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06/07/2022 | LUXEMBOURG | N°45503

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 2022, 45503


Tribunal administratif Numéro 45503 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2021 3e chambre Audience publique du 6 juillet 2022 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45503 du rôle et déposée le 13 janvier 2021 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … et son épouse, Madame …, de

meurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administrat...

Tribunal administratif Numéro 45503 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2021 3e chambre Audience publique du 6 juillet 2022 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45503 du rôle et déposée le 13 janvier 2021 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … et son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 13 octobre 2020, référencée sous le numéro …, portant rejet de leur réclamation introduite le 14 mai 2020 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2018, émis le 19 février 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA du 11 mai 2022 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur … en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 mai 2022.

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Le 19 février 2020, le bureau d’imposition …, section des personnes physiques, ci-

après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … et de son épouse, Madame …, ci-après désignés « les époux … », le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2018.

Par courrier du 14 mai 2020, réceptionné le lendemain, les époux … introduisirent auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre du prédit bulletin d’imposition.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

1 Cette réclamation fut rejetée par une décision du directeur du 13 octobre 2020, référencée sous le numéro …, libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 15 mai 2020 par les époux, le sieur … et la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2018, émis le 19 février 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition de ne pas avoir porté en déduction leurs revenus de location les frais de réparation et de remise en état d’une maison destinée à leur servir d’habitation propre ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en mission à l’étranger en raison des fonctions exercées par le réclamant, les requérants quittèrent leur habitation située à … au cours de l’année 2006 et la louèrent tout au long de leur absence, jusqu’au mois de mai 2018, le temps d’attendre, après leur retour en été 2017, le terme de résiliation du contrat de bail courant et le départ des anciens locataires ; qu’une fois la maison libérée, les réclamants y firent exécuter un certain nombre de travaux dont notamment le remplacement des fenêtres, le ponçage des parquets et le renouvellement des peintures intérieures et extérieures ; que ces travaux s’étendirent sur une durée couvrant les mois de juin à septembre et occasionnèrent des coûts se chiffrant à … euros, frais que les réclamants expliquent avoir réglés intégralement, avant même l’emménagement dans leur maison, et qu’ils souhaitent porter en déduction du revenu de location relatif à cet immeuble ; que le bureau d’imposition toutefois ne voulut pas tenir compte de leur demande, au motif que les frais de rénovation et de réparations entrepris avant l’occupation personnelle d’une habitation par les propriétaires ne seraient pas déductibles ;

Considérant qu’en vertu de l’article 98, alinéa 1er nos 1 et 5 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), est considéré comme revenu provenant de la location de biens le revenu provenant de la location et de l’affermage de biens meubles ou immeubles, de même que la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire ;

Considérant que le revenu provenant de la location et de l’affermage de biens meubles ou immeubles est déterminé d’après le régime général d’établissement des revenus nets, défini par l’article 103, alinéa 1er L.I.R., selon lequel le revenu net est constitué par l’excédent des recettes sur les frais d’obtention, tandis que la valeur locative d’une 2habitation occupée par son propriétaire est déterminée de façon forfaitaire d’après les dispositions du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, qui précise notamment, à l’article 1er, que la valeur locative d’une maison occupée par le propriétaire est fixée forfaitairement sur la base de la valeur unitaire de l’habitation ; que suivant l’article 4, alinéa 4, la valeur locative réduite à concurrence des intérêts passifs constitue le revenu net ;

Considérant en premier lieu que les réclamants exposent à juste titre que les travaux de rénovation et de réparations entrepris n’auraient pas dépassé, de par leur envergure, le cadre de travaux de rénovation et de remise en état ordinaires, qui ne sont pas de nature à pouvoir être considérés comme dépenses d’investissement propres à être comprises au prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble au sens de l’article 25 L.I.R. ; qu’en effet, les travaux effectués sur un immeuble construit représentent soit des dépenses de réparation, soit des dépenses d’investissement ; que tout travail se limitant à renouveler un élément préexistant de l’immeuble peut être considéré comme réparation dont les frais ne modifient pas le prix d’acquisition de l’immeuble, tandis que les travaux aboutissant notamment à un changement de la nature du bâtiment, à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment, ou encore à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment (TA n°10111 du rôle du 14 janvier 1998) sont considérés comme des travaux d’investissement dont la somme des frais augmente le prix d’acquisition de l’immeuble ; que le remplacement des fenêtres, la rénovation des planchers et la peinture des murs intérieurs et extérieurs n’ayant ni ajouté ni modifié des installations, aménagements ou autres éléments majeurs de l’immeuble, les dépenses en question sont à considérer comme frais courants d’entretien et de réparations ;

Considérant ensuite que les requérants réfutent le rattachement de ces dépenses au revenu constitué par la valeur locative de la maison, fixée en raison de leur occupation personnelle des lieux au mois de novembre, expliquant qu’elles seraient en vérité en relation avec la location de l’immeuble sur une durée de plus d’une décennie, qui causa une certaine usure dont les travaux de rénovation effectués firent l’objet ; que ces travaux devraient donc être rattachés au revenu de location réalisé tout au long des années pendant lesquelles la maison fut louée et ainsi, à un revenu de location dont le montant net est constitué non par une valeur forfaitaire, mais par l’excédent des recettes sur les frais d’obtention ; que les dépenses en cause seraient en conséquence déductibles en tant que « frais postérieurs » du revenu de location de leur maison ;

Considérant qu’en vertu de l’article 105, alinéa 1er L.I.R., sont considérés comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ; que sont donc considérés comme frais d’obtention les dépenses assumées aux fins d’obtenir, préserver et pérenniser un revenu précis ; que « constituent des frais d’obtention, les dépenses exposées dans le but de réaliser un revenu déterminé dont la source n’existe pas encore ou dont la source est encore improductive, à condition qu’il existe un lien de cause à effet entre les dépenses effectuées et les recettes à naître. Il est encore exigé qu’objectivement les dépenses soient en relation avec une catégorie de revenus déterminée et que ces dépenses aient été provoquées par la recherche d’un revenu net» (Tribunal administratif du 28 octobre 1998, n° 9569 du rôle) ; que « concernant la conservation de recettes, les frais d’obtention s’analysent comme étant des dépenses exposées dans le but de pourvoir à la continuation d’un revenu par une conservation adéquate de la source de revenus déjà productive. Il est encore exigé qu’objectivement, les dépenses soient en relation avec une catégorie de revenus déterminée et qu’elles aient été provoquées par la volonté de maintenir un revenu net » (Tribunal administratif du 21 juin 2004, n° 17074 du rôle) ;

3 Considérant qu’il résulte tout autant des propos de l’article 105, alinéa 1er, n° 1 L.I.R.

que des différentes explications qu’en a fournies le tribunal administratif, que les frais d’obtention sont liés au revenu qui en constitue la finalité ; que cette relation est aussi bien de nature subjective qu’objective et l’intention du contribuable de réaliser un revenu importe tout autant que la relation directe avec une catégorie de revenus déterminée ; que les frais sont donc liés à la finalité qu’ils poursuivent et plus particulièrement à un revenu dont la réalisation, l’obtention, ou la conservation est ou bien en cours ou bien se situe dans un avenir plus ou moins proche et qu’ils doivent contribuer à réaliser ; qu’aussi, la notion de « frais d’obtention postérieurs » (nachträgliche Werbungskosten) dont se prévalent les requérants ne vise pas les dépenses faites après que la réalisation d’un revenu ait pris fin, mais celles dont l’origine se situe avant la fin de la réalisation du revenu en cause ; qu’il s’agit notamment de frais dont ou bien le paiement ou l’échéance est différé ou bien la liquidation est tardive ou qui, pour toute autre raison, ne deviennent exigibles qu’après le tarissement ou l’abandon de la source des revenus ; qu’il ne suffit donc pas qu’une dépense déterminée soit en relation avec un revenu réalisé par le passé, mais celle-ci doit encore avoir pris naissance pendant le temps de la réalisation des revenus ou avant, et avoir visé leur genèse ou pérennisation ;

Considérant que les travaux entrepris, bien qu’ils fussent en partie liés à la location antérieure de la maison dans la mesure où l’usure du bâtiment datait de la période pendant laquelle il était loué, ne peuvent être, objectivement, rattachés au revenu de location réalisé à cette époque, le but poursuivi constituant, selon l’article 105, alinéa 1er L.I.R., la condition essentielle au rattachement d’une dépense donnée à un revenu déterminé ; que l’intention des requérants d’occuper eux-mêmes la maison, suivi par la fixation de la valeur locative forfaitaire nette au moment de cette occupation, emportent la finalité de réaliser un revenu différent d’un revenu de location au sens de l’article 98, alinéa 1er, n° 1 L.I.R. ; que le lien causal nécessaire à la reconnaissance d’une relation objective entre les dépenses en tant que moyens engagés et le revenu en tant que but poursuivi est vérifié quant au revenu constitué par la valeur locative, alors qu’il ne l’est pas quant au revenu réalisé avant la fin de la location de l’immeuble ;

Considérant cependant que, précisant n’avoir occupé effectivement la maison qu’au bout de cinq mois, donc après l’achèvement complet des travaux de rénovation, les réclamants font valoir que les travaux d’entretien et de rénovation ayant été effectués avant l’occupation effective de la maison et la fixation simultanée de la valeur locative forfaitaire, les dépenses y relatives devraient être déductibles sans entraves, étant donné que la valeur locative n’aurait été fixée qu’ultérieurement, la maison n’ayant été ni occupée ni à leur disposition permanente au moment aussi bien de l’exécution que du paiement des travaux ;

qu’ils rappellent qu’en raison de l’envergure des travaux entrepris, qui touchèrent l’ensemble des surfaces de la maison, ils ne purent l’occuper qu’après achèvement de l’ensemble des rénovations réalisées, en date du 1er novembre et expliquent qu’avant cette occupation, le revenu y relatif serait à établir selon l’alinéa 1er de l’article 98 L.I.R., de sorte que les frais de rénovation, qu’ils précisent d’ailleurs avoir entièrement réglés avant leur emménagement, seraient déductibles sans aucune limitation ; qu’à l’instar du bureau d’imposition, les réclamants mettent en relation le refus de déduire les frais en cause avec les mesures nouvellement introduites par la réforme fiscale de l’année 2017 et notamment par le règlement grand-ducal du 23 décembre 2016 ayant modifié le règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, alors que l’article 4b nouvellement introduit dispose que pendant la période qui précède l’occupation de l’habitation par le propriétaire ou la disponibilité de l’habitation 4pour le propriétaire, les intérêts débiteurs et les frais de financement correspondant à l’habitation sont déductibles intégralement ; qu’ils font observer que, tout en entérinant la pratique administrative antérieure qui admettait la déduction intégrale des frais de financement d’une habitation pendant la période précédant son occupation, cette disposition ne permettrait pas de conclure à une interdiction de déduire tous frais autres que ceux expressément énumérés ;

Considérant cependant qu’en ce qui concerne la déduction des dépenses en relation avec un immeuble non encore habité par son propriétaire mais destiné à l’être, à la fin des travaux, c’est la définition générale des frais d’obtention de l’article 105 L.I.R. qui s’applique, étant donné que le revenu est établi selon les dispositions de l’article 103, alinéa 1er L.I.R. ; qu’en vertu de l’article 105, alinéa 4, 2e phrase L.I.R. toutefois, les frais d’obtention n’entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables et ne sont pas la contrepartie de revenus exemptés d’après l’article 115 L.I.R. ; qu’or, le seul revenu susceptible d’être acquis dès l’occupation par le propriétaire est le revenu forfaitaire que représente la valeur locative, fixée à zéro pour cent de la valeur unitaire de l’immeuble et qui se chiffre donc, dans toutes les hypothèses, à zéro euro ; que sans la mesure contenue à l’article 4b du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, les intérêts débiteurs échus suite à l’acquisition et avant la fixation de la valeur locative entrainant l’application des dispositions de l’article 4a du règlement, resteraient non déductibles au même titre que toutes autres dépenses quelconques, dont notamment l’entretien, les réparations ou encore l’amortissement pour usure ; que l’article 4b du règlement introduit expressis verbis une exception à cette règle en autorisant la déduction non plafonnée des intérêts débiteurs encourus pour cette période ; qu’il s’ensuit qu’en ce qui concerne tous les autres frais, le principe de non-déduction leur reste applicable ;

Considérant que si les réclamants avancent encore que l’absence de toute déduction tenant compte des frais de rénovation assumés et dont l’importance ne saurait être niée enfreindrait le principe de l’imposition selon la capacité contributive découlant de l’article 101 de la Constitution, il faut néanmoins préciser que les revenus en rapport avec un logement sont imposables, selon l’usage qui en est fait, ou bien d’après l’article 98, alinéa 1er, n° 1 L.I.R. ou bien d’après l’article 98, alinéa 1er, n° 5 L.I.R. ; que contrairement aux revenus visés par le n° 1, basés sur des recettes pécuniaires, les revenus visés par le n° 5 représentent une jouissance - l’habitation ou la libre disposition d’un logement - sans réelle contrepartie chiffrée ; que si les dépenses en rapport avec des travaux de rénovation sont déductibles des recettes de location réalisés dans le cadre d’un revenu imposable au titre de l’alinéa 1er, n° 1, elles le sont du fait qu’elles se chiffrent à un montant précis, à l’instar des recettes auxquelles elles se rapportent ; qu’en revanche, les dépenses en relation avec une habitation dont la jouissance est prise en compte, au titre de l’alinéa 1er, n° 5, au moyen d’une valeur forfaitaire représentant un revenu net fictif, ne permettent pas la déduction de dépenses réelles, celles-ci étant censées implicitement comprises au revenu forfaitaire ; qu’en revanche, l’impossibilité de déduire ce genre de frais leur valeur réelle a pour contrepartie l’exemption de fait de la jouissance que représente le droit de disposer librement d’une habitation, par la fixation uniforme de la valeur locative à zéro euro ; que les frais engagés en vue de réaliser un revenu de l’espèce, ne peuvent être déduits, au même titre, étant donné la finalité qu’ils visent ; qu’aussi, un propriétaire faisant exécuter des travaux dans un immeuble afin d’en tirer un revenu au moyen d’une location n’est pas dans une situation analogue à celle d’un propriétaire désirant habiter lui-même une maison lui appartenant ou en disposer à sa guise ; que l’égalité devant l’impôt ne se trouve pas enfreint en l’espèce, la distinction entre revenus de location au sens de l’article 98, alinéa 1er, n° 1 L.I.R. et revenus 5de location au sens de l’article 98, alinéa 1er, n° 5 L.I.R. se trouvant justifiée du fait de la nature différente des avantages qu’ils procurent au contribuable ; qu’ « en matière d’impôts, la règle constitutionnelle de l’égalité devant la loi d’impôt se trouve concrétisée par le principe de la capacité contributive au vœu duquel les personnes présentant la même capacité de contribuer aux charges publiques doivent subir le même niveau d’imposition. Le législateur jouit dans ce cadre de la latitude pour choisir les indicateurs de la capacité contributive et pour fixer les régimes de détermination et d’imposition des indicateurs qu’il érige en matière imposable » (Cour administrative du 12 mai 2016, n° 36471C du rôle) ; que les réflexions des requérants au sujet de l’absence de toute base légale ou réglementaire propre à justifier le refus de porter en déduction des revenus de location les frais de rénovation en cause sont donc à considérer comme oiseuses, l’impossibilité de les déduire découlant de l’application conjointe des articles 98, alinéa 1er, n° 5, 103, alinéa 1er et 105, alinéa 1er L.I.R. ;

Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’a d’ailleurs pas autrement été contestée ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2021, les époux … ont introduit un recours tendant à la réformation de la décision directoriale, précitée, du 13 octobre 2020.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO » et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision directoriale précitée du 13 octobre 2020, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs, tout en rappelant les rétroactes à la base de la décision directoriale litigieuse, expliquent être propriétaires d’une maison d’habitation sise à …. Ils précisent ensuite avoir acquis cette maison avec l’intention de l’utiliser comme résidence principale, mais qu’ils l’auraient toutefois donnée en location à partir d’avril 2008, alors qu’ils auraient été obligés de déménager en raison des fonctions de Monsieur … auprès du ministère des affaires étrangères, les demandeurs soutenant que ce dernier aurait été affecté à différentes représentations diplomatiques à l’étranger. Finalement, ils seraient retournés au Luxembourg en été 2017 et se seraient installés provisoirement à une autre adresse le temps de dénoncer le bail relatif à leur maison sise à … et le départ des locataires, lequel aurait eu lieu fin mai 2018. Par la suite, ils auraient fait exécuter des travaux de rénovation et de remise en état de leur maison sise à …, et ce afin d’éliminer les traces d’usure causées par la mise en location de celle-ci, travaux qui auraient consisté en une remise en peinture de l’intérieur et de l’extérieur de ladite maison, le remplacement de la 6majorité des fenêtres et de la porte d’entrée, ainsi que dans le ponçage du parquet. Ces travaux auraient été effectués entre juin et septembre 2018 et dont le coût total se serait élevé à …,- euros, les demandeurs ajoutant avoir emménagé dans leur maison à partir du mois d’octobre 2018.

En droit, et après avoir insisté sur le fait que le directeur n’aurait pas remis en cause la nature desdits travaux, lesquels seraient à qualifier de dépenses d’entretien et non pas de dépenses d’investissement, les demandeurs reprochent à celui-ci d’avoir fait une interprétation excessivement restrictive de la notion de frais d’obtention tels que visée à l’article 105, alinéa (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après « LIR », dans la mesure où celui-ci aurait retenu que de tels frais ne pourraient être admis que si la dépense afférente présente un lien causal avec des revenus réalisés concomitamment ou dans le futur. Les demandeurs sont en effet d’avis qu’il y aurait également lieu de qualifier comme frais d’obtention, des frais de rénovation se trouvant en relation causale avec des revenus de loyers antérieurs.

Or, en l’espèce, le directeur, tout en reconnaissant que les travaux litigieux se trouveraient pour partie en relation avec la location antérieure de leur maison, aurait néanmoins rattaché les dépenses y afférentes à leur « but […] de réaliser un futur revenu constitué par la valeur locative de la maison qu’ils allaient occuper et partant à un revenu différent d’un revenu de location au sens de l’article 98, paragraphe (1) n°1 LIR ». Les demandeurs sont d’avis qu’une telle approche serait non seulement contraire au principe de l’appréciation sur base d’une relation économique qui sous-tendrait tout le système de l’impôt sur le revenu, mais également au principe fondamental de l’imposition sur base de la capacité objective qui concrétiserait, en matière d’imposition du revenu, le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi d’impôt et qui exigerait que le contribuable doit être admis à déduire l’ensemble des dépenses qu’il a engagées en vue de réaliser un revenu imposable.

Les époux … estiment dès lors que l’élément déterminant en ce qui concerne le rattachement des travaux d’entretien à un certain revenu, ne serait pas l’époque d’exécution et de paiement de ces mêmes travaux, mais leur cause, laquelle justifierait leur exécution. Ce ne serait ainsi pas la date d’engagement de la dépense qui serait pertinente, mais la cause ayant permis de réaliser un certain revenu qui justifie l’engagement de ladite dépense, à savoir, en l’espèce, l’usure de leur maison d’habitation suite à la mise en location de celle-ci pendant dix ans.

Les demandeurs ajoutent qu’en raison du droit à une jouissance paisible dont auraient bénéficié leurs anciens locataires, ils auraient été dans l’impossibilité de faire exécuter les travaux litigieux avant la libération des lieux par ces derniers. Il serait ainsi inadmissible que le respect du régime légal d’un contrat de bail, accordant une jouissance tranquille sans troubles au locataire, soit invoqué à l’encontre du contribuable bailleur pour lui dénier la déduction fiscale comme frais d’obtention de frais de travaux de remise en état rendus nécessaires par l’usure de l’habitation durant la mise en location.

En affirmant encore que la « jurisprudence a déjà reconnu dans le passé la déduction de l'ensemble des frais liés à une habitation du chef de la période entre le départ des locataires, voire même entre l'acquisition d'habitation et son occupation par le contribuable en tant que propriétaire », jurisprudence qui serait fondée sur les mêmes articles que ceux invoqués par le directeur pour leur opposer sa décision de refus litigieuse, à savoir les articles 798, 103 et 105 LIR, les demandeurs concluent à la réformation de la décision directoriale litigeuse.

A titre subsidiaire, ils se prévalent d’une violation de l’article 10bis de la Constitution en arguant que la règle constitutionnelle de l'égalité devant la loi d'impôt serait concrétisée par le principe de la capacité contributive objective, au vœu duquel les personnes, présentant la même capacité de contribuer aux charges publiques, devraient subir le même niveau d'imposition. Ce même principe exigerait que le contribuable soit admis à déduire l'ensemble des dépenses qu'il a engagées en vue de réaliser un revenu imposable, telles que les frais d’exploitation ou les frais d’obtention.

Or, si la déduction des dépenses d’exploitation n’était, d’après les demandeurs, soumise à la seule condition de l’existence d’un lien causal effectif entre la dépense et le bénéfice réalisé, la déduction des frais d’obtention, serait, quant à elle, non seulement soumise à la condition d’un lien causal entre les frais et les recettes y relatifs, mais à une condition supplémentaire, à savoir celle de la finalité d’acquérir, d’assurer ou de conserver ces mêmes recettes. Les demandeurs estiment partant que dans le cadre des différentes catégories de bénéfices, le « principe fondamental de la capacité contributive objective » serait appliqué de façon plus favorable en ce qui concerne les dépenses courantes qu’en ce qui concerne les frais d’obtention, de sorte que l’article 105, alinéa (1) LIR, s’il devait être interprété tel que retenu par le directeur dans la décision sous analyse, serait contraire à l’article 10bis de la Constitution. Les demandeurs sollicitent, dans ce cadre, la saisine de la Cour Constitutionnelle afin qu’elle se prononce sur la question suivante :

« l’article 105, paragraphe (1), LIR, dans la mesure où il pose, au-delà de la condition du lien causal entre une dépense et un certain revenu imposable, pour la déduction des frais d’obtention l’exigence supplémentaire d’acquérir, d’assurer ou de conserver les recettes, alors que l’article 45, paragraphe (1) LIR pose comme seule exigence pour la déduction de dépenses d’exploitation que la dépenses soit provoquée exclusivement par l’entreprise, est-à-il conforme à l’article 10bis, paragraphe (1) ,de la Constitution ? ».

Au vu de l’ensemble de ces développements, les demandeurs concluent à la réformation de la décision directoriale litigieuse.

Le délégué du gouvernement, de son coté, estime que ladite décision directoriale serait fondée en fait et en droit. A l’appui de ses conclusions et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base de la décision directoriale litigieuse, le délégué du gouvernement, en se basant sur l’article 103 LIR, ainsi que sur les dispositions du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupée à titre gratuit ou en vertu d’un droit de jouissance viager ou légal, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 », souligne que le revenu net d’un contribuable serait constitué par l’excédent des recettes sur les frais d’obtention, tandis que la valeur locative d’une habitation occupée par le propriétaire serait fixée forfaitairement sur la base de la valeur unitaire de l’habitation, le délégué du gouvernement précisant encore que cette valeur locative pourrait être réduite à concurrence des intérêts passifs.

Il s’empare ensuite de l’article 105, alinéas 1er et 4 LIR pour soutenir que seraient considérés comme frais d’obtention que les dépenses assumées pour obtenir, préserver et pérenniser un revenu précis et que ces mêmes frais n’entreraient en ligne de compte que dans 8la mesure où ils seraient en rapport avec ce revenu imposable. Il fait plus particulièrement valoir que les frais d’obtention correspondraient aux dépenses exposées dans le but de réaliser un revenu déterminé dont la source n’existerait pas encore ou dont la source serait improductive à condition qu’il existe un lien de cause à effet entre les dépenses effectuées et les recettes à naître. Les dépenses en question devraient dès lors être en relation avec une catégorie de revenu déterminée et être provoquées par la recherche et la volonté d’un revenu net et la volonté de le maintenir.

Les frais d’obtention seraient dès lors liés au revenu qui en constitue la finalité, le délégué du gouvernement ajoutant que l’intention du contribuable de réaliser un revenu importerait, à cet égard, autant que la relation avec une catégorie de revenus déterminée.

En ce qui concerne la notion de « frais d’obtention postérieurs » dont les demandeurs se seraient prévalus dans leur réclamation, le délégué du gouvernement ajoute que la notion de frais d’obtention postérieurs serait à interpréter dans ce sens qu’il s’agirait de frais dont soit le paiement ou l’échéance serait différée, soit la liquidation serait tardive, ou qui pour tout autre raison ne deviendrait exigible qu’après le tarissement ou l’abandon de la source de revenu. Il ne suffirait dès lors pas qu’une dépense déterminée soit en relation avec le revenu réalisé par le passé, mais il faudrait qu’elle ait pris naissance pendant le temps de réalisation dudit revenu ou avant, et avoir visé sa genèse ou sa pérennisation.

En l’espèce, tout en admettant que les travaux litigieux auraient été partiellement liés à la location antérieure de la maison des demandeurs, le délégué du gouvernement estime pourtant qu’ils ne pourraient être rattachés au revenu de location réalisé à cette époque, alors que le but des demandeurs en réalisant lesdits travaux auraient été celui d’occuper eux-

mêmes leur maison d’habitation et partant de réaliser un revenu net différent d’un revenu de location au sens de l’article 98, alinéa (1) LIR.

Le délégué affirme, par ailleurs, que dans la mesure où l’article 4b. du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 prévoirait expressément la possibilité de déduire les intérêts débiteurs échus suite à l’acquisition d’un immeuble et avant la fixation de la valeur locative, le principe de non-déductibilité resterait applicable à tous les autres frais, alors que la déductibilité devrait être expressément prévue par le législateur pour que les contribuables puissent y avoir droit.

Finalement, le délégué du gouvernement conclut au rejet de la question préjudicielle suggérée par les demandeurs en affirmant que les demandeurs chercheraient à assimiler différentes dispositions de la LIR, en l’occurrence l’article 45 alinéa (1) LIR et l’article 105 alinéa (1) LIR, disposition qui relèveraient toutefois de catégories de revenus foncièrement divergents.

La partie étatique conclut dès lors au rejet du recours sous analyse.

Force est au tribunal de constater que si, en l’espèce, les parties s’accordent à qualifier les dépenses engendrées par les travaux litigieux, à savoir le remplacement des fenêtres, le ponçage de parquets et le renouvellement des peintures intérieurs et extérieures, comme frais courants, elles sont toutefois en désaccord en ce qui concerne la déductibilité de ces mêmes frais, les demandeurs étant, en effet, d’avis que lesdits travaux seraient en relation directe avec la mise en location antérieure de leur immeuble laquelle aurait entraîné une certaine usure des lieux, de sorte que les frais y relatifs devraient être déductibles de ce revenu locatif, 9tandis que la partie étatique estime que la finalité de ces mêmes travaux aurait été de permettre aux demandeurs d’emménager dans leur maison, de sorte qu’ils seraient étrangers aux revenus de locatifs antérieurs des demandeurs et partant non déductibles.

Quant à la question de la déductibilité des frais litigieux, il y a lieu d’abord lieu de souligner que l’article 105 LIR dispose dans son alinéa (1) que « [s]ont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes », tout en précisant dans son alinéa (4) que « les frais d’obtention sont déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent. Ils n’entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables ».

Si, de manière générale, des frais de rénovation tels que ceux dont se prévalent les demandeurs, sont, dès lors, susceptibles de constituer des frais d’obtention déductibles, leur caractère déductible est, cependant, soumis à la condition, notamment, qu’ils se rapportent à des biens qui procurent des revenus au contribuable.

Se pose dès lors la question de savoir si la maison des demandeurs est susceptible de leur procurer des revenus, alors qu’ils l’occupent eux-mêmes.

En l’espèce, l’administration fiscale exclut, en effet, la déductibilité des frais d’obtention au motif que les travaux à leur base auraient eu comme finalité l’occupation personnelle des demandeurs de leur maison d’habitation, c’est-à-dire avec une finalité de réaliser un revenu de location différent de celui visé à l’article 98, alinéa (1), n°1. LIR, à savoir un revenu forfaitaire qui représente la valeur locative d’une habitation occupée par son propriétaire laquelle serait fixée à zéro pour cent de la valeur unitaire et qui ne pourrait être réduite que des intérêts passifs déductibles comme frais d’obtention et ce conformément à l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968.

Aux termes de l’article 98, alinéa (1) LIR « [e]st considéré comme revenu provenant de la location de biens le revenu provenant : […] 5. [de] la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire, y compris celle des dépendances ».

Tel qu’il résulte de l’article 98, alinéa (2) LIR, la détermination de la valeur locative d’habitations occupées par le propriétaire pourra être instituée par un règlement grand-ducal prévoyant un ou plusieurs régimes forfaitaires.

L’article 98, alinéa (3) LIR prévoit, quant à lui, que ces régimes dépendront d’un certain nombre d’éléments, notamment de l’époque de la construction, de la valeur de l’habitation ou encore de sa catégorie.

A l’occasion de la réforme fiscale introduite par la loi du 23 décembre 2016 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017, le mode de détermination de la valeur locative a été adapté à travers la modification du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 par le règlement grand-ducal du 23 décembre 2016. Suite à cette modification, l’alinéa 1er de l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 dispose que :

« La valeur locative annuelle est fixée à zéro pour cent de la valeur unitaire correspondant à l'habitation ».

10 Il résulte des travaux parlementaires que le « gouvernement envisage[ait] de ramener les taux de quatre pour cent et de six pour cent prévus à l’article 4, alinéa 1er à zéro pour cent afin que l’occupation de l’habitation par le propriétaire déclenche dans son chef la fixation d’une valeur locative fiscalement neutre »2.

Le législateur avait justifié la fixation de la valeur locative annuelle à zéro pour cent par des raisons de « simplification administrative »3.

Il convient en premier lieu de relever que l’application du régime de la valeur locative de l’habitation est déclenchée à partir du moment où l’habitation concernée est à la disposition de son propriétaire ou occupée par ce dernier4.

Compte tenu du fait que les travaux litigieux ont été effectués après que les locataires ont quitté les lieux, à savoir après le mois de mai 2018 et avant que les époux … occupent eux-mêmes la maison et que compte tenu du fait que ces mêmes travaux étaient de nature à empêcher les demandeurs d’utiliser leur immeuble pendant la période de leur exécution à des fins d’habitation, les frais y relatifs se rapportent à une période dépourvue de toute fixation de valeur locative.

Cependant, la fixation de la valeur locative ayant débuté, au plus tard, lors de l’occupation de l’immeuble par les demandeurs, soit en octobre 2018, la fixation de cette valeur unitaire constitue, dans le chef des demandeurs, un revenu imposable.

Le tribunal ne saurait à cet égard suivre l’analyse de la partie étatique selon laquelle les dépenses relatives à l’habitation ultérieurement occupée par les demandeurs et se rapportant à la période précédant leur occupation sont, en principe, non déductibles en tant que frais d’obtention conformément à l’article 105, alinéa (4) LIR. En effet et contrairement aux considérations étatiques, le fait que le législateur a décidé de fixer la valeur locative annuelle à zéro pour cent de la valeur unitaire correspondant à l'habitation ne saurait être interprété comme enlevant à cette valeur locative annuelle la nature d’un revenu imposable en l’absence de modification prise en ce sens par le législateur pour qualifier la valeur locative de revenu exempté au sens de l’article 115 LIR. La modification du régime a plutôt eu pour seul effet de réduire le revenu à zéro pour cent pour éviter dorénavant l’imputation d’un revenu fictif positif afférent tout en permettant au contribuable de faire état, conformément aux règles générales des articles 7, 103 et 105 LIR, d’un revenu net négatif du chef de l’occupation de sa propre habitation, sauf que les frais d’obtention déductibles sont réduits par l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 aux intérêts débiteurs.

Indépendamment de son mode de détermination, la valeur locative annuelle continue partant à constituer un revenu imposable dans le chef du contribuable à qui elle est présumée conférer une source de revenu5.

En deuxième lieu, le tribunal tient à souligner qu’il n’est pas contesté en cause que les travaux de rénovation litigieux ont été exécutés et que les frais afférents ont été engagés 2 Projet de règlement grand-ducal modifiant le règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968, commentaire des articles, p. 145.

3 Projet de loi n° 7020 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017, exposé des motifs, p. 28.

4 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, ad art. 115, p. 191.

5 Cour adm., 28 juillet 2021, nos 45299C et 45300C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

11préalablement à l’occupation de l’immeuble par les demandeurs. Or, l’habitation en cause a conservé depuis l’acquisition par les demandeurs sa potentialité de devenir une source de revenus de location de biens notamment au sens de l’article 98, alinéa (1), n° 1 LIR jusqu’au moment où elle a été effectivement à la disposition de son propriétaire ou occupé par lui et où l’application du régime de la valeur locative a réduit la déduction de frais d’obtention à celle plafonnée des intérêts débiteurs. La déductibilité de frais d’obtention du chef de travaux de rénovation engagés jusqu’à ce moment se justifie encore de ce chef6.

Les frais d’entretien engagés par les demandeurs constituent dès lors des dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver des recettes au sens de l’article 105, alinéa (2), n° 2 LIR.

Conformément à l’article 105, alinéa (4) LIR, ces frais d’obtention sont dès lors en rapport avec un revenu imposable et ne sont pas la contrepartie d’un revenu exempté au sens de l’article 115 LIR.

Ces mêmes frais sont dès lors déductibles de même que tout autre dépense engagée en vue de réaliser un revenu imposable, telles que notamment les dépenses d’exploitation.

A cet égard, la Cour administrative vient de retenir dans un arrêt récent7 que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi d’impôt trouve, notamment en matière d’imposition du revenu, son expression dans le principe de l’imposition sur base de la capacité contributive et que le législateur a concrétisé ce principe dans la LIR par celui, entre autres, de la capacité contributive objective, au vœu duquel le contribuable doit être admis à déduire l’ensemble des dépenses qu’il a engagées en vue de réaliser un revenu imposable, de sorte à se voir soumis à l’impôt seulement en raison de son revenu net.

Les concepts des dépenses d’exploitation et des frais d’obtention ont pour fonction commune de mettre en œuvre ce principe de la capacité contributive objective en définissant certaines dépenses que le contribuable est admis à déduire afin de l’imposer seulement sur base de ses revenus réels qui correspondent à sa capacité contributive.

Il est vrai que l’article 105 LIR définit la notion des frais d’obtention de manière différente par rapport à celle des dépenses d’exploitation régie par l’article 45 LIR, en ajoutant à l’exigence du lien causal celle des finalités d’acquérir, de garantir ou de conserver les recettes et que les travaux parlementaires relatifs à la LIR précisent expressément que « la définition des frais d’obtention est plus restrictive que celle des dépenses d’exploitation »8.

Cette différence ne saurait cependant avoir pour conséquence une interprétation excessivement restrictive qui affecterait le parallélisme de la fonction entre les concepts des frais d’obtention et des dépenses d’exploitation.9 Il convient partant de retenir que ces frais d’obtention sont intégralement déductibles dans la catégorie de revenu à laquelle ils se rapportent faute de disposition légale et règlementaire spéciales s’opposant à leur déductibilité.

6 Ibidem.

7 Cour adm. 21 juin 2022, n°46815C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

8 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, art. 48, p. 186.

9 Cour adm. 21 juin 2022, n°46815C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

12En l’absence de toute objection de la partie étatique quant à la qualification des dépenses engagées en tant que frais d’entretien au sens de l’article 105, alinéa (2) LIR et quant aux travaux à prendre en compte et en l’absence de tout autre indice contraire s’opposant à leur admission, il y a lieu de retenir que c’est à tort que le directeur a conclu au caractère non-déductible des frais d’obtention au sens de l’article 105 LIR invoqués par les demandeurs.

Il se dégage partant de l’ensemble des développements qui précèdent, et sans qu’il y ait lieu de statuer plus en avant, que ledit recours est justifié et que la décision directoriale entreprise encourt la réformation ce sens qu’il y a lieu d’admettre la déductibilité intégrale en tant que frais d’obtention, dans le cadre de la catégorie des revenus de location de biens, des frais d’entretien à hauteur de …,- euros engagés par les demandeurs au cours de l’année 2018 préalablement à l’occupation de leur habitation.

Finalement, il convient encore de relever qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle, alors qu’une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre le présent jugement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant réforme la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 13 octobre 2020, référencée sous le numéro …, en ce sens qu’il y a lieu d’admettre la déductibilité intégrale en tant que frais d’obtention, dans le cadre de la catégorie des revenus de location de biens, des frais d’entretien à hauteur de …,- euros engagés par les demandeurs au cours de l’année 2018 préalablement à l’occupation de leur habitation ;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juillet 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

13 s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juillet 2022 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45503
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-07-06;45503 ?

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