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03/08/2022 | LUXEMBOURG | N°47764

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2022, 47764


Tribunal administratif Numéro 47764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 3 août 2022 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47764 du rôle et déposée le 29 juillet 2022 au greffe du tribunal admini

stratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocat...

Tribunal administratif Numéro 47764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 3 août 2022 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47764 du rôle et déposée le 29 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie), et être de nationalité tunisienne, alias …, déclarant être né le … à … (Maroc), et être de nationalité marocaine, alias …, alias …, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 juin 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er août 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

Le 2 mars 2017, Monsieur …, alias …, alias …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », fut interpellé par la police grand-ducale à Steinfort. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … était dépourvu de tout document d’identité valable et qu’il était signalé aux fins de non-admission dans le Système d’Information Schengen (SIS).

Par décision du même jour, s’appuyant en droit sur les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 », le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-

après par « le ministre », prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur …, tout en lui enjoignant de quitter sans délai le territoire luxembourgeois à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner, ladite décision comportant encore une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Après avoir été placé au Centre de rétention à la même date, Monsieur … fut éloigné vers la Tunisie en date du 9 avril 2017 et signalé dans le SIS en date du 13 avril 2017.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, Commissariat C2R Belvaux, du 29 juillet 2020, portant la référence …, que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité, alors qu’il se trouvait à bord d’une voiture dans laquelle furent retrouvés un fusil à pompe scié, un étui à cartouche vide, une bombe lacrymogène CS et deux cartes bancaires volées. Il ressort encore du même rapport que lors dudit contrôle, Monsieur … déclara s’appeler … et refusa de communiquer sa véritable identité aux agents de police.

Par arrêté du 29 juillet 2020, notifié à l’intéressé le jour-même, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … et lui enjoignit de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, le ministre prit un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question à l’encontre de Monsieur ….

Le 26 août 2020, le ministre prorogea une première fois la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir du 29 août 2020. Ledit arrêté ministériel fut notifié à l’intéressé le 28 août 2020.

Par arrêté du 25 septembre 2020, notifié le 28 septembre 2020 à Monsieur …, le ministre prorogea la mesure de placement pour une nouvelle durée d’un mois.

Par jugement du 21 octobre 2020, inscrit sous le numéro 45089 du rôle, le tribunal rejeta le recours contentieux introduit par Monsieur … en date du 14 octobre 2020 contre l’arrêté du 25 septembre 2020, prémentionné, pour ne pas être fondé.

Monsieur … fut finalement libéré du Centre de rétention le 22 octobre 2020.

Il se dégage d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg Groupe-Gare, du 30 novembre 2020, portant la référence …, qu’un dénommé … fit l’objet d’un contrôle d’identité effectué par des agents de la douane, alors qu’il se trouvait sans masque de protection dans l’enceinte de la gare de Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion que le dénommé … était dépourvu de tout document d’identité valable.

Par arrêté du 30 novembre 2020, notifié en mains propre à l’intéressé le même jour, le ministre constata le séjour irrégulier du dénommé … et lui enjoignit de quitter sans délai le territoire à destination du pays dont il a la nationalité ou du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans. Le dénommé … fut encore informé qu’il ferait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le SIS conformément à l’article 112, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg Groupe-Gare, du 19 décembre 2020, portant la référence … que Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale après avoir été signalé par des témoins comme porteurd’une arme blanche. Le même rapport indique que Monsieur … déclara s’appeler …. Il ressort encore d’un rapport du 25 décembre 2020, du même Commissariat, que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité au cours duquel il avait déclaré se nommer ….

En date du 29 décembre 2020, les autorités tunisiennes acceptèrent la délivrance d’un laissez-passer au nom de Monsieur … en vue de son rapatriement en Tunisie, les autorités luxembourgeoises ayant contacté à cet effet leurs homologues tunisiens en date des 31 juillet, 25 août, 9 septembre, 23 septembre, 8 octobre et 23 décembre 2020.

Par arrêté du 30 décembre 2020, le ministre rapporta sa décision de retour et d’interdiction d’entrée sur le territoire du 30 novembre 2020 prise à l’égard du dénommé …, alors qu’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans avait déjà été prise en date du 29 juillet 2020 à l’égard de Monsieur ….

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg Groupe-Gare, du 2 janvier 2021, portant la référence …, qu’un dénommé … fit l’objet d’un contrôle d’identité à Luxembourg, alors qu’il tenta de se cacher à l’approche du véhicule de la police grand-ducale. Il s’avéra à cette occasion que le dénommé … était dépourvu de tout document d’identité valable.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région Centre-Est, Commissariat Museldall, du 3 février 2021, portant la référence …, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale en état d’ébriété à la gare de Wasserbillig et emmené au commissariat par la contrainte après avoir porté un coup à l’encontre d’un policier. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … refusa de dévoiler son identité.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg Groupe-Gare, du 15 février 2021, portant la référence …, que le dénommé …, qui ne put présenter de document d’identité valable, fut interpellé par la police grand-ducale alors qu’il consommait de l’alcool sur la voie publique tout en invectivant des passants.

Par arrêté du même jour, notifié en mains propre à l’intéressé le même jour, le ministre constata le séjour irrégulier du dénommé … et lui enjoignit de quitter sans délai le territoire à destination du pays dont il a la nationalité ou du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Centre-Est, Commissariat Museldall, du 23 mai 2021, portant la référence …, que la police grand-ducale fut appelée en raison d’un différend impliquant plusieurs personnes sur la voie publique et notamment le dénommé …. A cette occasion, la police grand-ducale attira l’attention de ce dernier sur l’interdiction d’entrée sur le territoire dont il faisait l’objet et le laissa libre d’aller.

Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, Région Nord, Commissariat Echternach, du 10 août 2021, portant la référence …, que le dénommé … fut interrogé par la police grand-ducale appelée sur place en raison d’un différend impliquant ce dernier.

Il ressort encore d’un rapport de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, Commissariat Esch Centre, du 24 octobre 2021, portant la référence …, que la police grand-

ducale fut appelée en raison d’un différend impliquant le dénommé …. A cette occasion, lapolice grand-ducale attira à nouveau l’attention du dénommé … sur l’interdiction d’entrée sur le territoire dont il faisait l’objet et le laissa libre d’aller.

Par jugement du 28 janvier 2022, inscrit sous le numéro 45101 du rôle, le tribunal rejeta le recours contentieux introduit par Monsieur … en date du 16 octobre 2020 contre l’arrêté ministériel du 29 juillet 2020, prémentionné, pour ne pas être fondé.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg, du 19 février 2022, portant la référence …, que le dénommé … put sortir de cellule de dégrisement.

Suivant un rapport du même Commissariat du 3 mai 2022, portant la référence …, le dénommé … fut appréhendé par la police grand-ducale alors qu’il avait tenté de s’en prendre à une personne avec une arme blanche de 20-30 cm et un verre au motif que cette personne n’avait pas pu lui donner une cigarette. Le dénommé … fut libéré, étant donné que le Centre de rétention était complet.

Il ressort finalement d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg Groupe-Gare, du 25 juin 2022, portant la référence …, que le dénommé … fit l’objet d’un contrôle d’identité.

Par arrêté du 25 juin 2022, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement du dénommé … au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois avec effet au même jour. Ledit arrêté est fondé sur les motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport numéro … du 25 juin 2022 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 29 juillet 2020 assortie d'une interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un document de voyage valable ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […]. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2022, inscrite sous le numéro 47673 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours contre l’arrêté ministériel du 25 juin 2022, précité, ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au même jour, recours qui fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2022.

Par un arrêté du 21 juillet 2022, notifié à l’intéressé le 25 juillet 2022, le ministre a prorogé la mesure de placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification, arrêté dont la teneur est la suivante :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 25 juin 2022, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 25 juin 2022 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l'éloignement de l'intéressé est prévu pour 11 août 2022 ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juillet 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 21 juillet 2022 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement au Centre de rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur rappelle tout d’abord les faits et rétroactes tels que repris ci-avant.

Quant à la légalité externe de la décision déférée, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre pour prendre l’arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité interne de ladite décision, il conclut à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 en contestant d’abord que toutes les démarches requises auraient été effectuées et critique dans ce contexte plus particulièrement le ministre de n’avoir prévu le vol de retour vers son pays d’origine « que pour le 11 août 2022 ».

Il estime, en indiquant une adresse en France, qu’il aurait dû se voir appliquer des mesures moins coercitives, tout en insistant sur le fait qu’il n’existerait aucun danger de fuite dans son chef.

Le demandeur ajoute que ni un manque de démarches nécessaires des autorités ni « l’absence de vols » ne sauraient justifier la prorogation de la mesure de placement en rétention.

Il en conclut que son placement au Centre de rétention ne serait pas justifié et réclame sa libération immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre, étant donné qu’en vertu de l’article 3, point g) de la loi du 29 août 2008, le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le membre du gouvernement ayant l’immigration dans ses attributions, soit le ministre de l’Immigration et de l’Asile, aux termes de l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 portant constitution des ministères.

Le moyen de légalité externe afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéas 1 et 2 de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Cette mesure peut encore être reconduite à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate, d’une part, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, pour avoir fait l’objet d’une décision de retour en date du 29 juillet 2020, déclarant son séjour sur le territoire luxembourgeois comme étant irrégulier, lui ordonnant de quitter ledit territoire et lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, et, d’autre part, que le demandeur ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, de sorte qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 6. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Au vu des considérations qui précèdent, le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention et maintenir son placement afin d’organiser son éloignement vers la Tunisie, le demandeur n’ayant soumis aucun élément de nature à renverser la présomption de risque de fuite, ce dernier se contentant d’affirmer péremptoirement qu’il n’existerait aucun danger de fuite dans son chef. Par ailleurs, le demandeur affirme, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, avoir une adresse en France, ce qui renforce le constat d’un risque de fuite dans son chef, alors que la notion de risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement et non point comme le risque de quitter le territoire luxembourgeois.

Au vu de ces considérations, le moyen fondé sur une absence de risque de fuite dans le chef du demandeur encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Pour autant que le demandeur, en indiquant une adresse en France, ait entendu soutenir qu’il devrait y être assigné à résidence, le tribunal est également amené, au vu des précédentes considérations, à rejeter cette demande.

En effet, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier. L’article 125,paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant à propos du risque de fuite, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. En tout état de cause et tel que cela a été retenu ci-avant, l’indication d’une adresse en France est insuffisante pour fournir au ministre la garantie que le demandeur sera à la disposition des autorités luxembourgeoises au moment de l’exécution de l’éloignement et partant pour être considéré comme étant de nature à prévenir le risque de fuite.

Sur base de ces considérations, le ministre a valablement pu, sur base de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, précité, aussi maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Finalement, en ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre pour procéder à son éloignement, le tribunal a constaté dans son prédit jugement du 13 juillet 2022 qu’il ressortait du dossier administratif que le ministre avait entrepris les premières démarches le 6 juillet 2022 en vue d’obtenir la délivrance d’un billet simple Luxembourg-Monastir pour l’intéressé et qu’un vol en partance du Grand-Duché de Luxembourg à destination de Monastir en Tunisie était prévu pour le 11 août 2022.

Au vu de ces éléments, le tribunal avait conclu dans son jugement du 13 juillet 2022 que les démarches entreprises à l’époque par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

S’agissant des diligences accomplies depuis lors par le ministre, étant donné que le vol prévu pour le 11 août 2022 est maintenu, et au vu du résultat concret auquel celles-ci ont abouti, c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois, de sorte que les contestations afférentes sont à rejeter pour ne pas être fondées.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Hélène Steichen, premier juge, Alexandra Bochet, juge, Laura Urbany, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 3 août 2022 par le premier juge, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 août 2022 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 47764
Date de la décision : 03/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-08-03;47764 ?

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