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03/08/2022 | LUXEMBOURG | N°47750

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2022, 47750


Tribunal administratif N° 47750 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 3 août 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47750 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2022 par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationali...

Tribunal administratif N° 47750 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2022 chambre de vacation Audience publique de vacation du 3 août 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47750 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2022 par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 1er juillet 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

Le 11 mars 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Par décision du 3 novembre 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-

après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait été statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours.

Le recours contentieux contre la prédite décision ministérielle du 3 novembre 2020 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 16 décembre 2020, inscrit sous le numéro 45258 du rôle, jugement non susceptible de faire l’objet d’un appel.

Par courrier du 30 décembre 2020, Monsieur … fut convoqué au ministère pour le 7 janvier 2021 en vue de l’organisation de son retour. Il ressort d’une note au dossier que lors de cet entretien, ce dernier déclara refuser un retour volontaire dans son pays d’origine.

D’après un procès-verbal de la police grand-ducale, région Capitale, commissariat Luxembourg - Groupe Gare, du 14 janvier 2022, référencé sous le n° …, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle pour travail illégal.

Il ressort ensuite d’un procès-verbal de la police grand-ducale, région Capitale, commissariat Luxembourg Gare, du 26 février 2022, référencé sous le n° …, que Monsieur … ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité lors d’une interpellation auprès du centre social « ABRIGADO ». Il s’avéra encore à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans le système SIS, que l’intéressé y est signalé avec la mention « Refuser l’entrée sur le territoire ». Faute de place au Centre de rétention, il fut toutefois relâché.

Finalement, il résulte d’un procès-verbal de la police grand-ducale région Capitale, commissariat Luxembourg Gare du 6 avril 2022, référencé sous le n° …, que Monsieur …, toujours dépourvu de papiers d’identité, fut interpellé par les forces de l’ordre alors qu’il se trouvait de nouveau près du centre social « ABRIGADO ».

Par décision du 6 avril 2022, notifiée à l’intéressé le même jour, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à l’encontre de Monsieur ….

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté est fondé sur les considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les rapports no … du 14 janvier 2022 et no … du 22 janvier 2022 et no … du 24 mars 2022 et no … du 6 avril 2022 établis par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de refus de la demande de protection internationale du 3 novembre 2020, lui notifiée le 16 novembre 2020, comportant un ordre de quitter le territoire ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 6 avril 2022 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé s’est présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine en date du 7 janvier 2021 ;

Considérant que l’intéressé n’est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d’origine ;

Considérant que l’intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 4 mai 2022, notifié à l’intéressé le 6 mai 2022, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention dans le chef de Monsieur … pour la durée d’un mois à partir de la notification.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2022, inscrite sous le numéro 47469 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours contre l’arrêté ministériel précité du 4 mai 2022, qui fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 1er juin 2022.

Par arrêté du 2 juin 2022, notifié à l’intéressé le 3 juin 2022 avec effet au 6 juin 2022, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention dans le chef de Monsieur … pour la durée d’un mois à partir de la notification.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2022, inscrite sous le numéro 47614 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours contre l’arrêté ministériel précité du 2 juin 2022, duquel il se désista en date du 6 juillet 2022.

Par arrêté du 1er juillet 2022, notifié à l’intéressé le 6 juillet 2022, le ministre prorogea à nouveau la mesure de placement en rétention dans le chef de Monsieur … pour la durée d’un mois à partir de la notification.

Ledit arrêté est fondé sur les considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 6 avril, 4 mai et 2 juin 2022, notifiés le 6 avril, le 6 mai et le 3 juin avec effet au 6 juin 2022, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 6 avril 2022 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2022, inscrite sous le numéro 47750 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 1er juillet 2022.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour « vices d’excès et de détournement de pouvoir », pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Il estime, à cet égard, que le ministre n’aurait pas agi avec toutes les diligences requises pour écourter son placement en rétention, dans la mesure où les autorités tunisiennes ne l’auraient toujours pas identifié et ne lui auraient pas délivré de laissez-passer après plus de trois mois de rétention. Il en conclut que la probabilité d’aboutissement de la procédure d’éloignement serait « mince ».

Le demandeur reproche ensuite au ministre de ne pas avoir eu recours à des mesures moins coercitives, notamment à un placement dans la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg. Le placement en rétention porterait ainsi atteinte à sa liberté de mouvement, ce qui serait contraire à l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), même si ledit article prévoirait expressément la possibilité de placer en rétention un étranger en situation irrégulière.

Enfin, Monsieur … précise qu’il n’aurait jamais tenté de se soustraire à son éloignement, qu’il ne représenterait aucun danger à l’ordre public, qu’il aurait vécu de manière paisible avec sa concubine en France et qu’il n’aurait pas d’antécédents judiciaires, concluant à cet égard que son placement en rétention serait disproportionné par rapport à sa situation personnelle. Le demandeur fait également valoir, dans ce contexte, qu’il serait en couple avec une ressortissante française, Madame …, avec laquelle il souhaiterait se marier et fonder une famille, de sorte que son placement en rétention violerait l’article 8 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Pour autant que par l’argumentaire selon lequel la décision de placement en rétention serait disproportionnée vis-à-vis de sa situation personnelle, - notamment en raison du fait qu’il n’aurait jamais tenté de se soustraire à son éloignement, qu’il n’aurait pas d’antécédents judiciaires et qu’il aurait une relation stable avec une ressortissante française -, le demandeur ait entendu soutenir qu’il n’y aurait pas de risque de fuite dans son chef, le tribunal est, tout d’abord, amené à constater que dans le jugement précité du 1er juin 2022, il a été retenu qu’à défaut pour le demandeur d’avoir apporté le moindre élément probant de nature à renverser le risque de fuite qui était présumé dans son chef en application de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, le ministre avait valablement pu, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement.

Le tribunal constate encore, qu’à l’heure actuelle, le demandeur, dont il n’est pas contesté qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, - le ministre l’ayant, par décision du 3 novembre 2020, débouté de sa demande de protection internationale et lui ayant ordonné de quitter le territoire, décision qui est définitive depuis le jugement du tribunal administratif du 16 décembre 2020, précité - et dont il n’est pas contesté qu’il n’est pas en possession de documents d’identité ou de voyage valables, ne fournit toujours pas des éléments permettant de renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, étant précisé à cet égard, que lors de ses différentes interpellations, le demandeur a toujours précisé ne pas disposer d’adresse fixe au Luxembourg. Par ailleurs, le demandeur a affirmé ne pas vouloir retourner dans son pays d’origine et, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, il a précisé vouloir continuer à vivre en France avec sa compagne, ce qui renforce le constat d’un risque de fuite dans son chef.

Au vu de ces développements, le moyen fondé sur une absence de risque de fuite encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Pour les mêmes considérations, le tribunal est encore amené à rejeter le reproche du demandeur suivant lequel une mesure d’assignation à résidence aurait dû être appliquée en l’espèce.

A cet égard, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier. L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant à propos du risque de fuite, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. En tout état de cause et tel que cela a été retenu ci-avant, l’indication d’une adresse, correspondant à celle d’un foyer pour demandeurs de protection internationale, est insuffisante pour fournir au ministre la garantie que le demandeur sera à la disposition des autorités luxembourgeoises au moment de l’exécution de l’éloignement et partant pour être considéré comme étant de nature à prévenir le risque de fuite, ce d’autant plus que le demandeur a déclaré à différentes reprises ne pas vouloir quitter volontairement le territoire luxembourgeois et qu’il souhaitait continuer à vivre avec sa compagne en France.

Sur base de ces considérations, le ministre a valablement pu, sur base de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, précité, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité.

Aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

[…] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure 1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 792 et les autres références y citées.

d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen y afférent est à rejeter pour être non fondé.

S’agissant ensuite des critiques du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement, le tribunal a constaté dans son jugement, précité, du 1er juin 2022 qu’il ressortait du dossier administratif que le ministre avait, après avoir relevé les empreintes de Monsieur …, contacté les autorités tunisiennes en date du 27 avril 2022 en vue de son identification et l’obtention d’un laissez-passer dans son chef, et qu’un rappel leur avait été adressé en ce sens le 16 mai 2022.

Au vu de ces éléments, le tribunal avait conclu dans son jugement du 1er juin 2022 que les démarches entreprises à l’époque par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne les démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate qu’il ressort des éléments du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises ont de nouveau envoyé des courriers de rappel au Consulat Général de Tunisie à Bruxelles les 30 mai, 13 et 27 juin 2022, ainsi que les 11 et 25 juillet 2022.

Au regard des diligences ainsi accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes - c’est à tort que le demandeur estime que celui-ci n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois.

S’agissant enfin de la référence faite par le demandeur à l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut d’expliquer les raisons pour lesquelles il estime que la mesure de placement au Centre de rétention porterait une atteinte disproportionnée aux droits protégés par ledit article 8. En effet, la seule affirmation que la mesure est privative de liberté et qu’elle nuirait à sa volonté de s’établir avec sa compagne - étant ici précisé que les affirmations du demandeur quant à la réalité de cette relation restent à l’état d’allégations, dans la mesure où il n’a fourni aucun élément probant à cet effet - est en tout état de cause insuffisante. Le moyen afférent est dès lors rejeté.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Hélène Steichen, premier juge, Alexandra Bochet, juge, Laura Urbany, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 3 août 2022 par le premier juge, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 août 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 47750
Date de la décision : 03/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-08-03;47750 ?

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