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06/07/2022 | LUXEMBOURG | N°45816

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 2022, 45816


Tribunal administratif N° 45816 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mars 2021 3e chambre Audience publique du 6 juillet 2022 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45816 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2021 par Maître Laurent HARGARTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairemen...

Tribunal administratif N° 45816 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mars 2021 3e chambre Audience publique du 6 juillet 2022 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45816 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2021 par Maître Laurent HARGARTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, du 14 janvier 2021 refusant de reconnaître son « Attestation de fin de formation auxiliaire de vie » lui décernée le 17 août 2020 par l’« … à … (France) » comme assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Delphine HERMES, en remplacement de Maître Laurent HARGARTEN, en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 juin 2022.

Il se dégage du dossier administratif tel que versé en cause sur demande expresse du tribunal qu’en date du 29 septembre 2020, Madame … s’adressa au ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », en vue de voir reconnaître son « Attestation de fin de formation auxiliaire de vie » lui décernée le 17 août 2020 par l’« … à … (France) » comme assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle (DAP) luxembourgeois d’auxiliaire de vie.

Par décision du 14 janvier 2021, le ministre refusa de faire droit à la prédite demande en les termes suivants :

« […] Vu les articles 6 et 7 de la loi modifiée du 10 août 2005 portant création d’un Lycée technique pour professions éducatives et sociales ;

Vu l’article 1er du règlement grand-ducal du 29 août 2005 portant organisation de la formation de l’auxiliaire de vie ;

Vu la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles :

Vu le règlement grand-ducal du 17 février 2017 relatif la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

Vu l’arrêté ministériel du 15 juin 2020 portant nomination de la commission ad hoc d’experts chargée d’apprécier les titres et diplômes ainsi que les qualifications professionnelles afférentes des professions réglementées du secteur social ;

Vu la demande de reconnaissance présentée par Madame …, née le … à … (Luxembourg), portant sur l’Attestation de fin de formation auxiliaire de vie, délivré par l’… à … (France) en date du 17 août 2020 ;

Vu l’avis en date du 14 janvier 2021 de la commission susmentionnée ;

Considérant que le niveau de qualification requis au Luxembourg pour accéder à la profession d’auxiliaire de vie correspond au niveau b) de l’article 11 de la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et que le titre de formation de la requérante correspond au niveau b) du prédit article ;

Considérant que la formation de la requérante présente au niveau du contenu, des différences essentielles avec la formation luxembourgeoise de l’auxiliaire de vie ;

Considérant que la requérante ne peut pas se prévaloir d’une formation socio-

éducative approfondie ;

Considérant que la requérante ne peut pas se prévaloir d’une formation pratique encadrée en milieux socio-éducatifs ;

Considérant que la requérante ne dispose pas des compétences multidimensionnelles et d’une approche différenciée à l’égard de tout public cible ;

Il est certifié que :

Art. 1er. L’Attestation de fin de formation auxiliaire de vie, décerné en date du 17 août 2020 par l’… à … (France), à Madame …, n’est pas assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle (DAP) luxembourgeois d’auxiliaire de vie. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2021, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre du 14 janvier 2021.

Il y a d’abord lieu de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive ait été notifiée à l’Etat en date du 25 mars 2021 par les soins du greffe du tribunal administratif.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Il convient ensuite de souligner que quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.

Le tribunal est, par contre, compétent pour connaître du recours principal en annulation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir cité la décision ministérielle litigeuse, souligne que le ministre aurait reconnu la régularité de sa formation pour avoir retenu que son titre de formation correspondrait au niveau b) de l’article 11 de la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 28 octobre 2016 ».

Elle donne ensuite à considérer que la décision ministérielle sous analyse ne contiendrait non seulement aucune précision sur la nature des différences entre sa propre formation et celle d’auxiliaire de vie au Luxembourg, mais resterait en outre muette sur les raisons empêchant d’assimiler son diplôme au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie.

A cet égard, elle met encore en exergue que la Commission ad hoc du ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse chargée d’apprécier les titres et diplômes ainsi que les qualifications professionnelles afférents des professions réglementées du secteur social, ci-après désignée par « la Commission ad hoc », aurait mentionné succinctement qu’elle ne pourrait se prévaloir d’une formation socio-éducative approfondie, et ce en dépit du fait qu’elle disposerait d’une attestation de formation reconnue par le « droit du travail français », laquelle comprendrait 350 heures de formation pour le métier d’auxiliaire de vie.

En se référant à un arrêt du Conseil d’Etat1, ainsi qu’aux articles 11 et 12 de la loi du 28 octobre 2016, la demanderesse fait valoir qu’une décision de « non-homologation » devrait être annulée si le texte légal ne prévoirait pas de spécificités, tel que ce serait le cas pour la formation d’auxiliaire de vie.

Au vu de ces considérations, la demanderesse estime que sa formation serait conforme à celle visée par le règlement grand-ducal du 29 août 2005 portant organisation de la formation de l’auxiliaire de vie, de sorte que la décision ministérielle litigieuse devrait encourir l’annulation.

Force est de constater qu’à l’appui de son recours, la demanderesse donne un certain nombre d’explications en ce qui concerne la formation d’auxiliaire de vie qu’elle a effectuée en France, explications qu’elle a appuyées avec des pièces telles qu’une attestation de fin de formation auxiliaire lui délivrée par l’organisme de formation français « … » en date du 17 août 2020, ainsi qu’une attestation de fin de formation établie par « … ». Il convient encore 1 Conseil d’Etat n° 8635 du 11 mars 1992 de relever qu’il ressort desdites pièces que la demanderesse a suivi une formation d’auxiliaire de vie de 350 heures, que cette formation correspond à un « certificat d’aptitude lié au milieu professionnelle » et que dans son cadre l’intéressée a acquis les connaissances nécessaires dans les domaines sanitaires et sociaux, dans les domaines de la biologie et de la nutrition, dans la prise en charge de personnes à domicile et dans les techniques de services à l’usager.

De l’autre côté, il y a lieu de constater que l’Etat n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal, bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du gouvernement en date du 25 mai 2019. Il convient encore de relever que la partie étatique n’a déposé le dossier administratif que sur demande expresse du tribunal, dossier dont les pièces permettent certes de retracer les différentes étapes au niveau précontentieux, ledit dossier contenant en effet la demande de reconnaissance de diplôme de Madame …, ainsi que l’avis de la Commission ad hoc, mais ne contenant toutefois aucune pièce susceptible d’éclairer le tribunal sur la nature exacte des « différences essentielles », telles que mises en avant par la prédite Commission ad hoc et reprises par le ministre dans la décision litigieuse, lesquelles caractériseraient la formation suivie par la demanderesse et la formation luxembourgeoise d’auxiliaire de vie, étant encore relevé que la seule référence non autrement circonstanciée à un prétendu défaut de formation socio-éducative approfondie, respectivement de formation encadrée en milieux socio-

éducatifs, voire un manque de compétences multidimensionnelles étant insuffisante à cet égard. Cette même conclusion s’impose en ce qui concerne le document intitulé « Profil professionnel du DAP Profession Auxiliaire de vie » figurant au dossier administratif, lequel ne saurait, faute de toute explication complémentaire de la partie étatique quant à sa nature exacte et les prétendues « différences essentielles » prémentionnées, justifier à lui seul le bien-fondé de la décision ministérielle litigeuse.

Force est dès lors de constater qu’en l’absence d’une prise de position de la part de l’Etat dans le délai légal et compte tenu des pièces figurant au dossier administratif, le tribunal n’est pas en mesure de procéder à un quelconque examen utile des motifs à la base de la décision de refus et de contrôler ainsi la légalité de la décision attaquée, ni de vérifier si les faits à la base de cette même décision de refus, à savoir des différences notoires entre la formation d’auxiliaire de vie suivie par la demanderesse et la formation correspondante au Luxembourg, sont établis2.

Il suit des considérations qui précèdent relativement à l’impossibilité de la juridiction saisie d’exercer son contrôle sur les éléments de fait et de droit, que la décision ministérielle litigieuse encourt l’annulation et qu’il y a lieu de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le ministre.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

2 Trib. adm. 22 avril 2002, n°13960 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative contentieuse, n°934 et les autres références y citées.

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire devant le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juillet 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juillet 2022 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45816
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-07-06;45816 ?

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