérée.

Le tribunal relève encore que par rapport aux déplacements effectués par le demandeur, les réductions opérées par le ministre portent principalement sur un total de 31 visites en prison effectuées par le demandeur pour voir son client. Force est de constater que le demandeur est resté en défaut de prendre position par rapport à l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle la « réduction substantielle » qui a été faite par le ministre à ce propos était elle aussi motivée par la nécessité de limiter la facturation des prestations conformément à la condition de modération. A défaut d’autre explication, le tribunal est amené à retenir que le demandeur est resté en défaut de justifier en quoi la réduction de 31 visites client en prison pour une affaire pénale relèverait d’une erreur d’appréciation du ministre au regard du critère tenant à la facturation avec modération. Dans ces conditions, le tribunal ne saurait reprocher au ministre d’avoir opéré une modération du temps facturé pour ses visites en prison.

En ce qui concerne, enfin, les modifications et ajouts effectués par le demandeur par rapport au temps déclaré lors de sa demande de provision et qu’il justifie en argumentant qu’un tel procédé serait « totalement anodin » et constituerait un oubli, force est de constater que le demandeur ne conteste pas, tel qu’avancé par le délégué du gouvernement, avoir procédé à plus de 20 modifications du décompte de ses prestations, à chaque fois à la hausse, rectifications dont l’envergure amène le tribunal à émettre des doutes quant au sérieux de l’affirmation du demandeur selon laquelle il arriverait de « retrouve[r] ci et là quelques notes de téléphone ou de réunion » au moment de l’établissement du décompte final, étant précisé que les ajouts effectués par le demandeur ne sont pas limités à « quelques » notes de téléphones ou de réunion.

Eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, tenant notamment au fait qu’au moment de la fourniture des prestations, le demandeur était enseignant en droit pénal à l’Université de Luxembourg et avait une expérience professionnelle en tant qu’avocat depuis 10 ans, le tribunal est amené à retenir que le ministre n’a pas dépassé sa marge d’appréciation 23 en ramenant à de plus justes proportions le montant des prestations du demandeur afin de les mettre en adéquation avec la condition de modération de l’article 2.7.4. ROI et de ne retenir in fine que les prestations utiles et nécessaire à la défense des intérêts du client du demandeur.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur réclame l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 3.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qu’il y a toutefois lieu de rejeter dans la mesure où il n’est pas établi en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en annulation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déclare la demande de nomination d’un commissaire spécial irrecevable ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur. ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué, et prononcé à l’audience publique de vacation du 24 août 2022 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 août 2022 Le greffier du tribunal administratif 24



Références :

Origine de la décision
Formation : Première chambre
Date de la décision : 24/08/2022
Date de l'import : 31/08/2022

Numérotation
Numéro d'arrêt : 45548
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-08-24;45548 ?

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