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22/06/2022 | LUXEMBOURG | N°44791

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juin 2022, 44791


Tribunal administratif N° 44791 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2020 3e chambre Audience publique du 22 juin 2022 Recours formé par Madame … et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44791 du rôle et déposée le 4 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Congo), et de Madame …, née le …...

Tribunal administratif N° 44791 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2020 3e chambre Audience publique du 22 juin 2022 Recours formé par Madame … et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44791 du rôle et déposée le 4 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Congo), et de Madame …, née le … à … (Congo), toutes les deux de nationalité congolaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 janvier 2020 rejetant la demande de regroupement familial dans le chef de Madame …, préqualifiée, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 23 mars 2020, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2021 par Maître Louis TINTI au nom de Madame … et de Madame …, préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 décembre 2021.

En date du 21 septembre 2001, Madame … introduisit auprès des autorités ministérielles compétentes une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».

Suite au mariage, en date du 6 septembre 2002, avec Monsieur …, de nationalité française, une autorisation de séjour fut accordée à Madame … par le ministre de la Justice le 7 février 2003, valable jusqu’au 31 janvier 2004.

En date du 5 juillet 2003, Madame … introduisit une demande de regroupement familial dans le chef de « sa fille », Madame …, demande à laquelle le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration fit droit par décision du 24 mars 2005.

1 Par courrier du 7 novembre 2016, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de sursis à l’éloignement pour raisons médicales dans le chef de sa « grand-mère », Madame …. Cette demande fut déclarée irrecevable par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », du 16 décembre 2016.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 janvier 2017, Madame … introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, une demande en obtention d’une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union au sens de l’article 12, paragraphe (1), point d) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », demande à laquelle le ministre refusa de faire droit par décision du 4 avril 2017, ladite décision déclarant encore le séjour de Madame … sur le territoire comme étant irrégulier, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans le délai d’un mois.

Il ressort ensuite d’une déclaration d’arrivée d’un ressortissant de pays tiers pour un séjour jusqu’à trois mois du 8 juillet 2019 que Madame … est entrée dans l’Espace Schengen le 1er juillet 2019.

Le 9 juillet 2019, Madame … introduisit une demande en obtention d’un visa long séjour en vue d’un regroupement familial au sens de l’article 12, paragraphe (1), point d) de la loi du 29 août 2008 au profit de Madame ….

Le 24 septembre 2019, le ministre sollicita la communication de certains documents, à savoir l’acte de naissance rectifié de Madame … ou une copie du jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance et la preuve que Madame … ne bénéficie pas de revenus, de pensions ou d’aides financières dans son pays d’origine et qu’elle ne possède pas de moyens d’existence propres.

Par décision du 6 janvier 2020, le ministre refusa de faire droit à la demande en obtention d’un visa long séjour en vue d’un regroupement familial dans le chef de Madame …, aux motifs suivants :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 9 juillet 2019, complétée par courrier reçu le 25 novembre 2019, citée sous objet.

Je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande de regroupement familial, étant donné que le lien de filiation qui vous unirait à Madame … n’est pas établi.

En effet, votre dossier comporte deux actes de naissance différents. Le premier, que vous avez versé lors de votre déclaration d’enregistrement d’un citoyen de l’Union en juillet 2011 indique que vous êtes la fille de …. Par contre, le deuxième acte de naissance, versé à l’appui de votre demande de regroupement familial, indique que vous seriez la fille de …. Ceci est d’autant plus étonnant, que vous avez par courrier du 7 novembre 2016 demandé un sursis à l’éloignement pour votre grand-mère et non votre mère. Il ressort en outre de la correspondance de l’avocat que vous aviez mandaté à cette époque et de nombreux autres éléments de votre dossier, que Madame … est bien votre grand-mère et pas votre mère. L’acte 2de naissance que vous avez produit, à deux reprises, dans le cadre de votre demande actuelle est donc un faux document où un document falsifié.

Madame … n’étant pas votre mère, elle ne peut donc pas bénéficier du droit de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union au sens de l’article 12 paragraphe 1 point d) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Par ailleurs, étant donné que vous avez fait usage d’un faux document pour obtenir de manière frauduleuse un droit de séjour pour Madame …, je vous informe que le séjour sur le territoire luxembourgeois lui est refusé conformément à l’article 25 (1) de la loi précitée.

Au vu de la photocopie de son passeport, je constate que Madame … est entrée sur les territoire des Etats Membres en date du 1er juillet 2019 à l’aide d’un visa de type C valable jusqu’au 14 août 2019. La durée de son séjour ne pouvant pas dépasser 31 jours, il est supposé qu’elle est rentrée dans son pays d’origine à l’expiration de la validité de son visa, respectivement à l’issue des 31 jours légaux.

Vous êtes donc invitée à me faire parvenir dans les meilleurs délais la preuve effective de son départ.

Au cas où Madame … continuerait à se maintenir sur le territoire, son séjour sera considéré comme irrégulier et une décision de retour sera prise à son encontre conformément à l’article 100, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée. […] ».

Suite au recours gracieux introduit le 10 janvier 2020 par Madame … à l’encontre de la décision précitée du 6 janvier 2020, le ministre invita celle-ci, par courrier recommandé du 12 février 2020, à lui expliquer les raisons pour lesquelles elle a indiqué dans sa demande de sursis à l’éloignement pour raisons médicales du 7 novembre 2016 que Madame … serait sa grand-mère et non pas sa mère.

Après avoir pris connaissance de la prise de position de Madame … du 15 février 2020, le ministre confirma, le 23 mars 2020, sa décision de refus initiale, à défaut d’éléments pertinents nouveaux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 2020, Madame … et Madame … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 6 janvier 2020 refusant de faire droit à la demande de regroupement familial dans le chef de Madame …, ainsi que de la décision ministérielle confirmative de refus du 23 mars 2020, intervenue sur recours gracieux.

Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de regroupement familial, respectivement d’autorisations de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit en la présente matière, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et en fait, les demanderesses affirment que Madame … aurait acquis la nationalité luxembourgeoise en mai 2018, à savoir postérieurement aux courriers des 10 octobre et 2 novembre 2017 dans le cadre desquels elle aurait confirmé au ministre qu’elle 3serait la fille non pas de Madame …, comme renseigné dans son acte de naissance initial, mais de Madame …, de nationalité congolaise.

Elles expliquent à cet égard que Madame … serait arrivée en Europe à l’âge de 12 ans comme étant la fille de Madame … qui, par la suite, se serait révélée être sa sœur et non pas sa mère. Madame … se serait mariée à Monsieur … qui aurait été incarcéré en 2017 pour une affaire d’abus sexuels, respectivement pour viol commis sur les enfants de son épouse, y compris Madame …. Au cours de l’instruction criminelle menée dans ce contexte, Monsieur … aurait révélé le véritable lien de filiation entre elles, à savoir que Madame … serait la fille de Madame …, état de fait dont Madame … aurait informé immédiatement les autorités officielles luxembourgeoises et françaises qui lui auraient demandé de procéder à la rectification de son acte de naissance, et suite à quoi la nationalité luxembourgeoise lui aurait été accordée.

Les demanderesses donnent ensuite à considérer qu’elles auraient versé à la demande de visa introduite pour compte de Madame … en 2019, l’acte de naissance rectifié renseignant celle-ci comme étant la mère biologique de Madame …, ainsi qu’une prise en charge sur base des dispositions de l’article 4 de la loi du 29 août 2008, tout en reprochant, à cet égard, au ministre d’avoir, d’un côté, accordé cette demande par décision du 27 février 2019, tout en refusant, de l’autre côté, celle tendant à obtenir dans le chef de Madame … un titre de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen luxembourgeois au motif que le lien de filiation avec sa mère ne serait pas établi à suffisance.

Elles ajoutent enfin qu’elles auraient suffisamment établi que Madame … vivrait au Congo dans un état de dépendance.

En droit, les demanderesses reprochent au ministre une appréciation erronée des faits, sinon une violation ou une fausse application de la loi.

Elles soutiennent, à cet égard, que ce serait à tort que l’autorité ministérielle reproche à Madame … d’avoir utilisé un faux document afin d’établir un lien biologique à l’égard de Madame …, tout en donnant à considérer qu’il ressortirait des éléments du dossier que ce n’aurait été qu’au courant de l’année 2017, à l’occasion de l’instruction de l’affaire pénale portant sur les abus sexuels commis par Monsieur …, que Madame … aurait été informée du fait que Madame … serait en réalité sa mère biologique. Il ne pourrait partant être retenu qu’elle aurait sciemment cherché à induire en erreur les autorités ministérielles, les demanderesses insistant à cet égard encore sur le fait que Madame … aurait toujours présenté les faits tels qu’ils auraient été portés à sa connaissance et qu’elle aurait, par ailleurs, pris soin d’informer les autorités luxembourgeoises et étrangères de la réalité de sa filiation avec Madame … dès qu’elle en aurait eu connaissance.

Les demanderesses reprochent ensuite au ministre d’avoir considéré à tort que les conditions légales pour bénéficier d’un titre de séjour en qualité de membre de famille au sens de l’article 12 paragraphe (1), point d) de la loi du 29 août 2008 ne seraient pas remplies dans leur chef.

Elles donnent à cet égard à considérer que suite à la révélation du lien de filiation biologique qui les unirait, elles auraient saisi les autorités judiciaires congolaises aux fins de procéder à la rectification de l’acte de naissance de Madame …, cela conformément aux instructions en ce sens du Procureur d’Etat de Diekirch qui aurait été préalablement saisi de la difficulté.

4 Elles considèrent que dans la mesure où l’autorité ministérielle aurait, en 2019, accepté la validité de l’acte de naissance rectifié pour accorder à Madame … un visa, celle-ci ne pourrait dénier à ce même document toute valeur probante.

Subsidiairement et toujours quant aux effets attachés à l’acte de naissance rectifié, les demanderesses invoquent la maxime « tu pataere legem quam ipse fecisti », en avançant que même si l’acte de naissance rectifié n’avait pas de valeur légale, il devrait néanmoins être retenu que l’autorité ministérielle l’aurait jugé suffisant pour retenir la filiation biologique entre elles, les demanderesses se prévalant encore à cet égard du principe de l’estoppel, interdisant à une partie de se contredire au préjudice d’autrui et s’opposant à ce qu’une partie adopte une position contraire à celle qui a été précédemment la sienne.

Les demanderesses critiquent ensuite les décisions ministérielles entreprises en ce qu’elles constitueraient, dans leur chef, une discrimination dès lors que l’autorité ministérielle n’aurait pas recours à un test ADN afin d’établir de manière certaine le lien de filiation entre elles. Elles critiquent à cet égard plus précisément l’impossibilité, pour elles, de faire établir de manière incontestable, au moyen d’un test ADN, leur lien de filiation alors que cette possibilité ne serait pas prévue par la loi du 29 août 2008 lorsque le regroupant est un citoyen de l’Union européenne, mais qu’elle serait toujours prévue pour les regroupants de ressortissants de pays tiers qui pourraient bénéficier des dispositions visées à l’article 73, paragraphe (2) de la même loi.

Les décisions critiquées violeraient ainsi le principe d’égalité de traitement devant la loi consacré par l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution alors que les luxembourgeois seraient victimes d’une discrimination à rebours par rapport au régime juridique dont bénéficieraient les ressortissants de pays tiers. L’article 10bis serait encore à apprécier ensemble avec l’article 111 de la Constitution, de sorte que tant les luxembourgeois que les étrangers bénéficieraient du droit constitutionnel à l’égalité, et ce indépendamment du fait qu’ils se trouveraient physiquement sur le sol luxembourgeois ou qu’ils y auraient été légalement admis.

Après avoir rappelé les termes de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », prévoyant les cas dans lesquels une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle, elles estiment finalement qu’il y aurait lieu, en l’espèce, de saisir la Cour Constitutionnelle alors que « la question » se poserait de manière pertinente.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement reprend, en substance, les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-dessus.

En droit et quant au lien de filiation et à la fraude reprochée, il explique qu’il existerait en l’espèce deux actes de naissance différents au nom de Madame …, à savoir un premier, dressé le 15 juin 2004 à la suite d’un jugement supplétif d’acte de naissance des autorités congolaises du 26 avril 2004, déclarant Madame … comme étant la mère de Madame … et ayant fait l’objet d’une transcription en France, et un deuxième, non transcrit, dressé le 21 octobre 2017 sur base d’un deuxième jugement supplétif des autorités congolaises du 11 août 2017 et déclarant, cette fois-ci, Madame … comme étant la mère biologique de Madame ….

5Il fait à cet égard état d’irrégularités dont serait frappé le deuxième acte de naissance, à savoir, d’une part, le recours à la procédure de l’établissement d’un jugement supplétif, conformément à l’article 157 du Code civil congolais, lequel ne serait prévu qu’en cas d’absence d’une déclaration antérieure de la naissance. Or, comme un premier acte de naissance existerait au nom de Madame …, le deuxième acte de naissance du 21 octobre 2017, se basant en réalité uniquement sur un deuxième jugement supplétif du 11 août 2017, aurait été dressé en violation des règles en vigueur. D’autre part, le deuxième acte de naissance du 21 octobre 2017 n’aurait jamais fait l’objet d’une quelconque transcription, le délégué du gouvernement rappelant, à cet égard, les termes de l’article 47 du Code civil selon lesquels un certificat de naissance établi à l’étranger et rédigé dans les formes prévues dans ce pays ferait foi sauf si d’autres pièces détenues établissent que l’acte est irrégulier ou que les faits y déclarés ne correspondent pas à la réalité. Il met dans ce contexte encore en exergue qu’après avoir été sollicité par un agent de l’administration communale de Sandweiler au vu des nombreuses incohérences dans le dossier, le substitut principal au Parquet auprès du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg aurait donné l’ordre de ne pas procéder à la transcription du deuxième acte de naissance du 21 octobre 2017 en raison de l’existence de sérieux doutes quant à l’authenticité de celui-ci.

Ce serait pour cette raison que le ministre aurait fait usage de l’article 25, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 afin de refuser l’autorisation de séjour litigieuse.

Quant à l’argumentation des demanderesses suivant laquelle la fraude ne pourrait être établie qu’à l’issue d’une instruction pénale, de sorte que la preuve de la fraude ne serait pas rapportée en l’espèce, le délégué du gouvernement, tout en se prévalant d’un arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2013, inscrit sous le numéro 33198C du rôle, ayant retenu que « Tout juge a le pouvoir de constater le caractère vicié d’une pièce, sans être obligé de recourir à la procédure du faux incident, lorsque celui-ci s’impose avec évidence, la procédure du faux incident étant une faculté pour le juge et non une obligation », soutient qu’au vu des irrégularités dont serait affecté le deuxième acte de naissance du 21 octobre 2017 et en présence d’un comportement faisant preuve d’une volonté de contourner les règles de droit en vigueur en vue de l’usage d’un faux, le ministre aurait été en droit refuser l’autorisation de séjour litigieuse.

Il ajoute encore que s’il était vrai que les demanderesses ont versé, en phase contentieuse et donc après la prise des décisions attaquées, un rapport d’expertise génétique prouvant a priori le lien biologique entre elles, il n’en demeurerait pas moins que les autorités luxembourgeoises exigeraient un acte de naissance établi conformément « aux règles de droit en vigueur », prouvant le lien de filiation, régulièrement transcrit, afin de pouvoir donner une suite favorable à une demande de regroupement familial. Or, un tel acte de naissance ferait défaut en l’espèce.

En ce qui concerne enfin la question de la saisine de la Cour Constitutionnelle, le délégué du gouvernement, après avoir rappelé les termes de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, relève que la loi du 29 août 2008 n’interdirait pas à un luxembourgeois respectivement à une personne disposant de la citoyenneté communautaire d’avoir accès aux techniques modernes telles qu’un test ADN pour confirmer sinon établir une filiation en vue de la délivrance d’un titre de séjour en qualité de membre de famille. Il soutient que même si aucun article similaire à l’article 73, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008, permettant au ministre « […] pour obtenir la preuve de l’existence de liens familiaux, […] [de] procéder à des entretiens avec le regroupant ou les membres de famille, ainsi qu’à tout examen et toute enquête jugés utiles », n’était prévu dans 6la partie « sur le droit d’entrée, de séjour et de sortie des membres de la famille du citoyen de l’Union », il n’en demeurerait pas moins que dans ces cas, le ministre pourrait aussi procéder aux vérifications qu’il estime utiles. Or, en l’état actuel du dossier, et compte tenu du fait que les demanderesses auraient elles-mêmes entretemps eu recours à un test ADN, versé aux débats, la question de la saisine de la Cour Constitutionnelle en application de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 ne serait plus d’actualité et donc à rejeter.

Dans leur mémoire en réplique, les demanderesses contestent tout comportement frauduleux dans leur chef, en insistant plus particulièrement sur le fait que ce serait de bonne foi qu’elles se seraient prévalues d’un jugement supplétif obtenu par les autorités judiciaires de leur pays d’origine et qu’elles auraient invoqué l’acte de naissance du 21 octobre 2017 subséquemment obtenu, lequel correspondrait, selon elles, à la réalité.

Elles reprochent dans ce contexte à la partie étatique de ne pas rapporter la preuve de l’existence d’une quelconque fraude dans leur chef, en insistant sur le fait qu’elles pourraient tout au plus se voir reprocher de ne pas avoir respecté les règles procédurales qui auraient dû les conduire à demander la transcription de l’acte de naissance rectifié obtenu par elles en date du 21 octobre 2017. Or, le non-respect d’une règle de procédure ne pourrait être assimilé à une tentative de fraude dans le chef de celui qui, de bonne foi, s’en rend responsable, les demanderesses estimant en effet qu’il aurait appartenu à l’autorité ministérielle, plutôt que d’invoquer une fraude à leur égard pour les débouter in fine de leur demande, de solliciter de leur part qu’elles régularisent la procédure. Ainsi, l’autorité ministérielle devrait participer activement à l’instruction d’une demande de titre de séjour et cela spécialement lorsque, comme en l’espèce, le justiciable, n’étant pas assisté d’un conseil durant la phase précontentieuse de sa demande, se trouverait confronté à des problématiques juridiques aigües, les demanderesses se prévalant encore dans ce contexte de l’obligation de collaboration procédurale de l’administration prévue par l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse.

Elles renvoient ensuite à certains documents lesquels, bien qu’ils soient postérieurs aux décisions déférées, seraient destinés à prouver leur bonne foi, à savoir (i) un rapport d’expertise génétique qui établirait la réalité de leur filiation et (ii) l’annulation de l’acte de naissance initial et un jugement supplétif d’acte de naissance sur base duquel serait établi un nouvel acte de naissance.

Elles soutiennent enfin que ce serait à tort que la partie étatique s’oppose à la saisine de la Cour Constitutionnelle en avançant que le ministre ne procèderait jamais à un test ADN du regroupé ressortissant de pays tiers alors qu’aucun texte légal ne le lui permettrait, et en soulignant qu’un tel test leur aurait permis d’asseoir leurs droits, respectivement d’établir la filiation entre elles.

Au vu de ce qui précède, les décision ministérielles entreprises encourraient l’annulation.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement critique les demanderesses pour avoir versé à l’appui de leur mémoire en réplique un énième acte de naissance, tout en soulignant que ce troisième acte n’aurait pareillement pas fait l’objet d’une transcription au Luxembourg. Il soulève, par ailleurs, que si le contenu du nouvel acte de naissance était identique à celui du deuxième acte de naissance du 21 octobre 2017, il ressortirait toutefois des jugements nouvellement versés que les précédents actes de naissance auraient été annulés pour cause d’« erreur matérielle », soit pour inexactitude. Il reproche dans ce contexte aux 7demanderesses d’avoir entamé des démarches en ce sens uniquement en raison de l’obstacle insurmontable lié à la transcription du deuxième acte de naissance au Luxembourg, transcription qui serait en effet refusée en raison des irrégularités dont l’acte, désormais annulé, serait frappé, tout en rappelant, à cet égard, que le substitut principal au Parquet auprès du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg aurait donné l’ordre de ne pas procéder à la transcription du deuxième acte de naissance du 21 octobre 2017 en raison de l’existence de sérieux doutes quant à son authenticité.

Quant au prétendu comportement frauduleux, il rappelle le principe suivant lequel nul n’est censé ignorer la loi, tout en soulignant à cet égard que Madame … serait juriste de formation et qu’elle aurait exercé en tant qu’avocate au Barreau de Luxembourg.

S’agissant du reproche d’un défaut de collaboration de la part de l’administration, il avance que les autorités ministérielles auraient collaboré à de maintes reprises à la constitution du dossier, et notamment en dates des 24 septembre 2019 et 12 février 2020, lorsqu’ils auraient demandé soit des documents, soit des explications supplémentaires afin de pouvoir prendre une décision éclairée et motivée.

En ce qui concerne l’affirmation des demanderesses suivant laquelle « l’autorité ministérielle se doit en effet de participer activement à l’instruction d’une demande de titre de séjour et cela spécialement lorsque comme en l’espèce le justiciable qui n’était pas assisté d’un conseil durant la phase précontentieuse de sa demande se trouve confronté à des problématiques juridiques aiguës. », il rappelle que Madame … serait elle-même juriste et qu’elle aurait été inscrite au Barreau de Luxembourg, tout en ajoutant que les autorités ne sauraient agir comme conseil et de par-là amoindrir le rôle des avocats.

Enfin, quant à la question de la saisine de la Cour Constitutionnelle, il réitère son argumentation suivant laquelle, en l’état actuel du dossier, et compte tenu du résultat du test ADN versé aux débats en phase contentieuse, la question ainsi soulevée ne serait plus d’actualité et donc à rejeter.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement déclare maintenir l’intégralité de ses conclusions contenues dans son mémoire en réponse du 14 décembre 2020.

Aux termes de l’article 12 de la loi du 29 août 2008 : « (1) Sont considérés comme membres de la famille : […] d) les ascendants directs à charge du citoyen de l’Union et les ascendants directs à charge du conjoint ou du partenaire visé au point b). […] ».

En vertu de l’article 14 de la même loi « (1) Les membres de la famille définis à l’article 12 qui sont eux-mêmes citoyens de l’Union, bénéficient d’un droit de séjour tel que prévu à l’article 6, s’ils accompagnent ou rejoignent un citoyen de l’Union. Ce droit de séjour s’étend également aux membres de la famille qui sont des ressortissants de pays tiers s’ils accompagnent ou rejoignent un citoyen de l’Union, qui lui-même satisfait aux conditions énoncées à l’article 6, paragraphe (1), points 1 ou 2. […] », étant précisé que l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 consacre le droit du citoyen de l’Union européenne de séjourner sur le territoire pour une durée de plus de trois mois s’il remplit l’une des conditions y énoncées.

8L’article 12, ensemble l’article 14 de la loi du 29 août 2008 consacrent dès lors le droit du ressortissant de pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne de rejoindre ce citoyen de l’Union disposant d’ores et déjà du droit de séjourner sur le territoire, à condition de rentrer dans l’un des cas de figure prévus par l’article 12, précité.

En ce qui concerne les documents à produire dans le cadre d’une telle demande de regroupement familial, l’article 15 de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « (1) Pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, les membres de la famille du citoyen de l’Union doivent soit se faire enregistrer, s’ils sont eux-mêmes citoyens de l’Union, soit, s’ils sont ressortissants d’un pays tiers, faire une demande de carte de séjour, dans les trois mois suivant leur arrivée, auprès de l’administration communale du lieu de leur résidence, d’après les modalités à déterminer par règlement grand-ducal, et ce sans préjudice des réglementations existantes en matière de registre de la population.

(2) Pour la délivrance de l’attestation d’enregistrement ou de la carte de séjour, les membres de la famille doivent présenter les documents déterminés par règlement grand-ducal.

[…] ».

L’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 portant exécution de certaines dispositions relatives aux formalités administratives prévues par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration dispose comme suit : « Pour la délivrance de l’attestation d’enregistrement prévue à l’article 15 de la loi, les membres de la famille des personnes visées à l’article 2 qui sont eux-mêmes citoyens de l’Union ou ressortissants d’un des pays assimilés, se présentent à l’administration communale du lieu de leur résidence, munis de leur carte d’identité nationale ou de leur passeport en cours de validité et produisent, selon le cas : […] 3. dans les cas visés à l’article 12, paragraphe (1), point c) et point d) de la loi, les pièces justificatives attestant que les conditions énoncées dans cette disposition sont remplies ; […] ».

Ainsi, en vue de la délivrance de l’attestation d’enregistrement ou de la carte de séjour prévues à l’article 15 de la loi du 28 août 2008, l’ascendant direct du citoyen de l’Union désirant rejoindre celui-ci, doit être en possession d’un passeport en cours de validité et produire les pièces justificatives attestant que les conditions énoncées à l’article 12, paragraphe (1), point d) de la même loi sont remplies, à savoir qu’il existe un lien de filiation entre lui et le regroupant et qu’il est à charge du regroupant.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame … est à considérer comme citoyenne de l’Union européenne au sens de l’article 6 de la loi du 29 août 2008.

S’il n’est pas non plus contesté en cause que les ascendants directs ont, en principe, droit à la délivrance d’un visa longue durée en vue d’un regroupement familial, le ministre met toutefois en doute le lien de filiation entre Madame … et Madame … et plus particulièrement le fait que cette dernière est l’ascendante directe de la première alors que le dossier contiendrait deux actes de naissance différents, l’un désignant Madame … comme étant la fille de Madame …, et l’autre la désignant comme étant la fille de Madame …, tout en estimant, de surcroît, que le deuxième acte de naissance produit dans le cadre de la demande de regroupement familial litigieuse serait à qualifier de document falsifié.

Force est de constater que pour prouver leur lien de filiation, les demanderesses se prévalent plus particulièrement de l’acte de naissance du 21 octobre 2017 versé à l’appui de leur demande de regroupement familial, ainsi que d’un rapport d’expertise génétique du 11 9septembre 2020 et d’un acte de naissance du 19 octobre 2020, versés en cours de procédure contentieuse.

Il échet à cet égard de relever que s’il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue : en effet, il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile1.

En revanche, au cas où de nouveaux éléments de preuve sont produits au cours de l’instance contentieuse, permettant d’apprécier différemment la situation factuelle ayant existé au moment de la prise de la décision, le juge peut et doit les prendre en considération et, le cas échéant, annuler la décision administrative qui ne procède alors pas forcément d’une erreur en fait ou en droit, mais qui a été prise sur base d’une information incomplète. Dénier à l’administré, non le droit de se prévaloir en cours d’instance de faits nouveaux, droit qu’il n’a pas, mais celui de produire de nouveaux éléments de preuve se rapportant à la situation ayant existé au moment de la prise de la décision attaquée, reviendrait à le priver, le cas échéant, de la possibilité d’obtenir une décision prise sur la base de l’ensemble des éléments d’appréciation ayant existé au moment de la prise de la décision et correspondant ainsi à la situation réelle du moment, l’administration n’étant en effet pas obligée de reconsidérer une décision qu’elle a prise sans qu’un fait nouveau ne se soit produit2.

En ce qui concerne dès lors le rapport d’expertise génétique du 11 septembre 2020 et l’acte de naissance du 19 octobre 2020 versés en cours de procédure contentieuse, il échet de relever que même si lesdites pièces sont postérieures aux décisions entreprises et que le ministre n’avait pas connaissance de celles-ci au moment où il a statué, il n’en demeure pas moins qu’elles ont pour objet d’établir le lien de filiation entre les demanderesses et qu’elles se rapportent donc à une situation factuelle ayant existé au moment de la prise des décisions par le ministre et correspondant ainsi à la situation réelle du moment, de sorte qu’elles doivent être admises aux débats.

S’agissant du lien de filiation biologique entre Madame … et Madame …, contesté par le ministre, le tribunal constate qu’il ressort du rapport d’expertise génétique du 11 septembre 2020, dont la valeur probante n’est pas autrement remise en cause par la partie étatique, que ledit lien est établi à 99,999%, le rapport d’expertise génétique en question retenant, en effet, que « Die Wahrscheinlichkeit für die Mutterschaft der Frau … beträgt 99,999%. […] Damit ist es als praktisch erwiesen anzusehen, dass es sich bei Frau … um die genetische Mutter von Frau … handelt. […] ».

Au vu de ces considérations, c’est à tort que le ministre a retenu que le lien de filiation qui unirait Madame … à Madame … ne serait pas établi en l’espèce.

1 Trib. adm., 27 avril 2011, n° 27076 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 26 et les autres références y citées.

2 Cour adm., 20 mars 2014, n° 33780C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 27 et les autres références y citées.

10Quant au deuxième motif de refus, à savoir l’affirmation que les demanderesses auraient fait usage d’un faux, il y a lieu de relever que l’article 25, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 dispose qu’« En cas de non-respect des conditions visées à l’article 24, paragraphes (1) et (2) ou en cas d’abus de droit ou de fraude, le citoyen de l’Union et les membres de sa famille peuvent faire l’objet d’une décision de refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’une carte de séjour ou d’un retrait de celle-ci et, le cas échéant d’une décision d’éloignement. », de sorte que le ministre peut, s’il constate que le citoyen de l’Union et les membres de sa famille ont commis une fraude, leur refuser le séjour.

Or, et encore que tout juge a le pouvoir de constater le caractère vicié d’une pièce sans être obligé de recourir à la procédure du faux incident, lorsque celui-ci s’impose avec évidence, - étant, à cet égard, relevé que la procédure du faux incident est une faculté pour le juge et non une obligation3 -, de sorte que lorsqu’il apparaît qu’une pièce est viciée, le tribunal peut la rejeter, il n’existe dans le dossier pas suffisamment d’éléments qui permettent au tribunal de conclure avec évidence au caractère vicié de l’acte de naissance du 21 octobre 2017 litigieux, étant relevé que le seul fait qu’il existe dans le dossier deux actes de naissance différents n’est, au vu des éclaircissements circonstanciés à cet égard par les demanderesses et non autrement remis en cause par la partie étatique, - les demanderesses expliquant en effet que ce n’aurait été qu’au cours de l’instruction criminelle en 2017 à l’encontre de Monsieur …, donc postérieurement à la demande de sursis à l’éloignement du 7 novembre 2016, que Madame … aurait eu connaissance de son vrai lien biologique avec Madame … et qu’elle aurait entamé des démarches afin de voir son acte de naissance rectifié -, pas suffisant à cet égard.

Il en est de même en ce qui concerne l’affirmation non autrement sous-tendue par un document probant de la partie étatique suivant laquelle l’article 157 du Code civil congolais ne serait applicable qu’en cas d’absence d’une déclaration antérieure de la naissance ou encore le constat suivant lequel l’acte de naissance du 21 octobre 2017 ne serait pas transcrit, dans la mesure où ces éléments ne permettent pas à eux seuls, à défaut d’autres éléments concluants, de retenir que les demanderesses ont commis une fraude.

Si certes, tel que cela résulte d’un courrier électronique du 8 mai 2020, le substitut principal du Parquet de Luxembourg a ordonné à l’administration communale de Sandweiler de ne pas procéder à la transcription de l’acte de naissance du 21 octobre 2017 en raison de l’existence d’un acte de naissance antérieur déjà transcrit en France, contenant des indications contraires, cet état de fait, mis à part le constat qu’il est postérieur aux décisions entreprises, de sorte à ne pouvoir, de toute façon, pas affecter la légalité ou le bien-fondé de celles-ci, est, de surcroît, à lui seul insuffisant, à défaut d’autres éléments concluants, telles une vérification d’authenticité officielle ou une condamnation pénale définitive pour usage de faux, pour permettre au tribunal de retenir en l’espèce le caractère vicié de l’acte de naissance litigieux sans être obligé de recourir à la procédure du faux incident. Ceci est d’autant plus vrai alors que, tel que retenu ci-avant, il se dégage du rapport d’expertise du 11 septembre 2020 versé en cause, que Madame … est effectivement la mère biologique de Madame …, confirmant ainsi a priori les indications contenues dans l’acte de naissance litigieux.

Cette même conclusion s’impose en ce qui concerne le jugement supplétif d’acte de naissance du 31 juillet 2020 et l’acte de naissance du 19 octobre 2020 versés à l’appui du mémoire en réplique des demanderesses, alors qu’aucun élément ne permet, à ce stade du 3 Cour. adm., 9 décembre 2014, n° 35141C, disponible sous www.jurad.etat.lu.

11dossier et en l’absence de contestations circonstanciées sous-tendues par des pièces probantes de la part de l’Etat, de conclure au caractère vicié des actes en question.

Au vu de ce qui précède et à défaut d’éléments concluants permettant de retenir que les demanderesses ont commis une fraude, c’est dès lors également à tort que le ministre s’est basé sur l’article 25 de la loi du 29 août 2008 pour refuser le regroupement familial dans le chef de Madame ….

Il s’ensuit et à défaut de tout autre motif de refus, que c’est à tort que le ministre a refusé d’accorder à Madame … une autorisation de séjour telle que visée par l’article 12, paragraphe (1), point d) de la loi du 29 août 2008, de sorte qu’il y a lieu d’annuler les décisions déférées des 6 janvier et 23 mars 2020 et de renvoyer le dossier devant le ministre en prosécution de cause.

Au vu de l’issue du litige, la question tendant à la saisine de la Cour Constitutionnelle, formulée dans le dispositif de la requête introductive d’instance de la manière suivante :

« L’impossibilité faite aux citoyens de l’union communautaire d’établir leur filiation au moyen de tout examen généralement quelconque au titre desquels le test ADN, alors même que cette possibilité est légalement donnée aux citoyens non communautaires par application de l’article 73 (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, est-elle rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée au but fixé par le législateur, et donc conforme au principe d’égalité de traitement devant la loi prévu à Particle10 bis de la Constitution », est à rejeter pour défaut de pertinence.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié, partant annule les décisions déférées des 6 janvier et 23 mars 2020 et renvoie le dossier devant le ministre en prosécution de cause ;

rejette la demande de saisine de la Cour Constitutionnelle ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 juin 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn 12Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 juin 2022 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 44791
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-06-22;44791 ?

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