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28/06/2022 | LUXEMBOURG | N°45154

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2022, 45154


Tribunal administratif N° 45154 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2020 4e chambre Audience publique du 28 juin 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45154 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 octobre 2020 par Maître Sarah Moineaux, avocat à l

a Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né...

Tribunal administratif N° 45154 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2020 4e chambre Audience publique du 28 juin 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45154 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 octobre 2020 par Maître Sarah Moineaux, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Irak), de nationalité irakienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 septembre 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale ainsi que de celle portant ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2020 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications de Maître Sarah Moineaux du 6 février 2022 et de Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Muller du 8 février 2022 suivant lesquelles ils marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 8 février 2022, les parties étant excusées.

Le 8 mai 2019, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. »Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Toujours le 8 mai 2019, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

En date des 8 juillet, 2 et 19 août 2019, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

En date du 24 février 2020, Monsieur … fut examiné par un médecin spécialiste en médecine légale en vue d’une expertise médicale dont le rapport fut établi le 18 mai 2020 par le Dr. T. S..

Par décision du 29 septembre 2020, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 8 mai 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 8 mai 2019, le rapport d'entretien Dublin III du 8 mai 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 8 juillet ainsi que des 2 et 8 août 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale et les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez originaire de …, d'ethnie arabe et de confession musulmane chiite.

Vous indiquez que vous vous seriez engagé volontairement dans l'armée irakienne début 2010 et vous auriez été affecté dans la caserne militaire dénommée « … » et ensuite début 2012 transféré à ….

En date du 20 septembre 2018, alors que vous auriez été en service de garde dans une prison à …, des individus se seraient manifestés et auraient voulu entrer afin de rendre visite 2 à des prisonniers. Vous précisez qu'il s'agirait des personnes affiliées à la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » au sein du « Haachd al-Chaabi ».

Vous expliquez ensuite que vous auriez eu le strict ordre de votre supérieur de ne laisser entrer personne par cette entrée et vous leur auriez dès lors refusé l'entrée. Les individus auraient tenté de vous faire changer d'avis en vous proposant des pots de vin. Vous ajoutez que vous auriez même eu une discussion avec le chef de votre tribu qui aurait menacé de vous désavouer en cas de refus. Vous auriez persisté en expliquant que vous auriez l'ordre d'agir ainsi. Les individus en question seraient repartis, mais ils seraient revenus après un certain temps et auraient commencé à faire plus de pression en proférant des menaces. L'un d'entre eux vous aurait même tendu un téléphone et la personne à l'autre bout du fil vous aurait menacé de mort si vous ne laissiez pas entrer ces individus dans la prison. Au vu de cette situation vous auriez appelé votre supérieur qui serait intervenu et aurait renvoyé les individus en question. Cet incident aurait eu lieu le dernier jour de votre service de garde.

Ensuite vous expliquez que des individus vous auraient contraint de monter à bord de leur voiture alors que vous vous trouviez sur le chemin de la maison. Ils vous auraient menotté et couvert le visage pour vous emmener dans le bureau principal de la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » dans le quartier « … » de la ville de …. Vous ajoutez que vous auriez vu 7 à 8 personnes présentes dans le bureau dont le chef de votre clan. Ils vous auraient accusé d'avoir protégé certains prisonniers en refusant de faire entrer ces individus dans la prison et vous précisez que vous auriez été malmené, respectivement torturé.

Ils vous auraient ensuite relâché et vous auriez appelé votre frère qui serait venu vous chercher afin de vous conduire à l'hôpital. Vous auriez été aux urgences et au courant de l'après-midi la police serait venue à l'hôpital et aurait pris votre déposition. D'ailleurs vous précisez que vous auriez officiellement porté plainte et que vous auriez accompagné les policiers au commissariat pour l'ouverture du dossier.

Vous seriez ensuite rentré à la maison et une heure plus tard vous auriez reçu un appel d'un membre de l'« Asa'ib Ahl al-Haqq », qui vous aurait dit qu'il serait au courant de votre plainte en vous envoyant une photo du dossier par WhatsApp. Vous mentionnez qu'une lettre de menace aurait également été visible sur la photo, il s'agirait de la lettre que votre père aurait reçue par ladite milice en date du 20 septembre 2018 et il l'aurait déposée à la police à votre insu. Vous ajoutez ensuite que cette personne aurait proféré des menaces de mort avant de raccrocher.

Votre frère vous auriez conseillé de partir immédiatement et il vous aurait emmené chez votre cousin. Vous seriez resté deux jours chez votre cousin et vous vous seriez ensuite rendu à Bagdad auprès d'un ami qui serait propriétaire d'un hôtel. Vous auriez séjourné pendant 10 jours dans son établissement en précisant que des membres de l'« Asa'ib Ahl al-

Haqq » seraient venus à l'hôtel pour demander si vous y séjourniez. Votre ami aurait nié et vous auriez conseillé de partir au plus vite et vous aurait emmené auprès de sa famille à ….

Vous seriez resté sur place jusqu'à ce que votre frère se soit occupé des modalités de visa afin que vous puissiez partir en Turquie.

Vous précisez que vous seriez resté à … pendant une durée de 13 à 14 jours et vous auriez quitté l'Irak pour vous rendre en Turquie en date du 15 octobre 2018.

3 Vous laissez entendre que vous auriez été obligé de déserter à cause des individus qui vous auraient malmené et que vous risqueriez d'être puni par les autorités irakiennes à cause de votre désertion.

Vous présentez votre carte d'identité irakienne et votre certificat de nationalité irakien ainsi que plusieurs documents pour étayer vos dires.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous avancez que vous seriez dans le collimateur des personnes prétendument affiliées à la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » alors que vous auriez refusé de les faire entrer dans la prison lors de votre service de garde. Vous ajoutez que vous auriez été menacé et torturé par ces individus. Vous laissez également entendre que vous auriez peur pour votre vie alors que vous auriez été menacé de leur part après avoir déposé une plainte.

Force est de constater qu'il ressort de façon claire et non équivoque de vos déclarations que la raison pour laquelle vous auriez eu des problèmes avec des personnes prétendument affiliées à la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » serait à cause de votre refus de leur donner accès à la prison de sorte qu'il ne saurait être question de l'existence dans votre chef d'une persécution respectivement d'une crainte de persécution en raison de votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques respectivement de votre appartenance à un certain groupe social déterminé.

4 Si néanmoins ces faits devaient entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et constituer un acte de persécution au sens des prédits textes, notons qu'une persécution commise par des personnes privées peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités.

A cet égard vous affirmez avoir déposé une plainte auprès de la police irakienne et qu'une enquête aurait été diligentée contre vos ravisseurs. Il appert dès lors que la police a clairement fait son travail en enregistrant vos déclarations et en diligentant une enquête de sorte qu'aucun reproche ne saurait être formulé à l'égard des autorités irakiennes.

Dans ce contexte, vous déclarez que : « Die Angehörigen der Asaib Ahl al-Haqq haben mir mehrere Fotos vom Ermittlungsverfahren und Dokumente der Polizei per Whats App geschickt. Wenn sie nicht zusammenarbeiten würden, wie könnten sie so etwas erlangen? Zweitens habe ich nichts über den weiteren Verlauf meiner Anzeige gehört. » [sic] (p.13/19 du rapport d'entretien).

Monsieur, le simple fait d'avancer que la police irakienne collaborerait avec les milices ne saurait infirmer cette conclusion.

Soulignons qu'il s'agit là de pures allégations de votre part sans aucun élément concret permettant de corroborer vos dires. En effet, le fait de déposer des photos d'une prétendue lettre de menace, ainsi que des photos de votre plainte ne signifie pas inéluctablement que ces pièces vous auraient été envoyées par vos ravisseurs via WhatsApp.

Vous n'êtes pas sans savoir que de telles photos auraient pu être prises par n'importe qui à n'importe quel moment de sorte qu'il n'est nullement établi qu'elles proviendraient de vos ravisseurs, ni qu'elles vous auraient été envoyées postérieurement à votre plainte.

Ce constat est d'autant plus vrai alors que vous concédez ne jamais avoir personnellement reçu ladite lettre et que ce serait votre père qui l'aurait emmenée auprès de la police après l'avoir trouvé afin qu'elle soit ajoutée dans le dossier de votre plainte.

Si on admet que vos ravisseurs aient eu connaissance de la plainte et qu'ils vous aient menacé cela signifie qu'ils craignent en effet les démarches entreprises par la police qui pourraient conduire à leur arrestation voire condamnation. Si en effet ils seraient de mèche avec la police comme vous le soutenez, ils n'auraient aucun intérêt à vous menacer alors qu'ils seraient assurés que votre plainte ne connaitrait pas de suites.

Rappelons en outre que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.

Ainsi, il convient de conclure qu'aucune crainte fondée de persécution ne saurait être retenue dans votre chef.

5 Vous faites également état d'une prétendue désertion et vous expliquez : « Stellen Sie sich vor, ich war 9 Jahre im Dienst. Wegen der Männer musste ich desertieren. Falls ich nach Irak zurückkehre, werde ich auch von der Regierung bestraft. » [sic] (p.9/19 du rapport d'entretien).

A cet égard, force est de constater que vous affirmez avoir rejoint l'armée irakienne volontairement en 2010 et que vous auriez pris la fuite après les incidents avec des personnes prétendument affiliées la milice l'« Asa'ib Ahl al-Haqq ».

Monsieur, le fait de craindre des conséquences disciplinaires respectivement pénales pour avoir déserté constitue un fait dénué de lien avec les motifs figurant dans la Convention de Genève.

Ayant choisi de votre propre gré un poste en tant que soldat de l'armée irakienne, vous avez signé un contrat d'engagement avec votre « employeur » en sachant qu'il vous appartiendra de respecter et d'exécuter les ordres et en étant conscient des conséquences encourues en cas de désertion. De plus, au lieu de prendre la fuite et de déserter l'armée irakienne, il vous aurait été loisible de démissionner de votre poste et de trouver un autre emploi correspondant à votre niveau d'études dans le secteur privé.

Il convient également de souligner qu'il est indéniable que les procédures visant à obtenir une protection internationale n'ont pas pour finalité de permettre aux demandeurs de se soustraire à la justice de leur pays d'origine. En effet, essayer d'éviter des sanctions pour avoir déserté ne permet pas de vous octroyer le statut de réfugié.

Il y a lieu de conclure qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef d'une persécution respectivement d'une crainte de persécution dans ce contexte.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

6 L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

Concernant les maltraitances dont vous auriez été victime de la part des personnes prétendument affiliées à une milice respectivement à votre clan, force est de constater que ces faits sont certes condamnables et suffisamment pertinents pour être qualifiés de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015.

Toutefois, rappelons que vous avez porté plainte auprès des autorités de votre pays d'origine et qu'une enquête a été diligentée contre vos ravisseurs, si bien qu'aucun reproche ne saurait être formulé à l'égard de la police irakienne.

Concernant votre prétendue désertion, retenons qu'en Irak les déserteurs peuvent être sanctionnés sur la base de l'article 33 du Military Penal Code promulgué en 2007. Cet article prévoit des peines de prison qui varient de quelques mois à trois ans. De plus, selon l'article 36 §1 dudit code pénal militaire, les déserteurs se voient accorder des circonstances atténuantes s'ils se rependent et se rendent aux autorités. En pratique, la désertion est alors moins sévèrement sanctionnée que ce prévoit le Military Penal Code. Ces peines ne peuvent dès lors être qualifiées de disproportionnées.

Soulignons que l'article 35 du Code pénal militaire prévoit aussi la peine de mort dans des circonstances très spécifiques et particulières. En effet, cette peine n'est prévue que dans le cas d'une trahison, notamment pour ceux qui ont déserté en temps de guerre dans le but de rejoindre l'ennemie. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En tout état de cause, force est de constater qu'aucun cas de déserteur(s) condamné(s) à mort sur la base de l'article 35 du Code pénal militaire n'a été recensé jusqu'à présent.

Compte tenu des constatations qui précèdent, il s'avère que les autorités irakiennes ne sanctionnent pas la désertion de manière disproportionnée.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

• Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

7 Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine.

Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n'auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d'origine au motif : « Im Norden, Samara, Tikrit, Mosul und Kirkuk, überall gab es Straßenkontrollen von Hashed a-Schaabi.

Vor kurzem wurden diese Städte vom IS befreit. Wenn ich mich als Schiit dort niederlasse, werden die Leute mich fragen weshalb ich mich dort als Schiit aufhalte. Es ist schwer sich dort als Schiit aufzuhalten. Ich bin nach Bagdad gegangen, sie haben mich bis dorthin verfolgt. Im Süden hatte ich keine Bekannte oder Verwandte, außer meiner verheirateten Schwester. Ich wollte nicht zu ihr gehen, damit sie keine Schwierigkeiten bekommt. Es konnte mich keiner empfangen, sie haben alle Angst. » (p.16&17/19 du rapport d'entretien).

Or, ces motifs ne constituent pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d'origine. Monsieur, vous déclarez être d'ethnie arabe et de confession musulmane chiite.

Vous auriez dès lors pu vous installer dans une autre région de la République d'Irak, notamment dans le sud de votre pays d'origine.

Il convient de remarquer dans ce contexte que les provinces de Kerbala, …, Muthanna, Babil, Missan, Qadissiya et Bassora sont des régions majoritairement chiites. Il ressort d'un rapport de l'« United Kingdom: Home Office » qu'il n'existe aucun risque réel pour un citoyen ordinaire de voyager dans les régions du sud de l'Irak à partir de Bagdad.

Ces provinces ne sont pas seulement accessibles par la voie terrestre, mais des nombreuses compagnies aériennes proposent des vols, même internationaux.

Vu la densité de la population dans les grandes villes de ces régions et le fait que votre souci avec certaines personnes était un cas isolé il appert que vous ne soulevez aucune raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne. Ceci est d'autant plus vrai que vous auriez notamment séjourné à … et qu'il ressort clairement de votre entretien qu'aucun incident ne serait survenu sur place.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la République d'Irak, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 29 septembre 2020 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre la décision de refus d’une demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 29 septembre 2020, prise en son double volet, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours et en fait, le demandeur renvoie, en substance, aux faits et rétroactes tels qu’ils ont été retranscrits dans le rapport d’audition auprès de la direction de l’Immigration.

En droit et à titre liminaire, le demandeur souligne d’abord que le ministre aurait procédé à une analyse au fond de sa demande de protection internationale eu égard au fait qu’il serait crédible dans ses déclarations et que les faits qu’il avancerait seraient donc constants et donnés en l’espèce.

Quant au refus d’octroi du statut de réfugié, le demandeur estime que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’il aurait estimé qu’ils n’entreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015. Le ministre aurait ainsi retenu à tort que la raison pour laquelle il aurait eu des problèmes avec des personnes affiliées à la milice Asa’ib Ahl al-Haq résiderait dans de son refus de leur donner accès à la prison. Or, pour parvenir à cette conclusion erronée, le ministre aurait éludé de son analyse un élément fondamental, à savoir que le demandeur aurait souligné à plusieurs reprises que si les membres de la milice chiites Asa’ib Ahl al Haq l’avaient persécuté et le persécutaient en cas de retour en Irak, ce serait non seulement parce qu’il aurait fait échec à leur plan, mais surtout en raison de sa complicité et de sa coopération avec l’occident et, plus particulièrement, avec l’ennemi que serait les Etats-

Unis d’Amérique.

A cet égard, le demandeur, en se prévalant d’un extrait d’une publication sur Internet du Center for International Security and Cooperation (CISAC), entend préciser que la milice politique chiite Asa’ib Ahl al Haq serait d’origine iranienne, que ses membres auraient combattu les troupes américaines avant leur retrait de l’Irak en 2011, pour ensuite combattre l’Etat islamique depuis fin 2013, et ce, ensemble avec le gouvernement irakien, pour finalement devenir membre de l’alliance Fatah au sein du gouvernement irakien en 2017 et gagner 14 sièges dans le parlement irakien. Il fait ensuite plaider que le chef de la milice Asa’ib Ahl al-Haq, le « … », lors de la séance de torture à laquelle il aurait été soumis, lui aurait déclaré « Glaubst du wir kennen dich nicht? Wir wissen, dass du mit der amerikanischen Kaserne gearbeitet und kooperiert hast. Du hast diese Männer beschützt und bewacht, nur um etwas Geld zu bekommen ». Dans le même contexte, le demandeur souligne que le … lui aurait reproché avoir déjoué leur projet de libérer leurs détenus. Le demandeur insiste encore sur le fait qu’il aurait déclaré craindre d’être tué par la milice, en ce que les membres de celle-ci lui auraient reproché d’avoir coopéré avec les américains. Enfin, le demandeur estime que la lettre de menace versée à l’appui du présent recours ne pourrait être plus claire quant aux motivations politiques des miliciens en ce qu’il y serait inscrit que sa« complicité » « avec une organisation active dépendant de l’occident occupée » aurait été prouvée, par référence aux Etats-Unis, ennemi de la milice Asa’ib Ahl al Haq.

Il en conclut qu’il aurait été victime de persécutions dans son pays d’origine, tout en craignant en être à nouveau la cible en cas de retour en Irak, ces persécutions étant indéniablement motivées, dans le chef de ses persécuteurs, par des raisons politiques, conformément à l’article 43, paragraphe (1), point e) de la loi du 18 décembre 2015.

Le demandeur fait ensuite valoir qu’en cas de retour en Irak, son long séjour en occident pourrait également être utilisé comme motif par la milice Asa’ib Ahl al Haq, faisant partie de l’Unité de mobilisation populaire, ci-après désginée par « l’UMP », représentant les autorités irakiennes, pour le persécuter à nouveau à son retour.

Quant à la gravité des faits invoqués, le demandeur considère que le ministre ne contesterait pas que les persécutions d’ores et déjà subies par lui en Irak atteindraient le seuil de gravité légalement requis pour être qualifiées de persécutions. Il invoque, dans ce cadre, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 pour souligner qu’il aurait déjà été victime de persécutions par la milice Asa’ib Ahl al Haq, composant l’UMP, représentant les autorités irakiennes et agissant en qualité d’agent étatique. Or, il n’existerait pas de bonne raison de penser que de telles persécutions ne se reproduiraient pas en cas de retour en Irak, de sorte que la présomption de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 ne ferait que confirmer l’actualité, la réalité et le caractère fondé de sa crainte.

Concernant le reproche du ministre de n’avoir soumis à l’appui de sa demande de protection international qu’une copie de la lettre de menace qui lui aurait été adressée par la milice Asa’ib Ahl al Haq et de ne présenter aucun élément concret permettant de corroborer ses déclarations, le demandeur s’empare de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015 pour conclure qu’il remplirait les conditions fixées à cet article, de sorte qu’il serait à retenir que les aspects de ses déclarations qui ne seraient pas étayés par des preuves documentaires ne nécessiteraient pas de confirmation. Ainsi il ne saurait lui être reproché de n’avoir soumis qu’une photo de ladite lettre de menace, reproches qui seraient à écarter.

Le demandeur estime que les actes passés et futurs, considérés dans leur ensemble, caractériseraient sa crainte actuelle, réelle et fondée d’être persécuté en cas de retour dans son pays d’origine, de sorte qu’évalués avec les autres éléments de l’article 37, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, ils répondraient aux exigences de gravité de l’article 42 de la même loi. Il affirme, en outre, que le lien exigé par l’article 42, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 entre les motifs de persécutions de l’article 43 de la même loi et les actes de persécutions au sens de l’article 42, paragraphe (1) de cette même loi serait à considérer comme acquis en l’espèce.

En ce qui concerne les agents de persécutions et l’absence de protection de la part des autorités irakiennes, le demandeur reproche au ministre d’avoir considéré à tort, suite à des erreurs d’appréciation, ses persécuteurs comme étant des personnes privées. En effet, le demandeur entend rappeler que les auteurs des persécutions dont il aurait été victime en Irak et desquels il craindrait la réalisation de nouvelles persécutions en cas de retour dans son pays d’origine seraient des membres de la milice chiite Asa’ib Ahl al Haq, milice composant, parmi d’autres, l’UMP du al-Hashd al Shaabi, de sorte qu’il s’agirait d’agents de persécutions étatiques au regard de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015. Il souligne à cet égard en se référant à un rapport de septembre 2016 du Geneva International Center for Justice, intitulé «Militias in Iraq The hidden face of terrorism », ainsi qu’à un rapport du 24 avril 2015 du Finnish Immigration Service, intitulé « Country Information Service », « Security situation in Baghdad – The shia militias », que les milices chiites auraient été rassemblées sous une organisation appelée al-Hashd al Shaabi, qu’elles seraient à qualifier de groupes terroristes, qu’elles y bénéficieraient d’impunité, qu’elles y deviendraient de plus en plus puissantes et indépendantes et qu’elles y seraient officiellement assimilées aux autorités irakiennes. Il estime dès lors que les milices chiites qui composeraient les UMP d’al-Hashd al Shaabi constitueraient des agents étatiques de persécution conformément aux dispositions de l’article 39 a) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que toute protection nationale contre elles serait, par définition, impossible.

Quant à la fuite interne, le demandeur insiste sur le fait que le ministre n’aurait pas correctement appliqué l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, étant donné qu’il aurait dû positivement prouver l’absence de tout risque dans les villes et régions d’Irak qu’il aurait désigné, puisqu’il aurait appartienu au ministre opposant une alternative à la protection internationale de prouver l’existence d’une possibilité de fuite interne. Or en l’espèce, il serait établi qu’il présenterait une crainte actuelle, réelle et fondée d’être persécuté, sur l’intégralité du territoire irakien par la milice Asa’ib Ahl al Haq, agent étatique contre lequel il ne disposerait d’aucune protection effective. Le demandeur rajoute, dans ce contexte, que lors de sa fuite vers Bagdad, la milice Asa’ib Ahl al Haq serait parvenue à le retrouver, de sorte que cette milice pourrait le retrouver quelle que soit la ville ou la région dans laquelle il tenterait de se réinstaller. Il en serait de même pour les faits de désertion pour lesquelles il craindrait une lourde condamnation à une peine d’emprisonnement disproportionnée.

A l’appui de sa demande en obtention d’une protection subsidiaire, le demandeur affirme craindre l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, voire d’être soumis à un traitement prohibé par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en cas de retour dans son pays d’origine, alors qu’il présenterait un risque réel d’être victime d’un enlèvement, de séquestration, de torture et d’exécution extrajudiciaire par la milice Asa’ib Ahl al Haq et les autres milices composant l’UMP d’al-Hash al-Shabi. Il souligne encore le risque d’être la cible d’un kidnapping afin d’obtenir une rançon de la part de sa famille pour avoir vécu en Europe pendant un temps prolongé, de sorte qu’il risquerait d’être assassiné vu que sa famille ne serait pas en mesure de payer.

Concernant sa désertion, le demandeur conclut également à une erreur d’appréciation du ministre en s’appuyant sur l’article 35 du Code pénal militaire irakien. Il soutient, à cet égard, qu’il risquerait une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans. Il estime qu’une telle peine serait à qualifier d’attente grave en vertu de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il s’agirait de poursuites ou de sanctions disproportionnées en cas de retour dans son pays d’origine, ce qui confirmerait encore le caractère actuel, réel et fondé de sa crainte, en précisant qu’à l’époque il n’aurait eu aucune alternative envisageable. Le demandeur entend encore souligner qu’il ne saurait échapper à une telle condamnation, alors qu’il serait recherché par mandat d’arrêt pour ces faits de désertion et figurerait dès lors sur une liste de personnes recherchées, de sorte qu’à l’aéroport et même à chaque check-point, il serait immédiatement arrêté et emprisonné.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé. En ce qui concerne les faits relatifs à la milice Asa’ib Ahl al-Haq, ce serait à bon droitque le ministre aurait retenu que ces faits ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié dans le chef de Monsieur …, alors qu’ils ne seraient pas liés à sa race, sa religion, son appartenance à un certain groupe social ou à ses opinions politiques. Ces faits seraient liés à son refus de leur donner accès à la prison, de sorte qu’il ne saurait être question de persécutions. Il rejette ainsi le moyen du demandeur tentant de lier ses faits à des raisons politiques, ce qui serait manifestement infondé, alors que le simple fait de refuser l’accès à une prison à des miliciens ne saurait en aucun cas être relié aux opinions politiques du demandeur. Il ressortirait encore de ses propres déclarations qu’il ne se serait jamais engagé dans des activités politiques, et qu’il n’aurait jamais exprimé des opinions politiques contre l’appareil étatique, le gouvernement, la société ou la politique même.

Dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait que les craintes du demandeur seraient à qualifier de persécutions, le délégué du gouvernement donne à considérer que ces actes auraient été commis par des personnes privées. Si les milices seraient placées au même niveau que les forces armées irakiennes, lorsqu’elles agissent dans le cadre de cette mission, celles-ci resteraient cependant sous leur contrôle, de sorte que les milices ne sauraient être assimilées à l’Etat.

Le délégué du gouvernement s’appuie encore sur une jurisprudence de la Cour administrative du 29 novembre 2018, inscrite sous le numéro 41019C du rôle, ayant retenu dans un cas d’espèce similaire que même en admettant que ladite milice devrait être reconnue comme acteur étatique, elle ne pourrait pas être considérée comme la seule autorité compétente en Irak et il ne saurait être perdu de vue que les autorités officielles irakiennes seraient aussi présentes sur le territoire irakien et assureraient leur rôle d’organisation des structures étatiques, de sorte qu’une persécution commise par des personnes privées ne pourrait être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités irakiennes, défaut de protection dont l’existence devrait être mis suffisamment en évidence par le demandeur de protection internationale. Comme le demandeur indique avoir déposé une plainte auprès de la police irakienne et qu’une enquête aurait été diligentée contre ses ravisseurs, aucun reproche ne saurait être dirigé à l’encontre des autorités étatiques irakiennes.

Ainsi, il serait important de souligner que la notion de protection de la part du pays d’origine n’impliquerait pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d’actes de violences, mais supposerait des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Selon le délégué du gouvernement une persécution ne saurait être admise dès la commission matériel de l’acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il en conclut que le demandeur reste en défaut de démontrer concrètement que les forces de l’ordre irakiennes n’auraient pas voulu, ou pu l’aider ou lui offrir une protection quelconque. Par ailleurs, le simple fait d’avancer que la police irakienne collaborerait avec les milices ne saurait infirmer le constat ministériel suivant lequel le demandeur resterait en défaut de démontrer que les autorités irakiennes n’auraient pas voulu l’aider, en ce qu’il s’agirait de pures allégations sans aucun élément concret pouvant corroborer ses dires. Le fait de déposer des photos d’une lettre de menace et d’une plainte ne signifierait pas que ces pièces lui auraient été envoyées par ses ravisseurs via Whatsapp, de telles photos ayant pu être prises par n’importe qui à n’importe quel moment. Le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le demandeur serait en aveu de ne jamais avoirpersonnellement reçu ladite lettre de menace, alors que son père l’aurait emmenée auprès de la police. Il rajoute encore que le fait que les ravisseurs du demandeur auraient eu connaissance de la plainte et qu’ils l’auraient menacé signifierait qu’ils craindraient en effet les démarches entreprises par la police qui pourrait conduire à leur arrestation voire condamnation. En effet, s’ils étaient de mèche avec la police, tel que le prétendrait le demandeur, ils n’auraient aucun intérêt à le menacer alors qu’ils seraient assurés que sa plainte ne connaîtrait pas de suites.

Concernant la prétendue désertion du demandeur, le délégué du gouvernement estime que ce serait également à bon droit que le ministre aurait retenu que le fait de craindre des conséquences disciplinaires respectivement pénales pour avoir déserté ne saurait justifier l’octroi d’une protection internationale en ce que la motivation n’entrerait dans aucun des critères de la Convention de Genève. En effet, le demandeur risquerait d’encourir des peines variant de quelques mois à trois ans et s’il se repentissait en se rendant aux autorités, la désertion serait moins sévèrement sanctionnée, de sorte que les sanctions pénales pouvant être encourues par le demandeur ne saurait être considérés comme étant d’une sévérité disproportionnée.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, le délégué du gouvernement soutient que si les maltraitances dont le demandeur avait été victime seraient suffisamment graves pour être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, il s’avérerait que le demandeur aurait porté plainte contre ses ravisseurs et qu’une enquête aurait été diligentée, de sorte qu’aucun reproche ne saurait être formulé à l’égard de la police irakienne, et que la deuxième condition ne saurait être considérée comme étant remplie.

En ce qui concerne la désertion du demandeur, ces faits ne sauraient être qualifiées de sanctions inhumaines ou dégradantes en ce qu’ils ne seraient pas à considérer comme disproportionnés et ne sauraient dès lors revêtir un degré de gravité assimilant la désertion à des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Concernant la fuite interne, le délégué du gouvernement retient que les critères de l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015 seraient remplis.

a) Quant au statut de réfugié La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits 13 auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il échet de relever que les motifs à la base de la demande de protection internationale de Monsieur … se résument à l’enlèvement et aux mauvais traitements contre sa personne par des membres d’une milice chiite en septembre 2018 pour avoir refusé de les laisser rentrer par l’entrée arrière dans la prison centrale de …. Si le ministre estime que ces faits n’entreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, alors qu’il s’agirait d’un simple refus de laisser passer des membres d’une milice, sans lien aucun avec les critères de ladite Convention, il échet cependant de constater que le demandeur explique dans ses déclarations, pièce à l’appui, qu’il aurait fait l’objet d’une lettre de menace de la milice après le premier passage des miliciens devant son poste de contrôle, au motif qu’il aurait dans le passé coopéré avec des organisations de l’occident et qu’il devrait quitter la ville ou se rendre. Il précise, dans ce contexte, qu’il aurait travaillé dans une base militaire américaine jusqu’en 2012, avant d’être muté à …. Ainsi, le tribunal est amené à relever que la connotation politique de ces faits doit être prise en compte dans le cadre de l’analyse de la demande de protection internationale de Monsieur …, dans la mesure où le fait que le demandeur a refusé l’entrée des miliciens dans la prison a eu pour conséquence qu’il s’est attiré les foudres desdits miliciens, ayant lié le refus de les aider à son passé de collaboration avec les forces américaines et donc à une trahison. Bien que la partie étatique émet des contestations quant au lien entre les maltraitances subies et les motivations politiques du demandeur, il résulte tant de la lettre de menace versée par le demandeur que de ses déclarations, non autrement remises en cause par la partie étatique, qu’il aurait été recherché pour des motifs de collaboration avec les forces américaines.

Ainsi, les faits qui l’ont amené à quitter son pays d’origine s’inscrivent sur une toile de fond politique et sont de ce fait a priori susceptibles de tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève, le demandeur ayant expliqué avoir été enlevé et torturé par des membres d’une milice chiite pour avoir refusé de les aider et en raison d’une connivence avec les forces américaines.

Il y a dès lors lieu de retenir que le demandeur fait état de persécutions susceptibles de tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Quant à la gravité des faits mis en avant par le demandeur, il y a lieu de relever qu’il n’est pas contesté en cause qu’il a subi de graves actes de torture de la part des membres d’une milice chiite en raison de son refus de coopérer avec eux et en raison de son passé militaire aux services des Américains.

Il échet partant de retenir que le demandeur est recherché, en raison de ses opinions politiques, par des milices chiites, qui l’ont torturé, de sorte que de tels faits présentent une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, alors que l’intégrité physique, voir la vie-même du demandeur est mise en cause.

Au vu de ce qui précède et en application de la présentation de l’article 37, paragraphe (4) précité, il existe un risque réel et sérieux d’une atteinte à la vie du demandeur en cas de retour en Irak en raison d’un des motifs de persécution prévus par la Convention de Genève, le ministre n’ayant pas avancé de raisons permettant de renverser cette présomption.

En ce qui concerne ensuite la qualification des auteurs des actes subis par le demandeur et en ce qui concerne la protection disponible dans le pays d’origine du demandeur face à la milice, il convient de constater qu’il résulte des enseignements de la Cour administrative dans son arrêt du 29 novembre 2018, inscrite sous le numéro 41019C du rôle, que : « Pour le surplus, nonobstant le fait que la légitimité de la milice Asa’ib Ahl al-

Haq semble être reconnue par le gouvernement irakien, du fait de l’aide qu’elle lui apporte dans sa lutte contre « l’Etat islamique », et que ladite milice exerce un certain contrôle sur certaines parties du territoire irakien, il n’en reste pas moins que, même en admettant que ladite milice devrait être reconnue comme acteur étatique, elle ne peut pas être considérée comme la seule autorité compétente en Irak et il ne faut pas perdre de vue que les autorités officielles irakiennes sont aussi présentes sur le territoire irakien et assurent leur rôle d’organisation des structures étatiques. Or, la crainte de faire l’objet d’actes de persécution de la part de personnes privées sans lien avec l’Etat ne saurait être considérée comme fondée que si les autorités irakiennes ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective à l’appelant ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection, de manière que c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source des actes de persécution, respectivement des atteintes graves. Ensuite, l’appelant a admis lors de ses entretiens qu’il n’a ni officiellement porté plainte auprès d’une autorité irakienne contre ses intimidateurs, ni demandé une protection quelconque auprès d’une autorité de son pays. Or, à défaut d’avoir au moins tenté de porter plainte contre les auteurs des menaces de mort alléguées, l’appelant ne saurait reprocher aux autorités irakiennes une quelconque inaction volontaire ou un refus de l’aider, ce d’autant plus qu’il n’a en particulier pas fait état qu’un dépôt d’une plainte lui aurait été refusé. » Le tribunal est amené à retenir que dans le cas spécifique de l’espèce, contrairement au cas présentée devant la Cour administrative, le demandeur déclare avoir porté plainte contre ses agresseurs auprès des autorités irakiennes pour les faits subis par lui. S’il est vrai que la partie étatique estime qu’aucun reproche ne saurait être dirigé contre les autorités irakiennes, alors qu’une enquête a été diligentée contre ses ravisseurs, il n’en demeure pas moins que le demandeur soutient qu’en raison du dépôt de sa plainte, sa situation aurait considérablement empiré et que contrairement aux dires de la partie étatique, les autorités irakiennes bien que voulant le protéger, ne pourraient pas lui fournir une protection effective contre la milice le persécutant.

Si la milice chiite, par le biais de la lettre de menace, a donné un avertissement au demandeur en lui ordonnant soit de se rendre, soit de quitter la ville, force est de constater que dès le dépôt de la plainte et la découverte par la milice chiite de l’existence de celle-ci, elle a commencé à le rechercher activement, en le menaçant désormais de le tuer en raison de l’affront qu’il a causé en portant publiquement plainte contre elle. Ainsi, il y a lieu de relever qu’il existe non seulement des accointances entre l’Etat irakien et la milice le persécutant du fait de l’intégration de cette milice dans les forces armées irakiennes, mais le demandeur établit qu’en l’espèce cette milice profite d’une certaine impunité contre les actes criminels commis par elle.

En effet, il y a lieu de relever que le demandeur a précisé dans ses déclarations que peu de temps après qu’il ait déposé sa plainte, les membres de la milice Asa’ib Ahl al Haqq ont porté à sa connaissance qu’ils sont en possession des éléments de l’enquête et qu’ils allaient le tuer pour avoir commis cet affront de porter publiquement plainte contre eux. De même, ils se sont présentés auprès de ses parents pour les avertir qu’ils allaient tuer le demandeur devant leurs yeux, les miliciens l’ayant, par ailleurs, même poursuivi jusqu’à Bagdad. Dans ce contexte, le tribunal entrevoit en l’espèce mal les autorités irakiennes poursuivre et réprimer les actes de violence commis par ladite milice chiite, d’une efficacité telle qu’elle soit suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion, étant relevé en l’espèce qu’il ressort concrètement des déclarations du demandeur que le fait d’avoir porté plainte a aggravé sa situation en ce que cet acte lui a valu les foudres de cette milice et que par conséquent le fait d’avoir porté plainte contre eux n’a fait qu’aggraver sa situation de détresse et l’a poussé à fuir son pays d’origine sans que les autorités irakiennes n’en ait pu le protéger effectivement, alors qu’il s’est encore tourné en vain vers les membres de son unité militaire, qui ont tous refusé d’entrer en contact avec lui.

Force est partant au tribunal de retenir qu’il n’est pas raisonnable d’attendre du demandeur, dans son cas spécifique, qu’il obtienne une protection effective des autorités irakiennes contre les agissements des miliciens.

Ce constat n’est pas énervé par le moyen de la partie étatique selon lequel les pièces déposées par le demandeur, à savoir les photos de la lettre de menace et de la plainte, auraient pu être prises par n’importe qui et n’importe quand, alors que cet argument n’est pas pertinent par rapport au fait que la situation du demandeur s’est aggravée après qu’il ait déposé une plainte contre les miliciens, fait qui n’est en tant que tel pas remis en cause par la partie étatique. Il en va de même de l’argument de la partie étatique selon lequel le demandeur serait en aveu de ne jamais avoir personnellement reçu la lettre de menace, son père l’ayant déposé auprès de la police, étant donné que ce fait n’est pas pertinent par rapport à l’obtention d’une protection effective. Finalement, le fait que les ravisseurs du demandeur ont eu connaissance de la plainte et l’ont menacé en conséquence ne signifie pas, contrairement aux dires de la partie étatique, qu’ils craindraient que les démarches entreprises par la police pourraient conduire à leur arrestation voire condamnation, mais bien au contraire, les miliciens l’aperçoivent comme un affront de la part du demandeur ayant osé braver leur autorité, de sorte qu’ils le menacent de mort sans s’inquiéter des conséquences de leurs actes.

Par ailleurs, étant donné que le demandeur est recherché par une milice chiite disposant d’une certaine autorité, ainsi que d’une certaine impunité, eu égard à son intégration légale dans les forces armées, le tribunal n’est pas en mesure, au vu des éléments de la cause précités, de conclure que le demandeur puisse bénéficier d’une fuite interne, le ministre, sur lequel repose la charge de la preuve, restant, en l’espèce, en défaut de rapporterla preuve de l’existence d’une région dans laquelle le demandeur pourrait se réinstaller en toute sécurité, de sorte qu’il y a lieu de conclure à l’absence de possibilité d’une fuite interne.

Il résulte des développements qui précèdent, en l’état actuel d’instruction du dossier et des moyens échangés de part et d’autre et sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, que le demandeur prétend à juste titre à la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, de sorte que la décision déférée encourt la réformation en ce sens.

L’analyse de la demande subsidiaire en obtention de la protection subsidiaire et du refus afférent du ministre devient, au vu de la conclusion dégagée ci-avant, surabondante.

2) Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un tel recours a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le demandeur est fondé à se prévaloir du statut de réfugié et que la décision de refus de la protection internationale est à réformer en ce sens, il y a lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle déférée dans le cadre du recours en réformation.

Partant, le recours en réformation est à accueillir pour être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 29 septembre 2020 portant refus d’une protection internationale dans le chef de Monsieur … ;

au fond, déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision ministérielle du 29 septembre 2020, accorde à Monsieur … le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et renvoie en conséquence le dossier devant le ministre compétent pour exécution ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond le déclare justifié ;

partant, dans le cadre du recours en réformation, annule l’ordre de quitter le territoire endéans 30 jours émis à l’encontre de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 juin 2022 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 juin 2022 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45154
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-06-28;45154 ?

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