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04/07/2022 | LUXEMBOURG | N°41984

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2022, 41984


Tribunal administratif Numéro 41984 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2018 1re chambre Audience publique du 4 juillet 2022 Recours formé par Monsieur A, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41984 du rôle et déposée le 20 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tend...

Tribunal administratif Numéro 41984 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2018 1re chambre Audience publique du 4 juillet 2022 Recours formé par Monsieur A, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41984 du rôle et déposée le 20 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision portant la référence … du 20 août 2018 prise par le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 4 mars 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître André Lutgen, au nom de Monsieur A ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2019 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 5 avril 2019 autorisant les parties à déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 2019 par Maître André Lutgen, au nom de Monsieur A ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2019 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications respectives de Maître André Lutgen et du délégué du gouvernement 28, respectivement du 27 janvier 2022 suivant lesquelles ils marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 2 février 2022.

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Par courrier du 20 août 2018, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », enjoignit à Monsieur A de lui fournir pour le 24 septembre 2018 au plus tard, certains renseignements concernant la société B et la société à responsabilité limitée C, ci-après désignée par la C, ladite injonction étant libellée comme suit :

« (…) En date du 21 juin 2018, l'autorité compétente de l'administration fiscale belge nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la convention fiscale entre le Luxembourg et la Belgique du 17 septembre 1970, modifiée par la loi du 31 mars 2010 portant approbation de l'Avenant et de l'échange de lettres y relatif à ladite convention, de la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signée le 29 mai 2013, et approuvée par la loi du 26 mai 2014 ainsi que de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, transposée en droit interne par le loi du 29 mars 2013.

L'autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et a exclu l'absence manifeste de pertinence vraisemblable.

Les personnes morales concernées par la demande sont les sociétés  B, ayant eu son adresse à B-… en Belgique. Et  C, ayant son adresse à L-… Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 les renseignements et documents suivants pour le 24 septembre 2018 au plus tard.

 Veuillez fournir des éléments de preuve (factures pour électricité, gaz, eau, téléphone, ..) que l'adresse à L-… correspond en réalité à votre adresse de domiciliation pour la période visée.

 Veuillez préciser si l'apport du carnet d'adresses à la société C vous appartient ou vous a appartenu. Dans l'affirmative, veuillez préciser durant quelle période (début/fin).

 Veuillez préciser si votre apport du carnet d'adresses à la société C a fait l'objet d'une convention. Dans l'affirmative, veuillez fournir une copie.

 Veuillez préciser si votre apport du carnet d'adresses à la société C a fait l'objet d'une facture. Dans l'affirmative, veuillez fournir une copie.

 Veuillez préciser les critères d'évaluation du carnet d'adresses apporté à la société C en indiquant les valeurs monétaires.

 Veuillez indiquer s'il existe un rapport d'expertise pour fixer la valeur de l'actif incorporel visée au point précèdent et nous fournir, le cas échéant, une copie.

 Veuillez préciser les modalités de paiement de l'apport du carnet d'adresses et comment l'investissement du carnet d'adresses a été financé.

 Veuillez indiquer si vous possédez ou disposez de la sous-licence de(s) actif(s).

 Veuillez fournir des copies de tous les documents pertinents mentionnés dans les points précédents.

Je tiens à vous rendre attentif que, conformément à l'article 2 (2) de la loi du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.

Conformément à l'article 6 de la loi du 25 novembre 2014 précitée, aucun recours ne peut être introduit à l'encontre de la présente décision d'injonction. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 novembre 2018, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ladite décision du 20 août 2018 prise par le directeur.

1) Quant à la recevabilité des recours principal en réformation et subsidiaire en annulation Prétentions des parties A l’appui de son recours, et en ce qui concerne la recevabilité, Monsieur A estime pouvoir bénéficier, en dépit de l’article 6, paragraphe 1er de la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, ci-après la « loi du 25 novembre 2014 », d’une voie de recours contre la décision d’injonction déférée, en soutenant que l’absence de recours inscrite audit article aurait été jugée contraire à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la « Charte », par la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après la « CJUE », dans son arrêt du 16 mai 20172, Berlioz Investment Fund SA c. Directeur de l’Administration des Contributions Directes, ci-après désigné par « l’arrêt Berlioz ».

Son recours serait dès lors à déclarer recevable.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut à l’irrecevabilité du recours au motif qu’un recours direct contre la décision d’injonction serait exclu par l’article 6, paragraphe 1er de la loi du 25 novembre 2014 et qu’il résulterait uniquement de l’arrêt Berlioz que la décision d’injonction pourrait être contestée par voie d’exception dans le cadre d’un recours dirigé contre l’amende administrative infligée pour non-respect de la décision d’injonction, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Dans son courrier du 1er février 2022 adressé en réponse à l’avis du tribunal du 31 janvier 2022 informant les parties qu’il entendrait soulever à l’audience des plaidoiries la 2 CJUE (grande chambre) du 16 mai 2017, BERLIOZ INVESTMENT FUND SA c. directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15.

question des enseignements à tirer de l’arrêt de la CJUE du 6 octobre 2020 (affaires jointes n° C-245/19 et 246/19) et de l’arrêt de la Cour administrative du 12 janvier 2021, inscrit sous le numéro 41486Ca du rôle, le litismandataire de Monsieur A a indiqué que lesdits arrêts confirmeraient que le recours introduit serait recevable.

Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal constate que la demande de renseignements des autorités belges est basée (i) sur la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/99/CEE, ci-

après désignée par « la directive 2011/16/UE », transposée en droit interne par la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ci-après désignée par « la loi du 29 mars 2013 », (ii) sur la convention entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Luxembourg le 17 septembre 1970, modifiée par plusieurs avenants, ci-après désignée par « la convention de double imposition », et (iii) sur la convention de l’OCDE et du Conseil de l’Europe sur l’assistance administrative mutuelle, tandis que la décision d’injonction du 20 août 2018 est, quant à elle, fondée sur la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignement sur demande en matière fiscale, ci-après désignée par « la loi du 25 novembre 2014 ».

La convention de double imposition et la directive 2011/16/UE présentent deux ensembles de dispositions ayant des champs d’application distincts en ce qui concerne tant les Etats liés que les personnes et les impôts visés, de manière qu’ils sont susceptibles de s’appliquer parallèlement à une situation donnée.

La directive 2011/16/UE prime cependant dans les relations entre Etats membres de l’Union européenne sur les conventions de non-double imposition conclues par deux d’entre eux en tant que disposition du droit de l’Union européenne hiérarchiquement supérieure pouvant imposer à deux Etats membres un échange de renseignements dans des hypothèses où la convention de non-double imposition entre ces deux Etats membres ne le prévoit pas, tout en admettant, au vœu de son article 1er, alinéa 3, « (…) l’exécution de toute obligation des États membres quant à une coopération administrative plus étendue qui résulterait d’autres instruments juridiques, y compris d’éventuels accords bilatéraux ou multilatéraux. »3. Etant donné que la directive 2011/16/UE prime sur les conventions de non-double imposition convenues entre Etats membres, et qu’il n’est pas allégué en l’espèce que la convention de double imposition prévoit un échange de renseignements plus étendu que la directive 2011/16/UE, il y a lieu de conclure que la directive 2011/16/UE, ensemble avec la loi du 29 mars 2013 ayant transposé son contenu en droit interne, constitue le cadre légal de référence par rapport à la décision d’injonction du 20 août 2018.

Le tribunal relève ensuite qu’en date du 5 mars 2019 a été publiée au Mémorial A, N°112, la loi du 1er mars 2019, modifiant la loi du 25 novembre 2014 avec effet au 9 mars 2019, en ce qu’elle prévoit notamment la possibilité de l’introduction d’un recours en annulation contre la décision d’injonction par le détenteur des renseignements dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés, tandis que dans sa version précédente, la loi du 25 novembre 2014 prévoyait qu’« aucun 3 CJUE, 11 octobre 2007, Européenne et Luxembourgeoise d’investissements SA (ELISA) c. Directeur général des impôts, C-451/05 ; Cour adm., 31 août 2015, n° 36893C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

recours ne peut être introduit contre la demande d’échange de renseignements et la décision d’injonction visées à l’article 3, paragraphes 1er et 3. ».

La loi du 1er mars 2019 a été publiée au Mémorial en date du 5 mars 2019 avec prise d’effet au 9 mars 2019, sans prévoir de dispositions transitoires relatives aux questions de compétence et de procédure ou quant aux voies de recours.

Une nouvelle loi est applicable aux instances en cours quand elle se contente de modifier les formes ou la procédure du recours, mais elle ne l’est pas lorsqu’elle affecte la recevabilité même du recours qui doit être appréciée selon la loi en vigueur au jour où la décision a été prise. En résumé, l’existence d’une voie de recours est régie, en l’absence de mesures transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée4.

En l’espèce, la décision déférée a été prise le 20 août 2018, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 1er mars 2019. Ainsi, à défaut par le législateur d’en avoir autrement disposé, l’existence et la nature des recours ouverts en l’espèce sont régies par la loi du 25 novembre 2014, telle que publiée au Mémorial A, N° 214, en date du 27 novembre 2014 sans prendre en compte la modification intervenue postérieurement à travers la loi du 1er mars 2019, entrée en vigueur le 9 mars 2019.

L’article 3, paragraphe (3) de la loi du 25 novembre 2014, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, dispose que : « Si l’administration fiscale compétente ne détient pas les renseignements demandés, le directeur de l’administration fiscale compétente ou son délégué notifie par lettre recommandée adressée au détenteur des renseignements sa décision portant injonction de fournir les renseignements demandés. La notification de la décision au détenteur des renseignements demandés vaut notification à toute autre personne y visée. ».

L’article 5, paragraphe (1) de la même loi, également dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, dispose que : « Si les renseignements demandés ne sont pas fournis endéans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés, une amende administrative fiscale d’un maximum de 250.000 euros peut être infligée au détenteur des renseignements.

(…) ».

L’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse dispose encore qu’« (1) Aucun recours ne peut être introduit contre la demande d’échange de renseignements et la décision d’injonction visées à l’article 3, paragraphes 1er et 3.

(2) Contre les décisions visées à l’article 5, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. (…) ».

L’article 6, paragraphe (1), précité, de la loi du 25 novembre 2014 exclut donc formellement l’exercice d’un recours juridictionnel à l’encontre d’une décision d’injonction, de sorte que les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation sont a priori irrecevables.

4 Trib. adm., 8 janvier 2016, n° 37265 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Lois et Règlements, n° 101 et les autres références y citées.

En ce qui concerne la question de la compatibilité de cette exclusion avec l’article 47 de la Charte, invoquée par Monsieur A, il convient de se référer aux enseignements de l’arrêt précité de la CJUE du 6 octobre 2020. En effet, dans cet arrêt la CJUE s’est penchée sur la question de la compatibilité de l’exclusion d’un recours contre la décision d’injonction avec l’article 47 de la Charte dans l’hypothèse où cette exclusion vise le détenteur des informations sollicitées, le contribuable visé respectivement un tiers intéressé, alors que dans l’affaire Berlioz, citée par Monsieur A dans sa requête introductive d’instance, la CJUE avait statué par rapport à une situation factuelle et légale différente, à savoir celle où un recours contentieux avait été introduit par le détenteur de renseignements seulement à un second stade de la procédure d’échange de renseignements dans l’Etat requis à l’encontre d’une décision lui infligeant une sanction administrative pour ne pas s’être conformé à la décision d’injonction lui adressée antérieurement et non pas, à un premier stade contre la décision d’injonction elle-même en raison de l’exclusion formelle d’un recours direct contre la décision d’injonction par la loi du 25 novembre 2014. En l’espèce, Monsieur A entend justement former un recours contentieux directement contre l’acte formel pris au premier stade de la procédure d’échange de renseignements dans l’Etat requis, à savoir contre la décision d’injonction.

Dans son arrêt du 6 octobre 2020, la CJUE a distingué suivant que le recours est exercé par le détenteur des informations auquel l’injonction est adressée, d’une part, et le contribuable visé et un tiers intéressé, d’autre part, et a estimé que l’exclusion de tout recours contre la décision d’injonction se heurte à l’article 47 de la Charte, lu conjointement avec les articles 7 et 8 de la Charte, et à l’article 51, paragraphe (1) de la Charte, en ce qu’elle vise la personne détentrice des informations à laquelle la décision d’injonction est adressée, mais ne s’y heurte pas en ce qu’elle vise le contribuable visé par l’enquête à l’origine de la décision d’injonction, voire les tiers intéressés par les informations.

Pour arriver à cette conclusion, en l’occurrence en ce qui concerne la situation du détenteur des informations auquel l’injonction est adressée, la CJUE a retenu en substance que celui-ci peut se prévaloir du principe général du droit de l’Union européenne de la protection des personnes, tant physiques que morales, contre des interventions de la puissance publique dans leur sphère d’activité privée, qui seraient arbitraires ou disproportionnées et qu’il doit se voir reconnaître le bénéfice du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte en présence d’une décision d’injonction de communication d’informations telle que celles en cause au principal5. Après avoir relevé que les Etats membres peuvent limiter l’exercice du droit à un recours effectif, à condition de respecter les exigences prévues par l’article 52, paragraphe (1) de la Charte6, elle a encore précisé que le contenu essentiel du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte - contenu essentiel que toute limitation y apportée doit respecter - inclut, entre autres éléments, celui consistant, pour la personne titulaire de ce droit, à pouvoir accéder à un tribunal compétent pour assurer le respect des droits que le droit de l’Union européenne lui garantit. Elle a en outre relevé que pour accéder à un tel tribunal, cette personne ne saurait être contrainte d’enfreindre une règle 5 Considérants n° 57 à 59.

6 « Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. » ou une obligation juridique et de s’exposer à la sanction attachée à cette infraction7. Après avoir constaté qu’au vœu de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014, dans sa teneur initiale, correspondant à celle applicable aussi au présent litige, un détenteur de renseignements s’étant vu adresser une décision d’injonction de communication d’informations qui serait arbitraire ou disproportionnée ne peut pas accéder à un tribunal, à moins d’enfreindre cette décision en refusant d’obtempérer à l’injonction qu’elle comporte et de s’exposer, ainsi, à la sanction attachée au non-respect de celle-ci, la CJUE a conclu qu’un détenteur de renseignements ne peut pas être regardé comme jouissant d’une protection juridictionnelle effective par l’effet de cette disposition8.

En conséquence, la CJUE a dit pour droit que « l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu conjointement avec les articles 7 et 8 ainsi qu’avec l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens : – qu’il s’oppose à ce que la législation d’un État membre mettant en œuvre la procédure d’échange d’informations sur demande instituée par la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE, telle que modifiée par la directive 2014/107/UE du Conseil, du 9 décembre 2014, exclue qu’une décision par laquelle l’autorité compétente de cet État membre oblige une personne détentrice d’informations à lui fournir ces informations, en vue de donner suite à une demande d’échange d’informations émanant de l’autorité compétente d’un autre État membre, puisse faire l’objet d’un recours formé par une telle personne ».

En revanche, en ce qui concerne en l’occurrence le contribuable visé par l’enquête à l’origine de la décision d’injonction de communication d’informations, la CJUE a dit pour droit que « l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu conjointement avec les articles 7 et 8 ainsi qu’avec l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens : – (…) – qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une telle législation exclue qu’une telle décision puisse faire l’objet de recours formés par le contribuable qui est visé, dans cet autre État membre, par l’enquête à l’origine de ladite demande, ainsi que par des tierces personnes concernées par les informations en cause ».

En l’espèce, sur base des enseignements de l’arrêt de la CJUE du 6 octobre 2020 et des arrêts de la Cour administrative du 12 janvier 2021, inscrits sous les numéros 41486Ca et 41487Ca, intervenus à la suite dudit arrêt de la CJUE, au sujet de la question de la recevabilité du recours introduit par Monsieur A au regard du respect de son droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte, se pose la question de la qualité de celui-ci.

Il échet de constater qu’il ressort de la demande d’échange de renseignements que Monsieur A est mentionné tant sous la rubrique B1-1 comme contribuable visé que sous la rubrique B2-1 visant la personne physique dans l’Etat requis, de sorte que le tribunal est amené à retenir que Monsieur A est à considérer tant comme contribuable visé que comme détenteur de renseignements. Il ressort des enseignements d’un arrêt récent de la Cour administrative que même si le demandeur revêt également la qualité de contribuable visé par une éventuelle enquête dans l’Etat requérant, l’élément déterminant doit être sa qualité de destinataire de la décision d’injonction et de détenteur de renseignements dans l’Etat requis qui lui impose directement des obligations sous peine de sanction. La privation du demandeur du bénéfice d’un recours direct contre cette décision d’injonction dont il est le destinataire 7 Considérant n° 66.

8 Considérant n° 68.

serait partant contraire à l’article 47 de la charge et il doit se voir reconnaître une voie de recours directe contre la décision d’injonction, peu importe sa qualité de contribuable visé par ailleurs9.

Conformément au principe de primauté du droit de l’Union européenne, les dispositions des traités de l’Union européenne et des actes des institutions de l’Union directement applicables ont pour effet, dans leurs rapports avec le droit interne des États membres, de rendre inapplicable de plein droit toute disposition contraire de la législation nationale existante10. Par voie de conséquence, le juge administratif luxembourgeois, en sa qualité de « juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure »11. Il lui incombe également « d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables de l’effet direct des dispositions du droit communautaire »12.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le tribunal est tenu de faire abstraction de la disposition de l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014, dans sa version originale applicable en l’espèce excluant tout recours contre la demande d’échange de renseignements et la décision d’injonction, par rapport à la situation de Monsieur A en tant que détenteur de renseignements s’étant vu adresser une décision d’injonction sur base d’une procédure d’échange de renseignements régie par la directive 2011/16/UE et d’assurer à celle-ci le plein exercice de son droit d’accéder à un recours juridictionnel effectif lui garanti par l’article 47 de la Charte à l’égard de la décision d’injonction litigieuse.

Le tribunal est dès lors amené à laisser inappliquées les limitations procédurales prévues par ledit article 6 de la loi du 25 novembre 2014 au profit de la voie de recours de droit commun prévue par l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif13, ci-après la « loi du 7 novembre 1996 », qui dispose qu’un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Etant donné que l’article 3 de la même loi limite la voie du recours en réformation aux seules hypothèses où « les lois spéciales attribuent connaissance au tribunal administratif » pour connaître d’un tel recours et qu’en l’espèce, aucune telle loi spéciale n’existe, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation, pour autant qu’il est introduit par Monsieur A en sa qualité de détenteur des informations visant la société B ainsi que la C contre la décision d’injonction du 20 août 2018 est à déclarer recevable, le recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes de la loi.

9 Cour adm., 12 mai 2022, n° 47215C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

10 CJUE 15 juillet 1964, Flaminio Costa, aff. C-6/64.

11 CJUE 9 mars 1978, Simmenthal, aff. C-106/77.

12 CJUE 19 juin 1990, Factortame, aff. C-231/89.

13 En ce sens cf. considérant n° 21 de l’arrêt de la Cour administrative du 12 janvier 2021, n° 41486Ca du rôle.

2. Quant au fond a) Quant au moyen ayant trait à l’incompétence du chef de division adjoint d’émettre une décision d’injonction Prétentions des parties Monsieur A se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la compétence chef de division adjoint ayant pris la décision d'injonction déférée en lieu et place du directeur et maintient son moyen après avoir reçu communication du document intitulé « Délégation de signature » daté du 23 février 2018 signé par le directeur.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du tribunal Dans la mesure où le délégué du gouvernement a versé ensemble avec son mémoire en réponse la délégation de signature accordée en date du 23 février 2018 par le directeur à Monsieur l’attaché … pour notamment le traitement et la signature des dossiers relatifs à l’échange international sur demande, et à défaut de plus amples contestations par Monsieur A, le constat s’impose que la décision déférée a été prise par un auteur compétent et que le moyen afférent encourt le rejet.

b) Quant aux moyens ayant trait à l’absence de communication de la demande des autorités belges et à l’insuffisance des informations figurant dans la décision d’injonction et la non-communication des éléments supplémentaires Prétentions des parties A titre principal, Monsieur A sollicite la communication de la demande de renseignements des autorités belges.

Il estime qu’à défaut de la communication de la demande de renseignements ou de toute information complémentaire reçue de la part des autorités belges, il ne serait pas en mesure de vérifier la raison pour laquelle les renseignements demandés seraient d'une pertinence vraisemblable en vue de l'imposition de la société B ou de Monsieur A.

Il soutient que l’avocat général se serait dans le cadre de l’affaire Berlioz prononcé en faveur de la communication de la demande de renseignements et fait valoir que dans la mesure où la procédure d'investigation fiscale devrait être contradictoire, l'intégralité de la demande d’informations devrait également pouvoir être fournie.

En l'absence de cette communication, l'administration des Contributions directes, ci-

après désignée par « l’administration », ne pourrait prétendre avoir vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et exclure l'absence manifeste de pertinence vraisemblable. En outre, elle ne saurait prétendre que la condition de l'épuisement des voies internes de droit belge soit remplie.

A titre subsidiaire, Monsieur A fait valoir qu’étant donné qu’il ne serait pas exclu que l’Etat communique les informations minimales que tout contribuable est en droit de connaître et qui ont prétendument permis à l'administration d'affirmer avoir vérifié la régularité formelle de la demande et d'avoir exclu l'absence manifeste de pertinence vraisemblable, il est amené à insister de recevoir les informations portant sur l'identité de l'autorité requérante et le but fiscal dans lequel la demande de l'Etat requérant a été faite, informations qui ne lui auraient toujours pas été communiquées.

A titre plus subsidiaire, il sollicite que la demande de renseignements du 21 juin 2018 soit communiquée au tribunal dans le but de vérifier l'absence de pertinence vraisemblable des renseignements demandés.

Monsieur A soutient ensuite que l'article 3, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable en matière de renseignements exigerait de la part de l'administration fiscale luxembourgeoise saisie d'une demande d'échange renseignements qu'elle en « vérifie la régularité formelle ». La demande de l'administration fiscale requérante devrait par ailleurs contenir « l'indication de la base juridique et de l'autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois ».

L'assistance administrative internationale ne saurait être accordée qu'à la condition que l'administration de l'État requis vérifierait que les renseignements sollicités sont «vraisemblablement pertinents » pour l'État requérant.

Selon Monsieur A, la décision d'injonction ne fournirait aucun élément lui permettant de s'assurer de la bonne exécution du contrôle opéré par l'administration et en l'absence de plus amples informations, il ne pourrait que critiquer la non-communication de certains éléments minimaux dont feraient partie le but fiscal et l'identité de l'administration requérante.

Il précise en premier lieu que la décision d'injonction ne préciserait pas le but exact dans lequel la demande de renseignements lui a été adressée, alors qu'il s'agirait « d'une information minimale » à laquelle le contribuable devrait, selon les enseignements de l’arrêt Berlioz et des dispositions de l’article 20, paragraphe (2) de la directive 2011/16/UE, avoir accès.

Privé de cette information, Monsieur A soutient qu’il ne pourrait qu'émettre des suppositions quant au but fiscal poursuivi par les autorités belges à l'aune des autres questions qui lui ont été posées dans la décision d'injonction du 20 août 2018.

Même en absence d'une communication intégrale de la demande de renseignements belge, les renseignements lui demandés n’atteindraient pas les exigences des conventions et lois applicables. En effet, l'administration aurait demandé « à KISMET MANAGEMENT S.À R.L. » de dévoiler sans discrimination une multitude d'informations dont la pertinence serait douteuse quant au but fiscal visé. Il se réfère à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 26 juin 2018, inscrit sous le numéro 39888 du rôle, ayant annulé une décision d'injonction basée sur une demande qui tendait de manière générale et abstraite à voir communiquer des informations générales concernant la personne physique faisant l'objet d'investigations fiscales dans l'Etat requis.

Monsieur A en conclut qu’en l'absence de communication précise du but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés, la décision d'injonction déférée devrait être considérée comme étant non fondée, voire partiellement non fondée.

Le demandeur critique encore que la décision d'injonction omettrait de nommer précisément l'autorité fiscale belge requérante.

La seule mention de l'« autorité compétente de l'administration fiscale belge », sans en préciser le nom, respectivement le département exact, ne saurait satisfaire aux exigences légales portant sur l'information du contribuable quant au but fiscal de la demande de renseignements, alors qu’en vertu de l'article 3, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014, l'administration fiscale luxembourgeoise aurait l'obligation de vérifier que la demande de l'administration fiscale requérante contient « l'indication de la base juridique et de l'autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois ».

Admettant que l'article 3, paragraphe (1), point (7), tiret (a) de la convention de double imposition désigne en ce qui concerne la Belgique, l'autorité compétente suivant sa législation nationale, Monsieur A fait cependant valoir qu’un tel « renvoi obscur » à la convention ne suffirait pas au regard de l'obligation de donner accès aux « informations minimales » au contribuable, exigée par la directive 2011/16/UE.

Dans la mesure où la décision déférée ne lui aurait pas communiqué la dénomination exacte de l' « autorité compétente de l'administration fiscale belge», cette dernière devrait être considérée comme étant non fondée.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que la décision d’injonction préciserait expressément que l’autorité compétente luxembourgeoise aurait exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable, de sorte que ce serait à tort que le demandeur reproche au directeur de n’avoir fourni dans sa décision d’injonction d’élément permettant de s’assurer de la bonne exécution du contrôle.

Quant aux éléments minimaux relatifs au contribuable concerné et au but fiscal à communiquer, le délégué du gouvernement soutient que la CJUE aurait retenu dans l’arrêt Berlioz que l'administré devrait, pour pouvoir faire entendre sa cause de manière équitable, avoir accès aux informations essentielles de la demande d'informations, à savoir l'identité du contribuable concerné et la finalité fiscale des informations demandées.

Ainsi, la décision d'injonction ne devrait pas nécessairement identifier le contribuable concerné et préciser la finalité fiscale des informations demandées, mais conformément à l'article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014 précitée, elle ne devrait comporter que « les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d'identifier les renseignements demandés ». La partie gouvernementale s’appuie dans ce contexte à un arrêt de la Cour administrative du 26 octobre 2017, inscrit sous le numéro 36893Ca du rôle.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur A fait valoir que la formule-type figurant systématiquement dans toutes les décision d’injonction de l’administration selon laquelle « l'autorité compétente luxembourgeoise (…) a exclu l'absence manifeste de pertinence vraisemblable » ne saurait être considérée comme étant suffisante pour admettre que l’administration a effectivement procédé aux contrôles prescrits par les dispositions européennes, conventionnelles et légales applicables.

Quant à l’extrait de la demande de renseignements du 21 juin 2018 cité par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, le demandeur soutient qu’il ne permettrait pas de conclure à l'absence manifeste de pertinence vraisemblable.

Ledit extrait ne permettrait pas non plus de donner plus de précision quant à l'autorité fiscale belge requérante.

Il insiste sur le fait qu'il serait d'autant plus difficile pour une personne visée par une décision d'injonction d'évaluer le but de la demande de renseignements, et donc de la pertinence des renseignements demandés, dans la mesure où l'identité même de l'autorité requérante ne lui est pas communiquée. La seule mention d’ « autorité compétente de l’administration fiscale belge », sans en préciser le nom et le département exact, ne saurait satisfaire aux exigences légales.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement rétorque que selon l'article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014, la décision d'injonction ne devrait comporter que « les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d'identifier les renseignements demandés ».

L'omission de nommer précisément l'autorité fiscale requérante dans la décision d'injonction litigieuse ne constituerait donc pas une cause d'annulation de celle-ci.

Appréciation du tribunal En ce qui concerne de prime abord les informations auxquelles le demandeur peut avoir accès, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014 « La demande d'échange de renseignements ne peut pas être divulguée. La décision d'injonction ne comporte que les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d'identifier les renseignements demandés. » Dans son arrêt Berlioz, la CJUE a entériné le caractère secret de la demande d’informations conformément à l’article 16 de la directive 2011/16/UE et a rappelé dans ce contexte que le « caractère secret [de ladite demande] s’explique par la discrétion dont l’autorité doit normalement faire preuve au stade de la collecte d’informations et qu’elle est en droit d’attendre de l’autorité requise, afin de ne pas nuire à l’efficacité de son enquête »14.

Par rapport à cette exigence de confidentialité, la CJUE a en outre distingué entre la phase administrative d’un échange de renseignements et la phase contentieuse découlant de l’introduction d’un recours juridictionnel, en jugeant (i) quant à la phase administrative que « le secret de la demande d’informations peut ainsi être opposé à toute personne dans le cadre d’une enquête »15, ce qui implique nécessairement que le secret peut également être opposé au détenteur de renseignements qui se voit notifier une décision d’injonction et (ii) quant à la procédure contentieuse suite à l’introduction d’un recours juridictionnel, qu’il n’était pas nécessaire pour que l’administré fasse entendre sa cause de manière « équitable », au sujet de la condition de pertinence vraisemblable, qu’il ait accès à l’ensemble de la demande d’informations, mais qu’il suffisait qu’il ait accès, dans le cadre d’un recours contentieux, à l’information minimale visée à l’article 20, paragraphe (2) de la directive 14 Considérant n° 94.

15 Considérant n° 95.

2011/16/UE, à savoir i) l’identité du contribuable concerné et ii) la finalité fiscale des informations demandées16, étant relevé que la CJUE a jugé que le droit d’accès ainsi délimité du détenteur de renseignements au contenu de la demande étrangère d’échange de renseignements est conforme aux exigences du caractère équitable du procès découlant de l’article 47, paragraphe (2) de la Charte.

Il en découle que Monsieur A n’est pas en droit de se voir communiquer la demande de renseignements émanant des autorités belges, mais il est uniquement en droit, tel qu’il le reconnaît d’ailleurs lui-même, à avoir accès et ce dans le cadre du recours contentieux, aux informations minimales visées à l’article 20, paragraphe (2) de la directive 2011/16/UE.

Le tribunal constate ensuite qu’en l’espèce, ces informations essentielles ont été fournies tant à travers la décision d’injonction du 20 août 2018 qu’à travers le mémoire en réponse, en ce que les informations concernant l’identité des contribuables visés ont été fournies, à savoir la société B et Monsieur A, et que la finalité fiscale des renseignements demandés a été expliquée, à savoir celle de clarifier la situation fiscale de Monsieur A en Belgique et plus particulièrement de permettre aux autorités fiscales belges de disposer des informations relatives à un investissement réalisé par la C en immobilisations incorporelles concernant l’année 2015.

Par voie de conséquence, en indiquant dans sa décision d’injonction l’identité du contribuable concerné, la base légale sur laquelle se fonde la demande d’échange de renseignements, la période couverte par la demande, les informations requises du détenteur de renseignements ainsi que le délai de leur remise et les modalités de leur dépôt, le directeur doit être considéré comme ayant mis le détenteur des renseignements suffisamment en mesure de se conformer à ses obligations de communication.

Quant à l’argumentation ayant trait à un défaut d’indication de l’identité de l’autorité requérante dans la décision d’injonction, il échet de constater qu’au vu de l’article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014, précité, il n’y a aucune obligation pour l’autorité requise d’indiquer précisément l’autorité fiscale requérante, respectivement quel service de cette autorité s’intéresse spécifiquement aux informations requises.

Il s’ensuit que le demandeur n’est pas fondé à conclure à un vice affectant la décision d’injonction tenant à un défaut d’indication d’informations relatifs au but fiscal, respectivement à l’identité de l’autorité requérante, les termes de l’article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014 étant le reflet du caractère secret de de la demande d’échange de renseignements au niveau de la procédure d’injonction. Au regard des principes relevés ci-

avant, la fourniture des renseignements essentiels prévue à l’article 20, paragraphe (2) de la directive 2011/16/UE au cours de la procédure contentieuse est suffisante, étant relevé que le tribunal vient de retenir ci-avant que la partie étatique a fourni à suffisance les indications essentielles de la demande d’échange de renseignements en cours de la procédure contentieuse, indications sur lesquelles le demandeur a eu l’occasion de prendre position à travers un mémoire en réplique.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur un défaut d’indication d’informations dans la décision d’injonction est partant à rejeter, sous réserve du contrôle du bien-fondé des motifs 16 Considérant n° 100.

avancés par la partie gouvernementale, examen qui sera fait ci-après dans le cadre de l’examen de la question de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés.

c) Quant au reproche d’un défaut d’indication du fondement juridique dans la décision d’injonction Prétentions des parties Monsieur A fait valoir que la décision d'injonction préciserait que la demande émanant de l’autorité fiscale belge aurait été émise « en vertu de la convention fiscale entre le Luxembourg et la Belgique du 17 septembre 1970, modifiée par la loi du 31 mars 2010 portant approbation de l'Avenant et de l'échange de lettres y relatif à ladite convention, de la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle on matière fiscale, signée le 29 mai 2013, et approuvée par la loi du 26 mai 2014 ainsi que de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, transposée en droit Interne par la loi du 29 mars 2013 » et que l’administration aurait vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements en ayant exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable sans cependant préciser le fondement textuel en vertu duquel cette « vérification » et cette « exclusion » auraient été effectuées.

En se référant à un arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, inscrit sous les numéros 36312C et 36313C du rôle, il soutient qu’il appartiendrait au directeur en tant qu’autorité compétente de l’Etat requis d’indiquer dans sa décision la base habilitante pour son injonction au détenteur de renseignements.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait valoir, en prenant appui sur l’arrêt Berlioz, que l’autorité compétente luxembourgeoise serait tenue, avant d'émettre une décision d'injonction, non seulement de vérifier la régularité formelle de la demande d'échange de renseignements, tel que prévu par l'article 3, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014, mais également de s'assurer que les informations demandées ne sont pas dépourvues de toute pertinence vraisemblable pour l'enquête menée par l'autorité requérante.

Le contrôle effectué par l'administration préalablement à l'émission d'une décision d'injonction serait imposé par la directive 2011/16/UE et plus particulièrement par l’article 1er, paragraphe (1) et (5) ainsi que par l'article 47 de la Charte. L'exécution de ce contrôle s'analyserait en une protection essentielle dont le non-respect affecterait la validité de la décision d'injonction.

Appréciation du tribunal Il échet de constater que la décision d’injonction informe le demandeur que la demande de renseignements des autorités belges est basée sur la directive 2011/16/UE , transposée en droit interne par la loi 29 mars 2013, sur la convention de double imposition et sur la convention de l’OCDE et du Conseil de l’Europe sur l’assistance administrative mutuelle et cite l’article 2, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014, de sorte qu’elle indique à suffisance son fondement juridique, d’autant plus que conformément aux principes retenus ci-avant quant aux informations auxquelles le destinataire d’une décision d’injonction doit accéder et à quel stade, le demandeur n’est pas fondé à reprocher au directeur de ne pas avoir indiqué de fondement juridique.

Il s’ensuit que ce moyen laisse pareillement d’être justifié.

d) Quant au moyen ayant trait à la condition de l'épuisement des voies internes Prétentions des parties Monsieur A fait valoir qu’il douterait que les autorités belges aient épuisé les voies internes d’obtention de renseignements, condition requise aux termes de l'article 18, paragraphe (1) de la loi du 29 mars 2013.

Il affirme que la condition de l'épuisement des voies internes serait une condition sine qua non pour la communication des renseignements demandés à l'autorité requérante. Ainsi, à défaut de démontrer avoir vérifié, tel que prévu par l’article 18, paragraphe (1) de la loi du 19 mars 2013 que l'autorité compétente de l'administration fiscale belge ait effectivement épuisé toutes les voies internes à sa disposition, l'administration ne pourrait pas en toute légalité demander les renseignements visés dans la décision d'injonction.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient que la lecture de l’extrait de la demande de renseignements produit par le délégué du gouvernement permettrait de déceler qu’au titre « des investigations » effectuées, l'administration belge aurait indiqué (i) qu'elle aurait procédé à l'obtention des relevés téléphoniques d'un téléphone GSM lui appartenant et (ii) qu’elle « ne dispose[rait] pas de ces information parce que M; A et son avocat belge lui refusent l 'accès à la comptabilité et aux documents annexes de celle-ci ».

Le demandeur fait valoir qu’il serait flagrant qu'à aucun moment l'autorité belge n’aurait allégué avoir épuisé ses moyens internes d'accès aux informations qu'elle cherche et qu'elle essaierait de pêcher des renseignements en recourant abusivement au mécanisme d'entraide issu des conventions internationales et du droit européen. Ensuite, il émet des doutes quant à la légalité de l'obtention des relevés téléphoniques concernant une société luxembourgeoise aux fins de l'imposition d'une personne physique résidant au Luxembourg. Il soutient finalement que la simple indication de son propre refus et de celui de son conseil belge de fournir les informations à l'administration belge ne saurait justifier l'épuisement des moyens internes d'accès à ces informations. Même en droit luxembourgeois, le refus des administrés ne constituerait pas un obstacle pour l'administration fiscale, qui aurait à sa disposition un arsenal de contraintes conséquentes pour obtenir les informations nécessaires aux fins de l'imposition de ses contribuables.

Le demandeur se base dans ce contexte sur un courrier qui lui a été envoyé en date du 7 janvier 2019, soit après la demande de renseignements aux autorités luxembourgeoises du 21 juin 2018, par l'administration générale de l'inspection spéciale des impôts de Liège en sa qualité de gérant et actionnaire unique de la C. Cette nouvelle demande de renseignements de droit interne belge porterait également sur son carnet d'adresses et solliciterait des informations déjà demandées dans la demande de renseignements du 21 juin 2018 et la décision d'injonction du 20 août 2018. Il serait ainsi évident qu'à travers sa demande de renseignements du 21 juin 2018 l'autorité belge se livrerait à la pêche aux renseignements et détournerait ainsi les buts des conventions internationales, directives et lois applicables.

Dans son mémoire supplémentaire, il précise que dans la mesure où par courrier du 7 janvier 2019 l’autorité fiscale belge aurait exercé des voies internes supplémentaires, elle ne saurait prétendre qu’elle aurait épuisé toutes les voies internes à son encontre, de sorte que l’administration ne pourrait pas non plus prétendre avoir vérifié cette condition.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 18, paragraphe (1) de la loi du 29 mars 2013 « L’autorité requise luxembourgeoise fournit à l’autorité requérante les informations visées à l’article 6, à condition que l’autorité requérante ait déjà exploité les sources habituelles d’information auxquelles elle peut avoir recours pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à la réalisation de ses objectifs ».

Il se dégage clairement de l’article 18 précité que la communication des informations vraisemblablement pertinentes à l’autorité requérante est subordonnée au fait que cette dernière ait déjà exploité les sources usuelles de renseignements à sa disposition conformément à son droit interne. Néanmoins, cette obligation d’épuiser les voies internes n’est pas absolue. En effet, un tempérament à ce principe est prévu par l’article 18, paragraphe (1) de la loi du 29 mars 2013 à travers l’expression « sans risquer de nuire à la réalisation de ses objectifs ». Cette exception vise ainsi à préserver les chances de succès des vérifications menées par l’autorité requérante lorsqu’en enquêtant sur son propre territoire, elle risquerait, par exemple, de nuire à l’efficacité de sa propre enquête en s’adressant aux contribuables visés ou à des tiers17.

Dans le cas d’espèce, le tribunal constate que les autorités fiscales belges ont indiqué, dans le formulaire utilisé pour introduire leur demande d’échange de renseignements, avoir épuisé les sources habituelles de renseignements qu’elles auraient pu déployer pour obtenir les informations recherchées sans courir le risque de compromettre le résultat de leur enquête.

Cette information est appuyée par le fait que les autorités fiscales belges ont précisé au sein du formulaire précité que Monsieur A, en la personne duquel l’activité de la C se trouve centralisée, alors qu’il en est le gérant et l’actionnaire unique, et son avocat « refusent l’accès à la comptabilité et aux documents annexes de celles-ci ».

Au vu de ces éléments et en l’absence de toute autre information venant contredire les indications des autorités fiscales belges, il convient d’admettre en l’état que ces dernières ont bien respecté à suffisance la condition de l’épuisement des voies habituelles avant d’introduire leur demande d’échange de renseignements.

S’il est vrai que par courrier du 7 janvier 2019, soit postérieurement à la décision d’injonction déférée, l’autorité fiscale belge a demandé au demandeur dans le cadre de la taxation de son dossier personnel des renseignements relatifs à la même transaction faisant l’objet de la demande de renseignement, il n’en reste pas moins que cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la vérification de la condition tenant à l’épuisement des voies internes.

Ce moyen est partant à rejeter.

17 Cour adm., 31 mars 2022, n° 42143Ca du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

e) Quant au moyen ayant trait à un défaut de pertinence vraisemblable des renseignements demandés Arguments des parties Le demandeur fait valoir qu’il ressortirait de l’extrait de la demande de renseignements cité dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement que l’autorité fiscale belge considèrerait que l’imposition de la C aurait un impact sur son imposition.

Il donne encore à considérer qu’en date du 28 novembre 2016 aurait été signé un protocole d’accord entre Monsieur A et l’Inspection spéciale des impôts belge, qui aurait définitivement établi son imposition pour l’année 2015.

Dans la mesure où les renseignements sollicités par l’autorité fiscale belge concerneraient uniquement l'année 2015, dont l'imposition aurait dès lors été formellement régularisée, le but fiscal affiché par l’autorité fiscale belge n'aurait aucun fondement et les informations sollicitées n'auraient aucune nécessité légitime.

Dans son mémoire supplémentaire, Monsieur A fait valoir que la décision d'injonction lui adressée indiquerait des informations incomplètes, et de ce fait fausses, sur la personne réellement visée par la demande de renseignements. L'administration luxembourgeoise ne pourrait dès lors pas prétendre avoir vérifié que « la demande porte sur un cas d'imposition précis et spécifique et qu'elle soit relative à un contribuable déterminé ». Il s'agirait de vérifications cruciales pour remplir l'exigence de vérification de la pertinence vraisemblable des informations demandées'.

Il serait évident que la demande de renseignements du 21 juin 2018 viserait tant sa propre imposition que celle de la C, étant donné qu'en date du 20 août 2018 la C se serait vu adresser une décision d'injonction portant sur son imposition.

L'administration belge ne saurait dès lors se cacher derrière une séparation artificielle des dossiers d'imposition de la personne morale et de la personne physique alors que, de l'aveu de l'administration étrangère, il existerait un lien étroit entre son dossier fiscal et celui de la C.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du tribunal Quant à la notion de pertinence vraisemblable, il échet de relever que l’article 6 de la loi du 29 mars 2013 dispose comme suit :

« A la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise luxembourgeoise lui communique les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne de l’Etat membre requérant relative aux taxes et impôts visés à l’article 1er, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives ».

L’article 3 de la loi du 25 novembre 2014 dispose que : « (1) L’administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements. La demande d’échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l’indication de la base juridique et de l’autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois.

L’administration fiscale compétente s’assure que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause. (…) ».

Il résulte de la disposition précitée que l’administration fiscale compétente doit, d’une part, vérifier la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements et, d’autre part, s’assurer que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements, ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause.

Concernant la notion de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités par l’autorité compétente française, il y a lieu de souligner que dans l’arrêt Berlioz, la CJUE, a délimité le champ du contrôle à exercer par le juge compétent saisi dans l’Etat requis par rapport à la demande d’injonction en ce sens que « les limites applicables au contrôle de l’autorité requise s’imposent de la même manière au contrôle du juge »18 et que « le juge doit uniquement vérifier que la décision d’injonction se fonde sur une demande suffisamment motivée de l’autorité requérante portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard, d’une part, au contribuable concerné ainsi qu’au tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, à la finalité fiscale poursuivie »19. La CJUE a encore confirmé le champ de ce contrôle juridictionnel par son arrêt du 6 octobre 202020.

Le critère de la pertinence vraisemblable se trouve explicité dans le considérant n° 9 du préambule de la directive 2011/16/UE qui le définit comme suit : « Il importe que les États membres échangent des informations concernant des cas particuliers lorsqu’un autre État membre le demande et fassent effectuer les recherches nécessaires pour obtenir ces informations. La norme dite de la « pertinence vraisemblable » vise à permettre l’échange d’informations en matière fiscale dans la mesure la plus large possible et, en même temps, à préciser que les États membres ne sont pas libres d’effectuer des « recherches tous azimuts » ou de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale d’un contribuable donné. Les règles de procédure énoncées à l’article 20 de la présente directive devraient être interprétées assez souplement pour ne pas faire obstacle à un échange d’informations effectif ».

La CJUE a encore précisé que « cette notion de pertinence vraisemblable reflète celle utilisée à l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE tant en raison de la similitude des concepts utilisés que de la référence aux conventions de l’OCDE dans l’exposé des motifs de la proposition de directive du Conseil COM(2009) 29 final, du 2 février 2009, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ayant conduit à l’adoption de la directive 2011/16 »21.

18 arrêt Berlioz, considérant n° 85.

19 Idem, considérant n° 86.

20 Affaires jointes C-245/19 et C-246/19, considérant n° 116 21 Arrêt Berlioz, considérant n° 67.

La condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés implique que la demande porte sur un cas d’imposition précis et spécifique et qu’elle soit relative à un contribuable déterminé, les renseignements demandés devant être vraisemblablement pertinents pour l’enquête menée par l’autorité requérante. En somme, il faut qu’il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèleront pertinents pour l’enquête menée par l’autorité requérante. En revanche, la décision d’injonction est à qualifier de « pêche aux renseignements » si elle est fondée sur une demande d’échange de renseignements qui porte sur des informations qui sont manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable pour l’enquête menée par l’autorité requérante et ce eu égard au contribuable concerné, au tiers éventuellement renseigné et à la finalité fiscale poursuivie.

L’exécution du contrôle de l’absence manifeste de pertinence vraisemblable des renseignements demandés par l’autorité requérante avant la prise d’une décision d’injonction s’analyse en une protection essentielle dont le non-respect affecte la validité de la décision d’injonction22.

En ce qui concerne ensuite le rôle du tribunal saisi d’un recours en annulation contre une injonction de communiquer des renseignements, celui-ci est circonscrit par une triple limitation, à savoir, premièrement, celle découlant de sa compétence limitée de juge de l’annulation, deuxièmement, celle découlant du fait que la décision directoriale repose à la base sur la décision d’une autorité étrangère, dont la légalité, le bien-fondé et l’opportunité échappent au contrôle du juge luxembourgeois, et, troisièmement, celle du critère s’imposant tant au directeur qu’au juge administratif, à savoir celui de la « pertinence vraisemblable ».

En ce qui concerne ce dernier critère, il y a lieu de relever que si le juge de l’annulation est communément appelé à examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ce contrôle doit, en la présente matière, être considéré comme plus limité, puisque le juge n’est pas appelé à vérifier si la matérialité des faits donnant lieu au contrôle lequel justifie la demande de renseignements est positivement établie, mais seulement si les renseignements sollicités paraissent être vraisemblablement pertinents dans le cadre du contrôle ou de l’enquête poursuivie dans l’Etat requérant23. La CJUE a, en effet, rappelé à cet égard que l’autorité requise ne possède en général pas une connaissance approfondie du cadre factuel et juridique existant dans l’Etat requérant, et il ne saurait être exigé qu’elle ait une telle connaissance24.

Il s’ensuit qu’un demandeur ne saurait être admis à apporter la preuve, au cours de la phase contentieuse, que les explications soumises par l’Etat requérant reposent sur des faits inexacts, cette faculté imposerait en effet au tribunal de se livrer à un contrôle de la matérialité des faits à la base de la demande de renseignements de l’autorité étrangère. Or, ce débat doit être porté devant les autorités compétentes de l’Etat requérant. Il n’appartient pas non plus au directeur, et corrélativement au tribunal, d’examiner, d’après le droit de l’Etat requérant, la situation fiscale du contribuable visé dans l’Etat requérant, cette compétence et les contestations afférentes relevant des seules autorités de l’Etat requérant.

22 Cour adm. 26 octobre 2017, n° 36893Ca, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1399 et les autres références y citées.

23 Trib. adm., 12 juillet 2012, n° 30164 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1400 et les autres références y citées.

24 Arrêt Berlioz, considérant n° 77.

Il n’est fait exception à cette limitation du rôle du juge luxembourgeois que dans les hypothèses où la personne ayant recouru contre une décision directoriale d’injonction de fournir des renseignements soumet en cause des éléments circonstanciés qui sont de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements étrangère en des volets essentiels de la situation à la base de la demande d’échange de renseignements et qui reviennent ainsi à affecter sérieusement la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées ou d’autres conditions posées à un échange de renseignements, dont celle relative à l’épuisement des sources d’informations internes25.

Il échet de constater que l’argumentation de Monsieur A tourne essentiellement autour de la circonstance que lui-même et la C sont tantôt considérés comme contribuable visé tantôt comme détenteur des renseignements reprochant en substance à l’administration d’avoir divisé la demande de renseignements des autorités belges en deux décisions d’injonction, l’une adressée à la C le visant lui-même, ainsi que la société B, faisant l’objet du recours ayant été enrôlé sous le numéro 41983 du rôle, et l’autre lui étant adressée visant la société B ainsi que la C, faisant l’objet du présent recours.

Or, même s’il ressort du dossier fiscal ainsi que des développements de la partie gouvernementale que le demandeur revêt tant la qualité de contribuable que celle de détenteur de renseignement, l’élément déterminant en l’espèce doit être sa qualité de destinataire de la décision d’injonction dans l’Etat requis qui lui impose directement des obligations sous peine de sanction26.

Il échet de constater que selon la décision déférée, les contribuables visés sont la société B ainsi que la C. Dans la mesure où les renseignements sollicités par les autorités belges concernent tous le carnet d’adresse qui aurait été apporté à la C par Monsieur A, lesdits renseignements correspondent au but fiscal déclaré.

S’agissant de l’argumentation de Monsieur A selon laquelle suivant un protocole d’accord signé en date du 28 novembre 2016 entre lui-même et l’Inspection spéciale des impôts belge son imposition pour l’année 2015 aurait été définitivement établie, soutenant en substance que les renseignements sollicités ne seraient pas pertinents, respectivement ne pourraient plus être utilisés, il échet de retenir qu’il ressort certes du courrier du 1er février 2019 du litismandataire du demandeur adressé à l’Inspection spéciale des impôts belge que suivant ce protocole d’accord il aurait été établi entre les parties que le demandeur serait résident belge depuis le 9 avril 2015, il n’en reste toutefois pas moins que, d’un côté, ce protocole d’accord n’a pas été soumis à l’appréciation du tribunal, de sorte que les termes dudit protocole n’ont pu être vérifiés et, d’un autre côté, qu’en tout état de cause, conformément aux principes retenues ci-avant à propos des limites du contrôle à opérer par le tribunal lorsqu’il est saisi d’un recours contre une décision d’injonction, la question de l’éventuelle opposabilité du protocole d’accord signé entre le demandeur et les autorités belges est une question de droit relevant de la compétence de l’administration fiscale belge et plus loin, en cas de recours contre des éventuels redressements opérés, de celle des juridictions belges. En revanche, la vérification si l’année d’imposition visée par le contrôle fiscal en Belgique est le cas échéant couverte par ledit protocole d’accord ne relève pas de la compétence du directeur, ni par suite de celle du tribunal saisi d’un recours en annulation 25 Cour adm., 27 mai 2014, n° 34291C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1400 et les autres références y citées.

26 Cour adm., 12 mai 2022, n° 47215C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

contre la décision d’injonction. A cet égard, le tribunal retient que le directeur a valablement pu se fonder sur l’information lui fournie suivant laquelle les contribuables visés font actuellement l’objet d’un contrôle fiscal portant sur l’année 2015, sans qu’il n’avait à remettre en question le droit des autorités fiscales belges de procéder à un tel contrôle, étant relevé que pour répondre au critère de pertinence vraisemblable, il suffit qu’il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèleront pertinents pour l’enquête menée par l’autorité requérante27.

Il est à cet égard rappelé que « (…) compte tenu du mécanisme de coopération entre autorités fiscales établi par la directive 2011/16, lequel, ainsi qu’il ressort des considérants 2, 6 et 8 de la directive 2011/16, repose sur des règles destinées à instaurer la confiance entre les États membres, permettant une coopération efficace et rapide, l’autorité requise doit en principe faire confiance à l’autorité requérante et présumer que la demande d’informations qui lui est soumise est à la fois conforme au droit national de l’autorité requérante et nécessaire aux besoins de son enquête. L’autorité requise ne possède en général pas une connaissance approfondie du cadre factuel et juridique existant dans l’État requérant, et il ne saurait être exigé qu’elle ait une telle connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2000, W.N., C‑420/98, EU:C:2000:209, point 18). En tout état de cause, l’autorité requise ne saurait substituer sa propre appréciation de l’utilité éventuelle des informations demandées à celle de l’autorité requérante. (…) »28.

La Cour administrative a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler dans un arrêt récent du 28 avril 202229 que l’exécution des vérifications quant au fond d’un cas d’imposition dans le cadre d’une demande d’échange de renseignements incombe exclusivement à l’autorité de l’Etat requérant qui est en train d’effectuer le contrôle dudit cas d’imposition et que cette compétence inclut également la vérification des éléments faisant l’objet des questions soulevées dans la demande d’échange de renseignements, laquelle doit être justifiée par une finalité fiscale spécifique. La Cour a rappelé que l’autorité compétente de l’Etat requis ne saurait dès lors se substituer à l’autorité compétente de l’Etat requérant et effectuer un examen partiel du fond du cas d’imposition en question qui l’amènerait à appliquer le droit de l’Etat requérant – donc un droit étranger – et à adopter une position qu’elle pourrait opposer à l’autorité de l’Etat requérant pour refuser de donner suite à la demande d’échange de renseignements, mais qu’elle doit limiter son rôle à la vérification si les renseignements sollicités par l’autorité compétente de l’Etat requérant sont de nature à contribuer à la recherche de la vérité par rapport à la finalité fiscale indiquée dans la demande d’échange de renseignements – en d’autres termes, s’ils sont vraisemblablement pertinents au regard du cas d’imposition en cause – et, dans l’affirmative, elle doit réunir les renseignements sollicités, le cas échéant en enjoignant au tiers détenant ces renseignements de les lui fournir, et les transmettre à l’autorité compétente de l’Etat requérant afin de la mettre en mesure d’instruire le cas d’imposition en tenant compte des éléments complémentaires contenus dans les renseignements communiqués.

La même conclusion s’impose quant aux doutes émis par le demandeur, certes dans le cadre de son moyen ayant trait à l’épuisement des voies internes, quant à la légalité de l’obtention des relevés téléphoniques le concernant, d’autant plus qu’il n’a tiré aucune conclusion en droit par rapport à cette affirmation, étant rappelé qu’il n’appartient pas au 27 En ce sens voir également : trib. adm., 18 mai 2022, n° 46941 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

28Arrêt Berlioz, considérant n° 77.

29 47139C, 47140C et 47141C.

tribunal de suppléer la carence de la société demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques ayant pu se trouver à la base de ses conclusions30.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que le demandeur n’a pas soumis au tribunal des éléments suffisamment pertinents permettant de retenir que les renseignements demandés ne répondent au critère de pertinence vraisemblable tel que défini par la jurisprudence de la CJUE et le moyen afférent encourt le rejet.

f) Quant au droit au silence invoqué par le demandeur Prétentions des parties Le demandeur fait valoir qu’il ne pourrait se plier à la décision d'injonction étant donné qu’il risquerait de s'exposer à des poursuites pénales en Belgique.

Il invoque dans ce contexte le droit au silence.

Il précise à cet égard qu’il ressortirait des échanges de correspondance entre l’Inspection spéciale des impôts belge et son litismandataire que l’administration fiscale belge lui aurait fait parvenir une notification d'indices de fraude susceptible de donner lieu à des poursuites pénales.

Ainsi, les renseignements que les administrations belges et luxembourgeoises cherchent à obtenir de sa part seraient susceptibles de l'exposer à des poursuites pénales.

Il soutient que suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », portant sur l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », le contribuable pourrait invoquer le droit de se taire en matière de demandes de renseignements faites par l'administration fiscale, notamment quand le fait de ne pas fournir les renseignements peut conduire à des sanctions administratives. Ce même principe serait reflété dans les décisions des juridictions administratives luxembourgeoises qui considèreraient que le droit de ne pas s'auto-incriminer s'appliquerait également dans les procédures administratives.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du tribunal Même si l’article 6 de la CEDH ne les mentionne pas expressément, le droit de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par l’article 6, paragraphe 1er. En particulier, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose que les autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’ « accusé »31.

30 Trib. adm., 5 juillet 2000, n° 11527 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 476 et les autres références y citées.

31 Cour de cassation belge (2e ch.), 19/06/2013, Pas., 2013/6-7-8, p. 1401-1411.

La CourEDH a progressivement étendu sa jurisprudence relative au droit au silence aux procédures administratives fiscales portant sur des faits à caractère pénal. Il est aujourd’hui admis que les garanties de l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH s’appliquent au contentieux des pénalités fiscales, à l’exclusion des litiges portant sur l’imposition proprement dite.

Ainsi, si l’arrêt Engel32 de 1976 définit les critères généraux d’une accusation en matière pénale, la CourEDH les a précisés dans un arrêt Bendenoun33 pour les matières fiscales, en ajoutant quatre critères supplémentaires. Il s’agissait dans cette espèce d’une contestation en matière de majoration d’impôts. Pour vérifier l’existence d’une accusation en matière pénale, la Cour retient comme critères, la généralité de la sanction, le caractère essentiellement punitif de la sanction (outre sa portée réparatrice), la vocation à la fois préventive et répressive de la norme fondant la sanction et, enfin, le fait que la sanction revêt une « ampleur considérable ». C’est dans l’arrêt Funke34 que la CourEDH a pour la première fois reconnu le droit de se taire en matière fiscale. Dans cette affaire, la Cour a estimé que l’accusation existait dès le moment où les douaniers ont informé l’intéressé que son défaut de communiquer les documents demandés pouvait entraîner des amendes pécuniaires. La communication officielle des douaniers concernait ici l’information du risque d’une infraction future, au cours de la procédure administrative, et voulait contraindre l’intéressé à fournir lui-

même, la preuve d’une infraction. Dans l’arrêt Saunders35, le contribuable fut contraint par le fisc de donner des renseignements sous la menace d’une peine d’emprisonnement. Il répondit à l’administration et ses réponses furent utilisées par la suite lors d’une procédure pénale. La Cour a constaté que ces renseignements avaient été obtenus en violation du droit au silence, dès lors que l’autorité administrative n’aurait pas pu obtenir ces renseignements autrement que par la menace d’un emprisonnement. Une autorité pénale compétente, aurait pu obtenir quant à elle, des « données qui existent indépendamment de la volonté du suspect », en recourant à des pouvoirs coercitifs. Dans l’arrêt J.B.36, la CourEDH a encore affiné la notion d’accusation puisqu’elle reconnaît que celle-ci débute dès le moment où un contribuable peut raisonnablement croire que ses déclarations peuvent engendrer amende. Cependant, dès lors que les États doivent pouvoir percevoir l’impôt, la Cour ne sanctionnera les violations du droit de se taire que si elles sont disproportionnées. Dans l’arrêt Chambaz37, la CourEDH a précisé que le fisc ne peut contraindre un contribuable à fournir dans le cadre d’une procédure fiscale des documents qui peuvent l’incriminer s’il existe une enquête pénale portant sur les mêmes faits. Dans ce cas de figure, le droit au silence doit être garanti dès lors que la procédure tendant à la détermination des montants éventuellement dus à titre d’impôt, ne peut complètement exclure l’imposition de sanctions. Dans cette espèce, la Cour a relevé qu’en menaçant d’infliger des amendes au requérant, les autorités avaient fait pression sur lui pour qu’il leur soumette des documents qui auraient fourni des informations sur son revenu et sa fortune. La Cour a considéré que le requérant ne pouvait exclure que les informations contenues dans ces documents l’exposaient, le cas échéant, à des sanctions de nature pénale pour soustraction d’impôts. Dans l’arrêt Van Weerelt38, la CourEDH a nuancé la portée de l’arrêt Chambaz dès lors qu’elle a estimé que l’administration fiscale pouvait contraindre un 32 CourEDH, 8 juin 1976, Engel et autres c. Pays-Bas, disponible sur www.echr.coe.int.

33 CourEDH., 24 février 1994, Bendenoun c. France, § 47, disponible sur www.echr.coe.int.

34 CourEDH, 25 février 1993, Funke c. France, disponible sur www.echr.coe.int.

35 CourEDH, 17 décembre 1996, Saunders c. Royaume-Uni, disponible sur www.echr.coe.int.

36 CourEDH,, 3 mai 2001, J.B. c. Suisse, disponible sur www.echr.coe.int.

37 CourEDH, 5 avril 2012, Chambaz c. Suisse, disponible sur www.echr.coe.int.

38 CourEDH, 16 juin 2015, Van Weerelt c. Pays-Bas, disponible sur www.echr.coe.int.

contribuable à fournir des renseignements lors de la procédure de l’établissement de l’impôt, mais seulement sous réserve que les renseignements obtenus soient uniquement utilisés aux fins du juste établissement de l’impôt, à l’exclusion de l’application d’amendes fiscales ou de poursuites pénales. La production de documents sous peine d’astreinte serait donc possible pour établir le juste impôt39.

Le droit au silence n'a cependant pas de caractère absolu et raisonner autrement aboutirait à vider de toute substance les dispositions légales qui prévoient le droit d’un Etat requérant de recueillir des renseignements au sujet d’un contribuable dans l’Etat requis en vue d'établir la situation fiscale du redevable4041.

La violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et, partant, la violation du droit à un procès équitable et leurs conséquences doivent être démontrées de manière concrète et non théorique, au vu de l'ensemble des circonstances de la cause. Or, une telle démonstration n’est pas fournie en l’espèce42.

Ainsi, indépendamment de la question de savoir si en sa qualité de destinataire de la décision d’injonction, seul élément déterminant dans le cadre de la présente procédure43, Monsieur A peut invoquer le droit au silence appartenant tout au plus au contribuable visé, et indépendamment de la question de savoir si le contribuable visé pourrait au stade d’une demande d’échange de renseignements invoqué l’article 6 de la CEDH et ce même dans le cadre de fraude, il échet de constater qu’il n’y a aucun indice dans la demande de renseignements formulées par les autorités belges que ladite demande aurait été posée dans le cadre d’une procédure pénale en cours, respectivement que Monsieur A serait accusé de fraude. Au contraire, il se dégage de la demande d’échange de renseignements que les autorités belges tentent par le biais de leur demande d’assistance administrative de recueillir des éléments de comptabilité ainsi que le carnet d’adresses et le mode de calcul de l’évaluation de celui-ci dans le but de retracer cet investissement en vue du juste établissement de l’impôt dû en Belgique dans le chef du demandeur, respectivement de la société B, de sorte à être de nature à engendrer le cas échéant un redressement fiscal pour parvenir à une taxation sur base des revenus réels du redevable, sans intention, a priori, de déposer une plainte pénale ou d'infliger des amendes ou accroissements de nature répressive, hypothèse envisagée par l’arrêt Van Weerelt, précité, de la CourEDH. Ainsi, en l’espèce, les renseignements demandés par l’administration concernent l’établissement de l’impôt et il n’existe à ce stade pas de motif sérieux de craindre qu’une amende fiscale lui sera effectivement appliquée. Il n’est en plus pas établi qu’un impôt est dû et si tel était le cas, l’administration peut renoncer à l’accroissement de l’impôt en l’absence de mauvaise foi44.

Il suit de tout ce qui précède que le moyen, tiré de la violation du droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, se révèle à l'analyse du cas concret soumis au tribunal, sans portée et n'est en conséquence pas fondé.

39 Masson, S. et Verheylesonne, A., « 4 - Le droit au silence en droit pénal et en droit fiscal : regards croisés » in Monville, P. et al. (dir.), Le droit pénal fiscal dans tous ses états, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022, p. 117-

166.

40 Dans ce sens : Liège, 25 mars 2016, 2014/RG/203, F.J.F., 2017/6, p. 186-187.

41 Dijon, I., « Devoir de collaboration du contribuable versus droit de se taire du justiciable » in En quête de fiscalité, et autres propos …, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 489-517.

42 Ibidem.

43 Cour adm., 12 mai 2022, n° 47215C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

44 International Fiscal Association, Belgium, 2015, Marielle Moris, p. 184.

Le recours est partant rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non fondé, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2022 par :

Annick Braun, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué.

en présence du greffier Luana Poiani.

s. Poiani s. Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juillet 2022 Le greffier du tribunal administratif 25


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 41984
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-07-04;41984 ?

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