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20/07/2022 | LUXEMBOURG | N°47681

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2022, 47681


Tribunal administratif N° 47681 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juillet 2022 chambre de vacation Audience publique du 20 juillet 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47681 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2022 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur â

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Tribunal administratif N° 47681 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juillet 2022 chambre de vacation Audience publique du 20 juillet 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47681 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2022 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant aux termes de son dispositif à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 juin 2022 prorogeant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, Maître Maud Waloczczyk, en remplacement de Maître Luc Majerus ainsi que Madame le délégué du gouvernement Charline Radermecker en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Le 2 janvier 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », demande dont il fut débouté par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 26 juin 2019, comportant aussi un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le recours contentieux introduit pas Monsieur … contre cette décision fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 17 novembre 2020, inscrit sous le numéro 43336 du rôle, confirmé en appel par un arrêt de Cour administrative du 20 mai 2021, inscrit sous le numéro 45361C du rôle.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale référencé sous le numéro 2020/35409/1336KB du 26 octobre 2020 qu’à cette date, Monsieur … fut appréhendé par la police et qu’une fouille fit apparaître qu’il était en possession de substances illicites. Lors d’un interrogatoire, l’intéressé déclara ne pas être disposé à quitter le territoire luxembourgeois.

Par un courrier du 18 août 2021, Monsieur … fut invité à se présenter à un entretien à la direction de l'Immigration en date du 19 août 2019 en vue de la préparation de son retour volontaire. Il ressort d’une note au dossier que l’intéressé ne se présenta pas à ce rendez-vous.

Suivant une note au dossier datée du 26 août 2021 Monsieur … se présenta à un rendez-

vous le même jour lors duquel il déclara être d’accord pour retourner volontairement dans son pays d’origine.

Il ressort d’un procès-verbal référencé sous le numéro 2022/5071/136/RS daté du 7 février 2022 que lors d’un contrôle d’identité le même jour, Monsieur … était en possession de substances illicites. Lors de l’interrogatoire tenu à cette occasion, il déclara ne pas être disposé à quitter le Luxembourg volontairement.

D’après un rapport de police référencé sous le numéro 2022/12564/597/TE daté du 1er avril 2022, Monsieur … fut entendu par les agents de la police grand-ducale en tant que témoin dans une affaire suite à une plainte déposée pour vol. Quant à la question de l’éventualité de quitter le Luxembourg volontairement, Monsieur … déclara ce qui suit : « Nein. lch will mein Leben in Luxemburg verbringen. Ich gehe einer Arbeit nach und bereite sonst keine Probleme. ».

Par arrêté du 27 avril 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna son placement en rétention pour la durée d’un mois.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivantes :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 26 juin 2019, lui notifié par lettre recommandée envoyée le même jour;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;

Considérant que l'intéressé n'a jusqu'à présent pas fait des démarches nécessaires en vue d'un retour volontaire dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l'intéressé évite et empêche la préparation du retour et la procédure d'éloignement ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été engagées;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; (…) ».

Le recours contentieux introduit par Monsieur … fut rejeté pour ne pas être fondé par un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2022, inscrit sous le numéro 47447 du rôle.

Par décision du 25 mai 2022, notifiée à l'intéressé le 27 mai 2022, le ministre prorogea la mesure de placement prise à l’égard de Monsieur … pour une durée d'un mois.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ladite mesure fut rejeté pour ne pas être fondé par un jugement du tribunal administratif du 9 juin 2022, inscrit sous le numéro 47502 du rôle.

Par arrêté du 27 juin 2022, notifié à l’intéressé en date du même jour, le ministre décida de prolonger la mesure de placement prise à l’égard de Monsieur … pour une durée d'un mois à compter de la notification.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivantes :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 27 avril 2022 et 25 mai 2022, notifiés en dates des 27 avril 2022 et 25 mai 2022 décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 27 avril 2022 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l'éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 11 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours, tendant, aux termes de son dispositif, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 27 juin 2022 ayant prorogé son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur déclare qu’il aurait pleinement coopéré avec la police grand-ducale lorsqu’il avait été appréhendé par celle-ci.

En droit, il fait valoir que l’article 120 de la loi du 29 août 2008 ne viserait pas un placement systématique de l’étranger se trouvant en situation irrégulière, mais accorderait aux autorités ministérielles compétentes la simple faculté de procéder à son placement au Centre de rétention. En se référant à une jurisprudence du tribunal administratif de 2001 et à une position de la Commission Consultative des Droits de l’Homme, il donne à considérer que le placement en rétention, s’agissant d’une mesure privative de liberté, devrait constituer une mesure d’exception et de dernier ressort à défaut d’autres mesures moins coercitives.

Le demandeur reproche ensuite au ministre d’avoir décidé la prorogation de son placement en rétention sans rechercher s’il pouvait justifier d’une adresse fixe au Luxembourg, soulignant qu’il résiderait à L-…, où il pourrait être assigné à résidence. Dans ce contexte, il précise qu’il travaillerait en qualité de technicien à …, le demandeur rappelant encore qu’il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement.

Il poursuit qu’il ne serait pas « indigne de la clémence » du tribunal pour bénéficier d’une mesure moins coercitive que le placement en rétention, tout en affirmant accepter toutes les conditions liées à une telle mesure, garantir qu’il ne quittera pas le pays et ne pas se soustraire aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises.

Le demandeur insiste encore sur la considération qu’il ne ressortirait d’aucune pièce du dossier administratif qu’il représenterait un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics, tout en faisant valoir qu’il serait une personne respectueuse et discrète, ayant été traumatisée psychologiquement et physiquement pendant de longues années.

En tout cas, le ministre ne prouverait pas en quoi une mesure moins restrictive de liberté ne pourrait être appliquée.

Ensuite, le demandeur conteste tout risque de fuite en son chef en critiquant le ministre d’avoir retenu un tel risque de fuite, sans l’avoir démontré.

Il estime que le ministre ne prouverait toujours pas que des mesures d’éloignement auraient été engagées et ne justifierait pas une prorogation de son placement en rétention.

Comme il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement, une assignation à résidence resterait la mesure la plus appropriée.

En se prévalant du paragraphe (3) de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, le demandeur affirme qu’il appartiendrait au ministre d’examiner si les conditions du maintien de la mesure de placement sont toujours d’actualité et s’il n’était pas plus efficace de soumettre l’intéressé à des mesures moins coercitives.

Par rapport aux diligences que le ministre est tenu d’entreprendre pour écourter le placement en rétention, le demandeur critique l’arrêté de placement initial et celui de la prorogation du placement pour ne pas préciser concrètement les mesures actuellement entreprises. En outre, il reproche à l’Etat de rester en défaut de prouver avoir entrepris des diligences concrètes, susceptibles de donner lieu à l’exécution de la mesure d’éloignement.

Enfin, le demandeur se prévaut de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et affirme que sa privation de liberté serait contraire à cette disposition.

Vu l’état de l’exécution de la mesure d’éloignement, compte tenu de ses affirmations et du fait qu’il possèderait un domicile au Luxembourg, le demandeur estime que la mesure de placement prise le 27 avril 2022 et prorogée en dernier lieu par décision du 27 juin 2022 ne serait pas justifiée, de sorte qu’il y aurait lieu d’ordonner sa libération immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.Il y a d’abord lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Pour autant que le demandeur ait voulu reprocher un défaut de motivation à la décision déférée en argumentant que le ministre n’aurait pas précisé dans sa décision plus concrètement les démarches qu’il est en train d’effectuer pour procéder à son éloignement, force est de relever que comme il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. En tout état de cause, le ministre n’avait pas à indiquer dans l’arrêté de prorogation du placement en rétention les démarches concrètement entreprises jusqu’alors en vue de l’éloignement du demandeur. Le moyen afférent doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé, étant relevé que les contestations du demandeur à cet égard ont davantage trait aux démarches concrètement entreprises par le ministre pour écourter le placement en rétention.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et quedes démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En ce qui concerne tout d’abord les contestations du demandeur quant à l’absence de risque de fuite dans son chef, le tribunal est amené à constater que dans les jugements précités des 25 mai et 9 juin 2022, il a été retenu qu’à défaut pour le demandeur d’avoir apporté le moindre élément probant de nature à renverser le risque de fuite qui était présumé dans son chef en application de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, le ministre avait valablement pu, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement. Le tribunal constate qu’à l’heure actuelle, le demandeur, dont il n’est pas contesté qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, - le ministre l’ayant, en date du 26 juin 2019, débouté de sa demande de protection internationale et lui ayant ordonné de quitter le territoire, cette décision étant devenue définitive à la suite de l’arrêt de la Cour administrative du 20 mai 2021, précité - et dont il n’est pas contesté qu’il n’est pas en possession de documents d’identité ou de voyage valables, ne fournit toujours pas des éléments permettant de renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, le demandeur se limitant, en effet, à affirmer qu’il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement, et d’autre part, à indiquer une adresse et à faire état d’une occupation salariée au Luxembourg.

Or, l’affirmation du demandeur qu’il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement est tout d’abord contredite par le fait (i) qu’il s’est maintenu sur le territoire après avoir été débouté définitivement de sa demande de protection internationale à la suite de l’arrêt précité de la Cour administrative du 20 mai 2021 et (ii) qu’il a affirmé à différentes reprises auprès de la police1 qu’il n’entendrait pas quitter volontairement le territoire luxembourgeois sur lequel 1 Cf procès-verbaux des 26 octobre 2020, 7 février 2022 et 1er avril 2022.il aurait, au contraire, l’intention de rester.

Si le demandeur se réfère encore à un certificat qu’il intitule « certificat de résidence » pour établir qu’il serait domicilié à … et s’il fait encore état d’une occupation salariée en tant qu’électricien au Luxembourg, ces simples affirmations ne sauraient pas suffire pour établir que le demandeur présente suffisamment de garanties de représentation effectives. En effet, le certificat auquel le demandeur se réfère et qu’il a soumis au tribunal ne constitue nullement un certificat de résidence, mais une attestation datée au 15 novembre 2021 établie par le ministre certifiant à l’époque que le demandeur était réadmissible sur le territoire luxembourgeois après s’être rendu à l’ambassade du Nigéria à Bruxelles en date du 17 novembre 2021. Ainsi, si ladite attestation indique, en effet, que le demandeur séjournait à L…, il n’en demeure pas moins, d’une part, que ladite attestation a été établie en novembre 2021 de sorte à ne fournir aucun renseignement sur le domicile actuel du demander et, d’autre part, que ladite attestation n’a pas été dressée par l’administration communale du lieu de résidence du demandeur aux fins, précisément d’attester son lieu de résidence, mais par le ministère aux fins d’attester sa réadmissibilité sur le territoire luxembourgeois, de sorte à ne pas pouvoir valoir comme élément établissant son domicile au Luxembourg.

Si le demandeur fait encore état d’une occupation salariée au Luxembourg, il reste en défaut de soumettre un quelconque document à cet égard au tribunal, de sorte que ses affirmations restent à l’état de simples allégations non vérifiées.

Les explications du demandeur relatives à un domicile ainsi qu’une occupation salariée au Luxembourg ne sauraient partant nullement suffire pour exclure tout risque de fuite dans son chef. Dès lors, les contestations du demandeur quant au risque de fuite dans son chef sont rejetées et le placement en rétention, respectivement son maintien doit être considéré comme étant a priori toujours justifié.

Pour les mêmes considérations, le tribunal est encore amené à rejeter le reproche du demandeur suivant lequel une mesure d’assignation à résidence aurait dû être appliquée en l’espèce.

A cet égard, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé 7 permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier. L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.

En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant à propos du risque de fuite, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. En tout état de cause et tel que cela a été retenu ci-avant, l’indication d’une adresse, correspondant à celle d’un foyer pour réfugiés, est insuffisante pour fournir au ministre la garantie que le demandeur sera à la disposition des autorités 2 trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.luxembourgeoises au moment de l’exécution de l’éloignement et partant pour être considéré comme étant de nature à prévenir le risque de fuite, ce d’autant plus que le demandeur a déclaré à différentes reprises ne pas vouloir quitter volontairement le territoire luxembourgeois.

S’agissant ensuite des critiques du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement, le tribunal a constaté dans ses jugements, précités, des 25 mai et 9 juin 2022 qu’il ressortait du dossier administratif et des explications du délégué du gouvernement que le ministre avait contacté les autorités nigérianes en date du 29 avril 2022 en vue de l’identification du demandeur et qu’il se dégageait encore du dossier administratif que le 24 mai 2022 avait eu lieu une visioconférence entre le Consul de l’Ambassade de la République fédérale du Nigéria et le demandeur en vue de l’identification de ce dernier, lors de laquelle celui-ci avait déclaré que son père serait de nationalité libérienne de sorte à remettre en question son origine nigériane dont il s’était prévalu lors du dépôt de sa demande de protection internationale. Le tribunal a encore constaté que par courriel du 31 mai 2022, les autorités nigérianes ont demandé aux autorités luxembourgeoises d’entrer en contact avec les autorités libériennes en vue de l’identification du demandeur, ce qui a été fait le jour même par voie de courriel et de courrier.

Au vu de ces éléments, le tribunal a conclu dans ses jugements précités des 25 mai et 9 juin 2022 que les démarches ainsi entreprises à l’époque par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne les démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate qu’en date des 17, 20 et 21 juin 2022 un agent ministériel est entré en contact avec les agents du de l’ambassade de la République du Libéria à Bruxelles et qu’un rendez-vous pour un entretien en vue de l’identification du demandeur a pu être fixé au 27 juin 2022.

Le 22 juin 2022 les autorités luxembourgeoises sont entrées en contact avec les autorités italiennes pour demander s’ils disposent de renseignement supplémentaires relatives au demandeur étant donné qu’elles lui avaient délivré un titre de séjour il y a quelques années.

Il ressort ensuite d’une note au dossier administratif du 27 juin 2022 que lors de l’entretien du demandeur en date du même jour à l’ambassade de la République du Libéria à Bruxelles il n’a pas collaboré du tout et n’a pas répondu aux questions lui posées, de sorte que l’agent consulaire a conclu que le demandeur n’était pas du Libéria.

Enfin, le 30 juin 2022 le ministre a contacté le service de police judiciaire, section criminalité organisée, police des étrangers avec prière de bien vouloir enquêter sur le demandeur auprès des autorités policières italiennes sur la possibilité d’obtenir une copie du passeport du demandeur.

Au regard des diligences ainsi accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes - c’est à tort que le demandeur estime que celui-ci n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois. En effet, le tribunal est amené à conclure que non seulement le dispositif de l’éloignement est en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise, mais encore qu’aucun reproche ne peut être fait au ministre pour avoir orienté les recherches en vue de l’identification du demandeur d’abord vers le Nigéria et ensuite vers le Libéria.

S’agissant enfin de la référence faite par le demandeur à l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut d’expliquer en quoi la mesure de placement au Centre de rétention porterait une atteinte disproportionnée aux droits protégés par l’article 8 de la CEDH, la seule affirmation que la mesure est privative de liberté étant en tout état de cause insuffisante à cet égard. Le moyen afférent est dès lors rejeté.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Géraldine Anelli, premier juge, et lu à l’audience publique du 20 juillet 2022 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 juillet 2022 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 47681
Date de la décision : 20/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-07-20;47681 ?

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