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10/08/2022 | LUXEMBOURG | N°47572

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 août 2022, 47572


Tribunal administratif N° 47572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 10 août 2022 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47572 du rôle et déposée le 17 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel

Karp, avocat à la Cour, assisté de Maître Elena Frolova, avocat, les deux inscrits au tab...

Tribunal administratif N° 47572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 10 août 2022 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47572 du rôle et déposée le 17 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, assisté de Maître Elena Frolova, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Russie) et de son épouse Madame …, née le … à … (Russie), agissant pour leur propre compte et au nom et pour le compte de leur fille …, née le … à … (Russie) et de leur nièce …, née le … à …, tous de nationalité russe, demeurant tous ensemble au …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 mai 2022 ayant déclaré leur deuxième demande de protection internationale irrecevable sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena Frolova, en remplacement de Maître Michel Karp, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 10 août 2022.

Le 13 juin 2018, Monsieur …et son épouse Madame …, accompagnés notamment de leur enfant mineur … et de leur nièce mineure …, ci-après les « consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 7 août 2019, notifiée aux intéressés par lettre recommandée du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts … que leur demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

1Le recours intenté par les consorts … contre cette décision du 7 août 2019 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 27 juillet 2021, inscrit sous le numéro 43537 du rôle, tel que confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 19 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46380C du rôle.

Par décision du 26 novembre 2021, le ministre refusa de faire droit à la demande de report à l’éloignement introduite par Monsieur … aux termes d’un courrier de son litismandataire du 26 octobre 2021.

En date du 21 décembre 2021, Monsieur … introduisit auprès du ministère une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Il en fut de même, en date du 23 décembre 2021, pour Madame … agissant également pour sa fille … et sa nièce ….

Le 11 février 2022, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Madame …a fut autorisée à formuler ses motifs par écrit, ce que cette dernière fit en date du 28 février 2022.

Par décision du 30 mai 2022, notifiée aux intéressés par un courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre informa les consorts … que leur nouvelle demande de protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, sur base de la motivation suivante :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos deuxièmes demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 22 décembre 2021, auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes.

Il ressort de votre dossier que vous avez introduit des premières demandes de protection internationale le 13 juin 2018, qui ont été refusées par décision ministérielle du 7 août 2019.

Monsieur, vous avez invoqué à la base de cette demande ne pas avoir songé à rechercher une protection internationale suite à votre départ de la Russie, mais que la « situation » aurait changé pendant votre séjour au Luxembourg. Depuis 2006, vous voyageriez chaque année en Europe avec votre famille dans un but purement touristique. Vous viendriez régulièrement au Luxembourg pour rendre visite à votre mère qui y serait installée et votre dernier départ de la Russie en 2018 aurait été entrepris dans ce même but. Or, lors de votre séjour au Luxembourg, vous auriez appris qu'une affaire pénale aurait été ouverte contre vous, votre épouse et votre tante en Russie pour avoir quitté le territoire russe avec votre nièce, …, sans être le tuteur légal. Vous confirmez que cette affaire pénale vous aurait poussé à introduire une demande de protection internationale au Luxembourg alors qu'on vous « menacerait » d'aller en prison.

Vous avez ajouté avoir connu différents problèmes qui seraient liés à votre activité de « juriste ». Vous prétendez avoir offert des « consultations gratuites concernant le travail de la police » depuis 2007 et avoir gagné un procès contre celle-ci. Vous auriez défendu « une trentaine ou une quarantaine de personnes », principalement dans des cas d'infraction du code de la route.

Un article sur votre activité de juriste aurait été publié dans les médias russes en 2008. Un membre des forces de police vous aurait en outre donné des informations sur des actes répréhensibles de la part de certains policiers depuis 2009. En 2009 ou 2010 vous auriez constaté que des pots-de-vin auraient été versés à la police afin de protéger des trafiquants de 2drogues. Vous auriez transmis ces informations aux organes chargés de contrôler la police, mais vos accusations n'auraient pas eu de conséquences. Vous auriez de plus eu des problèmes suite à une affaire concernant un policier nommé … que vous auriez filmé en mai 2009, lorsqu'il aurait violé la loi en arrêtant une femme enceinte qu'il aurait amenée au commissariat au lieu de la convoquer au poste de police. Vous auriez transmis cette vidéo au supérieur de … qui aurait alors eu un avertissement et on lui aurait retiré son bonus salarial. Par la suite, des personnes non autrement identifiées auraient incendié votre voiture le 27 mai 2009. Vous supposez que deux policiers dénommés … et … auraient commandité cet acte. Vous auriez déposé une plainte, mais l'affaire aurait été classée sans suite au tribunal pour manque de preuves. De plus, vous faites part d'une agression physique que vous auriez subie en 2010 de la part d'un agent de police dénommé … qui vous aurait agressé parce que vous seriez intervenu lors d'une arrestation « arbitraire » d'un conducteur. L'agression que vous auriez subie aurait été thématisée par la presse russe, raison pour laquelle aucune affaire pénale n'aurait été ouverte contre vous, bien qu'un tribunal administratif vous aurait reconnu coupable. Vous auriez été agressé une deuxième fois par un policier dénommé … qui vous aurait arrêté illégalement. Un tribunal vous aurait reconnu coupable et vous aurait condamné à une peine de prison de trois jours. Vous auriez ensuite porté plainte contre votre arrestation et votre détention, un tribunal vous aurait donné raison et on vous aurait libéré suite à ce jugement. Vous auriez de plus été agressé entre 2016 et 2017, à plusieurs reprises par une personne dénommée … ainsi que par des personnes ivres non autrement identifiées. Vous auriez déposé une plainte après chaque menace et attaque physique et vous seriez passé environ sept fois devant un tribunal, vous auriez cependant perdu chaque procès. Vous avez en outre prétendu avoir travaillé en tant qu'informateur pour le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB) depuis 2010 et avoir transmis des informations sur des policiers dénommés … et … ainsi que sur des frères dealers dénommés …, à un dénommé …, qui aurait été muté en 2017, en informant plusieurs personnes de votre statut d'informateur du FSB. Vous craindriez que des criminels tels que les frères …, qui auraient notamment été condamnés grâce aux informations que vous auriez fournies, veuillent se venger, en précisant qu'ils seraient les neveux de …, ancien …. Vous ne seriez toutefois pas sûr que … serait à votre recherche. Finalement, vous avez fait état de menaces téléphoniques par des inconnus et de l'incendie de votre deuxième voiture le 5 janvier 2015, de nouveau par des inconnus.

Madame, vous avez précisé que l'affaire autour du prétendu enlèvement de votre nièce … concernerait votre sœur …. Contrairement aux déclarations de votre époux, vous expliquez que la justice russe aurait entamé un procès exclusivement contre …, et non pas contre vous et votre époux, bien que vous seriez d'avis que ce procès serait aussi dirigé « contre nous ».

Vous avez ajouté ne jamais avoir été menacée en Russie et être venue au Luxembourg « pour passer des vacances avec ma belle-mère et nous n'avions pas décidé de venir demander l'asile ».

Le 19 octobre 2021, vous avez été déboutés de vos premières demandes de protection internationale par un arrêt de la Cour administrative (numéro 46380C du rôle) au motif :

« (…) qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que le ministre n'aurait pas examiné tous les motifs à la base de la demande de protection internationale des appelants, d'une part, que les attaches des appelants au Luxembourg sont quant à elles sans la moindre pertinence au niveau de l'examen au fond des mérites d'une demande de protection internationale, d'autre part, et que le sort des consorts …BC…, prétendues victimes par ricochet du fait des exactions que Monsieur …B… aurait dû subir, est en tout état de cause lié à celui des époux …BC…, de dernière part. Sur ce, la Cour rejoint les premiers juges en leur analyse pertinente de ce que :

3- les problèmes rencontrés par Monsieur …B… avec les trois policiers …Q…, …R… et…S…, ainsi que la crainte d'une vengeance de la part des frères …U… en raison de l'activité de l'appelant en tant que informant pour le FSB doivent être considérés comme étant trop éloignés dans le temps, respectivement comme manquant de gravité, pour pouvoir fonder une crainte actuelle justifiée de persécution. En effet, les faits afférents se situent en 2009 et 2010, dont l'incendie de la voiture de Monsieur…B…, les agressions physiques subies de la part du policier … S…, la sanction administrative y relative, de même que ses agression et arrestation par le policier…R… et son emprisonnement, et n'apparaissent point rester d'actualité. Le caractère de gravité des faits, tel que requis, n'appert pas non plus vérifié, étant donné que dans les années subséquentes, les époux …BC… ont séjourné itérativement dans d'autres pays européens, dont le Luxembourg, sans à aucun moment y solliciter une aide internationale, ils sont au contraire toujours rentrés volontairement en Russie après leurs séjours touristiques à l'étranger. La prétendue survenance d'une action judiciaire pour l'enlèvement de leur nièce, ci-après examinée, n'appert point ébranler ce constat.

- concernant les menaces téléphoniques et les agressions physiques envers Monsieur…B… qui auraient eu lieu entre 2016 et 2017, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les auteurs de ces incidents sont des personnes privées sans lien avec l'État russe et qu'ils s'inscrivent dès lors dans un contexte purement privé, d'une part, et que dans la mesure ou non seulement les appelants n'ont pas rapporté la preuve de ce que les autorités russes ne sont pas capables ou ne sont pas disposées de leur fournir une protection, mais que le contraire se dégage des déclarations des appelants et des éléments d'appréciation soumis en cause, étant relevé que Monsieur…B… a pu porter plainte contre les auteurs des agressions dont il affirme avoir été victime, que les autorités russes y ont réservé des suites et que des poursuites pénales s'en sont suivies. La Cour se réfère et se fait siennes les considérations et analyses exhaustives afférentes des premiers juges.

- les craintes de poursuites liées à l'enlèvement de leur nièce …O… n'apparaissent point être en rapport avec un des critères de fond prévus à l'article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l'appartenance à un certain groupe social, de sorte qu'elles ne tombent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et de ladite loi, Elles n'apparaissent pas non plus plausibles, dans la mesure où le dossier administratif renseigne et Madame …C… admet que, seule sa sœur, Madame …W… est concernée par le prétendu enlèvement et a été condamnée à une amende administrative de cent roubles de ce chef. Les premiers juges ont encore relevé à juste titre que les appelants restent en tout état de cause encore en défaut de justifier concrètement un risque de subir une peine d'une sévérité disproportionnée en raison des faits liés à l'enlèvement de leur nièce …. Concernant la mise en balance de l'article 8 de la CEDH, au-delà de ce que ledit article implique que le sort des consorts d'un demandeur de protection internationale suit celui du demandeur principal, l'octroi d'une mesure de protection internationale se fait exclusivement sur base des critères définis par la Convention de Genève et par la loi du 18 décembre 2015, de sorte que des questions de protection de la vie privée et familiale d'un demandeur d'asile demeurant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ne sont pas de nature à interférer dans la présente espèce. Il s'ensuit que les faits invoqués par les appelants ne sont pas de nature ni à établir l'existence d'une crainte fondée de persécution dans leur chef, ni, en l'absence par ailleurs d'un conflit armé en Russie ou de la preuve d'un risque de subir la peine de mort ou l'exécution dans leur pays d'origine, celle de motifs sérieux et avérés de croire qu'eux-mêmes ou leurs consorts courraient un risque réel de subir des atteintes graves, au sens de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, en cas de retour en Russie. (…) ».

4Le 26 octobre 2021, Monsieur, vous avez sollicité un report à l'éloignement, demande qui a été refusée par décision ministérielle du 26 novembre 2021.

A noter que la précitée …, qui avait introduit une demande de protection internationale en septembre 2018 (…) en compagnie de sa nièce, la précitée …, dont elle était la tutrice légale, est retournée en Russie le 23 juillet 2021, après que la Cour administrative (arrêt du 3 juin 2021, Numéro 45835C du rôle) avait confirmé le jugement du Tribunal administratif du 3 mars 2021 (N°43538 du rôle) la déboutant de sa demande de protection internationale. Il est à préciser qu'elle est retournée seule en Russie, en laissant … au Luxembourg. Par ordonnance du 9 décembre 2021 (No. …), vous, Madame …, avez été désignée comme administratrice publique de ….

Le 19 décembre 2021, Monsieur, vous vous êtes plaint par courriel du refus de votre demande d'un permis de travail après que vous avez été débouté de votre première demande de protection internationale par l'arrêt précité de la Cour, en vous appuyant sur le délai de trente jours auquel vous auriez droit légalement avant de devoir quitter le pays, sur le fait que la Direction de l'immigration ne vous aurait pas remis votre passeport, rendant par-là un départ impossible, au fait que vous seriez désormais un « entrepreneur privé » au Luxembourg et que vous n'auriez plus droit à une aide financière liée au retour au risque d'être accusé de fraude en Russie. Vous prétendez en outre que cet entrepreneuriat privé vous interdirait sur base de vos convictions religieuses, d'utiliser une aide financière offerte lors d'un retour en Russie. Il serait inacceptable pour vous de tromper « Mathieu 5: 37 « Mais que ta parole soit : oui, oui ; non, non ; et au-delà, c'est du le malin ». Vous mettez en outre la Direction de l'immigration au courant du fait que votre retour en Russie passerait par l'Allemagne où votre séjour serait du coup illégal et qu'il serait « inacceptable » qu'on attende de vous de commettre un « crime », au fait que votre fille et votre nièce auraient un droit à l'éducation au Luxembourg et les en empêcher violerait leurs droits et enfin, que vous seriez venu au Luxembourg en voiture et que vous compteriez repartir de la même manière. A cela s'ajoute que de toute façon, vous compteriez introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg.

Le 21 décembre 2021, Madame, Monsieur, vous avez été convoqués à la Direction de l'immigration en vue d'un retour volontaire en Russie. Monsieur, vous avez alors signalé ne pas accepter le refus de votre demande de protection internationale et avoir l'intention d'introduire une nouvelle demande.

Le 22 décembre 2021, vous avez introduit des nouvelles demandes de protection internationale.

Le 23 décembre 2021, vous avez reçu en mains propres vos convocations pour vous présenter à votre entretien concernant vos motifs de fuite, prévus le 13 janvier 2022. Le 27 décembre 2021, Madame, vous avez envoyé un mail à la Direction de l'immigration dans lequel vous demandez à ce que l'interprète de cet entretien sera changé pour cause de la prétendue « inexactitude de traducteur » présent lors de l'introduction de votre nouvelle demande de protection internationale.

Le 11 janvier 2022, vous avez été informés par décision de l'Office national de l'accueil que vous seriez désormais interdit d'accès à ses structures d'hébergement, après notamment, des multiples rappels à l'ordre et des avertissements écrits concernant votre obstination à ne pas vous tenir aux dispositions du règlement d'ordre intérieur de ces structures, de vos refus 5répétitifs de vous tenir aux consignes du personnel encadrant et d'effectuer les tâches qui vous incombent.

Le 13 janvier 2022, vous ne vous êtes tous les deux pas présentés audit entretien pour cause de Covid-19. Madame, vous avez versé un certificat médical établi au Luxembourg par le docteur …, attestant d'un congé de maladie du 13 au 14 janvier 2022. Madame, le 21 janvier 2022, vous avez été convoquée à un nouvel entretien concernant les motifs à la base de votre nouvelle demande de protection internationale, prévu pour le 1er février 2022. Le même jour, Monsieur, vous avez sollicité un autre interprète pour votre épouse en raison d'un « conflit » avec ledit traducteur et vous avez signalé que votre épouse veut « utiliser la norme de la loi pour interroger une personne du même sexe ». Monsieur, le 24 janvier 2022, vous avez informé la Direction de l'immigration que votre épouse « a des contre-indications au port du masque », moyennant un certificat médical datant du 3 novembre 2020, établi par le docteur …et vous vous êtes plaint du fait qu'elle devrait alors passer un test payant « d'absence de coronavirus » et que « le médecin n'a pas le droit de rédiger une ordonnance pour le test », tout en soulevant que l'accès à la demande de protection internationale devrait tout aussi bien être ouvert aux personnes en bonne santé qu'aux personnes en mauvaise santé. Vous finissez votre courriel en expliquant que « Sur base de ce qui précède, je demande de prendre des mesures pour protéger les droits et prévenir la discrimination fondée sur l'état de santé ». Le 25 janvier 2022, vous avez été informée, Madame, que votre demande d'être entendue par un autre agent de sexe féminin est refusée pour faute de motivation, que vous devriez vous adresser à l'Office National de l'Accueil concernant vos doléances en lien avec le test Covid-19 payant, vous avez été informée du professionnalisme et de la neutralité de l'interprète avec lequel vous auriez un « conflit » et vous avez été informée, qu'à défaut d'accepter les règles mises en place dans le cadre de l'entretien concernant vos motifs à la base de votre nouvelle de protection internationale, vous seriez priée de les transmettre par écrit endéans un délai de huit jours. Le 1er février 2022, vous ne vous êtes pas présentés à vos entretiens respectifs, après que vous, Monsieur, aviez versé le résultat positif de votre test PCR. Vous avez alors été ré-convoqués à passer lesdits entretiens en date du 11 février 2022. Le 11 février 2022, Madame, vous ne vous êtes pas présentée audit entretien, au motif que votre fille aurait été un cas contact au Covid-

19 dans son école, alors que vous, Monsieur, étiez présent.

Au vu de ces absences répétées à ces entretiens, Madame, sur base du constat que votre époux a précisé dans le cadre de son entretien du 11 février 2022, que vous n'auriez pas de problèmes en Russie, que vous ne voudriez toutefois pas y retourner sans lui et finalement que « mes problèmes sont les siens » et dans un souci de faire avancer la procédure de ces mandants, votre mandataire a été invité à faire parvenir par écrit, dans un délai de deux semaines, les éventuels motifs à la base de votre nouvelle demande de protection internationale.

En mains les rapports du Service de Police Judiciaire des 21 et 23 décembre 2021, votre rapport d'entretien sur votre deuxième demande de protection internationale du 11 février 2022, Monsieur, votre fiche de motifs manuscrite, Madame, du 23 décembre 2021 et votre rapport écrit concernant les motifs à la base de votre deuxième demande de protection internationale, versé par votre mandataire en date du 1er mars 2022, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous basez votre nouvelle demande de protection internationale sur le fait que votre prétendu militantisme en Russie en faveur des Droits de l'Homme et votre prétendu travail de journaliste vous causerait désormais des 6persécutions « indirectes », alors que les autorités russes vous auraient privé de vos responsabilités légales concernant votre nièce. Le 15 novembre 2019, les autorités russes auraient annulé une décision concernant les « droits légitimes » de votre belle-sœur qui ne serait plus considérée comme étant la tutrice légale de votre nièce. Vous confirmez que vous auriez déjà mentionné les problèmes en lien avec votre nièce au Luxembourg et que le Tribunal au Luxembourg se serait également déjà prononcé par rapport à vos motifs de fuite en lien avec votre nièce. De plus, pour vous « faire du mal », le pouvoir russe « persécuterait » aussi les membres de votre famille. Ainsi, en 2020, votre belle-sœur aurait été licenciée et n'aurait plus trouvé de travail depuis. Son fils aurait également été licencié. En outre, vous prétendez que l'organisation Ros Con Nador aurait porté plainte contre vous au tribunal pour vous « empêcher dans mon activité professionnelle » (p. 3 de votre rapport d'entretien). Elle voudrait en plus vous faire qualifier d'agent étranger en Russie, une information qui aurait été publiée sur des sites Internet russes. Vous n'auriez pas mentionné cette information dans le cadre de votre première demande de protection internationale parce qu'il s'agirait d'une nouvelle loi. Vous seriez tombé par hasard sur cette information lorsque vous auriez consulté en ligne des décisions des tribunaux de la ville de …. Vous prétendez en même temps qu'une « procédure » serait ouverte contre vous.

Votre mandataire ajoute encore qu'il existerait un nouvel élément à la base de votre deuxième demande de protection internationale, à savoir le fait qu'en date du 9 décembre 2021, les autorités luxembourgeoises auraient pris la tutelle de votre nièce … et que votre épouse en serait la garante.

Vous ajoutez que votre épouse n'aurait « pas de problèmes, mes problèmes sont les siens » (p. 3 de votre rapport d'entretien); elle ne voudrait toutefois pas retourner en Russie sans vous.

Madame, il ressort d'abord de votre fiche de motifs manuscrite datée au 23 décembre 2021, que vous confirmez les dires de votre époux dans le sens que vous prétendez avoir introduit cette nouvelle demande de protection internationale à cause du prétendu activisme de votre époux en faveur des Droits de l'Homme et parce que les autorités russes voudraient placer votre nièce dans un orphelinat.

Il ressort ensuite de votre rapport écrit que vous basez votre nouvelle demande de protection internationale sur le fait que vous seriez soldat de l'armée russe et que vous auriez entendu par le biais d'un collègue, qui aurait entendu cette information d'un autre membre de l'armée, qu'une affaire pénale serait ouverte contre vous après votre retour en Russie. Vous supposez que cette affaire pénale s'expliquerait par le militantisme en faveur des Droits de l'Homme de votre époux. En plus, en tant que soldat de l'armée russe, vous seriez obligée de participer au « conflit » en Ukraine. Vous seriez toutefois opposée à cette guerre et en cas de refus d'y participer, vous risqueriez une peine d'emprisonnement de sept ans.

Vous répétez ensuite vos allégations envers les autorités russes qui « persécuteraient » votre famille en privant votre sœur des droits de garde de votre nièce … à cause du prétendu activisme pour les Droits de l'Homme de votre époux, qui serait membre du groupe « human rights activists », fondateur du journal en ligne « … », membre du parti d'opposition « … » et qui aurait participé à de nombreuses reprises à des élections « to various levels of governement positions ». Vous développez ensuite sur les pages restantes de votre rapport, en détail, le conflit qui opposerait votre famille aux tribunaux russes en rapport avec le droit de garde ou la tutelle de votre nièce.

7 Vous avez versé les documents suivants :

- Deux certificats de scolarité de … et … et un rapport de scolarité établis au Luxembourg ;

- plusieurs copies de documents en langue russe (versés le 1er mars 2022) ; une ordonnance du Tribunal d'arrondissement de Diekirch du 9 décembre 2021, vous nommant, Madame, administratrice publique de … ;

- une copie de votre carnet militaire, Madame avec la précision de votre mandataire que vous auriez abandonné votre poste et qu'un retour en Russie serait très dangereux pour les « opposants ».

Je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 28 (2) d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 (ci-après la « Loi de 2015 ») relative à la protection internationale et à la protection temporaire, vos demandes de protection internationale sont irrecevables au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau relatif à l'examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d'une protection internationale.

Je rappelle dans ce contexte, que selon l'article 32 (4) « Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l'examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ».

Or, je constate en premier lieu que vous confirmez vous-mêmes avoir introduit ces nouvelles demandes de protection internationale sur base des mêmes motifs que ceux mentionnés dans le cadre de vos premières demandes. Ainsi, vous prétendez à nouveau être à la recherche d'une protection internationale parce que votre famille serait « persécutée » en Russie à cause de votre prétendu militantisme en faveur des Droits de l'Homme, Monsieur. De même, vous répétez vos allégations en lien avec le conflit qui opposerait votre famille, voire, votre (belle-)sœur aux tribunaux russes concernant le droit de garde votre nièce …. Ces motifs de fuite ont toutefois déjà été traités et toisés dans le cadre de vos premières demandes de protection internationale et ne sauraient par conséquent plus être pris en compte, respectivement, être perçus comme des éléments nouveaux au sens de l'article 32 précité, dans le cadre de vos nouvelles demandes. Le seul fait que vous, Madame, êtes désormais désignée au Luxembourg comme étant l'administratrice publique de …, ne saurait manifestement rien amener de plus à vos motifs de fuite en lien avec le fait que votre (belle-)sœur se serait vue enlever le droit de garde de … en Russie.

Il en est de même concernant vos lamentations, Monsieur, en lien avec votre prétendu militantisme en Russie qui aurait amené les autorités à « persécuter » votre famille dans le sens qu'en 2020, votre belle-sœur ainsi que son fils auraient été licenciés. Hormis le fait que vous restez entièrement en défaut d'appuyer ces dires par des quelconques preuves, il s'agit de constater que vous auriez manifestement pu faire part de ces prétendus éléments nouveaux dans le cadre de votre première demande de protection internationale, « y compris durant la phase contentieuse », qui n'a pris fin qu'en date du 19 octobre 2021. Ces prétendus faits, à part le fait qu'ils n'auraient de toute façon pas augmenté de manière significative la probabilité de vous faire octroyer une protection internationale, ne sauraient donc pas non plus être perçus comme des éléments nouveaux en vertu dudit article 32.

8Monsieur, quant à vos nouvelles allégations selon lesquelles une organisation nommée « Ros Con Nador » aurait porté plainte contre vous au tribunal pour vous « empêcher dans mon activité professionnelle » (p. 3 de votre rapport d'entretien), il s'agit en premier lieu de constater que les recherches ministérielles n'ont pas permis de trouver trace d'une telle organisation, mais bien de la « Roskomnadzor », à savoir le Service fédéral russe de supervision des communications, des technologies de l'information et des médias de masse. A cela s'ajoute que vous n'êtes pas non plus en mesure de corroborer ces nouvelles allégations par une quelconque pièce, bien que vous prétendez en même temps avoir eu connaissance par hasard de ces nouvelles informations en consultant des sites internet russes. Il n'est dès lors aucunement établi qu'une plainte aurait effectivement été déposée contre vous par cette organisation et encore moins pourquoi une telle plainte aurait été déposée contre vous, ni qu'il s'agirait effectivement d'une prétendue accusation arbitraire. Vous restez totalement vague à ce sujet et n'êtes même pas en mesure de préciser quand cette plainte aurait été déposée contre vous, en vous contentant d'expliquer que vous n'auriez pas parlé de cette affaire dans le cadre de votre première demande de protection internationale parce qu'il s'agirait d'une « nouvelle loi ». Or, ces seuls éléments ne permettent manifestement pas de conclure que vous avez fait part d'éléments nouveaux au sens de la Loi de 2015 et qui augmenteraient de manière significative la probabilité de vous faire octroyer une protection internationale, ni même d'éléments dont vous auriez été dans l'incapacité d'en faire part au cours de votre précédente demande de protection internationale.

Il en est de même pour ce qui est de vos accusations supplémentaires et à nouveau totalement vagues et superficielles à l'égard de cette organisation, en prétendant qu'elle voudrait en plus vous faire qualifier d'agent étranger. A part le fait que vous ne versez aucune pièce quant à cette information qui aurait pourtant été publiée sur des sites internet russes, vous restez en effet à nouveau en défaut de faire part de déclarations précises et circonstanciées quant à cette prétendue « procédure » qui aurait été ouverte contre vous à une date inconnue pour une raison inconnue. Or, ces seules allégations ne permettent pas de conclure que vous auriez fait part d'éléments nouveaux au sens de l'article 32 susmentionné.

Madame, à part le fait que votre époux avait précisé que vous n'auriez pas de problèmes personnels en Russie mais que vous ne voudriez pas y retourner sans lui, il s'agit en dernier lieu de soulever que les allégations formulées dans votre rapport écrit ne sauraient pas non plus être perçues comme étant des éléments nouveaux au sens de l'article 32.

En effet, il n'est premièrement manifestement pas établi que, comme le précise votre mandataire, vous auriez « abandonné » votre poste à l'armée avant de venir au Luxembourg, raison pour laquelle un retour serait désormais « très dangereux » pour vous, en tant que prétendue membre des « opposants ». En effet, vous n'aviez nullement parlé au cours de votre première demande de protection internationale du fait que vous auriez « abandonné » votre poste, mais vous vous êtes contentée à préciser que vous auriez fait partie de l'armée russe pendant trois ans avant de venir au Luxembourg.

Force est par ailleurs de constater que vous restez entièrement en défaut de prouver vos allégations par des quelconques preuves et que vous précisez vous-même avoir uniquement entendu parler par le biais d'un collègue, qui lui aurait entendu cette information d'un autre membre de l'armée, qu'une affaire pénale serait ouverte contre vous après votre retour en Russie. Il est clair que cette prétendue information n'est donc nullement établie et que les seuls éléments ressortant de votre dossier administratif ne permettent manifestement pas non plus 9de retenir qu'ils augmenteraient de manière significative la probabilité de vous faire octroyer une protection internationale.

Force est ensuite de constater qu'à supposer que vous ayez vraiment abandonné votre poste à l'armée et que vous craigniez par conséquent les conséquences en cas d'un retour en Russie, surtout à cause du prétendu militantisme de votre époux en faveur des Droits de l'Homme qui vous ferait passer pour des « opposants », il s'agirait de soulever que vous n'étiez clairement pas dans l'incapacité de faire part de ces prétendues craintes et de votre prétendu abandon d'un poste militaire dans le cadre de votre première demande de protection internationale. Je rappelle dans ce contexte que vous n'aviez jusque-là pas mentionné la moindre crainte en rapport avec un prétendu abandon de votre poste militaire tandis que votre époux avait carrément précisé que vous n'auriez pas de problèmes personnels en Russie. Cette prétendue crainte en rapport avec votre prétendu abandon d'un poste militaire qui serait liée au prétendu militantisme de votre époux ne constituerait en tout cas pas un élément nouveau tel que prévu par la loi.

Concernant finalement votre allégation selon laquelle en tant que soldat de l'armée russe, vous seriez obligée de participer à la guerre en Ukraine alors que vous seriez opposée à cette guerre, « I am against the participation of the Russian Federation in the war against Ukraine and in general in any war, my niece lives in Ukraine », je rappelle tout d'abord qu'il ressort des copies de votre carnet militaire russe que vous auriez été soldat entre 2015 et 2017.

Il s'ensuit que vous auriez donc volontairement rejoint l'armée russe quelques mois après que la Russie avait déclaré la guerre à l'Ukraine et annexé la Crimée, tout en étant par la suite présente avec des troupes régulières au Donbass pour y soutenir des troupes paramilitaires prorusses contre l'armée ukrainienne.

Force est dans ce contexte de constater que, comme vous l'avez précisé dans le cadre de votre première demande de protection internationale, vous auriez en 2015, rejoint l'armée russe parce que « J'ai toujours été attiré par l'uniforme et je voulais faire quelque chose pour mon pays ». Il s'ensuit qu'on peut légitimement douter de votre prétendue aversion contre toute forme de guerre et plus précisément de votre position par rapport à la guerre en Ukraine ou de votre prétendue appartenance aux « opposants » en Russie, alors que vous n'avez pas hésité à rejoindre volontairement en 2015, une institution n'ayant déclaré la guerre aux Ukrainiens que quelques mois plus tôt.

A cela s'ajoute qu'au vu des seuls tampons contenus dans votre carnet militaire - versé sans traduction - il n'est clairement pas non plus possible de retenir que vous auriez « abandonné » votre poste en 2018. En effet, à part le fait que, tel que relevé ci-dessus, vous n'aviez jusque-là à aucun moment, au cours des presque quatre ans que vous avez passés au Luxembourg, mentionné un prétendu « abandon » de poste, il en ressort uniquement que vous auriez été soldat entre 2015 et 2017, tandis que vous avez pensé en été 2018, à venir passer des vacances au Luxembourg. Il n'est par conséquent aucunement établi que vous auriez encore été employé par l'armée en 2018 ou que vous seriez toujours perçue comme une soldate inscrite dans l'armée russe en cas d'un retour en Ukraine. Il n'est pareillement nullement établi que vous seriez obligée de participer à la guerre en Ukraine en cas d'un retour en Russie et vous restez d'ailleurs là-aussi en défaut de verser la moindre pièce à l'appui de vos dires.

Au vu de tout ce qui précède, il doit être retenu que vous vous servez de la guerre en Ukraine et de votre passé de militaire à l'appui de votre deuxième demande de protection internationale, après avoir volontairement rejoint l'armée russe après la déclaration de guerre 10de la Russie à l'Ukraine en 2104, constat qui fait clairement douter de votre réelle crainte à cet égard et ne saurait, à défaut de quelconques pièces pour corroborer vos dires, pas non plus suffire pour être perçu comme un élément nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions pour vous faire octroyer une protection internationale.

Je soulève encore que, conformément à l'article 9 de la loi du 18 décembre 2015, il est dérogé au droit de rester sur le territoire lorsqu'une personne n'a introduit une première demande ultérieure considérée comme irrecevable, qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision qui entraînerait son éloignement imminent du territoire. Or, il ressort de votre dossier qu'une décision de retour a été prise en date du 7 août 2019 et que vous tentez depuis de retarder ce retour, respectivement, de l'empêcher par tous les moyens en ayant décidé comme dernière possibilité, d'introduire des nouvelles demandes de protection internationale un jour après que vous avez été convoqués à un entretien en vue de préparer votre retour en Russie. Ainsi, il est évident que l'introduction de vos deuxièmes demandes de protection internationale a eu pour seul but d'empêcher ou de retarder votre éloignement vers votre pays d'origine.

Par conséquent la prédite dérogation au droit de rester sur le territoire luxembourgeois s'applique en l'espèce.

Vos nouvelles demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors déclarées irrecevables au sens de l'article 28 (2), point d), de la Loi de 2015. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2022, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 30 mai 2022.

Etant donné que la décision déférée déclare irrecevable la demande de protection internationale des consorts … sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et que l’article 35, paragraphe (3) de ladite loi prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base de l’article 28, paragraphe (2) de la même loi, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en annulation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent les faits et rétroactes passés en revue ci-avant, tout en soulignant qu’en l’absence d’accord de leurs demandes de protection internationale, ils subiraient des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Ils renvoient à ce sujet aux déclarations de Monsieur … actées le 11 février 2022, respectivement à celles consignées dans le rapport écrit de Madame …a du 28 février 2022.

Ils soulignent finalement que « le requérant principal », Monsieur …, en tant que journaliste et défenseur des droits de l'homme dans son pays, aurait participé à une opposition et à une dénonciation des dérives du pouvoir en Russie, et continuerait actuellement sans relâche à lutter activement contre les décisions des autorités de son pays d'origine.

11En droit, les demandeurs estiment que, dans sa décision du 30 mai 2022, le ministre aurait tiré des conclusions hâtives concernant la situation de Monsieur … et de sa famille, en ne prenant pas, contrairement à ce qui serait exigé aux termes de l’article 37, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, en considération tous les faits pertinents concernant le pays d'origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d'origine et la manière dont ils sont appliqués.

Ainsi, le parlement russe aurait voté à l'unanimité le vendredi 4 mars 2022 un projet de loi criminalisant la diffusion intentionnelle de ce que la Russie considèrerait comme des informations « fausses », le règlement prévoyant des amendes ou des peines de prison pour la diffusion de fausses informations sur l'armée, ainsi que des amendes pour les personnes qui appelleraient publiquement à des sanctions contre la Russie. Les tribunaux prononceraient les peines les plus sévères pour les fausses nouvelles qui pourraient entraîner des conséquences graves. Les mots « invasion de l'Ukraine » ou « guerre » seraient interdits dans le public, les médias et les réseaux sociaux et seul le terme de « l'opération spéciale en Ukraine » serait permis. Ainsi, pour avoir dit « non à la guerre en Ukraine », un journaliste russe réputé Dmitry Glukhovsky serait sous le coup d'un mandat d'arrêt et risquerait plusieurs années de prison, tel que cela ressortirait d’une de leurs pièces versées à l’appui de leur recours.

Les demandeurs donnent à considérer que Monsieur … n'aurait cessé de dénoncer la politique du pouvoir russe depuis des années, comme cela aurait été le cas de l'opposant Alexeï Navalny, actuellement emprisonné, de même qu’il aurait dénoncé la guerre actuelle, sur ses blogs, sur ses sites et de par ses manifestations à Luxembourg, renvoyant à ce titre à leurs pièces versées à l’appui de leur recours.

Ils font relever que Monsieur … serait à considérer comme journaliste opposant et défenseur des droits de l'Homme dans son pays d'origine, la Russie, où les droits de l'Homme seraient bafoués en permanence et où le droit international serait actuellement violé de façon éclatante avec un grand mépris. Ainsi les actions passées, actuelles et à venir de ce dernier lui feraient courir un grand risque d'emprisonnement dès son arrivée en Russie, car la liberté d'expression y serait sévèrement réprimée.

En ce qui concerne les preuves, réclamées par le ministre, relatives aux affaires déjà en cours contre Monsieur …, les demandeurs se réfèrent à leurs pièces, reprenant des captures d’écran du site du tribunal de … qui serait cependant difficilement accessible actuellement.

Les demandeurs soulignent que Monsieur … aurait « toujours martelé les mêmes propos, sans en dévier, sans se contredire », de sorte que ses affirmations sur les dérives du pouvoir russe seraient à considérer comme crédibles, d’autant plus que ces dernières seraient reconnues par l'ensemble de la communauté internationale. Il s’ensuivrait que le ministre aurait omis de respecter l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, disposant que les déclarations crédibles d’un demandeur de demande de protection internationale ne devraient pas être étayées par des preuves documentaires.

Les demandeurs soulignent encore que Madame … serait la tante de … qui serait orpheline depuis l'âge de 2 ans et qui la considérerait comme sa mère, de sorte à l’avoir accompagnée au Luxembourg en 2018, Madame …a ayant été nommée administrateur public de … par le tribunal d'arrondissement de Diekirch en date du 9 décembre 2021.

12Les demandeurs font plaider que toute la famille devrait pouvoir bénéficier de l'article 125bis (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, dénommée ci-après « la loi du 29 août 2008 », alors qu’elle serait dans l'impossibilité de quitter le territoire pour des raisons indépendantes de sa volonté, à savoir à cause de la scolarité des deux enfants mineurs, … et …, dont il serait dans l’intérêt supérieur de pouvoir terminer l'année scolaire 2021/2022. Les retirer du système scolaire luxembourgeois en cours d'année scolaire, où elles seraient intégrées depuis 2018, ne servirait pas le meilleur intérêt des enfants, qui, par ailleurs, courraient le risque d'être mis de côté, maltraités, ou stigmatisés compte tenu de leur provenance de l'Union européenne.

En ce qui concerne le reproche du ministère, selon lequel il serait évident que l'introduction de leurs deuxièmes demandes de protection internationale aurait eu pour seul but d'empêcher ou de retarder leur éloignement, les demandeurs donnent à considérer qu’ils n’auraient pas utilisé de méthodes frauduleuses pour se maintenir sur le territoire du Luxembourg, mais auraient introduit les différents recours prévus par la loi, concédant qu’il serait évident qu’ils craindraient de retourner dans leur pays d'origine.

Les demandeurs soulignent encore que Monsieur … estimerait en outre remplir les conditions posées par l'article 2 point g) de la loi du 18 décembre 2015, alors que « suite à sa participation anti guerre contre le conflit en Ukraine », il ne pourrait pas rechercher la protection des autorités russes, alors qu'il aurait établi une crainte fondée d'être « persécuté » dans son pays d'origine au sens de l'article 1er, section 1, paragraphe (2) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, dénommée ci-après « la Convention de Genève », ainsi que des articles 41 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, s’exposant, en cas de retour dans son pays d'origine, à des atteintes graves au sens de l'article 48 de la même loi en ce sens qu’il serait directement emprisonné.

Ils en concluent que ce serait à tort que la décision, prise en mai 2022, n’aurait aucunement tenu compte des faits nouveaux, à savoir le conflit armé actuel entre leur pays d'origine et l'Ukraine et la position d'opposant de Monsieur …, faits qu’il faudrait pourtant prendre en compte au vu des circonstances exceptionnelles, dramatiques, perturbantes et traumatisantes pour tous et en particulier pour les enfants.

Ainsi, la décision déférée devrait encourir l’annulation, les demandeurs sollicitant encore qu’un statut de protection internationale devrait leur être accordé à tous sur base des faits invoqués par Monsieur …, et ce, en application de l’article 131, paragraphe (4) de la loi du 29 août 2008, prévoyant la possibilité, pour le ministre, d’étendre le bénéfice des mesures prévues aux paragraphes (1) et (2) du même article, aux membres de la famille qui accompagnent l'étranger et qui sont également susceptibles d'être éloignés du territoire, pour une durée identique à celle accordée au bénéficiaire principal.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il échet, à titre liminaire, de souligner, tel que le tribunal a soulevé cette question d’office à l’audience publique de plaidoiries, qu’il n’est actuellement saisi que d’un recours en annulation dirigé contre une décision d’irrecevabilité d’une deuxième demande de protection internationale et non d’un recours au fond dirigé contre une décision ayant statué sur le mérite au fond d’une demande de protection internationale, de sorte que se pose la question de la recevabilité de la demande d’accorder un statut de protection internationale aux demandeurs tel que cela est sollicité dans le cadre de la requête introductive d’instance.

13 Le litismandataire des demandeurs se rapporte à prudence de justice quant à cette question, tandis que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité d’une telle demande.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies (…) », de sorte que, dans le cadre d’une décision prise sur base dudit article, le ministre ne fait pas d’analyse concernant le bien-fondé d’une demande de protection internationale.

Etant donné que le tribunal est saisi dans les limites de la décision qui lui est déférée, de sorte à n’être saisi, en l’espèce, que de la décision du 30 mai 2022 en ce qu’elle déclare irrecevable la deuxième demande de protection internationale introduite par les consorts …, il ne saurait que se prononcer, dans le cadre du recours en annulation dont il est saisi, sur la légalité de la seule décision d’irrecevabilité dans la limite des moyens dont il est saisi. Il s’ensuit que la demande lui adressée par les consorts … en vue de se voir accorder un statut de protection internationale doit être déclarée irrecevable pour défaut d’objet, alors qu’elle dépasse le cadre du litige actuel.

En deuxième lieu et toujours à titre liminaire, tel qu’également soulevé d’office à l’audience publique des plaidoiries, se pose la question de la recevabilité de la demande figurant au seul dispositif de la requête introductive d’instance, visant à annuler l’ordre de quitter le territoire, alors que la décision déférée ne comprend a priori pas un tel ordre.

Le litismandataire des demandeurs se rapporte à prudence de justice quant à cette question.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de cette demande, faute d’objet, en estimant que le seul ordre de quitter pesant sur les demandeurs serait celui qui aurait fait partie de la décision du 7 août 2019, rejetant leurs premières demandes de protection internationale.

Force est effectivement au tribunal de retenir que la décision déférée ne contient pas, en elle-même, un ordre de quitter le territoire qui, lui, résulte de la seule décision prise en date du 7 août 2019 ayant déclaré non fondées les premières demandes de protection internationale des consorts …, décision devenue définitive suite à l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46380C du rôle. Si la décision d’irrecevabilité déféré a certes pour effet que cet ordre de quitter subsiste, elle ne comprend cependant pas d’ordre de quitter en elle-même, de sorte que la demande sollicitant, dans le cadre du présent recours dirigé exclusivement contre la décision du 30 mai 2022, l’annulation d’un tel ordre de quitter est à déclarer irrecevable faute d’objet.

Au fond, il y a d’abord lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: (…) d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale (…) ».

14 Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).

(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.

(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. (…) ».

Il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure – c’est-à-dire une demande de protection internationale introduite après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure émanant de la même personne, y compris, notamment, le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande –, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, deuxièmement, que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, troisièmement, qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

15Il est constant en cause que les demandes de protection internationale des consorts … faisant l’objet de la décision actuellement déférée ont été introduites le 21, respectivement le 23 décembre 2021, soit après le rejet définitif de leurs premières demandes de protection internationale par l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46380C du rôle, de sorte que les demandes actuellement litigieuses doivent être qualifiées de demandes ultérieures au sens de l’article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne les faits invoqués à la base de la deuxième demande de protection internationale des consorts …, le tribunal constate d’abord, à la lecture de la requête introductive d’instance, telle que résumée ci-avant, que les demandeurs, mis à part le fait qu’ils donnent des explications sur les relations entre Madame …a et sa nièce, sans pour autant en tirer un quelconque argument de nature à pouvoir invalider les conclusions y relatives de la décision déférée, ne mettent en cause les conclusions de la décision déférée qu’en ce qu’elle n’aurait pas valablement pris en compte la situation de journaliste d'opposition de Monsieur … dans le contexte du conflit armé actuel entre la Russie, leur pays d’origine, et l’Ukraine, de sorte qu’en l’occurrence et au stade actuel, ce n’est plus que ce seul fait concret qui est mis en avant dans le cadre de la recevabilité de leur deuxième demande de protection internationale, étant relevé qu’en vertu du principe de la légalité des actes administratifs, le tribunal ne saurait toiser que les moyens et arguments dont il est saisi1.

Il s’ensuit qu’il y a lieu de relever que les problèmes en relation avec le droit de garde de l’enfant mineur … ainsi que la situation personnelle de Madame …a ne sont plus invoquées en tant que faits nouveaux pouvant justifier une deuxième demande de protection internationale dans leur chef, leur sort devant, selon les conclusions de la requête introductive d’instance, se calquer, en tant que membres de famille, exclusivement sur celui de Monsieur ….

Dans ce contexte et quant à la situation des enfants mineurs, force est encore de relever que l’argumentation relative à l’intérêt supérieur des enfants, résidant dans le fait qu’elles souhaiteraient finir leur année scolaire 2021-2022, ne saurait invalider les conclusions de la décision d’irrecevabilité telle que déférée, mais concerne plutôt l’exécution de l’ordre de quitter, non concernée par le présent litige, étant relevé qu’il en va nécessairement de même en ce qui concerne les développements des demandeurs relatifs aux articles 125bis, paragraphe (1) et 131, paragraphe (4) de la loi du 29 août 2008, dispositions qui n’ont rien à voir avec la décision d’irrecevabilité déférée, alors que ces dernières concernent le report à l'éloignement respectivement le sursis à l'éloignement.

En ce qui concerne enfin la question de savoir si la situation de défenseur des droits de l’Homme de Monsieur …, actuellement seule mise en exergue, peut être considérée comme un fait nouveau, force est d’abord de constater, de concert avec la partie gouvernementale, que sur la fiche manuscrite remplie au moment du dépôt de sa deuxième demande de protection internationale, Monsieur … indique comme motif à la base de sa nouvelle demande des « persécutions à cause de mes activités concernant les droits de l’homme, mon activité journalistique et politique sous la forme des actions illégales contre ma famille », motif s’apparentant clairement à celui qu’il avait déjà invoqué lors de sa première demande de protection internationale2, ce qu’il confirme d’ailleurs lui-même en affirmant, dans le cadre de 1 Trib. adm., 15 juin 2005, n ° 19347 du rôle, Pas. adm 2021, V° Procédure contentieuse, n°845.

2 Cour adm. du 19 octobre 2021, n° 46380C du role: Résumé des moyens d’appel des consorts …, page 7: « Concernant les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, comme Monsieur …, il s’en dégageraient des harcèlements, des agressions et des poursuites régulières. ».

16son entretien du 11 février 2022, sur la question qu’il aurait déjà mentionné de tels problèmes lors de sa première procédure, que « Durant ma première demande, tout était hypothétique.

Maintenant j’ai des documents. J’ai la décision d’annulation de tutelle de l’administration compétente. », tout en invoquant également comme éléments nouveaux, à cet égard, le fait que la sœur de son épouse aurait été licenciée il y a deux ans et qu’elle ne retrouverait plus de travail depuis lors à cause de lui et qu’il en serait de même pour le fils de cette dernière.

Or, c’est à bon droit que la décision déférée a relevé qu’au-delà du doute sur la relation causale entre ces évènements nouvellement invoqués et les problèmes mis en avant par Monsieur …, les demandeurs restent en défaut d’expliquer pour quelle raison ils n’auraient pas été en mesure de présenter ces faits plus tôt, notamment en ce qui concerne les déboires professionnels, il y a deux ans, de la sœur de Madame …a et du fils de cette dernière, de sorte que ces faits sont d’ores et déjà à écarter comme faits nouveaux au sens de l’article 32 précité de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne ensuite les affirmations des demandeurs selon lesquelles Monsieur … risquerait des représailles en Russie en vue de son activisme, depuis le Luxembourg, contre le conflit armé en Ukraine sévissant depuis fin février 2022, force est au tribunal de constater que de tels faits n’avaient jamais été portés à connaissance du ministre avant la prise de décision déférée, de sorte qu’il ne saurait être reproché à ce dernier d’avoir mal analysé la demande de protection internationale par rapport à de tels faits. Si Monsieur … n’a certes pas encore pu en faire état au moment de son entretien début février, il ressort du dossier administratif que la première fois qu’il est question de tels faits, c’est dans le cadre d’un courrier adressé au ministre en date du 17 juin 2022, qualifié par le litismandataire de recours gracieux par rapport à la décision déférée du 30 mai 2022, soit évidemment postérieur à celle-ci.

Etant donné que le tribunal, dans le cadre du recours en annulation dont il est saisi, est saisi de la seule légalité de la décision lui déférée, qui s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, alors que le juge, lorsqu’il contrôle les décisions de l’administration, doit se placer au même moment, il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut pas substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative3. Ainsi, il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile4.

Quant aux seules déclarations nouvelles de Monsieur …, dans le cadre de son entretien, selon lesquelles il serait empêché dans son travail par le service fédéral russe de supervision des communications, des technologies de l'information et des médias de masse, dénommé « Roskomnadzor », force est de relever que, face aux observations y relatives dans la décision déférée, citée in extenso ci-avant, les demandeurs restent toujours en défaut de préciser, même avec les pièces qu’ils versent à cet effet à l’appui de leur requête introductive d’instance, en quelle mesure, Monsieur … serait personnellement visé en tant qu' « agent étranger ». Ainsi, les captures d’écran relatives à différents procès dans le cadre desquels il serait impliqué et faisant référence à certains articles du Code des infractions administratives russe, laissent d’être concluantes, faute d’explications circonstanciées de la part des demandeurs quant au contexte concret de ces affaires, étant relevé que certains documents manquent de date, respectivement ne précisent pas le contenu des articles de loi visés, ni les circonstances des affaires, 3 Conseil du Contentieux des étrangers belge, 28 mai 2010, n° 44.164.

4 Voir trib. adm. 11 juin 2012, n° 29126, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 23 et les autres références y citées.

17respectivement leur aboutissement, de sorte que le tribunal n’est pas mis en mesure de vérifier ni la gravité de ces éléments ni leur pertinence dans le cadre des faits invoqués, de manière à ne pas lui permettre d’invalider le doute de la partie gouvernementale quant à leur caractère de nature à augmenter de manière significative la probabilité de se faire octroyer une protection internationale, étant relevé que, contrairement à ce qui est affirmé par les demandeurs, il ne s’agit pas d’une question de crédibilité, mais d’une question d’appréciation des faits invoqués.

En ce qui concerne la décision du parquet de la Fédération de Russie, versée pour la première fois à l’appui du présent recours, et visant à prendre des mesures pour restreindre l’accès au site internet …, dont Monsieur … serait l’administrateur, au motif que ce site contiendrait des « informations non fiables d'importance sociale sur des événements liés à la conduite d'une opération militaire spéciale de la Fédération de Russie pour protéger la RPD et la RPL », force est de relever que cette pièce, tout comme les autres pièces encore versées, concerne visiblement les seuls faits d’activisme contre le conflit armé en Ukraine, faits dont le ministre n’était pas encore saisi au jour de la décision déférée, tel que relevé ci-avant, de sorte à manquer de pertinence dans le cadre du présent litige.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée, de sorte que le recours y relatif encourt le rejet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de l’Asile et de l’Immigration du 30 mai 2022 déclarant irrecevables les demandes de protection internationale ultérieures des consorts … ;

au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

déclare irrecevable la demande d’« accorder les nouvelles demandes de protection internationale formulées le 22 décembre 2021, sinon la protection subsidiaire, à l'ensemble de la famille … » ;

déclare irrecevable le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent être bénéficiaires de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 10 août 2022 par :

Olivier Poos, premier juge, Annemarie Theis, attaché de justice délégué, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

18 s. Xavier Drebenstedt s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 août 2022 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 47572
Date de la décision : 10/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 17/08/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-08-10;47572 ?

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