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21/06/2022 | LUXEMBOURG | N°45251

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2022, 45251


Tribunal administratif N° 45251 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2020 4e chambre Audience publique du 21 juin 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45251 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2020 par la société en commandite simple Kleyr Grasso, SCS, établie à L-2361 Strassen, 7, rue des Primeurs, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le nÂ

° B220509, représentée par son gérant, la société à responsabilité limitée Kleyr Gra...

Tribunal administratif N° 45251 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2020 4e chambre Audience publique du 21 juin 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45251 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2020 par la société en commandite simple Kleyr Grasso, SCS, établie à L-2361 Strassen, 7, rue des Primeurs, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° B220509, représentée par son gérant, la société à responsabilité limitée Kleyr Grasso GP SARL, établie à la même adresse, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° B220442, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente par Maître Rosario Grasso, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à .., demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Sécurité intérieure du 21 août 2020 prononçant la peine disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de la dignité de ses fonctions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 mars 2021 par la société en commandite simple Kleyr Grasso SCS, préqualifiée, pour le compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 avril 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Rosario Grasso et Madame le délégué du gouvernement Cindy Coutinho en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 janvier 2020.

En date du 13 novembre 2016, le Centre d’intervention principal Luxembourg de la police grand-ducale dressa un rapport, inscrit sous le n° 22292/2016, contre Monsieur …, inspecteur adjoint de la police grand-ducale, pour coups et blessures volontaires ayant entraîné une maladie ou une incapacité de travail dans le chef Monsieur ….

En date du même jour et suite au placement de Monsieur … en détention préventive, le directeur général de la police grand-ducale, ci-après dénommé « le directeur général », suspendit ce dernier de l’exercice de ses fonctions, décision qui fut confirmée par un arrêté du ministre de la Sécurité intérieure, ci-après dénommé « le ministre », du 18 novembre 2016.

Toujours en date du 13 novembre 2016, Monsieur … accusa réception d’une notification d’ouverture d’une instruction disciplinaire à son encontre, référencée sous le n° 2016/35489/2365MH.

Par un courrier de l’inspecteur général de la police, dénommé ci-après « l’inspecteur général », du 23 avril 2019, Monsieur … fut informé de la reprise de son affaire disciplinaire par l’inspection générale de la police, dénommée ci-après « l’IGP ».

Par un jugement du 10 octobre 2019, portant le numéro 2379/2019, le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, treizième chambre, siégeant en matière correctionnelle, déclara Monsieur … convaincu de l’infraction de coups et de blessures commis au préjudice de Monsieur …, tout en ordonnant une expertise médicale sur la question de savoir si les coups subis par Monsieur … avaient causé une maladie paraissant incurable ou une incapacité permanente de travail.

En date du 26 novembre 2019, les instructeurs de l’IGP clôturèrent leur enquête par un rapport de synthèse de l’instruction disciplinaire portant le n° IGP/DIS/2019/56-31. Monsieur … fut informé de ladite clôture par un courrier de l’inspecteur général du 19 décembre 2019, avec information de la possibilité de prendre inspection du dossier et de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

En date du 10 janvier 2020, Monsieur … se fit remettre, en mains propres, une copie du dossier d’instruction disciplinaire.

Le 21 janvier 2020, le dossier disciplinaire fut transmis par l’inspecteur général au directeur général.

Par un courrier du 12 mai 2020, le directeur général transmit le dossier disciplinaire au Conseil de discipline de la police grand-ducale, dénommé ci-après « le Conseil de discipline », qui prit en date du 23 juillet 2020 l’avis suivant :

« (…) Vu le dossier disciplinaire constitué à charge de …, inspecteur, né le … à …, demeurant à L-…, transmis le 29 mai 2020 au Président du Conseil de discipline de la Police grand-

ducale par le Directeur Général de la Police grand-ducale.

Vu la convocation de l'inculpé pour l'audience du Conseil de discipline du 25 juin 2020 à 14.30 heures.

Sur le rapport de son président à cette audience.

Entendu l'inculpé …, assisté de son avocat Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, demeurant à Strassen, en ses explications et déclarations personnelles.

Le 13 novembre 2016 … s'est vu notifier qu'il faisait l'objet d'une information judiciaire ainsi que d'une instruction disciplinaire pour les faits qui se sont déroulés le 13 novembre 2016 dans la discothèque … et pour lesquels le procès-verbal n° 22292 du centre d'intervention de Luxembourg a été dressé.

Par lettre recommandée du 23 avril 2019 … a été informé que l'Inspection générale de la Police (ci-après: l'IGP) avait repris l'instruction disciplinaire.

L'instruction disciplinaire a été clôturée le 19 décembre 2019.

Suivant procès-verbal de remise du 10 janvier 2020 … s'est vu remettre une copie du dossier d'instruction, conformément à l'article 27 de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale. A la suite de cette notification des faits, … n'a pas présenté d'observations écrites.

Dans le cadre de l'instruction disciplinaire, …, a été entendu le 18 novembre 2019, quant aux faits. Lors de cette audition il n'a pas contesté des faits mis à sa charge.

Conformément à l'article 41 de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale, la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la force publique n'est plus applicable. L'article 23 de la loi précitée du 18 juillet 2018 dispose que l'instruction disciplinaire appartient à l'IGP. La procédure est dès lors régulière.

Les faits sur lesquels se base la présente procédure disciplinaire sont plus particulièrement repris dans le dossier d'instruction et résultent d'un jugement rendu par le tribunal correctionnel du 10 octobre 2019 :

« 1. Les faits :

Les éléments du dossier répressif et l'instruction à l'audience ont permis d'établir les faits suivants:

Le prévenu … et … ont entretenu une relation amoureuse à partir du mois de juin 2016.

La relation s'est avérée difficile de sorte que plusieurs ruptures et réconciliations se suivirent avant que … ne mît définitivement un terme à cette relation à la fin du mois de septembre 2016.

Après la rupture définitive, … a envoyé un nombre important de textos à …, l'a appelée sans répit, s'est rendu à son domicile et à son lieu de travail et a essayé d'entrer en contact avec elle à travers ses parents. Même après que … insistait pour que le prévenu la laisse en paix, ce dernier n'a pas voulu entendre raison et a continué à la harceler par des appels téléphoniques et des messages répétés.

Suite à la séparation d'…, … s'est mise en couple avec ….

La nuit du 12 au 13 novembre 2016, … et … se sont rendus à la discothèque …. Le soir en question, ils étaient en compagnie de … et d'….

A un moment donné, …, qui avait préalablement fréquenté le café … sis à Esch-sur-

Alzette, puis les cafés … et … à Luxembourg Ville, s'est également rendu à la discothèque … où il a croisé le chemin de … et de ….

Tel qu'il ressort des témoignages recueillis en cause, … s 'est approché du groupe formé par …, …, … et … pour engager une discussion avec …. Après un bref échange verbal avec le prévenu, … a décidé de quitter la discothèque. Elle s'est dirigée vers la sortie avec …, ce dernier la tirant par le bras. Ce dernier geste a passablement énervé le prévenu et l'a incité à s'en prendre à … en lui donnant une gifle pour ensuite lui porter un premier coup de poing au visage.

Il ressort des images du système de vidéo-surveillance de la discothèque … que … n'a à aucun moment riposté à l'agression commise par le prévenu et qu'il a uniquement essayé de couvrir sa tête avec son bras et à protéger en même temps … des coups d'….

Il ressort encore des mêmes enregistrements que deux personnes sont intervenues pour empêcher le prévenu de porter davantage de coups à sa victime et qu'ils ont réussi, pendant un bref moment, à séparer … de … mais que le prévenu est revenu à charge et a encore porté plusieurs coups ciblés contre la tête et le visage de … Ce dernier a essuyé six à sept coups de poing violents au niveau de sa tête et de son visage.

Ni la police, ni les secours n'ont été informés après l'agression de … et ce dernier a été transporté aux urgences de l'hôpital de garde par ….

A l'hôpital, le médecin urgentiste, Dr. … a constaté que … présentait un hématome péri orbitaire droit et un traumatisme crânien. L'examen au scanner a révélé la présence de solution de continuité du plancher orbitaire droit avec hernie de graisse intra-orbitaire et l'incarcération partielle du muscle droit inférieur sans hémosinus. Le médecin en question a noté une incapacité de travail temporaire de 6 semaines dans le chef de ….

Pendant que … se trouvait encore à l'hôpital pour attendre le résultat des examens auxquels fut soumis …, … a encore essayé de la contacter par téléphone.

Par la suite, … qui s'était rendu à l'hôpital d'Esch-sur-Alzette afin de faire constater ses blessures, a été interpellé par la police qui avait été mise au courant de l'agression de … par un concours de circonstances. Le prévenu a ensuite été placé en garde à vue sur ordre du Parquet.

L'enquête concernant l'agression de … a été confiée aux agents de l'Inspection générale de la Police et le Juge d'instruction saisi a ordonné une expertise médico-légale au sujet des blessures subies par la victime.

Aux termes de son rapport d'expertise du 8 mai 2017, le médecin légiste Dr. …a retenu que les blessures subies par … n'étaient pas de nature à engager le bilan vital de la victime ni qu'elles n'étaient susceptibles d'impliquer des complications de nature à mettre en danger les jours de …. L'expert a par ailleurs retenu que les blessures causées ont entraîné une incapacité de travail temporaire et qu'il n'y a pas lieu à s'attendre à des séquelles persistantes ou à la perte de l'usage d'un organe.

Il ressort des déclarations de … faites à l'audience du 24 septembre 2019 qu'il souffre encore actuellement des conséquences de l'agression plus précisément de diplopie et d'une sténose du canal lacrymonasal. Il a ajouté qu'il a souffert d'importants troubles psychiques après les faits et qu'il a entamé un suivi psychologique qu'il poursuit encore à l'heure actuelle.

Il a en outre précisé qu'il n'a pas pu reprendre le service actif au sein de l'unité de la police à laquelle il était affecté avant son agression et qu'il effectue pour l'instant un travail de bureau.

Les déclarations de … sont étayées par divers certificats médicaux remis au Tribunal.

Tant lors de son audition par l'enquêteur de l'Inspection générale de la Police que devant le magistrat instructeur ainsi qu'à l'audience, … a avoué avoir porté plusieurs coups contre la tête de … sans que ce dernier ne l'eût agressé ou provoqué d'une quelconque manière.

… a indiqué qu'il n'a pas pu tirer un trait sous sa relation avec … et qu'il est entré dans un état de rage quand il a vu que son nouvel compagnon la tirait vers lui qu'il n'a plus contrôlé ses gestes et qu'il a tabassé ce dernier ».

L'inculpé … se voit reprocher la méconnaissance des devoirs suivants imposés par la loi du 18 juillet 2018 :

- les policiers subordonnent leur intérêt personnel à l'intérêt du service (art. 6) - les policiers doivent, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de leurs fonctions, éviter tout ce qui pourrait nuire à l'image de la police, porter atteinte à la dignité de leurs fonctions ou à leur capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service (art. 7 (1) ) - les policiers se comportent avec dignité et civilité envers les autorités publiques, leurs supérieurs hiérarchiques, leurs subordonnés et envers les citoyens qu'ils traitent avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination (art. 7 (2)) Les faits non contestés reprochés à … sont donc les suivants :

« En début de la matinée du 13 novembre 2016 … fréquentait la discothèque « … » située à L-… Luxembourg …. À un moment donné il a porté des coups et blessures volontaires à … notamment en le frappant au visage et sur tout le corps. Les blessures infligées à … ont entraîné une incapacité de travail personnel prolongée et il risque désormais de souffrir d'une maladie paraissant incurable. Une expertise médicale, demandée par le Tribunal correctionnel, aura influence sur la peine pénale prononcée à l'égard d'… ».

A la suite de ces faits … a été en détention préventive pendant 2 mois.

Il est dès lors établi que le 13 novembre 2016 … a porté des coups d'une extrême violence sur la personne de …, qui lui-même a joué un rôle totalement passif. Ce n'est que depuis peu que … a pu reprendre un travail de bureau auprès de la police et cela à l'issue de longues périodes de convalescence à la suite d'un certain nombre d'interventions chirurgicales.

Il n'est pas contesté qu'… a fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 6 janvier 2017 pour avoir porté des coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail de 5 jours le 1er janvier 2016 à une personne se trouvant par terre.

Il n'est pas contesté non plus qu'… a été impliqué dans une bagarre violente le 14 février 2016 qui lui a valu une condamnation à une peine de prison de 5 mois assortie du sursis pour coups et blessures volontaires par un jugement rendu par le tribunal correctionnel le 15 juillet 2019. Il convient cependant de relever qu'il a fait interjeter appel contre cette décision, alors qu'il estime qu'il était en état de légitime défense.

… reconnaît qu'il était dans une mauvaise passe lors de la survenance de ces faits qui étaient liés également à une consommation abusive de boissons alcoolisées.

… affirme qu'il est en traitement psychiatrique pour ces troubles de la personnalité qui s'exprimaient notamment par une particulière violence et des troubles bi-polaires. Il soutient suivre un traitement médicamenteux pour en réduire les effets. Le Conseil de discipline ne dispose cependant d'aucun certificat médical circonstancié attestant un suivi médical, une amélioration de son état de santé mental, une prise en charge de ses excès éthyliques et des perspectives prometteuses. Il est vrai qu'… a versé un certificat médical du Dr …, médecin spécialiste en psychiatrie, qui d'ailleurs ne semble même pas avoir été au courant du fait qu'… s'est comporté de façon particulièrement violente à trois reprises. Le Dr … se limite à évoquer vaguement les faits qui font l'objet de la présente affaire disciplinaire. Il ne fait pas état d'un traitement médicamenteux. Il conclut comme suit : « D'une façon générale, on assiste à une véritable maturation, en fonction aussi du désir de tirer les leçons nécessaires de ce qui s'est passé ». Il est difficile de qualifier ce certificat de bilan positif.

Maître GRASSO fait valoir que le 12 juillet 2016 … a fait l'objet de félicitations pour avoir sauvé un individu d'un véhicule en feu, de sorte que son aptitude pour la profession de policier ne serait pas à mettre en doute. Me GRASSO donne encore à considérer qu'… devrait pouvoir bénéficier d'un changement d'administration, pour le cas où le Conseil de discipline devait considérer que son maintien dans la police n'est plus possible.

L'application des sanctions disciplinaires se règle d'après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l'emploi et les antécédents de l'inculpé.

… est entré au service de la police le 20 septembre 2014, comme inspecteur adjoint. Il était volontaire de police depuis le 20 septembre 2012. Il a actuellement le rang d'inspecteur et cela depuis le 20 septembre 2017, c.à.d. postérieurement aux faits et postérieurement à sa suspension. Il a un antécédent disciplinaire qui a été mentionné précédemment.

Le Conseil de discipline considère que les faits sont d'une extrême gravité. La violence inouïe et gratuite avec laquelle … s'est acharné en public sur la personne de … en le blessant grièvement à la tête, pour la simple raison que ce dernier sortait avec son ancienne copine, et ce en l'absence de tout signe ou acte de provocation de la part de … qui pour le surplus est resté totalement passif face à son attaquant, rend inconcevable son maintien dans les rangs de la Police grand-ducale. Le Conseil de discipline ne voit pas comment il serait possible de confier à l'avenir à … une quelconque mission de police impliquant notamment un port d'armes.

Comme il résulte par ailleurs du dossier disciplinaire que les faits qui se sont déroulés le 13 novembre 2016 n'étaient pas des faits isolés, mais qu'ils ont suivi deux autres faits qui ont eu lieu au courant de l'année 2016 où … a fait preuve d'un seuil de tolérance très bas à la frustration se traduisant par un comportement violent, le Conseil de discipline considère qu'il serait tout aussi inconcevable et il paraîtrait incompréhensible aux yeux du public, qu'un policier ayant manqué de manière aussi flagrante et de manière répétitive à ses devoirs les plus élémentaires puisse continuer à faire partie de la fonction publique même dans une autre administration. D'une façon générale, le Conseil de discipline considère que les traits de caractère d'… documentés au dossier et sa propension à user gratuitement de violences graves est incompatible avec toute activité de service public.

… donne à considérer qu'il se trouvait dans une mauvaise période de sa vie lorsque ces trois faits ont eu lieu. Il faut cependant constater que son jeune âge et, surtout sa très jeune carrière, ne permettent pas d'avoir un quelconque recul dans le temps pour évaluer le comportement d'… sur une période suffisamment longue, de sorte que rien ne permet d'admettre que la survenance de ces faits était exceptionnelle. Il faut en revanche constater qu'… n'a tiré aucune leçon, ni du premier, ni du deuxième fait violent. S'il avait, dès le 1er janvier 2016, lors du premier fait, compris que son comportement violent devait le pousser à se remettre en question, les faits du 13 novembre 2016 ne se seraient peut-être jamais produits.

Le Conseil de discipline propose dès lors d'appliquer à …, au vu de l'extrême gravité des faits établis à sa charge, la sanction disciplinaire prévue à l'article 13 § 9 de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-

ducale, à savoir la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité de ses fonctions.

PAR CES MOTIFS le Conseil de discipline, après avoir délibéré conformément à la loi, propose d'appliquer à … la sanction disciplinaire prévue à l'article 13 § 9 de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale, à savoir la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité de ses fonctions;

met les frais de la procédure disciplinaire à charge d'…, ces frais liquidés à 14,90 €.

(…) ».

En date du 21 août 2020, le ministre de la Sécurité intérieure, dénommé ci-après « le ministre », prononça à l’encontre de Monsieur … la mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de la dignité de ses fonctions. Cette décision est motivée comme suit :

« (…) Vu l'avis du Conseil de discipline de la Police grand-ducale du 23 juillet 2020 dont copie ci-jointe ;

Vu les faits retenus à charge de l'inspecteur …, à savoir :

En début de la matinée du 13 novembre 2016, l'inculpé s'est rendu à la discothèque « … » située à L-… où il a croisé le chemin de Madame …, avec laquelle l'inculpé a entretenu une relation amoureuse jusqu'à la fin du mois de septembre 2016, et de Monsieur ….

À un moment donné, l'inculpé s'est approché d'un groupe formé entre autres par Madame … et Monsieur … afin d'engager une discussion avec Madame …. Après un bref échange verbal avec l'inculpé, Madame … a décidé de quitter la discothèque et s'est dirigée vers la sortie avec Monsieur …, ce dernier la tirant par le bras. Ce geste ayant passablement énervé l'inculpé, l'a incité à porter des coups et blessures volontaires d'une extrême violence sur la personne de Monsieur …, notamment en le frappant au visage et sur tout le corps.

Il a pu être dégagé des images du système de vidéo-surveillance de la discothèque … que Monsieur … n'a à aucun moment riposté à l'agression commise par l'inculpé et a uniquement essayé de couvrir sa tête avec son bras et à protéger en même temps Madame … des coups de l'inculpé. Monsieur … a dès lors joué un rôle totalement passif, sans avoir provoqué ou agressé l'inculpé d'une quelconque manière.

L'inculpé a en outre avoué avoir porté plusieurs coups contre la tête de Monsieur … sans que ce dernier ne l'eût agressé ou provoqué.

Les blessures infligées à … ont entraîné une incapacité de travail personnel prolongée et il risque désormais de souffrir d'une maladie paraissant incurable.

Les faits reprochés à l'inculpé sont d'une extrême gravité. La violence inouïe et gratuite avec laquelle il s'est acharné en public sur la personne de … en le blessant grièvement à la tête, pour la simple raison que ce dernier sortait avec son ancienne compagne, et ce en l'absence de tout signe ou acte de provocation de la part de Monsieur … qui pour le surplus est resté totalement passif face à son attaquant, rend inconcevable son maintien dans les rangs de la Police grand-ducale. Au vu de la gravité des faits relatés ci-avant et établis à charge de l'inculpé et en prenant en considération la circonstance que les faits qui se sont déroulés le 13 novembre 2016 n'étaient pas des faits isolés, mais ont suivi deux autres faits qui ont eu lieu au courant de l'année 2016 où l'inculpé a fait preuve d'un seuil de tolérance très bas à la frustration se traduisant par un comportement violent, il serait inconcevable et incompréhensible aux yeux du public, qu'un policier ayant manqué de manière aussi flagrante et de manière répétitive à ses devoirs les plus élémentaires puisse continuer à faire partie de la fonction publique, même dans une autre administration. Les traits de caractère d'… documentés au dossier et sa propension à user gratuitement de violences graves est incompatible avec toute activité de service public.

Considérant qu'en agissant ainsi, l'inspecteur … a violé la discipline des policiers et les devoirs qui en découlent, et plus particulièrement ceux énoncés aux articles 6 et 7, alinéas 1er et 2 de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale, à savoir :

- ne pas avoir subordonné son intérêt personnel à l'intérêt du service ;

- ne pas avoir évité tout ce qui pourrait nuire à l'image de la Police, porter atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service ;

- ne pas s'être comporté avec dignité et civilité envers les autorités publiques, ses supérieurs hiérarchiques, ses subordonnés et envers les citoyens qu'il traite avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination ;

Considérant que le Conseil de discipline a retenu dans son avis du 23 juillet 2020 comme sanction à prononcer à l'égard de l'inculpé, la mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de la dignité de ses fonctions prévue à l'article 13, point 9° de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale ;

Vu l'article 2 de la loi du 18 juillet 2018 précitée et l'article 53, alinéa 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;

Vu l'article 13, point 9° de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale ;

Vu l'article 15, paragraphe 2, point 4° et paragraphe 5 de la loi la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale ;

Arrête:

Article 1er.- La mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de la dignité de ses fonctions est prononcée à l'encontre de l'inspecteur … à compter de la notification de la présente.

Article 2.- En application de l'article 15, paragraphe 2, point 4° et paragraphe 5 de la loi du 18 juillet 2018 précitée, l'intéressé est de plein droit suspendu de l'exercice de son emploi et privé de la moitié de son traitement et des rémunérations accessoires à compter de la notification de la présente.

Article 3.- L'intéressé est tenu de supporter les frais de procédure s'élevant à 14,90 €. (…) ».

Par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle du 11 mars 2021, portant le numéro 604/21, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 36 mois, assortie du sursis à l’exécution de 18 mois, ainsi qu’à une peine d’amende de 1.500,- euros, au vu de la circonstance aggravante de la maladie paraissant incurable.

Par un arrêt de la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, du 30 juin 2021, inscrit sous le n° 221/21 X du rôle, ces peines furent confirmées, sauf que le sursis à exécution fut porté à 24 mois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 novembre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 21 août 2020.

Conformément à l’article 35 de la de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale, dénommée ci-après la « loi du 18 juillet 2018 », « [l]e policier puni de l’une des sanctions visées à l’article 13, points 4° à 10° ou d’une amende dépassant le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base peut, dans les trois mois de la notification de la décision, former un recours devant le tribunal administratif qui statue comme juge du fond », tel que c’est le cas en l’espèce, Monsieur … ayant fait l’objet de la sanction de la mise à la retraite d’office, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans son mémoire en réponse, l’Etat se rapporte encore à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant aux délais et quant à la forme, sans pour autant fournir la moindre argumentation à ce sujet.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure les délais, respectivement la forme du recours ne seraient pas respectés en l’espèce, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Le recours principal en réformation est dès lors à déclarer recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique qu’en date du 13 novembre 2016, il se serait rendu, à titre privé, à la discothèque « … », où il aurait été surpris de croiser Madame …, - laquelle aurait, fin septembre 2016, mis définitivement un terme à la relation amoureuse qu’elle aurait eue avec lui depuis juin 2016 -, en compagnie de Monsieur …, alors que cette dernière aurait auparavant refusé de le rencontrer ce jour-là au motif qu’elle se trouverait à l'étranger.

Ayant compris que son ex-amie serait en couple avec Monsieur …, le demandeur affirme que le mensonge de cette dernière lui aurait fait perdre complètement le contrôle de ses émotions et ressentiments, de sorte qu’il aurait frappé Monsieur ….

Il donne à considérer qu’au vu de ses agissements, ayant fait l’objet d’une instruction judiciaire ouverte en date du même jour, il aurait été placé en détention préventive jusqu’au 6 janvier 2017, date à laquelle la chambre du conseil de la Cour d'appel lui aurait accordé la liberté provisoire.

Assumant sa responsabilité, il aurait commencé à indemniser Monsieur … à partir du 4 juillet 2017 par des paiements mensuels de 300.- euros, respectivement à deux reprises 1.800.-

euros jusqu'au mois d'octobre 2020 inclus, date à partir de laquelle il n'aurait payé que 100.-

euros par mois en raison de la réduction de ses capacités financières suite à sa sanction disciplinaire.

Il fait relever que le jugement interlocutoire du 10 octobre 2019 de la chambre correctionnelle n'aurait pas retenu la circonstance aggravante de la préméditation, décision qui serait entretemps coulée en force de chose jugée, faute d'appel du ministère public par rapport à ce volet tranché au fond.

Le demandeur souligne qu'il reconnaîtrait les faits et infractions mis à sa charge, tout en exprimant son regret quant à ses agissements. Sans vouloir s'en justifier, il explique qu'à l'époque des faits, il lui serait arrivé de consommer des boissons alcoolisées de manière excessive et aurait eu des problèmes personnels qu'il aurait eu du mal à résoudre. Ainsi, il aurait ressenti une forte frustration et déception qui, selon lui, aurait contribué à son comportement et à la violence injustifiée et déplacée à la base de ses poursuites pénales et disciplinaires.

Le demandeur critique le Conseil de discipline d’avoir affirmé ne pas disposer de certificats médicaux circonstanciés attestant un suivi médical, une amélioration de son état de santé mentale, une prise en charge de ses excès éthyliques ainsi que des perspectives prometteuses, alors qu’il aurait versé des certificats du psychiatre Dr. A. M. et du psychologue J. M..

Il fait souligner dans ce contexte que depuis les faits litigieux, il se trouverait en traitement psychiatrique et psychologique et que son état de santé mentale se serait considérablement amélioré. Il resterait cependant toujours hanté par ce qui se serait passé en date du 13 novembre 2016, regrettant profondément ne pas pouvoir revenir en arrière.

Il estime qu’il n’y aurait pas de preuve dans le dossier disciplinaire établissant qu’il aurait un problème récurrent d'excès éthyliques, même s'il affirme être en aveux d'avoir, de temps à autre, consommé des boissons alcoolisées.

Il déplore que le Conseil de discipline aurait refusé, tel qu’il l’aurait proposé, de considérer la possibilité d’un changement d'administration tout en estimant, tout comme le ministre, qu’au vu de la gravité des faits, la mise à la retraite d'office serait la seule sanction envisageable.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser quant aux faits s’étant déroulés en février 2016, lesquels auraient également été pris en compte dans la détermination de la sanction litigieuse, qu’il aurait été condamné, en instance d'appel, à une peine de substitution, à savoir des travaux d'intérêt général.

En ce qui concerne le reproche de la partie gouvernementale selon laquelle il ne semblerait pas avoir possédé le sens de la responsabilité nécessaire afin de faire appel à une ambulance, voire à la police après les faits litigieux, le demandeur rétorque que cette critique ne tiendrait absolument pas compte du contexte réel, de sorte à devoir être nuancée. En effet, même si cela n'excuserait pas son comportement, il aurait été relevé par les enquêteurs, tel que repris par la presse, que lors de cette soirée litigieuse, sur la dizaine de policiers présents au « … », pour la plupart témoins de la scène, aucun n’aurait daigné appeler les secours qui auraient été appelés par les responsables de la discothèque.

Il fait valoir que son sens des responsabilités serait au contraire souligné par son aveu, ses excuses et par le fait qu’il aurait immédiatement commencé à indemniser sa victime.

Dans le cadre de sa requête introductive d’instance et en droit, le demandeur souligne d’abord que le jugement interlocutoire du 10 octobre 2019 aurait certes retenu sa responsabilité et sa culpabilité pénales, mais ne se serait pas encore prononcé sur une quelconque sanction pénale, réservant ce point en attendant le rapport d'expertise complémentaire au sujet de l'éventuelle circonstance aggravante de la maladie paraissant incurable ou d'une incapacité permanente de travail personnel, de sorte qu’aucune décision définitive d'une juridiction répressive n'aurait été prononcée à son égard.

Il reproche ainsi au Conseil de discipline de ne pas avoir proposé, en application de l'article 53 de la loi du 18 juillet 2018, de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision définitive de la juridiction répressive, relevant que son aveu complet concernant les faits mis à sa charge ne saurait lui être préjudiciable, dans la mesure où il serait aussi l'expression d'un repentir sincère.

De plus, non seulement le Conseil de discipline, mais également le ministre feraient état d'une deuxième affaire portant sur des faits similaires et dans laquelle il aurait été impliqué, sans qu’un jugement définitif n'ait encore été prononcé, le demandeur relevant que les infractions lui reprochés dans le cadre de cette deuxième affaire resteraient d'ailleurs contestées, de sorte que cette dernière affaire ne saurait servir de base à une quelconque sanction dans le cadre de la présente procédure disciplinaire.

Le demandeur en conclut que le Conseil de discipline aurait, au vu des circonstances de l'affaire, pu suspendre la procédure dans un intérêt de concordance entre les décisions pénales et disciplinaires, jusqu'à ce qu'un jugement définitif intervienne au pénal. Or, au vu de l'avis du Conseil de discipline, le ministre aurait estimé disposer de toutes les informations nécessaires et indispensables pour le sanctionner par la mise à la retraite d'office pour inaptitudes professionnelles ou non-respect de la dignité de ses fonctions.

Il conclut en premier lieu à la disproportion de la sanction prononcée à son égard, laquelle serait, selon la gradation des sanctions prévue par l'article 13 de la loi du 18 juillet 2018, la deuxième des sanctions les plus sévères susceptibles d'être prononcées à l'égard d'un policier.

Il souligne qu’en règle générale, une sanction disciplinaire serait prononcée non seulement au vu de la gravité des faits reprochés, mais également en considération de la nature et du grade des fonctions du policier concerné ainsi que de ses antécédents disciplinaires, de sorte que le choix de la peine disciplinaire à prononcer dépendrait tant de la gravité de la faute commise que des critères personnels liés à l'agent.

La décision déférée se fonderait sur « deux autres faits qui ont eu lieu au courant de l'année 2016 », ainsi que sur l’affaire pénale concernant Monsieur …, alors même que le jugement interlocutoire rendu ne se serait prononcé ni sur la peine ni sur une éventuelle circonstance aggravante.

Il donne à considérer que la Chambre du conseil l’aurait renvoyé devant une chambre correctionnelle et non devant une chambre criminelle au vu de l’existence de circonstances atténuantes dans son chef. Il estime probable qu'au vu de son attitude actuelle, la peine au pénal pourrait être une peine alternative à une peine d'emprisonnement.

En effet, le demandeur estime avoir été coopératif tout au long de la procédure judiciaire et disciplinaire, en montrant clairement une prise de conscience de ses actes, n’ayant, à aucun stade de la procédure ni pénale ni disciplinaire, essayé de relativiser voire de minimiser son rôle ou les faits qui lui sont reprochés.

Sur un plan personnel, il explique la violence déplacée à l'égard de Monsieur … par une immaturité qui l’aurait caractérisé à l'époque des faits, soulignant que lors de ses suivis médicaux, il aurait réussi à identifier tant ses faiblesses que ses défauts à l'origine des faits de manière à les surmonter. En effet, le demandeur fait souligner qu’il aurait été suffisamment mature et lucide pour reconnaître qu'il serait dans son intérêt de suivre un traitement de façon régulière auprès du psychiatre Dr A. M., suivi médical ayant porté ses fruits grâce à sa volonté et à son intelligence de reconnaître ses propres fautes et défauts. Ainsi, il aurait gagné en maturité et appris à gérer ses problèmes sans devoir recourir à la violence ni physique ni verbale.

Son psychiatre constaterait d’ailleurs, dans son rapport psychiatrique et psychothérapeutique, qu’il aurait pleinement eu conscience de la gravité de ses actes et des conséquences qui pourraient en découler à la fois sur le plan de sa vie professionnelle et de sa vie privée, sans jamais tenter de nier, de quelque manière que ce soit, les faits, ce qui l’aurait, de sa propre initiative, amené à consulter un psychothérapeute.

Il ressortirait également de ce rapport que le plus dur pour lui aurait été le fait d'avoir été privé de travail pendant une si longue période, alors qu'il serait tout particulièrement investi dans son métier de policier auquel il se serait identifié, le même rapport relevant qu’il aurait fait preuve d'une force de caractère remarquable lui ayant permis de traverser cette épreuve difficile, ce qui prouverait à quel point il aurait appris à supporter des frustrations. Ainsi, son psychiatre estimerait qu’il serait devenu un autre homme, ayant acquis une nouvelle maturité, une force psychique et une stabilité émotionnelle jamais connues auparavant lui ayant permis de traverser l'épreuve suivie avec une grande dignité et un courage exemplaire.

Le demandeur donne également à considérer qu’il aurait également et spontanément suivi un traitement psychologique auprès de la police grand-ducale, auprès de Monsieur M. S.

T. qui l’aurait reçu 17 fois entre 2017 et 2020 et qui attesterait avoir pu observer au fil des entretiens qu’il aurait pleinement pris conscience de la gravité de ses actes pour lesquels il assumerait la responsabilité et les conséquences, de sorte qu’il aurait pu comprendre et élaborer authentiquement la grande inadéquation de son style de vie antérieur avec ses comportements et habitudes de l'époque, entre autre sa faible tolérance face à diverses frustrations, le plus souvent de type relationnel.

Ainsi, le psychologue de la police grand-ducale aurait pu observer, au fil de ces trois dernières années, un changement notoire durable et positif dans son comportement quant à ses attitudes sociales, son comportement et son style de vie, suite au déclenchement d'une mise en question profonde et d’un travail de réflexion important.

Des conclusions similaires résulteraient de l’analyse de son parrain et psychologue J.

M. du 21 septembre 2019 versé au Conseil de discipline, selon lequel il n’aurai ni tenté de minorer son inconduite, ni de se disculper, moyennant des stratégies déplacées ou des défenses malsaines, assumant foncièrement les préjudices engendrés par ses actes et tout en regrettant sincèrement les épreuves douloureuses que sa victime aurait subies. Le même expert relève encore que le choix judicieux d'une psychothérapie de longue durée l'aurait habilité à entamer un travail de questionnement rigoureux de son monde interne et de repositionner ainsi le sens même de ses actions, de sorte qu’au fur et à mesure qu'il aurait progressé dans son suivi psychothérapeutique, il serait devenu, depuis ces derniers mois, un jeune homme plus paisible, plus calme et plus équilibré, ayant réussi à réduire sa consommation d'alcool et à transformer ses stratégies de gestion émotionnelle.

Le demandeur cite encore son ami Monsieur T. Z. le considérant comme étant une personne calme et sereine n'affichant, à aucun moment, un comportement agressif, ayant, lors de leurs discussions, précisé à maintes reprises, de façon raisonnée et posée, qu'il regretterait sincèrement ces actes.

Il se réfère finalement au témoignage de Madame C. R. selon laquelle il n’aurait nullement été agressif, ni physiquement ni verbalement lors de ses discussions avec elle, mais aurait au contraire paru calme et posé.

Sur le plan professionnel, le demandeur souligne que dans le cadre de ses fonctions au sein de la police grand-ducale, il n’aurait jamais affiché de comportements irrespectueux, dérangeants, insolents, ou encore agressifs, respectivement n’aurait jamais été à l'origine d'actes ou d’omissions susceptibles d'être sanctionnés disciplinairement.

En effet, les faits litigieux, ainsi que les faits similaires lui reprochés, se seraient déroulés à chaque fois dans le cadre de sa vie privée, en dehors des heures de service.

Dans ce contexte, il rappelle que, dans l'exercice de ses fonctions, il aurait une fois fait preuve d'un courage exemplaire en sauvant la vie d'un conducteur dans une voiture accidentée en feu tout en risquant la sienne, ce qui prouverait qu'il assumerait pleinement son rôle de policier dans l'intérêt et au service des citoyens, intervention pour laquelle il aurait d’ailleurs été félicité par ses supérieurs hiérarchiques.

Le demandeur cite finalement un jugement du tribunal administratif du 5 novembre 2019, inscrit sous le numéro 41243 du rôle, dans lequel il aurait été précisé qu'une multitude d'infractions disciplinaires pourrait témoigner d'une attitude inadmissible d'un agent à l'égard de son travail et justifier une sanction plus grave, alors même que pris isolément certains des comportements ainsi adoptés ne revêtiraient pas nécessairement une gravité caractérisé, dès lors que l'ensemble des comportements adoptés par celui-ci dans le chef de l'administration dont l'agent relèverait entraînerait une perte de confiance définitive dans ses capacités professionnelles ou ses qualifications morales.

Dans l'appréciation de la gravité des faits et des conséquences et sanctions que ceux-ci entraînent ou sont susceptibles d'entraîner, il appartiendrait partant au tribunal d’analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l'existence est vérifiée, étant donné que même si le ministre disposerait d'un pouvoir discrétionnaire en la matière, les mesures prises par une administration devraient être à la mesure de l'objectif poursuivi.

Si la jurisprudence citée aurait trait à une demande en réformation d'une décision ministérielle prononçant la mise à la retraite d'office d'un policier qui, dans le cadre de ses fonctions aurait activement entravé la lutte contre le proxénétisme en ayant entraîné ses subordonnés à faire de même de sorte à avoir couvert de façon ostensible des activités illégales pendant l'exercice de ses fonctions, le demandeur fait souligner qu’il n’aurait, quant à lui, à aucun moment entravé le bon fonctionnement du service policier, ayant toujours exercé ses fonctions de policier de façon exemplaire. Contrairement au policier jugé dans l'affaire citée, il n'aurait pas non plus eu d’antécédent judiciaire.

Le demandeur fait plaider que pour apprécier la proportionnalité de la décision déférée, il y aurait lieu de vérifier trois critères cumulatifs, à savoir : la nécessité de la mesure, sa capacité à atteindre l'objectif poursuivi (critère d'adéquation) et l'absence d’une solution moins contraignante ou moins attentatoire aux libertés apte à atteindre l'objectif poursuivi.

Or, en l’espèce, la mise à la retraite d'office ne paraîtrait pas être la sanction adéquate à prononcer à son encontre, et ceci à plus forte raison qu'il n'aurait été ni expliqué ni justifié pour quelle raison une autre sanction, comme par exemple celle de l'exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de six mois, sinon le déplacement ne seraient pas justifiées au regard des circonstances de l’espèce, à savoir son repentir sincère, sa prise de conscience, son suivi médical et les paiements mensuels en indemnisation de sa victime, ainsi que l’absence d’antécédents disciplinaires.

Au contraire, la sanction à infliger ne saurait se baser sur une appréciation réduite aux seuls faits à la base de l’affaire disciplinaire et pénale, et ce à plus forte raison que ces faits seraient aujourd'hui à considérer comme anciens et qu’il aurait fait preuve d'un exercice de réflexion actif et constructif tel que constaté par les professionnels qui l'auraient suivi et le tribunal devrait se placer au jour de son jugement pour apprécier les mérites du présent recours et donc l'adéquation de la sanction à son comportement.

A ce sujet le demandeur fait encore répliquer que la partie gouvernementale dresserait une image de lui sur base d’un seul épisode passager en relation avec des faits qui se seraient produits à une époque difficile de sa vie et qu'il aurait su surmonter.

Il souligne que le fait pour lui de ne pas contester les faits lui reprochés devrait être porté à son crédit, alors que cela démontrerait qu’il aurait ainsi fait preuve de sa volonté d'assumer la situation au lieu de fuir ses responsabilités.

Il fait encore souligner qu’il aurait déjà avant sa libération et dès son placement en détention préventive, contacté de manière spontanée le Dr A. M., alors qu'il aurait été conscient qu'il ne pourrait plus continuer à vivre sa vie comme il l’aurait fait à l'époque des faits litigieux, de sorte que ce serait à tort que la partie adverse soutiendrait qu’il n’aurait entamé le suivi psychiatrique qu’au seul motif que ceci aurait été une condition de sa mise en liberté provisoire sous contrôle judiciaire.

En ce qui concerne la remarque de la partie gouvernementale selon laquelle il serait évident qu'aucune affaire disciplinaire n'aurait vu le jour depuis sa suspension de l'exercice de ses fonctions, le 13 novembre 2016, le demandeur fait remarquer que, même suspendu, il ferait encore partie du personnel policier, de sorte qu’il serait toujours susceptible de faire l'objet d'une affaire disciplinaire, notamment pour des faits se déroulant hors service.

Quant à la mise en pondération de l'ensemble des critères qui devraient être pris en compte dans le cadre de la sanction à prononcer à son encontre, le demandeur rappelle qu’il aurait de manière spontanée décidé de se faire suivre sur un plan médical sur base d'une prise de conscience de ses faits et gestes, ainsi que des problèmes à leur base, de même qu’il aurait indemnisé sa victime dès janvier 2017, tout en se montrant coopératif tout au long de la procédure pénale et de la procédure disciplinaire et ce, sans jamais minimiser les faits ou fuir sa responsabilité.

Il fait souligner qu’il aurait fait des aveux complets sur tous les faits qui lui auraient été reprochés, faisant preuve d'une prise de conscience et d'une nette amélioration de son comportement, ce qui aurait été certifié par le Dr A. M. dans son rapport de novembre 2020.

Par ailleurs, son comportement en tant que policier, dans le cadre de ses fonctions, aurait toujours été exemplaire, ayant constamment été motivé et impliqué dans ses affaires, sans aucun antécédent disciplinaire.

En ce qui concerne la nuisance à l'image de la police aux yeux du public, mise en avant par la partie gouvernementale, alors que cette affaire aurait été fortement médiatisée, au vu des articles de presse figurant au dossier disciplinaire, le demandeur donne à considérer que la médiatisation importante de cette affaire ne saurait lui être préjudiciable, alors qu'il aurait été le dernier à souhaiter s'afficher de la sorte.

En tout état de cause, la sanction à lui infliger ne devrait pas être simplement prise sur une appréciation réduite aux seuls faits à la base de son affaire disciplinaire et pénale, ce à plus forte raison que ces faits seraient aujourd'hui anciens et qu’il aurait entretemps fait preuve d'un exercice de réflexion approfondie, active et constructive, tel que constaté par les professionnels qui l'auraient suivi.

En deuxième lieu, le demandeur conclut à un défaut de motivation de l’avis du Conseil de discipline qui se limiterait à affirmer qu’il serait difficilement concevable de lui confier à l'avenir une quelconque mission de police impliquant notamment un port d'armes et qu’il paraîtrait incompréhensible aux yeux du public, qu’il puisse continuer à faire partie de la fonction publique même dans une autre administration, sans pourtant, en violation de l’article 30, alinéa 1er de la loi du 18 juillet 2018, motiver pour quelle raison une autre sanction, telle que celle qu’il aurait proposée, ne serait pas adéquate. Le même reproche pourrait être adressé au ministre dans la décision déférée, sans que le simple renvoi aux faits qui lui sont reprochés dans le cadre de l'affaire pénale concernant Monsieur … et les « deux autres faits qui ont eu lieu au courant de l'année 2016 » ne puissent pallier cette carence, d’autant plus que le juge pénal ne se serait pas encore prononcé sur la sanction pénale dans l'affaire concernant Monsieur … et que seul un des « deux autres faits qui ont eu lieu au courant de l'année 2016 », aurait fait l'objet de poursuites pénales sans décision définitive et dans le cadre desquelles il aurait plaidé la légitime défense.

Le demandeur fait encore relever que le rapport d’expertise ordonné par le jugement du 10 octobre 2019 aurait entretemps été versé et retiendrait que l’exophorie de Monsieur … ne serait pas liée aux coups et blessures litigieux et que seul le larmoiement de l’œil droit serait en relation causale avec les faits incriminés, de sorte que l’expert n’aurait pas pu conclure à une maladie incurable ou à une incapacité de travail permanente.

Ainsi, aussi bien l'avis du Conseil de discipline que la décision du ministre apparaîtraient comme arbitraires pour ne pas tenir compte de toute la réalité factuelle à la base de l'affaire disciplinaire et de sa personnalité.

L'éventail des sanctions prévues par la loi du 18 juillet 2018 étant tellement étendu, le demandeur estime que tout refus d'application d'une sanction moins forte devrait être spécialement motivé, tel que cela serait également imposé au juge pénal qui refuserait le bénéficie du sursis à l'exécution des peines d'emprisonnement.

Affirmer qu'il « paraîtrait incompréhensible aux yeux du public, qu'un policier (…) puisse continuer à faire partie de la fonction publique même dans une autre administration » sans en expliciter les raisons constituerait également un défaut de motivation apparaissant comme arbitraire.

Ces défauts de motivation de la part de l'organe consultatif et de l'organe décisif, en violation des dispositions des articles 28 et 30 de la loi du 18 juillet 2018 lui porteraient préjudice, alors qu'elles ne permettraient pas de comprendre in concreto la sanction prononcée à son encontre, le demandeur relevant que le tribunal administratif aurait souligné que la motivation d'une décision devrait permettre à l'administré de comprendre les raisons d’une décision, ce qui ferait, le cas échéant, qu’elle serait plus aisément acceptée par les intéressés.

En dernier lieu le demandeur invoque un dépassement du délai raisonnable, relevant qu’il aurait déjà été informé, en date du 13 novembre 2016, de l’ouverture d’une information tant judiciaire que disciplinaire.

Au pénal, un jugement interlocutoire n'aurait été rendu qu'en date du 10 octobre 2019, lequel n'aurait cependant retenu que sa responsabilité et sa culpabilité sans cependant se prononcer ni sur la question du dépassement du délai raisonnable ni sur la sanction.

En date du 23 avril 2019, soit presque 2 ans et demi après les faits, il aurait été informé que l'IGP avait « repris » l'instruction disciplinaire, laquelle ne l’aurait entendu qu’en date du 18 novembre 2019, soit trois ans après les faits, sa convocation devant le Conseil de Discipline n’étant intervenu qu’en date du 25 juin 2020, et ce, alors même qu’il n'aurait pas encore été jugé définitivement et que le juge pénal ne se serait pas encore prononcé sur la gravité des faits et de leurs éventuelles conséquences sur la santé de Monsieur ….

En date du 20 août 2020, la décision du ministre lui aurait finalement été notifiée.

Dans ce contexte, se poserait la question, si le ministre avait de toute façon envisagé de prendre une décision sans attendre une décision définitive au pénal, pour quelle raison cette décision ne serait intervenu que plus de 3 ans après l'ouverture d'une instruction disciplinaire.

Le demandeur fait relever qu’il aurait été jugé que même en l'absence de textes légaux prévoyant un délai déterminé, toute autorité disciplinaire aurait, dès qu'elle aurait connaissance de faits susceptibles de donner lieu à sanction, l'obligation d'entamer et de poursuivre la procédure disciplinaire avec célérité, afin que sa décision puisse intervenir dans un délai raisonnable et dans un souci notamment de sécurité juridique et pour éviter une trop longue incertitude sur l'issue de la procédure disciplinaire, conditions qui ne seraient pas remplies en l’espèce.

Il fait encore plaider à ce sujet qu’en matière disciplinaire, le délai raisonnable s'apprécierait en prenant en compte la durée qui se serait écoulée entre la date de notification des reproches ayant déclenché la procédure disciplinaire et la décision juridictionnelle définitive statuant sur le recours introduit contre la sanction disciplinaire prononcée.

Si la sanction du dépassement du délai raisonnable ne serait pas l'irrecevabilité ou la nullité de la procédure, elle entraînerait en règle générale un allègement de la sanction prononcée à l'égard de l’intéressé.

Il souligne qu’il aurait été laissé pendant presque quatre ans dans l'incertitude quant à son affaire disciplinaire, période pendant laquelle il lui aurait été interdit d'exercer son métier, ainsi que tout autre métier dans la fonction publique, ce qui serait un temps excessivement long par rapport aux faits ne présentant aucune complexité particulière, le demandeur rappelant, dans ce contexte, qu’il aurait été en aveu depuis le début de son affaire et qu’il n'aurait rien fait pour retarder le cours normal de l'instruction tant de l'affaire pénale que disciplinaire.

Etant donné que le ministre, au-delà du simple fait d'avoir émis une décision ne le satisfaisant pas, l’aurait véritablement contraint à engager une procédure contentieuse qui aurait pu être évitée, de sorte que le demandeur sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000,- euros au sens de l'article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-

après « la loi du 21 juin 1999 », alors qu’il serait particulièrement inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens, relevant qu'il aurait été obligé de constituer avocat à la Cour aux fins de faire valoir ses droits.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser qu’il serait de jurisprudence constante que le dépassement du délai raisonnable serait déterminé par rapport (i) à la complexité du dossier appréciée notamment par rapport au nombre de personnes impliquées, aux moyens d'enquêtes qui auraient dû être mis en œuvre dans le cadre de la manifestation de la vérité et à la dimension de l'affaire, (ii) aux agissements de l'agent susceptibles de retarder ou ralentir la procédures et, finalement, (iii) au comportement des autorités administratives et judiciaires, à savoir la diligence dans l’exécution des actes de poursuite.

Il rappelle que les faits, dont il serait d’ailleurs en aveu dès le départ, ne revêtiraient aucune complexité particulière alors qu'ils se seraient trouvé matériellement établis le jour même de leur survenance.

Il souligne ensuite qu’il n’aurait à aucun moment de la procédure, été à l'origine d'un quelconque obstacle de nature à retarder la procédure, le fait que tant le volet pénal que le volet disciplinaire aient duré plus de quatre ans ne lui serait dès lors pas imputable, le demandeur affirmant s’être montré particulièrement coopératif tout au long de la procédure.

Quant au comportement des autorités administratives et judiciaires, le demandeur estime qu’au vu de l’historique dressé à ce sujet dans sa requête introductive d’instance, ce serait à tort que la partie gouvernementale contesterait tout dépassement du délai raisonnable, se contredisant même en écrivant, sur l'indépendance complète entre la procédure pénale et la procédure disciplinaire, que l'établissement de la matérialité des faits au pénal serait nécessaire dans toute instruction disciplinaire afin de contrer tout argument basé sur un défaut d'équité.

Or, les faits établis par le jugement du 10 octobre 2019, sur lesquels le Conseil de discipline se serait basé, seraient les mêmes que ceux dont il serait en aveu depuis le 13 novembre 2016, de sorte qu’il n'y aurait pas eu lieu d'attendre qu'un jugement pénal soit prononcé, bien que cette faculté soit offerte aux autorités disciplinaires.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d'une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.1 En ce qui concerne tout d’abord le moyen tenant à une indication insuffisante des motifs sous-jacents à la décision déférée, force est de relever qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 18 juillet 2018 « L’avis du Conseil est motivé (…) », respectivement aux termes de l’article 28 de la même loi, la décision « intervenue sur avis du Conseil de discipline [est] motivée (…) ».

1 Trib. adm. du 31 mai 2006, n °21060 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 494, 2e volet et les autres références y citées.

Force est de constater à la lecture des actes litigieux, repris in extenso ci-avant, que ces derniers sont motivés sur plusieurs pages tant en droit qu’en fait.

Ainsi, l’avis du Conseil de discipline, après être revenu sur les faits à la base de la procédure disciplinaire, se réfère en droit expressément aux articles 6 et 7, paragraphes (1) et (2) de la loi du 18 juillet 2018, concernant les obligations considérées comme violées, de même qu’à l’article 13, paragraphe (9) de la loi du 18 juillet 2018 en ce qui concerne la sanction disciplinaire proposée. L’arrêté ministériel du 21 août 2020, tout en se référant à l’avis précité du Conseil de discipline, invoque encore en plus les articles 2, 13, point 9 et 15, paragraphe (2), point 4 et paragraphe (5) de la loi du 18 juillet 2018 tout comme l'article 53, alinéa 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « le statut général ».

Même si, tel que le souligne le délégué du gouvernement, une autorité administrative siégeant en matière disciplinaire n’a pas à motiver spécialement pour quelles raisons il n’a pas fait application d’autres sanctions disciplinaires que celle finalement retenue, il ressort néanmoins de l’avis précité du 23 juillet 2020 que le Conseil de discipline, auquel l’arrêté ministériel fait expressément référence, a spécialement répondu à la demande du demandeur visant à se voir changer, le cas échéant, d’administration, en retenant qu’« (…) il paraîtrait incompréhensible aux yeux du public, qu'un policier ayant manqué de manière aussi flagrante et de manière répétitive à ses devoirs les plus élémentaires puisse continuer à faire partie de la fonction publique même dans une autre administration. D'une façon générale, le Conseil de discipline considère que les traits de caractère d'… documentés au dossier et sa propension à user gratuitement de violences graves est incompatible avec toute activité de service public.

(…) ».

Il s’ensuit que le Conseil de discipline a, de manière formelle, suffisamment motivé sa décision, sans que cette conclusion ne puisse être énervée par l’affirmation du demandeur, selon laquelle il ne comprendrait pas le raisonnement du Conseil de discipline au vu de ces seules considérations, étant entendu que la pertinence de la motivation ainsi invoquée n’est pas une question de légalité externe, mais se vérifie dans le cadre de l’analyse au fond qui se fera ci-après.

Il s’y ajoute qu’au-delà du fait qu’un défaut de motivation formelle d’une décision administrative n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette dernière, mais seulement la suspension du délai de recours contre cette dernière, l’autorité administrative est toujours autorisée à fournir de plus amples motifs même en cours de procédure contentieuse2, ce que le délégué du gouvernement a fait, en l’occurrence, en soulignant que la sanction d’un changement d’administration, telle que proposée par le demandeur ne figure pas dans la liste des sanctions envisageables prévues à l’article 13 de la loi du 18 juillet 2018.

Il s’ensuit que le moyen tenant à un défaut de motivation laisse d’être établi tant en ce qui concerne l’avis du Conseil de discipline qu’en ce qui concerne la décision ministérielle qui s’y réfère expressément.

Au fond, il échet, à titre liminaire, de relever que le demandeur ne conteste ni les faits gisant à la base de la procédure disciplinaire ni la qualification de ces faits par rapport aux 2 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17153 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 87, deuxième volet et les autres références y citées.

devoirs et obligations lui incombant, mais se limite à remettre en question la proportionnalité de la sanction par rapport aux circonstances de l’affaire et par rapport à sa personnalité.

Il s’ensuit que la décision déférée n’est pas remise en cause en ce qui concerne ses conclusions relatives aux faits à la base des poursuites disciplinaires et aux obligations professionnelles violées par le demandeur.

Force est ensuite de relever que si, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise3, dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse4.

Ainsi, il y a lieu de relever, tel que souligné par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique que le demandeur a entretemps été condamné au pénal, par le jugement précité du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle du 11 mars 2021, portant le numéro 604/21, à une peine d’emprisonnement de 36 mois, assortie du sursis à l’exécution de 18 mois, ainsi qu’à une peine d’amende de 1.500,- euros, pour coups et blessures volontaires à l’égard de Monsieur … et actes de harcèlement obsessionnels à l’égard de Madame …, cette condamnation ayant été confirmée en appel par un arrêt de la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, du 30 juin 2021, inscrit sous le n° 221/21 X. du rôle, qui a seulement augmenté le sursis à exécution de 18 mois à 24 mois.

Ainsi, il est constant en cause que le demandeur a entretemps été condamné, en dernier ressort, pour les faits litigieux relatifs aux coups et blessures volontaires infligés à Monsieur …, à une amende de 1.500,- euros, une peine d’emprisonnement ferme de 12 mois et une peine d’emprisonnement de 24 mois assortis d’un sursis à exécution.

Il suit également des pièces déposées en cours de délibéré, telles qu’expressément sollicitées par le tribunal à l’audience des plaidoiries, que la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, dans un arrêt du 19 janvier 2021, inscrit sous le numéro de rôle 14/21, a condamné définitivement le demandeur à une peine de travail d’intérêt général non rémunéré de 240 heures et une peine d’amende de 700 euros pour l’infraction de coups et blessures volontaires commise en date du 14 février 2016 à Hollerich, la légitime défense invoquée par le demandeur n’ayant pas été retenue.

En ce qui concerne la proportionnalité de la peine disciplinaire prononcée à l’égard du demandeur, il convient de préciser que l’article 13 de la loi du 18 juillet 2018 énumère, en les hiérarchisant, les sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre des policiers. Cet article est à mettre en relation avec l’article 53, alinéa 1er du statut général, également applicable aux policiers, qui dispose que l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé5, impliquant, d’après la jurisprudence en la matière, que les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction prévus légalement sont énoncés de manière non limitative, de sorte 3 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en reformation, n° 18 et les autres références y citées.

5 Projet de loi N° 7040 relatif au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale, commentaire des articles, ad. Article 13.

que le tribunal est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire.6 Il a également été jugé que, dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l'autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire.7 Il s’ensuit que le choix de la peine disciplinaire à prononcer dépend tant de la gravité de la faute commise que des critères personnels à l’agent. Ce principe de l’individualisation de la sanction disciplinaire implique que, contrairement à ce que le sous-entend le demandeur, l’autorité disciplinaire ne saurait se trouver liée par des décisions disciplinaires prises dans d’autres cas, même similaires dans les faits.

Force est d’abord de relever que la gravité des faits gisant à la base de la décision disciplinaire déférée est indéniable, ce qui a, par ailleurs, également été souligné par les autorités judiciaires dans le cadre des poursuites pénales, rappelant l’agressivité particulière et extrême du demandeur qui a, de manière totalement gratuite et sans la moindre provocation sinon défense de la part de sa victime, asséné, à sept reprises, de coups de poings le visage et la tête de Monsieur …, de nature à lui infliger une maladie paraissant incurable, à savoir d’un côté un larmoiement de l’œil droit et, d’un autre côté, une diplopie.

Il ressort également du dossier disciplinaire que le demandeur a, au cours de l’année 2016, dans le cadre de sa vie privée, déjà eu deux autres altercations violentes avec d’autres personnes.

Ainsi, le demandeur a, premièrement, eu une bagarre avec un collègue de travail devant un bistrot en date du 1er janvier 2016 à Esch-sur-Alzette, où il lui a été plus particulièrement reproché d’avoir encore donné des coups à sa victime alors que cette dernière se trouvait déjà par terre engendrant pour cette dernière une incapacité de travail de 5 jours, faits non poursuivis pénalement, mais qui ont été sanctionnés disciplinairement par une décision du directeur général du 3 janvier 2017 ayant arrêté la peine disciplinaire de l’amende d’un dixième d’une mensualité brute du traitement de base, décision n’ayant pas fait l’objet d’un recours de la part du demandeur.

C’est dès lors à tort que le demandeur soutient, dans ses conclusions, qu’il n’aurait pas d’antécédents disciplinaires.

Le demandeur a ensuite été impliqué à nouveau dans une bagarre dans le quartier de Hollerich en date du 14 février 2016, faits pour lesquels il a été, tel que relevé plus en amont, condamné à une peine de travaux d’intérêt général non rémunérés de 240 heures et à une peine d’amende de 700 euros pour l’infraction de coups et blessures volontaires par l’arrêt précité de la Cour d’appel du 19 janvier 2021, la légitime défense qu’il a plaidée n’ayant pas été retenue dans son chef.

6 Trib. adm. 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction Publique, n° 341.

7 Trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction Publique, n° 378 et les autres références y citées.

Il suit de ces considérations que ces deux antécédents, ayant à chaque fois entrainé des poursuites disciplinaire, respectivement judiciaire, même si celles-ci n’avaient pas encore abouti au moment des derniers faits, n’avaient pas eu pour effet de raisonner le demandeur et de l’empêcher de passer à nouveau à l’acte en novembre 2016.

Si le demandeur souligne que ces trois faits s’inscriraient dans une mauvaise passe au cours de l’année 2016 qu’il juge surtout être en relation avec son immaturité et avec une consommation excessive d’alcool et s’il fait actuellement état d’une prise de conscience et d’une amélioration de son comportement, basé sur différents avis et témoignages, il ressort néanmoins de l’avis du Dr A. M. que si l’alcool a certes joué un rôle facilitateur, les causes profondes de son comportement sont à chercher dans son immaturité et dans sa confrontation quotidienne, dans le cadre de son activité de policier, à des actes de violence qu’il a transposés dans sa vie privée. Alors même que ledit médecin souligne effectivement une réduction drastique par le demandeur de sa consommation d’alcool, ainsi qu’un changement de mode de vie vers plus de maturité, suite à une prise de conscience jugée sincère, il souligne cependant également que l’épreuve la plus difficile pour le demandeur aurait été sa privation du travail, jugée « incroyablement longue et que rien ne saurait justifier », ce qui amène pourtant à en conclure que, face aux dégâts irréversibles infligés à sa victime laquelle est également empêchée au moins pour un temps non négligeable de reprendre ses anciennes fonctions à la police grand-ducale, et face à l’atteinte évidente à l’image de la police grand-ducale au sein de la profession elle-même et aux yeux du public, la prise de conscience du demandeur se concentre plutôt sur les conséquences de ses actes sur sa propre vie, et ce, même s’il ressort effectivement des pièces versées en cause qu’il a, certes de façon louable, commencé à indemniser sa victime de manière spontanée en attendant la fixation des dommages et intérêts par la voie judiciaire. Il est d’ailleurs à noter qu’il ressort de l’arrêt précité de la Cour d’appel du 19 janvier 2021, que le demandeur a, en décembre 2020, soit bien après la décision déférée, toujours insisté devant la Cour d’appel s’être trouvé en situation de légitime défense à l’époque desdits faits, alors qu’il ressort pourtant des faits, tels que retenus dans cette affaire, qu’il a activement participé à rouer de coups une victime qui se trouvait déjà par terre et qu’il a été lui-même à l’origine de la reprise de ladite bagarre, ce qui met nettement en doute la sincérité de sa prise de conscience, actuellement mise en avant, relative à sa propension à la violence.

Il ne saurait pas non plus être tiré de conclusions concrètes sur les perspectives futures en ce qui concerne la « stabilité émotionnelle jamais connue auparavant » et le « seuil de tolérance infiniment plus élevé par rapport aux frustrations », tels qu’attestés par le Dr A. M., vu leur niveau particulièrement bas au moment des faits litigieux et au vu que ces progrès ont été observés sur une période pendant laquelle le demandeur n’a plus exercé de fonctions auprès de la police grand-ducale, activité qui, selon le Dr A. M., était justement de nature à le confronter à des actes de violence qu’il a transposés, par après, dans sa vie privée.

Il en va de même des conclusions du psychologue, Monsieur M. S. qui souligne également une certaine prise de conscience, une remise en question de son style de vie et un recul par rapport aux frustrations, ce qui est encore confirmé par Monsieur J. M. qui, lui, se limite à estimer que le demandeur se trouve « en bonne voie » de reprendre sa vie en mains, à condition de pouvoir travailler.

Les attestations de Monsieur T. Z. et de Madame C. R. ne sont pas non plus concluantes dans ce contexte, alors même qu’elles témoignent de l’existence d’un caractère calme et serein depuis deux ans chez le demandeur, sans excès d’alcool, ainsi que d’une prise de conscience de sa part de son mauvais comportement.

Même si le demandeur a été en aveu des faits dès le départ et qu’il a certes exprimé de regrets et commencé à reprendre sa vie en main, force est cependant de retenir qu’au vu de sa faible ancienneté au sein de la police grand-ducale, de ses antécédents disciplinaire et judiciaire, de la gravité « extrême » de son comportement, marqué par une « violence inouïe et gratuite », de la large couverture médiatique des faits litigieux et de la procédure pénale qui s’en est suivie, il n’est pas concevable de laisser continuer le demandeur travailler au sein de la force publique, au risque de non seulement statuer un mauvais exemple pour le restant des agents, mais également de ternir l’image publique d’une police grand-ducale se devant irréprochable, de sorte qu’uniquement une sanction impliquant la fin des relations de travail est envisageable.

En effet, il faut noter à ce sujet qu’en tout état de cause, aux termes de l’article 49 du statut général, applicable aux policiers en vertu de l’article 2 de la loi du 18 juillet 2018, « Le fonctionnaire condamné pour un acte commis intentionnellement à une peine privative de liberté d’au moins un an sans sursis ou à l’interdiction de tout ou partie des droits énumérés à l’article 11 du Code pénal perd de plein droit son emploi, son titre et son droit à la pension. (…) ».

La perte de l‘emploi au sens de l’article 49 du statut général s’opère de plein droit, par l’effet de la seule loi, c’est-à-dire sans que l’autorité de nomination ait la moindre marge d’appréciation à cet égard, tel que cela a été souligné dans le cadre des travaux parlementaires relatives à la dernière modification de cet article8.

Il est en effet rappelé qu’aux termes de l’arrêt de la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, du 30 juin 2021, inscrit sous le n° 221/21 X. du rôle, le demandeur a été condamné, en dernier ressort, à une peine d’emprisonnement de 36 mois assortie d’un sursis à exécution de 24 mois, soit à une peine privative de liberté ferme d’un an, pour avoir commis des coups et blessures volontaires à l’égard de Monsieur …, - faits à la base de la décision déférée -, soit un acte commis intentionnellement, de sorte que le demandeur serait de toute façon considéré comme avoir perdu de plein droit son emploi en application de l’article 49 précité du statut général.

Il s’ensuit que la sanction de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou non-respect de ses fonctions est encore à considérer comme une sanction plus clémente que les conséquences de l’article 49 précité du statut général, dont les effets sont équivalents à une révocation, peine disciplinaire la plus sévère.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation du demandeur d’un dépassement du délai raisonnable, alors qu’outre le constat que le demandeur se contredit lui-même dans son recours, en ce qu’il souligne, dans un premier temps, qu’il aurait appartenu aux autorités disciplinaires d’attendre sa condamnation définitive sur le plan pénal, afin d’être éclairé de manière complète sur les faits litigieux et leurs conséquences, pour, ensuite, plaider un 8 Trav. parl. n° 6457 Exposé des motifs page 184, « Ad article 51 1° La perte de l’emploi n’est prévue que lorsque la condamnation à une peine de prison est supérieure à un an.

Dans la mesure où une peine de prison d’un an constitue déjà une peine grave, il est désormais prévu que la perte de l’emploi s’opère à partir d’un an de prison ferme.

Le texte actuel prévoit encore que le fonctionnaire condamné „encourt“ entre autres la perte de l’emploi. Le terme „encourt“ signifie „s’expose à“ ou „risque“ et se trouve donc en contradiction avec le fait que la perte de l’emploi se fait de plein droit. La fin de la phrase en question est dès lors reformulée pour en tenir compte. ».

dépassement du délai raisonnable au motif qu’il aurait été, dès le départ, en aveu des faits lui reprochés, force est au tribunal de relever qu’au vu de la circonstance que les faits litigieux ont parallèlement fait l’objet de poursuites pénales, le délai raisonnable ne saurait être considéré comme ayant été dépassé.

En effet, si le respect du délai raisonnable s’impose notamment pour assurer la sécurité juridique et pour éviter une trop longue incertitude sur l’issue de la procédure disciplinaire, le dépassement du délai raisonnable doit être apprécié in concreto et aux divers stades de la procédure, en fonction des circonstances de la cause, de la nature de l’affaire, du comportement de l’agent et de celui de l’autorité.9 En ce qui concerne l’implication d’une procédure pénale parallèle, il a été jugé qu’en présence de poursuites pénales pour les mêmes faits, l'autorité, si elle n'est pas tenue de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction répressive se soit définitivement prononcée, peut toutefois estimer prudent d'attendre qu'une décision judiciaire ait statué définitivement sur l'action publique en vue d’arrêter la matérialité des faits litigieux, sans que ce choix ne la dispense de l'obligation de statuer, par la suite, dans un délai raisonnable10.

En l’espèce, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a soutenu qu’en l’espèce, il ne saurait être question d’un dépassement du délai raisonnable, alors que, si le demandeur s’est certes déjà fait notifier l’ouverture d’une affaire disciplinaire à son encontre en date du 13 novembre 2016, il ne saurait être reproché aux autorités disciplinaires d’avoir attendu que l’enquête pénale soit clôturée, se concrétisant par l’ordonnance de renvoi par la chambre de conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg rendue en date du 28 novembre 2018, ordonnance ayant été suivie d’une citation à prévenu en date du 14 juin 2019 pour des audiences prévues pour les 24 et 25 septembre 2019 devant le tribunal d’arrondissement siégeant en matière correctionnelle, étant rappelé qu’un premier jugement correctionnel a été prononcé en date du 10 octobre 2019 ayant permis d’arrêter le déroulement exact des faits litigieux.

En effet, si le demandeur a certes été en aveu des coups et blessures infligés à Monsieur … dès le départ, ni l’envergure de ces blessures subies par ce dernier, ni le déroulement exact des faits litigieux n’étaient connus à cette époque, étant relevé que lors de leurs dépositions devant la police, telles que consignées dans le procès-verbal du centre d’intervention principal Luxembourg de la police grand-ducale du 13 novembre 2016, portant le numéro 22292/2016, tant le demandeur que son ami, S. K., avaient fait état d’une altercation violente entre Monsieur … et ce dernier, qui aurait précédé les coups portés par le demandeur contre Monsieur …, et dans le cadre de laquelle Monsieur S. K. aurait été blessé, altercation dont il n’est cependant plus question dans le cadre du déroulement des faits tel que consigné par le jugement précité du 10 octobre 2019.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le fait d’attendre la fin de l’instruction au pénal pour redémarrer, sous l’égide de l’IGP, l’instruction du dossier disciplinaire ne saurait être reprochable, d’autant plus que les diligences effectuées ensuite par cette dernière ont permis de clôturer le dossier disciplinaire rapidement à la suite du premier jugement intervenu au niveau pénal, ce qui a permis non seulement au Conseil de discipline de rendre son avis, mais aussi, par après, au ministre de prendre sa décision en pleine connaissance de cause.

9 ibidem 10 Trib. adm. 12 mars 2008, n° 22010a du rôle, conf. sur ce point par Cour adm. 11 novembre 2008, n° 24324C du rôle, Pas. adm 2021, V° Fonction publique, n° 277 et les autres références y citées.

Ainsi, l’instruction pénale a non seulement permis de clarifier le déroulement exact des faits, mais également permis de qualifier de manière la plus exacte possible le comportement du demandeur au moment des faits, la seule inconnue étant restée l’envergure des blessures subies par Monsieur …, en vue de déterminer si la circonstance aggravante des violences ayant causé une maladie incurable pouvait être retenue, question dont la réponse, indispensable pour fixer la peine pénale, a néanmoins exigé l’institution d’une nouvelle expertise médicale.

Etant donné que la procédure disciplinaire a continué son cours sans attendre le résultat de cette expertise, ce qui a permis au Conseil de discipline de rendre son avis en date du 23 juillet 2020 et au ministre d’arrêter la sanction disciplinaire en date du 21 août 2020, un dépassement du délai raisonnable ne saurait être retenu en l’espèce.

En tout état de cause et au vu des considérations prises plus haut relatives à la gravité extrême des faits litigieux, ayant, par ailleurs, donné lieu à une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme d’un an, la sanction disciplinaire la plus adaptée aurait plutôt été la révocation, par analogie à la perte de l’emploi de plein droit en application de l’article 49 précité du statut général, de sorte que non seulement l’insécurité juridique pour le demandeur et l’incertitude sur son sort restent minimes en l’espèce, mais aussi, en ayant bénéficié seulement de la peine de la mise à la retraite d’office, soit une peine plus clémente pour se situer en dessous de la révocation dans l’échelle des peines disciplinaires, il serait difficilement concevable de revoir la peine disciplinaire dans un sens encore plus favorable au demandeur.

Il est d’ailleurs relevé, dans ce contexte et pour autant que de besoin, tel que l’a souligné à bon droit la partie gouvernementale, que la peine du changement d’administration, à savoir l’affectation à un poste auprès d’une institution étatique autre que la police grand-ducale, n’est pas prévue par l’article 13 de la loi du 18 juillet 2018, qui connaît seulement, sous son point 4, le déplacement, consistant en un « changement d’affectation ou de fonction », sanction non envisageable au vu des considérations prises plus en avant, en ce qu’elle impliquerait le maintien du demandeur au sein de la police grand-ducale, outre le constat qu’une telle peine ne saurait d’ailleurs être considérée comme adéquate pour sanctionner les faits litigieux, alors qu’elle se trouve tout en bas de l’échelle des sanctions disciplinaires, classées selon leur sévérité.

Au vu de toutes ces considérations, le recours encourt le rejet en tous ses moyens.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure, telle que sollicitée par le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juin 2022 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge.

en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 juin 2022 Le greffier du tribunal administratif 26


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45251
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-06-21;45251 ?

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