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05/07/2022 | LUXEMBOURG | N°45201

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juillet 2022, 45201


Tribunal administratif N° 45201 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 novembre 2020 4e chambre Audience publique du 5 juillet 2022 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45201 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2020 par Maître Marta Dobek, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, ...

Tribunal administratif N° 45201 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 novembre 2020 4e chambre Audience publique du 5 juillet 2022 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45201 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2020 par Maître Marta Dobek, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 7 août 2020 réduisant, sur recours gracieux, l’amende administrative prononcée à son encontre par sa décision sur opposition du 21 juillet 2020 à un montant de 2.000 euros ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er février 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2021 par Maître Marta Dobek pour le compte de sa mandante ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2021 ;

Vu la lettre de Maître Jean-François Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée en date 12 avril 2022 et par laquelle il se constitue au nom et pour le compte de la société à responsabilité limitée … SARL, préqualifiée, en remplacement de Maître Marta Dobek ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu l’information de Maître Jean-François Steichen du 25 avril 2022 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. »Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 avril 2022, Maître Jean-François Steichen étant excusé.

___________________________________________________________________________

En date du 7 janvier 2020, l’Inspection du Travail et des Mines, dénommée ci-après « l’ITM », somma la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après désignée par « la société … », à se conformer à l’article L.125-7 du Code du travail, à savoir à verser les salaires du mois de novembre et décembre 2019 à sa salariée …, fournir à l’ITM les preuves de paiement desdits salaires, établir les fiches de salaires concernées et de lui transmettre la copie de celles-ci, endéans un délai de 8 jours, tout en l’informant que « A défaut, copie de la présente ainsi que de la plainte de la salariée seront adressées au service « Inspections, contrôles et enquêtes » de l’Inspection du travail et des mines en vue d’un contrôle des dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles en matière de conditions de travail et de sécurité et de santé au travail. (…) ».

En date du 10 février 2020, l’ITM s’adressa à nouveau à la société … sur base des articles L.614-4, paragraphe (l), point a) et L.614-5 du Code du travail, afin d’enjoindre à cette dernière de lui communiquer en vue d’un contrôle, dans un délai de 8 jours, les fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, ainsi que la preuve de paiement desdits salaires, les fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, ainsi que la preuve de paiement du salaire, les fiches de salaire des mois d’octobre à décembre 2019, respectivement l’indemnité de congé non-pris pour le salarié …, la preuve de paiement du salaire des mois d’octobre à décembre 2019 du même salarié, le livre concernant son congé légal pour l’année 2019, ainsi que le registre spécial ou le fichier reprenant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux et le travail de nuit d’octobre à décembre 2019 pour le même salarié, tout en avertissant la société … que « (…) Tout manquement de votre part de vous y conformer risque de vous exposer aux mesures et sanctions administratives prévues à l'article L.614-13 du même Code qui dispose que : « En cas de non-respect endéans le délai imparti, des injonctions du directeur ou des membres de l'inspectorat du travail, dument notifiées par écrit, conformément aux articles L.614-4 à L.614-6 et L.614-8 à L.614-

11, le directeur de l'Inspection du travail et des mines est en droit d'infliger à l'employeur, à son délégué ou au salarié une amende administrative dont le montant est fixé entre 25 euros et 25.000 euros. (…) ».

Faute d’avoir fait suite à l’injonction précitée du 10 février 2020, le directeur de l’ITM, dénommé ci-après « le directeur », infligea, en date du 22 juin 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception, une amende à la société … à hauteur de 5.000 euros en sa qualité d’employeur, pour avoir omis de donner suite et de prendre les mesures requises endéans le délai imparti par l’injonction du 10 février 2020 sur base de l’article L.614-13 du Code du travail.

Par courrier du 10 juillet 2020, entrée à l’ITM le 13 juillet 2020, la société …, forma opposition contre la décision directoriale précitée du 22 juin 2020. En date du 14 juillet 2020, la société … déposa encore des documents, à l’appui de son opposition, à savoir les fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, un courrier d’avertissement concernant ladite salariée, non daté, un courrier du 2 janvier 2020 adressé à la justice de paix Luxembourg, portant l’objet « Demande de requête pour dommages et intérêts » au sujet de lasalariée …, les fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, ainsi que la preuve de paiement du salaire du mois de décembre concernant la même salariée.

Par décision du 21 juillet 2020, le directeur déclara l’opposition de la société … partiellement fondée en réduisant l’amende à un montant de 4.000 euros, tout en énumérant les documents sollicités par l’ITM, faisant toujours défaut, décision libellée dans les termes suivants :

« (…) Vu l'article L.614-13 du Code du travail ;

Vu l'injonction du 10 février 2020 qui a été établie conformément aux articles L.614-4 paragraphe 1er, point a) et L.614-5 du Code du travail par …, Inspecteur en chef du travail, de l'Inspection du travail et des mines ;

Vu la décision du 22 juin 2020 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines d'infliger l'amende administrative « 20-118-ICE-2020-18590 » de 5.000 euros à la société … S.A R.L. sise à L-… (matricule : …), en sa qualité d'employeur, pour avoir omis de donner des suites et de prendre les mesures requises endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 qui lui a été notifiée par …, Inspecteur en chef du travail, de l'Inspection du travail et des mines ;

Vu l'opposition du 10 juillet 2020 contre ladite décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines, qui a été notifiée par la société … S.A R.L., préqualifiée, et qui a été reçue par l'Inspection du travail et des mines en date du 13 juillet 2020 ;

Que l'opposition du 10 juillet 2020 contre la décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines a été régulièrement notifiée endéans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'amende administrative ;

Qu'à l'appui de l'opposition du 10 juillet 2020, Madame …, gérant technique de la société … S.A R.L., préqualifiée, pour le compte de la société … S.A R.L., préqualifiée, a versé en date du 14 juillet 2020, un classeur de pièces ;

Que Madame …, gérant technique de la société … S.A R.L., préqualifiée, a informé l'Inspection du travail et des mines dans son opposition du 10 juillet 2020, qu'à l'avenir, la société … S.A R.L., préqualifiée, ferait de son mieux, pour répondre à temps aux courriers de l'Inspection du travail et des mines ;

Que les fiches de salaire des mois de novembre 2019 et décembre 2019 des salariées … (matricule : …) et … (matricule ; …), ont été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, à l'appui de l'opposition du 10 juillet 2020 ;

Que les fiches de salaire des mois d'octobre 2019 à décembre 2019 du salarié … (matricule : …), n'ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois de novembre 2019 et décembre 2019 de la salariée … (matricule : …), n'ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

3 Que la preuve de paiement du salaire du mois de décembre 2019 de la salariée … (matricule : …), a été notifiée par la société … S.A R.L., préqualifiée, à l'appui de l'opposition du 10 juillet 2020 ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois d'octobre 2019 à décembre 2019 du salarié … (matricule : …), n'ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que le livre concernant le congé légal des mois d'octobre 2019 à décembre 2019 pour le salarié … (matricule : …), n'a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que les documents reçus par la société … S.A R.L., préqualifiée, dans son opposition sont de nature à justifier une décharge partielle de l'amende administrative ;

Par ces motifs le Directeur de l'inspection du travail et des mines se déclare compétent pour connaître de l'opposition introduite par la société … S.A R.L.

sise à L-… (matricule : …), en sa qualité d'employeur;

la dit recevable et partiellement fondée ;

réduit le montant de l'amende administrative imposée par décision du 22 juin 2020 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines à la somme de 4.000 euros (…) ».

Par courrier du 24 juillet 2020, déposé le même jour à l’ITM, la société … introduisit un recours gracieux, en y joignant pour le salarié … les fiches de salaire des mois d’octobre 2019 à janvier 2020, la preuve de paiement d’un « Solde Salaire 2019/2020 », la preuve de paiement du salaire du mois de novembre 2019, ainsi qu’une lettre signée et datée au 20 mai 2020 par le même salarié par laquelle il confirme avoir reçu 1.300 euros comme avance sur salaire en date du 15 décembre 2019, ainsi que le livre de congé de l’année 2020 de la salariée ….

Par décision du 7 août 2020, le directeur accueilla partiellement le recours gracieux introduit par la société … en réduisant l’amende infligée à son encontre à 2.000 euros. Cette décision étant libellée dans les termes suivants :

« (…) Vu l'article L.614-13 du Code du travail ;

Vu l'injonction du 10 février 2020 qui a été établie conformément aux articles L.614-4 paragraphe 1er, point a) et L.614-5 du Code du travail par …, Inspecteur en chef du travail, de l'Inspection du travail et des mines ;

Vu la décision du 22 juin 2020 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines d'infliger l'amende administrative « ITM Amende 20-118-ICE-2020-18590 » de 5.000 euros à la société … S.A R.L. sise à L-… (matricule : …), en sa qualité d'employeur, pour avoir omis de donner des suites et de prendre les mesures requises endéans le délai imparti par l'injonction 4 du 10 février 2020 qui lui a été notifiée par …, Inspecteur en chef du travail, de l'Inspection du travail et des mines ;

Vu l'opposition du 10 juillet 2020 contre ladite décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines, qui a été notifiée par la société … S.A R.L., préqualifiée, et qui a été reçue par l'Inspection du travail et des mines en date du 13 juillet 2020 ;

Que l'opposition du 10 juillet 2020 contre la décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines a été régulièrement notifiée endéans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'amende administrative ;

Vu la deuxième décision du 21 juillet 2020 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines de réduire le montant de l'amende administrative « ITM Amende 20-118-ICE-2020-

18590 » imposée par la décision du 22 juin 2020 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines à la somme de 4.000 euros ;

Vu le recours gracieux du 24 juillet 2020 ayant pour objet l'infirmation de l'amende administrative « ITM Amende 20-118-ICE-2020-18590 » qui a été notifié par Madame …, gérant technique de la société … S.A R.L., préqualifiée, pour le compte de la société … S.A R.L., préqualifiée, en date du 24 juillet 2020 et qui a été reçu par l'Inspection du travail et des mines en date du 24 juillet 2020 ;

Que le recours gracieux du 24 juillet 2020, contre ladite décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines a été régulièrement notifié ;

Que Madame …, gérant technique de la société … S.A R.L., préqualifiée, déclare dans son recours gracieux du 24 juillet 2020, qu'à l'avenir, la société … S.A R.L., préqualifiée, ferait de son mieux, pour répondre à temps aux courriers de l'Inspection du travail et des mines ;

Que les fiches de salaire des mois d'octobre 2019 à décembre 2019 du salarié … (matricule : …), ont seulement été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, à l'appui du recours gracieux du 24 juillet 2020 ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois d'octobre 2019 à décembre 2019 du salarié … (matricule : …), ont seulement été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, à l'appui du recours gracieux du 24 juillet 2020 ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois de novembre 2019 et décembre 2019 de la salariée … (matricule : …), n'ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, préqualifiée, endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que la preuve de paiement du salaire du mois de décembre 2019 de la salariée … (matricule : …), a été notifiée par la société … S.A RI., à l'appui du recours gracieux du 24 juillet 2020 ;

Que le livre concernant le congé légal des mois d'octobre 2019 à décembre 2019 pour le salarié … (matricule : …), n'a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l'injonction du 10 février 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

5 Que les documents reçus par la société … S.A R.L., préqualifiée, dans le cadre de son recours gracieux sont de nature à justifier une décharge partielle de l'amende administrative ;

Par ces motifs le Directeur de l'Inspection du travail et des mines se déclare compétent pour connaître du recours gracieux introduit par la société … S.A R.L. sise à L-… (matricule : …), en sa qualité d'employeur;

le dit recevable et partiellement fondé ;

réduit le montant de l'amende administrative imposée par décision du 22 juin 2020 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines à la somme de 2.000 euros (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2020, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision directoriale précitée du 7 août 2020.

En application de l’article L.614-14 du Code du travail, « toutes les décisions administratives prises sur base des dispositions de la présente loi sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ».

En l’espèce, la décision déférée a été prise sur base de l’article L.614-13 du Code du travail et elle porte sur la fixation d’une amende administrative décidée à l’encontre de la société … en sa qualité d’employeur. Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Dans son mémoire en réponse et à titre liminaire, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à l’intérêt à agir de la société …, quant au respect du délai d’action et quant à la forme, sans pour autant fournir la moindre argumentation à ce sujet.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure l’intérêt à agir, la forme, respectivement le délai d’introduction du recours n’auraient pas été respectés, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Il s’ensuit que le recours en réformation est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse, passe en revue les rétroactes à la base du présent litige.

En droit, la demanderesse soutient qu’au courant de l’année 2019, elle aurait dû faire face à de nombreux congés de maladie et aurait manqué de personnel, raison pour laquelle elle aurait eu du mal à donner suite aux nombreuses demandes et injonctions de l’ITM endéans les délais impartis. Il ne faudrait pas négliger qu’il s’agirait d’une entreprise familiale à taille humaine, de sorte que les problèmes liés au manque de personnel auraient eu comme conséquence qu’elle n’aurait pas pu honorer les nombreuses demandes de l’ITM, cette circonstance s’étant encore accentuée par la crise sanitaire ayant perturbé son organisation.

De même, la crise sanitaire aurait profondément perturbée son organisation. Elle explique s’être toutefois efforcée à communiquer l’ensemble des documents demandés par l’ITM endéans les meilleurs délais.

Elle estime ensuite que suivant la décision du 7 août 2020, seules les preuves de paiement des salaires des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée … feraient défaut.

La demanderesse explique, à cet égard, qu’elle contesterait les salaires de cette salariée et qu’une procédure judiciaire serait actuellement pendante devant le Tribunal de travail de Diekirch, alors que cette salariée ne se serait plus présentée à son poste de travail et n’aurait plus fourni de prestation de travail. La demanderesse estime qu’il n’appartiendrait pas à l’ITM de se substituer au Tribunal de travail, seul compétent pour se prononcer sur le bien-fondé des salaires.

Quant au livre concernant le congé légal des mois d’octobre à décembre 2019 pour le salarié … faisant également défaut, la demanderesse souligne qu’il s’agirait d’une omission involontaire, cette pièce ayant dû figurer parmi les documents remis à l’ITM, de sorte qu’elle affirme verser ledit document à l’appui de son recours contentieux.

La demanderesse estime, sur base d’un jugement du tribunal administratif du 18 mars 2020, inscrit sous le numéro 42392 du rôle, qu’en tout état de cause, le maintien du paiement d’une amende ne serait pas justifié, de sorte qu’elle conclut à la réformation de l’amende prononcée le 7 août 2020 afin d’être totalement déchargée du paiement de celle-ci, sinon de la voir réduire à de plus justes proportions, alors qu’elle serait manifestement excessive et disproportionnée par rapport aux faits lui reprochés. La demanderesse rajoute qu’il y aurait lieu de prendre en considération qu’elle serait particulièrement atteinte par l’impact de la crise sanitaire d’un point de vue financier, étant donné qu’elle exercerait principalement dans le domaine de la restauration et l’hôtellerie, secteur ayant dû limiter ses activités durant plusieurs mois.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé. A cet égard, il rappelle les faits et rétroactes de l’affaire et fait préciser qu’en dépit de l’injonction du 10 février 2020, la demanderesse aurait pris plusieurs mois pour notifier les documents requis.

Suite à la communication incomplète des documents requis, l’amende administrative du 7 août 2020, aurait déjà partiellement déchargé la demanderesse en ayant réduit le montant de l’amende à 2.000 euros au lieu de 4.000 euros.

En droit, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la demanderesse n’aurait invoqué aucun moyen contestant la légalité interne ou externe de la décision déférée. Ainsi, l’article L.614-13 du Code du travail, sur base duquel le directeur aurait pris l’amende litigieuse à hauteur de 2.000 euros, aurait été respecté par l’ITM, alors que l’injonction du 10 février 2020 n’aurait pas été suivie d’effets endéans le délai imparti, de sorte qu’en l’absence de lacommunication de tous les documents requis près d’un mois après l’expiration du délai imparti, le directeur n’aurait eu d’autre choix que de sanctionner la demanderesse, laquelle aurait eu suffisamment de temps pour répondre aux demandes de l’ITM.

Il fait ensuite souligner que les documents réclamés par l’ITM dans son injonction du 10 février 2020 seraient des documents ordinaires que chaque employeur serait dans l’obligation de disposer dans le cadre d’une relation de travail, à présenter sur simple demande.

Ce serait dès lors à bon droit que le directeur aurait décidé de ne pas décharger entièrement la demanderesse du paiement de l’amende administrative infligée, mais de réduire ce montant compte tenu des documents communiqués, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation des faits.

Concernant le moyen de la demanderesse soutenant qu’elle aurait fait face à de nombreux congés de maladie au courant de l’année 2019 et aurait manqué de personnel, expliquant ses difficultés à donner suite aux injonctions de l’ITM, ainsi que la perturbation de son organisation en raison de la crise sanitaire, le délégué du gouvernement estime que non seulement, la partie demanderesse n’aurait pas prouvé de lien de causalité entre un prétendu manque de personnel administratif et son absence de réactivité à l’injonction du 10 février 2020, mais une telle allégation serait encore sans aucune pertinence, étant donné qu’un tel moyen ne serait pas de nature à la décharger de ses responsabilités en présence d’une injonction de l’ITM, tout en soulignant le fait, qu’en tout état de cause, la demanderesse aurait pu prendre les mesures nécessaires afin de pallier son manque de personnel.

Quant à l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle aurait versé toutes les pièces réclamées par l’injonction du 10 février 2020, le délégué du gouvernement conteste cette allégation en rappelant qu’en date du 7 août 2020, tant la preuve du paiement des salaires des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, ainsi que le livre concernant le congé légal des mois d’octobre à décembre 2019 pour le salarié …, feraient toujours défaut. Comme la partie demanderesse n’aurait, à aucun moment de la procédure contestée le paiement des salaires pour la salariée …, le délégué du gouvernement s’interroge sur l’opportunité d’une telle contestation à ce stade de la procédure et critique les pièces versées par la demanderesse, celles-

ci ne fournissant aucune explication complémentaire de nature à expliquer l’absence de paiement des salaires restées en souffrance, de sorte que les prétentions de la demanderesse resteraient en l’état de pure allégation.

Quant au livre de congé légal du salarié …, le délégué du gouvernement conteste avoir reçu ledit document avant l’introduction du recours contentieux et s’oppose à la communication dudit document durant le présent recours pour cause de tardiveté, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu de réformer la décision déférée en raison de la transmission dudit document.

Concernant le montant de l’amende infligée, le délégué du gouvernement considère que celui-ci serait parfaitement justifié, alors que le montant minimum serait de 1.000 euros.

Dans le cadre de son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement souligne qu’aucune différence de traitement selon la taille de l’entreprise ne serait prévue par le Code du travail quant au respect des dispositions légales.

S’agissant du défaut d’avoir respecté le délai imparti par l’injonction du 10 février 2020, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la situation n’aurait à la date de ladite injonction, pas encore été impactée par la pandémie liée à la Covid 19. Il critique en outre lefait que la demanderesse n’aurait finalement transmis qu’une partie des documents demandés dans le cadre de l’opposition du 10 juillet 2020, qu’après réception de la décision du directeur du 22 juin 2020 lui infligeant une amende administrative de 5.000 euros.

Concernant la copie de la requête introductive d’instance déposée le 23 juillet 2020 devant le Tribunal de travail de Diekirch, versée à l’appui du présent recours, le délégué du gouvernement considère que celle-ci n’aurait pas été communiquée à l’ITM au moment de son dépôt, de sorte que la décision sous examen du 7 août 2020 serait parfaitement fondée au jour où cette dernière aurait été prise, le directeur n’ayant pas eu connaissance de cette procédure.

Ainsi, cette requête ne saurait avoir un quelconque impact sur l’infraction reprochée à la demanderesse, à savoir la non-remise de documents endéans le délai imparti par l’injonction du 10 février 2020. Il y aurait également lieu de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2020 feraient mention d’un paiement dû, si aucun salaire ne serait dû, ces pièces contredisant les allégations de la partie demanderesse.

Aux termes de l’article L.614-4, paragraphe (1), point a) du Code du Travail :

« (1) Les membres de l’inspectorat du travail, sont autorisés en outre :

a) à procéder à tous les examens, contrôles ou enquêtes jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles sont effectivement observées et notamment: (…) - à demander communication dans les meilleurs délais de tous livres, registres, fichiers, documents et informations relatifs aux conditions de travail, en vue d’en vérifier la conformité avec les dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles, de les reproduire ou d’en établir des extraits; (…) ».

Il résulte de la prédite disposition légale que les membres de l’ITM peuvent procéder aux contrôles et examens qu’ils estiment nécessaires en vue de garantir l’observation des dispositions légales et réglementaires, respectivement conventionnelles applicables, et, qu’ils peuvent à cette fin notamment demander communication de tous les documents et informations relatifs aux conditions de travail des salariés d’une entreprise endéans un certain délai.

Le tribunal est amené à examiner si la demanderesse a fait parvenir à l’ITM, tel qu’elle le prétend, tous les documents sollicités, preuve dont elle a la charge afin de vérifier si l’amende confirmée par la décision déférée est toujours justifiée au jour où il statue. En effet, dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par la partie demanderesse en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant en considération la situation dans son ensemble, étant précisé que dans le cadre d’un recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision, impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer2, de sorte qu’il y a lieu de statuer suivant les éléments de fait et de droit présentement acquis3.

Force est de relever que l’injonction de l’ITM du 10 février 2020 se fonde sur les articles L.614-4 et L.614-5 du Code du travail, tout en rappelant les dispositions de l’article L.614-13 du même Code aux termes duquel « (1) En cas de non-respect endéans le délai imparti, des injonctions du directeur ou des membres de l’inspectorat du travail, dûment notifiées par écrit, 2 Trib. adm., 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas adm. 2021, V° Recours en réformation, n° 16 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 8 juillet 2002, n° 13600 du rôle, Pas adm. 2021, V° Recours en réformation, n° 17 et les autres références y citées.conformément aux articles L.614-4 à L.614-6 et L.614-8 à L.614-11, le directeur de l’Inspection du travail et des mines est en droit d’infliger à l’employeur, à son délégué ou au salarié une amende administrative.

(…) (5) Le montant de l’amende administrative est fixé selon le degré de gravité de l’infraction par le directeur de l’Inspection du travail et des mines à :

a) entre 25 euros et 25.000 euros pour les injonctions qui ont été notifiées en application de l’article L.614-4;

(…) Pour fixer le montant de l’amende, le directeur de l’Inspection du travail et des mines prend en compte les circonstances et la gravité du manquement ainsi que le comportement de son auteur. (…) ».

Il s’ensuit que l’ITM était fondée, sur base de l’article L.614-4, paragraphe (1), point a) du Code du travail à demander la communication, endéans un certain délai des fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, ainsi que la preuve de paiement desdits salaires, les fiches de salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, ainsi que la preuve de paiement desdits salaires, les fiches de salaire des mois d’octobre à décembre 2019, respectivement l’indemnité de congé non-pris pour le salarié …, la preuve de paiement du salaire des mois d’octobre à décembre 2019, le livre concernant le congé légal pour l’année 2019, ainsi que le registre spécial ou le fichier reprenant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux et le travail de nuit d’octobre à décembre 2019 pour le même salarié.

Dans ce cadre, le tribunal doit constater qu’en tout état de cause, les documents sollicités par l’ITM, à travers l’injonction du 10 février 2020 sont des documents a priori standard que l’employeur devrait avoir à sa disposition dès l’écoulement du mois afférent, de sorte que le délai de 8 jours calendrier imposé par l’injonction du 10 février 2020 pour communiquer lesdits documents n’appelle aucune critique.

Force est en effet de constater que bien que la demanderesse a été enjointe, le 10 février 2020, de communiquer à l’ITM, les documents précités pour tous les salariés sus-visés, et s’il n’est pas contesté par la partie étatique que la demanderesse a versé certains des documents sollicités par l’ITM au fil de l’instruction précontentieuse du présent dossier, ainsi qu’à l’appui du recours contentieux sous examen, cette communication incomplète des documents réclamés par l’ITM n’est pas intervenue dans le délai imparti par l’injonction, de sorte que c’est a priori à bon droit que le directeur de l’ITM lui a infligé une amende administrative.

En effet, il y a lieu de préciser qu’aux vœux de l’article L.614-13 précité du Code du travail, non seulement le défaut de transmission des documents sollicités, mais également le simple retard dans les suites données à une injonction sont passibles d’une amende.

La demanderesse fait toutefois valoir que le montant de l’amende de 2.000 euros, n’aurait pas raison d’être, respectivement devrait être revu à la baisse, alors qu’elle aurait remistous les documents sollicités les 14 et 24 juillet 2020, ainsi qu’à l’appui du présent recours contentieux, de sorte que l’amende ne se justifierait plus. En tout état de cause, elle demande au tribunal de réduire le montant réclamé de l’amende administrative du 7 août 2020, les seuls documents manquants étant ceux attestant du paiement du salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée …, salaires contestés dans le cadre d’une procédure judiciaire actuellement pendante devant le Tribunal de travail de Diekirch.

En ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse selon laquelle l’amende en question serait disproportionnée et que le montant réclamé devrait être revu à la baisse, il convient de rappeler que l’article L. L.614-13 du Code du travail laisse une large marge d’appréciation en ce qui concerne le montant à prononcer à titre d’amende administrative.

En l’espèce, force est de constater qu’il résulte des pièces versées en cause, ainsi que des explications de la demanderesse et de la partie étatique que suite à l’injonction, précitée, lui adressée le 10 février 2020, dans laquelle la demanderesse a été priée de faire parvenir à l’ITM les documents y mentionnés, cette dernière n’a pas fait suite à l’injonction, et ce sans justification valable.

Si le comportement de la demanderesse reste fautif en ce qu’elle a remis les documents à l’ITM après le délai imparti par l’injonction du 10 février 2020, il n’en demeure pas moins qu’elle a déposé une partie des documents sollicités les 14 et 22 juillet 2020, ainsi qu’à l’appui de son recours contentieux, de sorte qu’au vu des pièces versées par la demanderesse, ensemble avec son recours, force est au tribunal de constater que les deux seuls documents non encore valablement communiqués à ce moment sont les preuves de paiements du salaire des mois de novembre et décembre 2019 de la salariée ….

Etant rappelé qu’aux vœux de l’article L.614-13 précité du Code du travail, le simple retard dans les suites données à une injonction est déjà passible d’une amende, et au vu du constat fait ci-avant que seules les preuves de paiement du salaire des mois de novembre et décembre 2019 pour la salariée …, susvisée, font toujours défaut, force est au tribunal de retenir qu’une amende de 1.000 euros est justifiée au regard des circonstances de l’espèce, de sorte que la décision déférée est à réformer en ce sens.

Si la demanderesse tente d’expliquer l’absence de transmission de ces documents par le fait qu’aucun salaire ne serait dû pour les mois en question, il n’en demeure pas moins qu’elle a elle-même établi les fiches de salaires pour les mois de novembre et décembre 2019 au bénéfice de la salariée … et que le recours déposé devant le Tribunal de travail de Diekirch ne concerne pas le paiement des salaires de Madame …, mais des dommages et intérêts pour désorganisation de l’entreprise, de sorte que ce moyen laisse d’être fondé pour ne pas être de nature à décharger l’employeur de son obligation de présenter les preuves de paiement sollicités.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours en réformation sous analyse est à déclarer partiellement justifiée quant au moyen relatif à une disproportion de l’amende fixée par la décision directoriale du 7 août 2020 et à rejeter pour le surplus pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et les impose pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 7 août 2020 ayant infligé une amende administrative de 2.000 euros à la société … pour ne pas avoir donné de suites endéans les délais impartis à une injonction datée 10 février 2020 ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation de la décision du 7 août 2020, réduit le montant de l’amende administrative à payer par la société … à 1.000 euros, pour ne pas avoir versé la preuve de paiement du salaire du mois de novembre et décembre 2019 de la salariée … ;

rejette le recours en réformation pour le surplus ;

impose les frais et dépens de l’instance pour moitié à la société … et pour moitié à l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juillet 2022 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 juillet 2022 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45201
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-07-05;45201 ?

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