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19/05/2022 | LUXEMBOURG | N°45322

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2022, 45322


Tribunal administratif N° 45322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2020 2e chambre Audience publique du 19 mai 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Ries, Theisen, Wäschbur, Wäschbur annexe, Weiher annexe 2, Ansembourg 1, Ansembourg 2 et François situées sur les territoires des communes de Saeul, Habscht et Helperknapp, en présence de l’établissement public Syndicat des Eaux du Sud, Koerich, en matière d’acte règlementa

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45322 du rôle et dé...

Tribunal administratif N° 45322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2020 2e chambre Audience publique du 19 mai 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Ries, Theisen, Wäschbur, Wäschbur annexe, Weiher annexe 2, Ansembourg 1, Ansembourg 2 et François situées sur les territoires des communes de Saeul, Habscht et Helperknapp, en présence de l’établissement public Syndicat des Eaux du Sud, Koerich, en matière d’acte règlementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45322 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2020 par Maître Alain Rukavina, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Ries, Theisen, Wäschbur, Wäschbur annexe, Weiher annexe 2, Ansembourg 1, Ansembourg 2 et François situées sur les territoires des communes de Saeul, Habscht et Helperknapp ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly Ferreira Simoes, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 9 décembre 2020 portant signification de ce recours à l’établissement public Syndicat des Eaux du Sud, inscrit au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J104, représenté par le président de son comité de direction actuellement en fonctions, établi et ayant son siège à L-8386 Koerich, 1, Fockemillen ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2020 par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2021 par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2021 par Maître Alain Rukavina, au nom du demandeur ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif du 3 mai 2021 portant prorogation du délai pour le dépôt du mémoire en duplique ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2021 par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif du 16 juin 2021 autorisant les parties à déposer chacune un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2021 par Maître Alain Rukavina, au nom du demandeur ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2021 par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications respectives de Maître Claire Pfeiffenschneider, en remplacement de Maître Alain Rukavina, du 23 février 2022 et de Maître Patrick Kinsch du 24 février 2022, informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement grand-ducal attaqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 28 février 2022.

En date du 7 octobre 2020 fut pris un règlement grand-ducal portant création de zones de protection autour des captages d’eau souterraine Ries, Theisen, Wäschbur, Wäschbur annexe, Weiher annexe 2, Ansembourg 1, Ansembourg 2 et François situées sur les territoires des communes de Saeul, Habscht et Helperknapp, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 ».

Aux termes de l’article 1er de ce règlement grand-ducal, publié au Mémorial A n° 828 du 14 octobre 2020, « Sont créées sur les territoires des communes de Habscht, Helperknapp et Saeul, les zones de protection autour des captages d’eau souterraine Ries (code national :

SCS-210-24), Theisen (SCS-210-25), Wäschbur (SCS-210-26), Wäschbur annexe (SCS-210-62), Weiher annexe 2 (SCS-210-04), Ansembourg 1 (SCS-511-61), Ansembourg 2 (SCS-511-62) et François (SCS-511-63) exploités par le Syndicat des Eaux du Sud et servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine ».

La délimitation desdites zones de protection est, aux termes de l’article 2 de ce règlement grand-ducal, indiquée sur les plans figurant à l’annexe I de ce dernier.

L’article 3 du même règlement grand-ducal précise les règles à observer à l’intérieur des zones de protection mises en place, cette disposition étant libellée comme suit :

« Sous réserve des restrictions prévues au règlement grand-ducal modifié du 9 juillet 2013 relatif aux mesures administratives dans l’ensemble des zones de protection pour les masses d’eau souterraine ou parties de masses d’eau souterraine servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine, les règles suivantes sont applicables :

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1° La limite des zones de protection immédiate est à marquer par une clôture par l’exploitant des points de prélèvement. En cas d’impossibilité matérielle ou s’il existe un obstacle topographique naturel, à condition qu’une protection équivalente à celle procurée par une clôture soit assurée, le membre du Gouvernement ayant la Gestion de l’eau dans ses attributions peut autoriser une alternative à la délimitation de la zone de protection immédiate par une clôture sur demande introduite conformément à l’article 23, paragraphe 1er, lettre q), de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau.

2° La limite des zones de protection rapprochée à vulnérabilité élevée est à marquer clairement et de manière durable sur le terrain par l’exploitant des points de prélèvement.

3° Le début et la fin des zones de protection sont signalisés sur les voies publiques comprises dans le périmètre de ces zones au moyen des signaux F,21a et F,21aa, prévus à l’article 107 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de circulation sur toutes les voies publiques.

4° Les meilleures techniques disponibles pour la construction dans des zones de protection de captages utilisés pour la production d’eau destinée à la consommation humaine sont à utiliser lors de prochains travaux sur les CR112A, CR112, CR113 et N12 ainsi que sur toutes les autres parties de la voie publique située à l’intérieur du périmètre de la zone de protection. Les faisabilités techniques et économiques des différentes variantes de construction envisageables, qui tiennent compte des risques de dégradation de la qualité de l’eau captée, sont à élaborer dans le programme de mesures, tel que décrit à l’article 4.

5° L’eau ruisselant le long de la pente de la route nationale N12 en direction des zones de protection rapprochée avec vulnérabilité élevée des sources François et Ansembourg 1 est à dévier en dehors des zones de protection. Les détails techniques sont élaborés dans le programme de mesures tel que prévu à l’article 4.

6° Tout transport de produits de nature à polluer les eaux est interdit sur les CR112A, CR112, CR113 compris dans le périmètre des zones de protection, de même que sur toutes les autres voies publiques comprises dans le même périmètre. L’interdiction et la fin de l’interdiction sont signalisées sur les CR112A, CR112 et CR113 par les panneaux C,3m et C,17a prévus à l’article 107 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques. Les produits utilisés sur les terres agricoles, dans les zones forestières, les établissements et les habitations, qui sont situés à l’intérieur des zones de protection rapprochée et éloignée, ne sont pas visés par cette interdiction.

7° L’accès aux chemins forestiers et agricoles est réservé aux engins utilisés dans le cadre de travaux d’entretien et d’exploitation forestiers et agricoles et aux ayants droit. Le ravitaillement et l’entretien de véhicules utilisés dans le cadre de travaux forestiers et agricoles sont interdits dans les zones visées par le présent règlement, sauf sur des surfaces imperméables situées en zone de protection éloignée et conçues de façon à éviter tout déversement d’huile ou d’hydrocarbure en direction du sous-sol. Le ravitaillement et l’entretien de tout autre engin utilisé dans le cadre de travaux forestiers et agricoles ne sont autorisés que sur une surface étanche avec un volume de récupération suffisant en cas de fuite accidentelle au niveau de l’engin. Les engins utilisés dans le cadre des travaux forestiers contiennent exclusivement de l’huile biodégradable dans leur système hydraulique.

8° Les pâturages sont interdits dans les zones de protection rapprochée.

9° Toute fertilisation décrite à l’annexe I, points 6.24, 6.26 à 6.28, du règlement grand-ducal précité du 9 juillet 2013 est interdite dans les zones de protection rapprochée.

10° Sur les terres arables situées dans les zones de protection éloignée, la quantité maximale d’azote organique est fixée à 130 kilogrammes par an et par hectare.

11° La quantité de fertilisants azotés disponibles épandue par an et par hectare est limitée à 150 kilogrammes sur les cultures suivantes : cultures sarclées, colza, céréales d’hiver.

12° La quantité de fertilisants azotés disponibles épandue par an et par hectare est limitée à 170 kilogrammes sur les prairies temporaires et permanentes et les pâturages. En cas de réactivation des prairies temporaires en terres arables quatre ans après leur ensemencement, les cultures sarclées et la fertilisation organique sont interdites après la dernière coupe et pendant toute la durée de la première période végétale, qui suit le retournement. Si le retournement se fait après la quatrième année, les cultures sarclées sont interdites pendant les deux périodes végétales qui suivent le retournement et la fertilisation organique est interdite après la dernière coupe et pour la première période végétale, qui suit le retournement.

Dans le cas où l’ensemencement de blé d’hiver, triticale d’hiver, seigle d’hiver ou épeautre d’hiver est envisagé, le retournement est autorisé à partir du 15 octobre. Toute application de produits phytopharmaceutiques est interdite après la dernière coupe et jusqu’au 1er mars non inclus.

13° Toute conversion de prairies permanentes en terres arables est interdite.

14° Tout retournement de prairies permanentes est interdit dans les zones de protection éloignée.

15° Les produits phytopharmaceutiques sont interdits dans les zones de protection rapprochée.

16° Sur demande introduite conformément à l’article 23, paragraphe 1er, lettre q), de la loi précitée du 19 décembre 2008, le membre du Gouvernement ayant la Gestion de l’eau dans ses attributions peut autoriser certains ouvrages, installations, dépôts, travaux ou activités par dérogation aux dispositions des points 8 à 15 sous réserve de garantir une bonne qualité de l’eau destinée à la consommation humaine.

17° Le stockage d’ensilage en plein champ dans les zones de protection éloignée est autorisé en cas de rendements exceptionnels dus aux conditions météorologiques, en cas de force majeure, en cas de graves inondations ou d’accidents qui n’ont pas pu être prévus, mais uniquement sur les terrains où la formation aquifère du Grès de Luxembourg est recouverte par la formation géologique des marnes et calcaires de Strassen, et sur les terrains où aucun ruissellement de surface en direction des captages visés par le présent règlement n’a lieu. Des déclarations de stockage sont à réaliser auprès de l’Administration de la gestion de l’eau au plus tard une semaine après le début du stockage.

18° Des programmes de vulgarisation agricole sont à élaborer dans le cadre du programme de mesures prévu à l’article 4.

19° Les cuves souterraines renfermant du mazout sont à double paroi et équipées d’un détecteur de fuites et d’un avertisseur de remplissage, soit par sifflet d’alarme, soit par limiteur de remplissage électronique.

Les cuves aériennes à simple paroi, y compris les réservoirs amovibles, installés à l’intérieur ou à l’extérieur d’un immeuble, sont à placer dans une cuve externe de sorte que tout écoulement soit détecté et retenu dans la cuve externe et ces cuves doivent être équipées d’un avertisseur de remplissage, soit par sifflet d’alarme, soit par limiteur de remplissage électronique.

Les cuves aériennes à double paroi sont à munir d’un détecteur de fuites et d’un avertisseur de remplissage, soit par sifflet d’alarme, soit par limiteur de remplissage électronique, et sont à entourer d’une protection évitant tout endommagement. Pour les cuves et réservoirs existants, la mise en conformité aux dispositions des alinéas 1er et 2 devient obligatoire cinq ans après l’entrée en vigueur du présent règlement.

Avant la mise en service de toute nouvelle cuve, une attestation de conformité est à transmettre à l’Administration de la gestion de l’eau.

20° Des contrôles d’étanchéité des réseaux d’eaux usées, d’eaux mixtes, des fosses septiques et des installations pour le maniement et le stockage d’engrais azotés liquides et de produits phytopharmaceutiques sont à réaliser au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur du présent règlement, ainsi que tous les cinq ans après le premier contrôle. Les résultats de ces contrôles sont à transmettre à l’Administration de la gestion de l’eau. En cas de renouvellement de ces installations, des critères de construction en vigueur dans les zones de protection autour de captages d’eau destinée à la consommation humaine sont à respecter. L’exécution des contrôles d’étanchéité incombe aux propriétaires.

21° Toute fosse septique avec trop plein est à remplacer par une fosse septique parfaitement étanche sans trop plein ou les eaux usées ou les eaux mixtes sont à raccorder au réseau d’eaux usées ou d’eaux mixtes de la commune concernée. Les cuves sont à équiper d’un avertisseur de remplissage et sont à vidanger régulièrement et chaque fois qu’il y a nécessité par une entreprise autorisée à cet effet.

22° Les risques de pollution émanant des sites potentiellement pollués sont à étudier. Un réseau de surveillance de la qualité de l’eau est à mettre en place dans le cadre du programme de mesures prévu à l’article 4. Sur demande introduite conformément à l’article 23, paragraphe 1er, lettre q), de la loi précitée du 19 décembre 2008, le membre du Gouvernement ayant la Gestion de l’eau dans ses attributions peut autoriser dans les zones de protection éloignée, l’installation, l’extension et l’exploitation de capteurs et sondes horizontaux enterrés en vue de l’utilisation d’énergie géothermique à une profondeur inférieure à 10 mètres par dérogation à l’annexe I, point 5.6, du règlement grand-ducal précité du 9 juillet 2013 sous réserve de garantir une bonne qualité de l’eau destinée à la consommation humaine.

23° Sur demande introduite conformément à l’article 23, paragraphe 1er, lettre q), de la loi précitée du 19 décembre 2008, le membre du Gouvernement ayant la Gestion de l’eau dans ses attributions peut autoriser dans les zones de protection éloignée, le déboisement de plus de 25 ares de forêts par dérogation à l’annexe I, point 6.19.2, du règlement grand-ducal précité du 9 juillet 2013 sous réserve de garantir une bonne qualité de l’eau destinée à la consommation humaine et de :

a) ne pas déboiser plus de 50 ares ;

b) réaliser un plan simple de gestion, tel que défini à l’article 24 du règlement grand-

ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour l’amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers, dans le cas où celui-ci n’aurait pas encore été réalisé ;

c) respecter toutes autres réglementations et législations relatives à la protection de la nature et des biotopes.

24° Sur demande introduite conformément à l’article 23, paragraphe 1er, lettre q), de la loi précitée du 19 décembre 2008, le membre du Gouvernement ayant la Gestion de l’eau dans ses attributions peut autoriser les forages non utilisés pour l’approvisionnement public en eau destinée à la consommation humaine par dérogation à l’annexe I, point 5.3 du règlement grand-ducal précité du 9 juillet 2013 sous réserve de garantir une bonne qualité de l’eau destinée à la consommation humaine. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2020, Monsieur …, déclarant agir en sa qualité de propriétaire des parcelles portant les numéros cadastraux …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, … (partie), …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, … et …, a fait introduire un recours tendant à l’annulation dudit règlement grand-

ducal.

A titre liminaire, le tribunal relève que la requête introductive d’instance a été signifiée à l’établissement public Syndicat des Eaux du Sud, ci-après désigné par « le SES », en tant que tiers intéressé. Si ce dernier n’a pas déposé de mémoire en réponse, il n’en reste pas moins qu’en application de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue à l’égard de toutes les parties, y compris ledit établissement public, par un jugement ayant les effets d’un jugement contradictoire.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre du règlement grand-ducal déféré.

Le tribunal constate que dans la partie de son mémoire en réponse consacrée à la recevabilité du recours, la partie étatique, d’un côté, soutient que la création de la zone de protection immédiate (« ZPI ») autour du point de captage ayant trait à la source Ansembourg 2 n’aurait pas pour effet de porter atteinte à la propriété du demandeur, alors que la parcelle … accueillant ledit point de captage et qui aurait été déclarée ZPI appartiendrait, non pas à ce dernier, mais au SES, sans pour autant en déduire une quelconque cause d’irrecevabilité, et, de l’autre côté, admet que l’intéressé serait exploitant forestier et propriétaire de certains terrains situés autour des captages d’eau protégés par le règlement grand-ducal déféré et qu’à ce titre, il pourrait avoir un intérêt à obtenir l’annulation dudit règlement grand-ducal, qui, sans l’exproprier, lui imposerait un certain nombre de servitudes.

Le tribunal en déduit que la partie étatique n’a pas entendu contester l’intérêt à agir du demandeur, lequel se trouve en tout état de cause vérifié, étant donné qu’il est constant en cause, non seulement, que le demandeur est propriétaire de terrains classés par le règlement grand-ducal déféré en zone de protection rapprochée (« ZPR »), respectivement éloignée (« ZPE »), terrains qui, de ce fait, sont soumis à des servitudes restreignant leur libre usage, mais aussi qu’il exerce une activité d’exploitant forestier sur ces parcelles ou, du moins, sur certaines d’entre elles, activité qui est dorénavant davantage encadrée par l’effet desdites servitudes.

Dès lors, et à défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le tribunal retient que le recours en annulation introduit à l’encontre du règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que le règlement grand-ducal déféré serait basé sur la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-après désignée par « la loi du 19 décembre 2008 », qui prévoirait que l’administration de la gestion de l’eau établit et tient un registre des zones protégées, comprenant les zones désignées pour le captage d’eau destinée à la consommation humaine, conformément aux dispositions de l’article 44 de ladite loi.

Cette dernière disposition légale prévoirait que dans ces zones de protection, qui seraient subdivisées en ZPI, ZPR et ZPE, pourraient être interdits, réglementés ou soumis à autorisation ministérielle tous ouvrages, installations, dépôts et activités qui seraient susceptibles de porter atteinte à la qualité de la ressource hydrique ou à son débit exploitable.

En l’espèce, parmi les parcelles appartenant au demandeur, les suivantes auraient, en tout ou partie, été soumises à une zone de protection à travers le règlement grand-ducal déféré : (i) les parcelles …, …, … et …, qui relèveraient d’une ZPR, (ii) les parcelles …, …, …, …, … et …, qui seraient constitutives de surfaces agricoles et qui seraient soumises à une ZPE et (iii) les parcelles …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, … et …, qui représenteraient des surfaces forestières et qui seraient également classées en ZPE.

Le demandeur expose encore que les différentes zones de protection ainsi créées par le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 seraient soumises à des mesures qui seraient à qualifier d’expropriation, sinon de restriction de l’usage de ses biens immobiliers. A cet égard, il se réfère plus particulièrement aux servitudes prévues aux points 1°, 7°, 13° et 23° de l’article 3 du règlement grand-ducal déféré, cité in extenso ci-avant.

En droit, il soulève, en premier lieu, une violation de l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008, de l’article 16 de la Constitution, ainsi que de l’article 1er, alinéa 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désigné par « le premier Protocole ».

A cet égard, il souligne que ledit article 44 de la loi du 19 décembre 2008 prévoirait que chaque zone de protection comprendrait obligatoirement une ZPI qui abriterait ou serait destinée à abriter les installations de prélèvements de l’eau et qui serait reconnue d’utilité publique et que l’expropriation au profit de l’Etat exploitant ces installations serait poursuivie conformément à la loi modifiée du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, ci-après désignée par « la loi du 15 mars 1979 ».

Ainsi, la loi du 19 décembre 2008 prévoirait expressément la création de ZPI engendrant une expropriation au profit de l’Etat, expropriation qui devrait respecter les dispositions de la loi du 15 mars 1979.

En l’espèce, le règlement grand-ducal déféré, en imposant, à travers son article 3, point 1°, la clôture des ZPI, procéderait à une expropriation des parcelles concernées au profit de l’Etat.

Or, à cet égard, les dispositions relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique n’auraient pas été respectées, de sorte que le demandeur serait victime d’une expropriation illégale. En effet, contrairement aux exigences de la loi du 15 mars 1979, l’Etat n’aurait pas respecté les étapes préalables à l’acquisition ou à l’expropriation des parcelles concernées. Ainsi, le règlement grand-ducal litigieux violerait non seulement la loi du 19 décembre 2008, mais aussi celle du 15 mars 1979.

Par ailleurs, en se prévalant de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le demandeur fait valoir que constituerait une expropriation au sens de l’article 16 de la Constitution tout changement dans les attributs de la propriété qui serait à tel point substantiel qu’il priverait celle-ci de ses aspects essentiels.

Après avoir souligné que le droit de propriété connaîtrait trois prérogatives essentielles, à savoir l’« usus », le « fructus » et l’« abusus », le demandeur fait plaider que même si la loi du 19 décembre 2008 permet d’interdire ou de limiter les activités dans les zones protégées, les restrictions apportées à ce droit par le règlement grand-ducal litigieux, et plus particulièrement par les dispositions des points 7°, 13° et 23° de l’article 3 de ce dernier, seraient d’une envergure telle qu’elles méconnaîtraient le principe de proportionnalité et porteraient excessivement atteinte à son droit de propriété.

En effet, au vu de la perte d’exploitation qu’il subirait du fait des mesures imposées par le règlement grand-ducal litigieux, il ne pourrait pas librement tirer profit de ses biens immobiliers, de sorte que le « fructus » serait atteint.

Il en serait de même concernant l’« abusus », c’est-à-dire le droit du demandeur de disposer librement de ses biens, étant donné qu’en cas de revente de sa propriété, il subirait une perte considérable sur le prix de vente, du fait des restrictions imposées par le règlement grand-

ducal déféré.

L’« usus », c’est-à-dire le droit du demandeur d’utiliser ses biens immobiliers à des fins professionnelles, serait également atteint, étant donné qu’il aurait des difficultés à trouver des exploitants disposés à exploiter ses surfaces forestières soumises à de telles restrictions.

Ainsi, les trois prérogatives du droit de propriété du demandeur auraient été enlevées, sinon auraient été fortement limitées.

Or, une telle limitation aboutirait à « […] supprimer l’intérêt légitime du [demandeur] de la possession […] ».

En conclusion, le demandeur fait valoir que les dispositions critiquées du règlement grand-ducal litigieux seraient à qualifier d’expropriation au sens de l’article 16 de la Constitution, de l’article 1er, alinéa 1er du premier Protocole et de la loi du 15 mars 1979.

Ledit règlement grand-ducal devrait, dès lors, encourir l’annulation, alors que la procédure d’une expropriation pour cause d’utilité publique, telle que prévue par cette dernière loi, n’aurait pas été respectée.

A titre subsidiaire, le demandeur soulève une violation de l’article 1er, alinéa 2 du premier Protocole, en faisant valoir que dans le cas où le tribunal viendrait à la conclusion que les servitudes frappant ses parcelles du fait du règlement grand-ducal déféré ne seraient pas à qualifier d’expropriation, elles seraient à considérer comme une limitation de l’usage de ses biens, au sens dudit article 1er, alinéa 2 du premier Protocole.

Or, contrairement aux exigences de cette dernière disposition de droit supranational, la nature et l’étendue des restrictions imposées ne seraient pas définies de manière précise et détaillée par la loi habilitante que constituerait la loi du 19 décembre 2008. En effet, au vu du libellé général de cette dernière, les restrictions dépendraient du bon vouloir de l’administration, de sorte à ne pas résulter d’un texte accessible et précis.

Le règlement grand-ducal déféré devrait, dès lors, encourir l’annulation pour violation de l’article 1er, alinéa 2, précité, du premier Protocole.

Par ailleurs, le demandeur conclut à l’annulation du règlement grand-ducal litigieux pour excès de pouvoir et, plus précisément, pour violation du principe de proportionnalité.

A l’appui de ce moyen, il fait plaider qu’il serait indéniable, au vu de l’expropriation dont il aurait fait l’objet du fait du règlement grand-ducal déféré, sinon des restrictions apportées par ce dernier à son droit de propriété et qui constitueraient des servitudes au profit de l’Etat, que les autorités compétentes auraient fait un usage arbitraire de leur pouvoir d’appréciation.

En effet, le juste équilibre ferait défaut, compte tenu du préjudice financier lui causé par le règlement grand-ducal déféré et de l’absence de compensation financière de ce préjudice, le demandeur soulignant que les servitudes imposées par ledit règlement restreindraient son droit de propriété de telle manière qu’une action en indemnisation lui serait ouverte.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur explique que le point de captage d’eau concerné par le présent recours serait celui situé à …, dit « … », ci-après désigné par « le Point de captage ». Ce dernier serait alimenté par une source d’eau souterraine, ci-après désignée par « la Source », en provenance d’eaux de ruissellement. L’eau de cette source ne serait actuellement pas potable.

Le demandeur se réfère ensuite à un plan versé en cause, censé reproduire le cours d’eau affluant vers la Source, et explique que les surfaces indiquées sur ledit plan et sur lesquelles auraient été créées les zones de protection litigieuses ne constitueraient pas des surfaces planes, mais seraient, au contraire, formées de plusieurs vallons. Une visite des lieux permettrait de constater que la Source dont la protection serait recherchée s’écoulerait en bas d’un tel vallon. Le demandeur en déduit que seule une partie de ses parcelles serait véritablement concernée par la Source, de sorte que le règlement grand-ducal déféré, en élargissant les zones de protection à des vallons qui ne « […] [feraient] pas partie de la [S]ource […] », dépasserait de manière démesurée l’utilité publique poursuivie. En effet, l’ensemble des parcelles situées en dehors de ce dernier vallon n’aurait aucun intérêt à être classé en zones de protection, étant donné que la Source n’y déverserait pas.

Le demandeur explique ensuite que le Point de captage se situerait sur la parcelle …, qui, selon les dires de la partie étatique, appartiendrait au SES. Il ajoute que cette parcelle – classée en ZPI suivant le règlement grand-ducal attaqué – serait quasiment enclavée au sein de la parcelle … lui appartenant et que pour l’exploitation du Point de captage, une convention aurait été conclue entre lui-même et le SES, convention octroyant à ce dernier une servitude de forage sur une partie de la parcelle … et permettant à l’établissement public en question de collecter et d’évacuer les eaux souterraines. Or, cette convention aurait été conclue avec le SES, personne morale distincte de l’Etat, et créerait une servitude au profit de ce seul établissement public, de sorte à ne pas pouvoir justifier l’édiction, par l’Etat, de restrictions apportées au droit de propriété du demandeur et qui, au vu de leur gravité, équivaudraient à une expropriation, sinon à une servitude non indemnisée au profit de l’Etat.

Par ailleurs, la partie demanderesse souligne que le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 ne contiendrait aucune disposition limitant sa durée, qu’à l’heure actuelle, l’eau de la Source ne serait pas potable et que ledit règlement n’envisagerait pas l’hypothèse où les eaux souterraines ne deviendraient jamais potables, de sorte que ses parcelles se trouveraient classées ad vitam aeternam en zones de protection et, de ce fait, grevées des restrictions critiquées.

En outre, le demandeur insiste sur le fait que les zones de protection créées par le règlement grand-ducal déféré seraient disproportionnées par rapport au but poursuivi qui serait celui de la protection des eaux souterraines.

A cet égard, après avoir précisé que la majorité de ses parcelles aurait été classée en ZPR et en ZPE, il renvoie à ses explications ayant trait à la situation géographique et à l’agencement des parcelles visées par le règlement grand-ducal déféré, pour conclure que la majeure partie de ses parcelles ne serait pas touchée par la Source. Il conteste, dès lors, ce classement de ses parcelles en ZPR et en ZPE, en faisant valoir que, non seulement, celles-ci se situeraient en dehors du vallon au sein duquel s’écoulerait la Source, mais que, de surcroît, elles seraient elles-mêmes formées de plusieurs vallons, de sorte qu’il serait techniquement impossible qu’elles soient affectées par la Source. Ainsi, il n’y aurait aucune raison d’y créer des zones de protection.

En créant des zones de protection superflues, le règlement grand-ducal déféré imposerait au demandeur des restrictions engendrant une baisse de rentabilité de son exploitation forestière, voire lui faisant subir des pertes, restrictions que l’intéressé qualifie de démesurées.

Dans ce contexte, le demandeur rappelle qu’à travers son article 3, point 1°, le règlement grand-ducal déféré exigerait que la limite des ZPI soit marquée par une clôture.

En l’espèce, cette exigence se traduirait par l’obligation de procéder à la clôture de l’intégralité de la parcelle …, qui appartiendrait au SES, qui serait classée en ZPI et sur laquelle se trouverait le Point de captage. Or, le marquage par clôture de ce dernier empiéterait indéniablement sur la parcelle … appartenant au demandeur, empiètement qui équivaudrait à une expropriation, sinon à une servitude de fait sans contrepartie au profit de l’Etat.

Le demandeur souligne encore qu’en créant sur ses parcelles des ZPR, le règlement grand-ducal attaqué limiterait sur celles-ci l’accès aux chemins forestiers et agricoles aux engins utilisés dans le cadre de travaux d’entretien et d’exploitation forestiers.

Or, ses parcelles classées en zones de protection seraient des surfaces forestières sur lesquelles il vendrait le bois sur pieds. La coupe et la collecte du bois s’effectueraient directement sur place au moyen d’engins forestiers.

En interdisant le ravitaillement et l’entretien des véhicules au sein des zones de protection, l’acte déféré imposerait à l’exploitant forestier de procéder au ravitaillement et à l’entretien de ses engins sur une surface étanche, donc une surface se situant nécessairement en dehors de la zone de protection.

Il serait, dès lors, contraint de rejoindre le point de ravitaillement le plus proche en dehors de la zone de protection, qui serait situé à plus de 2 kilomètres de la surface forestière, de sorte qu’il serait obligé d’effectuer de nombreux allers-retours entre la zone de coupe du bois et le point de ravitaillement, ce qui engendrerait des frais supplémentaires considérables, et, par conséquent une baisse de rentabilité de son exploitation, le demandeur proposant au tribunal de vérifier les éléments de faits ainsi décrits dans le cadre d’une visite des lieux.

Le demandeur poursuit, en expliquant que ses parcelles classées en ZPE seraient également des surfaces forestières sur lesquelles il vendrait des arbres sur pieds et que le règlement grand-ducal déféré interdirait dans ces zones de protection les déboisements et les défrichements supérieurs à 25 ares, sauf autorisation spéciale permettant d’augmenter cette limite à 50 ares.

Or, ses parcelles concernées par ces restrictions seraient d’une surface totale de 26,2 hectares et seraient majoritairement couvertes de résineux ou constitueraient des friches pouvant être reboisées avec des résineux.

Ainsi, la limitation du déboisement de résineux à 25 ares le priverait d’une source de revenus importante.

Par ailleurs, le demandeur réfute l’argumentation de la partie étatique selon laquelle ses moyens tirés d’une expropriation ne seraient pas susceptibles d’aboutir à l’annulation de l’acte déféré, compte tenu du fait qu’il se dégagerait de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 octobre 2013, inscrit sous le numéro 101/13 du registre, d’une part, que la garantie constitutionnelle du droit de propriété n’interdirait pas aux pouvoirs publics d’instituer des servitudes d’urbanisme dans un but d’utilité publique et ne pourrait conduire à l’illégalité de ces servitudes, même si la question de l’indemnisation des propriétaires n’était pas résolue de manière satisfaisante par l’acte instituant la servitude et, d’autre part, une servitude instituée dans un but d’utilité publique laisserait ouverte la possibilité, pour les propriétaires concernés, de réclamer devant les juridictions judiciaires une indemnisation d’ordre financier.

A cet égard, le demandeur fait valoir que pareil raisonnement reviendrait à dire que les pouvoirs publics jouiraient en matière de détermination de l’intérêt général d’un pouvoir discrétionnaire soustrait à tout contrôle juridictionnel, ce qui leur conférerait le droit de sacrifier systématiquement les droits de l’individu au profit de l’intérêt général.

Or, contrairement à ce que laisserait entendre la partie défenderesse, l’annulation du règlement grand-ducal déféré serait recherchée en raison de l’illégalité des expropriations, sinon des servitudes en résultant pour non-respect des dispositions légales applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Le juge administratif, saisi d’une demande afférente, ne saurait se voir retirer le pouvoir de contrôler la légalité de l’acte attaqué, ainsi que la proportionnalité de la mesure prise.

En réitérant son argumentation selon laquelle, compte tenu de la gravité des mesures de protection imposées par le règlement grand-ducal litigieux, ces dernières seraient équivalentes à une expropriation, sinon à des servitudes au profit de l’Etat sans indemnisation, le demandeur fait valoir que, de ce fait, l’Etat aurait dû respecter les conditions et formalités prévues par la loi du 15 mars 1979, et notamment celles ayant trait à l’établissement d’un plan parcellaire et d’un tableau des emprises, ainsi qu’à une publication dans des journaux.

En effet, l’Etat ne saurait être en droit d’exproprier, au nom de l’utilité publique, sans contrôle juridictionnel, sans autres justifications et sans respecter les formalités légales applicables, formalités qui permettraient justement aux propriétaires concernés de faire valoir leurs droits de la défense.

Si l’Etat est bien en droit de procéder à une expropriation au nom de l’intérêt général, il ne saurait se délier des obligations légales applicables en la matière.

Or, en l’espèce, le demandeur n’aurait à aucun moment été informé des zones de protection envisagées, ni du règlement grand-ducal en cours d’élaboration.

L’étude réalisée en vue de la détermination des zones de protection, telle qu’invoquée par la partie étatique, aurait été élaborée à l’insu du demandeur, qui n’aurait été ni préalablement informé, ni convoqué, de sorte à ne pas avoir pu faire valoir ses droits et sa position.

Ce ne serait que par hasard qu’il aurait été informé du projet de règlement grand-ducal, projet contre lequel il aurait formellement réclamé. Cependant, malgré cette réclamation et son initiative de contacter le SES, il n’aurait par la suite eu aucun retour jusqu’à la publication du règlement grand-ducal déféré au Mémorial. Ce n’aurait été qu’à ce stade qu’il aurait pris connaissance des mesures mises en place sur ses parcelles.

Le règlement grand-ducal litigieux devrait, dès lors, encourir l’annulation pour avoir été adopté en méconnaissance des conditions légales régissant l’expropriation.

A l’appui de son moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, le demandeur souligne que si l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans la détermination de l’utilité publique, ce pouvoir ne serait cependant pas soustrait à tout contrôle juridictionnel et il appartiendrait au juge administratif d’analyser si l’utilité publique invoquée est suffisamment vérifiée et si la mesure prise n’est pas disproportionnée.

En renvoyant à ses développements ayant trait au caractère superflu de la mise en place de zones protégées sur ses parcelles, compte tenu de la configuration des lieux, le demandeur fait valoir qu’en l’espèce, la création de telles zones protégées et les mesures de protection édictées par le règlement grand-ducal déféré seraient disproportionnées par rapport au but poursuivi, à savoir la protection de la Source servant à la production d’eau destinée à la consommation humaine.

En créant des zones de protection non touchées par la Source et en ne limitant pas son application dans le temps, le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 violerait le principe de proportionnalité et sacrifierait de façon démesurée le droit de propriété du demandeur au profit de l’intérêt général.

L’acte attaqué devrait, dès lors, encourir l’annulation.

Finalement, le demandeur réfute l’argumentation de la partie étatique ayant trait à l’existence de règlements grand-ducaux prévoyant des primes et aides étatiques au profit des exploitants forestiers et agricoles soumis à certaines mesures de protection d’ordre environnemental, en faisant valoir que ces aides et primes, qui ne seraient « […] ni fixes, ni indéfinies, ni certaines […] », ne sauraient être confondues avec l’indemnité due au propriétaire se voyant illégalement exproprié pour cause d’utilité publique.

Le demandeur ajoute, dans ce contexte, que les mesures de protection imposées par le règlement grand-ducal attaqué au niveau de l’exploitation forestière généreraient dans son chef une perte considérable, étant donné qu’elles viendraient s’ajouter à d’autres règlements d’ores et déjà en vigueur. Or, l’indemnisation des pertes générées par ces nouvelles mesures de protection ne serait pas prévue par l’acte attaqué.

Dans son mémoire supplémentaire, qu’il avait été autorisé à déposer, sur sa demande, afin de prendre position par rapport à de nouveaux moyens développés par la partie étatique dans son mémoire en duplique, le demandeur précise que la procédure à suivre par l’exploitant d’un point de prélèvement qui entendrait créer des zones de protection serait prévue par l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008.

Au vu de cette disposition légale et des pièces versées par l’Etat, l’on pourrait retenir que le SES, exploitant du Point de captage, serait à l’origine de la demande de création des zones de protection litigieuses.

Le demandeur poursuit en expliquant que le dossier de délimitation de ces zones aurait été établi à la fin de l’année 2016 par le bureau d’études ….

En octobre 2017, le demandeur aurait été approché par le SES, qui aurait entendu réaliser un assainissement complet de la Source, suite aux études réalisées par ledit bureau d’études. Le demandeur ajoute que, dans ce contexte, une convention de servitude aurait été signée entre lui-même et le SES, accordant à ce dernier le droit de procéder à « 4 forages horizontaux destinés à collecter et à évacuer des eaux souterraines » sur la parcelle …. A ce stade, ni le SES, ni une autre autorité n’auraient informé le demandeur de la création projetée de zones de protection, ni de l’incidence de la mise en place de telles zones sur ses parcelles.

En mars 2018, une séance d’information aurait été tenue par l’administration communale d’Helperknapp, séance ayant eu pour objet d’informer le public sur le projet de création de différentes zones de protection dans la commune.

Lors de cette séance d’information, destinée à l’information générale du public, il n’aurait été fait mention ni des parcelles concernées par le projet, ni des restrictions, respectivement interdictions qui seraient imposées au sein des zones de protection et qui freineraient drastiquement les exploitations forestières et agricoles y exercées.

Il ne se serait agi que d’une information générale du public, sans que le demandeur aurait été individuellement visé, ce qui, au vu du nombre de ses parcelles concernées par le règlement grand-ducal déféré, aurait paru indispensable, afin de respecter ses droits de la défense.

Le demandeur rappelle encore que suite à la publication du projet de règlement grand-ducal en mai 2018, il aurait immédiatement formulé ses contestations et observations à l’encontre de celui-ci, mais sa réclamation n’aurait pas connu de suite. La lecture du règlement grand-ducal finalement publié au Mémorial confirmerait que ses contestations et observations n’auraient nullement été prises en compte.

En conclusion, le demandeur fait plaider que la procédure prévue par l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008 aurait été menée sans prendre en compte sa situation particulière, sans l’avertir sur les restrictions projetées et sans tenir compte de sa réclamation, ne lui laissant ainsi aucune possibilité réelle de faire valoir ses droits.

Le demandeur ajoute que si l’utilité publique de la création de zones de protection en vue de l’assainissement de la Source n’est pas contestée, sa convocation, son information et sa participation aux opérations d’expertise auraient pour le moins permis la détermination consensuelle des zones de protection et la mise en place de mesures proportionnées et contradictoirement discutées, assurant ainsi le juste équilibre entre le but d’utilité publique poursuivi et ses intérêts privés.

L’importance d’une coopération entre les différents acteurs aurait, d’ailleurs, été soulignée par le bureau … dans son rapport, qui aurait souligné, à juste titre, la forte activité forestière au sein des zones concernées.

Or, une telle coopération aurait incontestablement fait défaut en l’espèce, le demandeur se plaignant, à cet égard, du fait qu’il n’aurait jamais été contacté ni par le SES, ni par l’administration communale concernée, ni par l’Etat, pour faire valoir sa position et tenter de déterminer d’un commun accord les mesures appropriées à appliquer à l’intérieur des zones de protection, tout en soulignant que lorsqu’il aurait finalement été invité à une réunion avec le SES, les servitudes litigieuses auraient d’ores et déjà été planifiées, de sorte qu’il se serait vu confronté à un fait accompli.

Le demandeur fait ensuite valoir que même à admettre que, tel qu’affirmé par la partie étatique en réponse à son argumentaire ayant trait à la topographie du site, les sources de l’eau captée seraient souterraines, ce qui serait néanmoins contesté, se poserait la question de savoir si la délimitation des zones de protection, telle qu’effectuée par le règlement grand-ducal déféré, n’était pas tout à fait artificielle, le demandeur s’interrogeant, dans ce contexte, sur quelle base cette délimitation aurait été arrêtée, tout en déclarant contester le rapport d’expertise du bureau …, qui aurait été établi unilatéralement et à son insu.

Finalement, quant à la référence, faite par la partie défenderesse, à des règlements grand-ducaux prévoyant des primes, aides et subsides étatiques, le demandeur fait valoir qu’une lecture de ces derniers permettrait de constater qu’ils concerneraient exclusivement les exploitants agricoles, de sorte à être dépourvus de pertinence en l’espèce. En outre, les aides prévues par ces règlements grand-ducaux auraient un caractère purement aléatoire, étant donné qu’elles ne seraient « […] ni fixes, ni indéfinies, ni certaines […] ». Par ailleurs, il s’agirait de textes généraux auxquels chaque administré pourrait faire appel, qu’il ait fait l’objet d’une mesure d’expropriation ou non.

Le demandeur en déduit que le règlement grand-ducal déféré ne prévoirait aucune indemnisation pour le préjudice résultant de la « […] servitude de fait au profit de l’Etat […] ».

En conclusion, il fait valoir que ledit règlement grand-ducal devrait encourir l’annulation pour lui faire subir une expropriation illégale, sinon une « […] servitude de fait au profit de l’Etat […] », sans contrepartie.

La partie étatique conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Appréciation du tribunal Quant à la légalité externe du règlement grand-ducal déféré et s’agissant plus particulièrement de l’argumentation du demandeur selon laquelle la procédure d’adoption dudit règlement aurait été menée en violation de ses droits de la défense, le tribunal constate en premier lieu que si, dans ce contexte, le demandeur se plaint du fait qu’il n’aurait pas été individuellement averti du projet en cours d’élaboration et qu’il n’aurait pas été invité à participer aux opérations d’expertise, aux fins d’une détermination consensuelle des zones de protection et des mesures y applicables, il reste cependant en défaut d’identifier une quelconque disposition normative qui, en la présente matière, imposerait aux autorités publiques d’informer, de manière individuelle et préalable, un propriétaire de fonds concernés par un projet de règlement grand-ducal de l’existence de ce projet, voire de l’associer aux travaux d’expertise.

Le tribunal relève ensuite qu’en son article 44 (6) et (7), la loi du 19 décembre 2008 met en place une procédure d’enquête publique, réglementée comme suit :

« (6) L’exploitant du point de prélèvement adresse une demande de création d’une zone de protection au ministre. En cas d’acceptation de la demande par le ministre, l’exploitant rédige un projet de création de zones de protection sur la base d’un dossier de délimitation établi suivant les instructions de l’Administration de la gestion de l’eau. Le dossier est soumis au ministre qui l’adresse, aux fins d’enquête publique, aux communes territorialement concernées.

La procédure d’enquête publique doit être initiée par les communes territorialement concernées dans les deux mois à compter de la réception du dossier. Le dossier est consultable à la maison communale de la manière usuelle, tout en invitant le public concerné à prendre connaissance des pièces pendant trente jours.

(7) Dans le délai prévu à l’alinéa qui précède, les objections contre le projet doivent être adressées au collège des bourgmestre et échevins qui en donne connaissance au conseil communal pour avis. Ce dossier, avec les réclamations et l’avis du conseil communal, doit être transmis dans le mois de l’expiration du délai de publication au ministre avec les pièces et observations afférentes. ».

En l’espèce, le tribunal constate qu’une enquête publique relative au projet de règlement grand-ducal a bien eu lieu, en application dudit article 44 (6) et (7) de la loi du 19 décembre 2008.

C’est ainsi que par avis du 20 mars 2018, le public a été informé du fait que le projet était déposé pendant 30 jours à partir du 21 mars 2018 au secrétariat de la commune de Helperknapp, où il pouvait en prendre inspection, et que les objections contre ledit projet devaient être adressées au collège échevinal endéans le même délai. Il ressort du certificat de publication du 24 avril 2018 que cet avis était dûment publié et affiché à partir du 21 mars 2018.

Plusieurs administrés, dont le demandeur, ont formulé des objections.

A cet égard, le tribunal constate qu’il se dégage du courrier du litismandataire du demandeur du 9 avril 2018, par le biais duquel ce dernier a fait adresser ses objections au collège échevinal de la commune de Helperknapp, ainsi que du plan y annexé, reprenant les zones de protection projetées et sur lequel l’intéressé avait marqué ses parcelles « […] par des traits hachurés en rouge […] », que le demandeur avait bien connaissance non seulement de l’emprise géographique des zones de protection projetées, mais aussi des servitudes en résultant pour sa propriété, le demandeur ayant, dans son courrier, expressément pris position à cet égard.

Si le demandeur se plaint de ce que sa réclamation serait restée sans suites et qu’il n’aurait pris connaissance des mesures finalement adoptées que suite à la publication du règlement grand-ducal au Mémorial, le tribunal constate, d’une part, qu’en la présente matière, aucune disposition normative n’oblige l’autorité étatique à informer un réclamant des suites réservées à sa réclamation et, d’autre part, qu’il ressort des pièces versées en cause que par courrier du 30 mai 2018, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Helperknapp a transmis au ministre compétent le dossier relatif au projet de règlement grand-ducal litigieux, comportant, entre autres, les réclamations introduites, dont celle du demandeur, et l’avis afférent du conseil communal.

Par ailleurs, il se dégage des explications de la partie étatique, non contestées sur ce point par le demandeur, que suite à la réclamation de ce dernier, une modification a été apportée au projet de règlement grand-ducal après la procédure d’enquête publique, en ce qu’une possibilité d’introduire une demande de dérogation à l’interdiction de déboiser plus de 25 ares, telle que prévue par le règlement grand-ducal modifié du 9 juillet 2013 relatif aux mesures administratives dans l’ensemble des zones de protection pour les masses d’eau souterraine ou parties de masses d’eau souterraine servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 9 juillet 2013 », y a été ajoutée, possibilité prévue par l’article 3, point 23° du règlement grand-ducal adopté.

Dans ces circonstances, et à défaut d’autres éléments, il n’est nullement établi que la réclamation du demandeur n’aurait pas été dûment prise en considération dans le cadre du processus décisionnel, le seul fait que ladite réclamation n’ait pas été suivie en tous ses points ne permettant pas de retenir le contraire, étant encore relevé que le demandeur a pu faire valoir ses contestations quant aux mesures finalement adoptées dans le cadre du présent recours.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal ne saurait constater de lésion des droits de la défense du demandeur, de sorte que les contestations afférentes de ce dernier sont à rejeter pour ne pas être fondées.

Quant au fond, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 20 (1) a) de la loi du 19 décembre 2008 : « L’Administration de la gestion de l’eau établit et tient un registre des zones protégées qui comprend les types suivants de zones protégées : […] les zones désignées pour le captage d’eau destinée à la consommation humaine conformément aux dispositions de l’article 44 […] ».

L’article 44, auquel il est ainsi renvoyé et sur base duquel le règlement grand-ducal déféré a été adopté, est libellé comme suit :

« (1) Des règlements grand-ducaux délimitent les zones de protection pour les masses d’eau ou parties de masses d’eau servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine. Ces zones de protection sont subdivisées en zones de protection immédiate, zones de protection rapprochée et zones de protection éloignée.

(2) Un règlement grand-ducal arrête des mesures applicables à l’ensemble des zones de protection.

(3) Sous réserve des dispositions du paragraphe 5, les règlements grand-ducaux visés aux paragraphes 1er et 2 interdisent, réglementent ou soumettent à autorisation les ouvrages, installations, travaux ou activités qui sont susceptibles de porter atteinte à la qualité de la ressource hydrique ou à son débit exploitable. Ces servitudes visent :

a) le stockage, la manipulation et l’emploi de produits et substances pouvant altérer la qualité de l’eau ;

b) la construction de bâtiments et de routes ;

c) l’exercice d’activités industrielles, agricoles et commerciales, artisanales et de loisirs ;

d) les interventions dans le sous-sol.

[…] (5) La zone de protection comprend obligatoirement une zone de protection immédiate qui abrite ou est destinée à abriter les installations de prélèvement de l’eau et qui est reconnue d’utilité publique. À l’intérieur de cette zone sont interdits tous ouvrages, installations, dépôts, travaux ou activités à l’exception de ceux qui se rapportent à l’exploitation et à l’entretien de la zone et des ouvrages de captages. L’expropriation au profit de l’État, de la commune ou du syndicat de communes qui exploite ces installations est poursuivie conformément à la loi modifiée du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. […] ».

Il ressort de cette disposition légale que les zones de protection pour les masses d’eau ou parties de masses d’eau servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine sont délimitées par le biais de règlements grand-ducaux, ces zones de protection étant subdivisées en ZPI, ZPR et ZPE. Lesdites zones sont, sous réserve des dispositions spécifiques applicables au ZPI, soumises à des mesures interdisant, réglementant ou soumettant à autorisation les ouvrages, installations, travaux ou activités qui sont susceptibles de porter atteinte à la qualité de la ressource hydrique ou à son débit exploitable, ces servitudes visant, notamment, le stockage, la manipulation et l’emploi de produits et substances pouvant altérer la qualité de l’eau, ainsi que l’exercice d’activités agricoles. Ces mesures sont prévues, d’une part, par un règlement grand-ducal applicable à l’ensemble des zones de protection, en l’occurrence celui du 9 juillet 2013, et, d’autre part, par les différents règlements grand-ducaux portant création de zones de protection, tels que celui déféré en l’espèce.

Il se dégage encore de ladite disposition légale qu’un règlement grand-ducal portant création de zones de protection doit mettre en place une ZPI abritant ou destinée à abriter les installations de prélèvement de l’eau, qui est reconnue d’utilité publique et à l’intérieur de laquelle sont interdits tous ouvrages, installations, dépôts, travaux ou activités à l’exception de ceux qui se rapportent à l’exploitation et à l’entretien de la zone et des ouvrages de captages.

C’est sur base de ces dispositions que le pouvoir réglementaire a, à travers l’adoption du règlement grand-ducal déféré, créé les différentes zones de protection y visées et mis en place les servitudes y applicables, telles que listées à son article 3.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que du fait de la création de zones de protection sur ses parcelles et des conséquences juridiques y attachées, il serait victime d’une expropriation illégale.

A cet égard, le tribunal relève, à titre liminaire, que si, en sus de ses contestations visant les dispositions des points 1°, 7°, 13° et 23° du règlement grand-ducal litigieux, le demandeur soutient encore, sous l’intitulé « Quant à l’intérêt à agir » de sa requête introductive d’instance, que tous travaux, respectivement toute intervention sur les surfaces concernées seraient désormais soumis à autorisation préalable, ce qui lui causerait des frais supplémentaires considérables, force est néanmoins de constater qu’outre le fait qu’il est resté en défaut d’indiquer la disposition réglementaire concrètement visée, il n’a pas autrement développé la contestation en question, qu’il n’a, d’ailleurs, pas reprise dans le cadre de l’exposé de ses moyens en droit. Dans ces circonstances, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position quant à ce moyen simplement suggéré, sans être effectivement soutenu.

Le tribunal précise ensuite qu’aux termes de l’article 16 de la Constitution, « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de manière établis par la loi. ».

Par ailleurs, l’article 1er du premier Protocole dispose que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. ».

En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qu’un changement dans les attributs de la propriété qui est à tel point substantiel qu’il prive le propriétaire de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation.2 En l’espèce, aucun transfert de propriété des parcelles de la partie demanderesse n’a été décidé ou ne s’est opéré, de sorte qu’en principe, aucune expropriation au sens de l’article 16 de la Constitution ou de l’article 1er du premier Protocole ne peut être constatée.

Si, dans sa requête introductive d’instance, le demandeur soutient que compte tenu, d’une part, des dispositions du paragraphe (5) de l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008 reconnaissant l’utilité publique des ZPI et précisant que « L’expropriation au profit de l’État, de la commune ou du syndicat de communes qui exploite [l]es installations [de prélèvement de l’eau] est poursuivie conformément à la loi […] du 15 mars 1979 […] », et, d’autre part, de 2 Cour const., 26 septembre 2008, n° 00046 du registre et Cour const., 4 octobre 2013, numéro 00101 du registre.

l’obligation, prévue à l’article 3, point 1° du règlement grand-ducal déféré, de marquer la limite des ZPI par une clôture, le classement en ZPI de la parcelle … serait constitutif d’une expropriation illégale dans son chef, force est néanmoins au tribunal de constater que dans le dernier état de ses conclusions, il ne conteste pas que le propriétaire de ladite parcelle est, non pas lui-même, mais le SES.

Le classement de la parcelle en question en ZPI n’affecte, dès lors, pas le droit de propriété du demandeur, ladite parcelle appartenant d’ores et déjà à l’exploitant du Point de captage.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation non autrement étayée du demandeur selon laquelle le marquage par clôtures du Point de captage empiéterait indéniablement sur la parcelle … lui appartenant.

Il suit des considérations qui précèdent que le classement en ZPI de la parcelle … ne constitue, à l’égard du demandeur, ni une expropriation stricto sensu ni une mesure équipollente à une expropriation.

Quant aux dispositions des points 7°, 13° et 23° de l’article 3 du règlement grand-ducal déféré, telles que critiquées encore par le demandeur, le tribunal relève que nonobstant ces dispositions – qui (i) limitent l’accès aux chemins forestiers et agricoles à des engins utilisés dans le cadre de travaux d’entretien et d’exploitation forestiers et agricoles et aux ayants droit, tout en réglementant l’entretien et le ravitaillement de véhicules et d’autres engins utilisés, (ii) interdisent toute conversion de prairies permanentes en terres arables et (iii) prévoient la possibilité d’une autorisation de procéder en ZPE à un déboisement de plus de 25 ares, par dérogation à l’annexe I, point 6.19.2, du règlement grand-ducal du 9 juillet 2013, mais en respectant la limite de 50 ares –, le demandeur peut toujours user de ses biens immobiliers, en disposer et en récolter les fruits, sauf que l’exercice de son exploitation forestière est dorénavant davantage encadré, ce qui ne constitue cependant pas une atteinte à la substance des attributs classiques du droit de propriété que constituent l’« usus », le « fructus » et l’« abusus ».

Les mesures critiquées ne s’analysent, dès lors, pas en une expropriation au sens de l’article 1er, alinéa 1er du premier Protocole, de l’article 16 de la Constitution et de la loi du 15 mars 1979.

Il suit des considérations qui précèdent que l’argumentaire du demandeur selon lequel il aurait fait l’objet d’une expropriation illégale est à rejeter dans son ensemble.

En revanche, le classement des parcelles du demandeur en ZPR, respectivement en ZPE et les servitudes en résultant s’analysent en une réglementation de l’usage des biens, au sens du deuxième alinéa de l’article 1er du premier Protocole.

Il y a, dès lors, lieu de vérifier si, au regard des contestations afférentes formulées par le demandeur, ladite réglementation est conforme aux exigences de cette dernière disposition de droit supranational, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’Homme (« CourEDH »).

Il ressort du libellé même de l’article 1er, alinéa 2 du premier Protocole qu’une restriction de l’usage de la propriété doit être prévue par la loi.

A cet égard, le demandeur se réfère à la loi du 19 décembre 2008 pour soutenir qu’en l’espèce, les restrictions ne résulteraient pas d’un texte accessible et précis.

Or, il se dégage de la jurisprudence constante de la CourEDH3, que la « loi », au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ne vise pas une loi au sens formel du terme, tel que suggéré par le demandeur, mais englobe le droit écrit et le droit non écrit et qu’une ingérence est « prévue par la loi », si elle a une base en droit interne.

Il faut encore que la « loi » soit suffisamment accessible : le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu, on ne peut considérer comme une « loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite. En s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé.4 En l’espèce, le tribunal constate que les restrictions apportées au droit de propriété sont définies par l’article 3 du règlement grand-ducal déféré, ainsi que par le règlement grand-ducal du 9 juillet 2013. Ces règlements constituent des actes à caractère normatif, de sorte à s’analyser en eux-mêmes en des « lois », au sens de la jurisprudence de la CourEDH, lesdits règlements ayant été adoptés conformément au cadre juridique tracé, notamment, par la Constitution et par l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008. Ainsi, l’ingérence dans le droit de propriété a une base en droit interne. Par ailleurs, la « loi » qui prévoit les restrictions litigieuses de ce droit est suffisamment accessible, compte tenu de la publication au Mémorial des susdits règlements grand-ducaux et de l’ensemble des textes normatifs sur base desquels ces derniers ont été adoptés. Quant au critère de précision, le tribunal retient, en l’absence de contestations circonstanciées sur ce point de la part du demandeur, que le libellé de l’article 3 du règlement grand-ducal déféré, ainsi que celui du règlement grand-ducal du 9 juillet 2013 sont suffisamment précis pour permettre aux administrés concernés de régler leur conduite.

Le tribunal déduit de ces considérations que les restrictions litigieuses portées au droit de propriété du demandeur résultent d’une « loi » suffisamment précise et accessible, conformément aux exigences se dégageant de la jurisprudence de la CourEDH, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

S’agissant ensuite des contestations du demandeur ayant trait à la proportionnalité des mesures critiquées par rapport à la finalité d’intérêt général poursuivie, qui, de manière non contestée et en application de l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008, est la protection des masses d’eau ou parties de masses d’eau servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine, le tribunal relève qu’il ressort de la jurisprudence de la CourEDH5 qu’à l’instar d’une privation de la propriété, une restriction de l’usage des biens doit ménager un « juste équilibre » entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Ainsi, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En contrôlant le respect de cette exigence, la CourEDH reconnaît à l’Etat concerné une grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause.6 3 Voir, entre autres : CourEDH, 2 août 1984, affaire Malone c. Royaume-Uni, Requête n° 8691/79, n° 66.

4 Trib. adm., 25 septembre 2017, n° 37637 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 69 et l’autre référence y citée.

5 CourEDH, Grande Chambre, 29 avril 1999, Affaire Chassagnou et autres c. France, Requêtes nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, n° 75.

6 Trib. adm., 25 septembre 2017, n° 37637 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 70 et les autres références y citées.

S’agissant d’abord de l’argumentation du demandeur selon laquelle l’acte déféré serait disproportionné, en ce qu’il soumettrait à des zones de protection des parcelles ne contribuant pas à l’alimentation en eau de la Source, compte tenu de la topographie du site, qui serait constitué de plusieurs vallons, le tribunal constate qu’à cet égard, le bureau … a pris position comme suit, dans un courrier du 7 mai 2021, versé par la partie étatique :

« […] Le point de captage n’est pas alimenté par des eaux de ruissellement mais par des eaux souterraines qui sont alimentées à leur tour par l’ensemble des infiltrations sur la zone d’alimentation. Cela a été clairement établi lors de l’étude des zones de protection puis lors de l’étude complémentaire réalisée lors du renouvellement de l’ouvrage. Le point de captage n’est pas directement alimenté par le ruisseau situé sur sa zone d’alimentation et l’alimentation de la source ne dépend pas du réseau d’eau de surface. Il est toutefois possible qu’au niveau du ruisseau des infiltrations aient lieux, mais cette alimentation de la nappe phréatique n’est pas prépondérante, car le captage est très majoritairement alimenté par des eaux souterraines. Les infiltrations de surface dans les captages ne sont de plus pas souhaitées car elles peuvent nuire à la qualité bactériologique des eaux distribuées et sont très fortement influencées par les pratiques anthropiques sur la zone d’alimentation. Lorsque des infiltrations d’eau de surface sont détectées des mesures pour les supprimer ou en atténuer les effets négatifs sont systématiquement prises. Il a été établi que la nappe phréatique débordant au niveau de la source Ansembourg 2 est alimentée par des infiltrations diffuses sur l’ensemble de sa zone d’alimentation. Les eaux qui s’infiltrent se chargent au cours de leur trajet en minéraux et en toute substance présente dans le sous-sol y compris les pesticides d’origine agricole. La présence de ses substances est réversible sur le long terme si des mesures de protection sont prises. […] Dans le cas du captage Ansembourg 2, le bassin hydrogéologique est plus étendu que le bassin hydrographique du ruisseau. Il est donc erroné de se fier au vallon alimentant le ruisseau pour apprécier l’origine des eaux qui émergent au captage. […] ».

Ces explications quant à l’origine essentiellement souterraine de l’eau du captage Ansembourg 2 sont corroborées par le rapport d’expertise de …, intitulé « Délimitation des Zones de protection – Captage Comte d’Ansembourg 2 (SCS-511-62) – Groupe Bour Z2-6 – CODE ZPS AGE 3002 – PARTIE A : Partie écrite », tel que versé par la partie étatique, ci-après désigné par « le rapport … ».7 Si le demandeur conteste, de manière générale, ce rapport, en soulignant qu’à sa connaissance, seuls des forages horizontaux et non verticaux auraient été réalisés, tout en s’interrogeant au sujet des bases sur lesquelles les zones de protection auraient été déterminées et en insistant sur le fait que ledit rapport aurait été réalisé de manière unilatérale et à son insu, le tribunal relève que le rapport en question a pu être discuté de manière contradictoire dans le cadre de la présente instance et que le demandeur se borne à formuler des contestations d’ordre général, sans cependant produire un quelconque élément probant dont il se dégagerait que le document concerné n’aurait pas été réalisé selon les règles de l’art et/ou que les constats y faits, de même que les conclusions y tirées seraient inexacts. Lesdites contestations sont, dès lors, à écarter.

Ainsi, c’est à tort que le demandeur s’empare de la topographie du site pour conclure au caractère disproportionné de l’acte déféré, eu égard à l’étendue territoriale des zones de protection.

7 Voir, notamment, p. 7 à 10 du rapport Geoconseils.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de procéder à une visite des lieux, telle que proposée dans ce contexte par le demandeur.

S’agissant concrètement de la délimitation géographique des zones de protection, il y a lieu de se référer au règlement grand-ducal du 9 juillet 2013, qui précise, en son article 1er :

« […] La zone de protection immédiate s’étend sur un rayon qui n’excède pas 20 mètres autour d’un captage. Pour un captage de source, la limite extérieure de la zone de protection immédiate n’excède pas 20 mètres en amont de la limite extérieure de l’ouvrage en direction de l’écoulement de l’eau souterraine. […] », en son article 2 : « […] La zone de protection rapprochée s’étend depuis la limite extérieure du captage jusqu’à une distance correspondant à un temps de transfert d’environ 50 jours de l’eau souterraine jusqu’à son arrivée au captage sans que cette distance ne puisse être inférieure à 50 mètres. […] » et, en son article 3 : « La zone de protection éloignée, aussi appelée zone III, couvre le reste de l’aire géographique d’alimentation du captage. ».

En l’espèce, le tribunal constate, à la lecture du rapport …, qu’en application de ces dispositions, il a été retenu que la ZPI « […] est constituée par la parcelle … […] sur laquelle se [trouve] le captage […] »8.

Quant à la ZPR, il se dégage du rapport … qu’en application de l’article 2 du règlement grand-ducal du 9 juillet 2013, il a été procédé au calcul de l’ « […] isochrone des 50 jours […] »9.

A cet égard, ledit rapport contient les précisions suivantes : « […] [I]l est proposé d’utiliser la vitesse efficace déterminée à l’aide des données de terrain (perméabilités) et de la modélisation […] des grès de Luxembourg (perméabilités et gradient hydraulique). Les données de terrain correspondent aux valeurs de perméabilité mesurées lors des essais de pompage sur les forages dans plusieurs secteurs caractéristiques des grès de Luxembourg. Plusieurs valeurs sont utilisées afin de donner une meilleure représentativité de mesure. La valeur finale proposée est la moyenne de ces valeurs.

On obtient donc par cette méthode une distance moyenne d50j = 350 m […] ».10 Sur base de ces éléments, il a été retenu que « […] Toute parcelle recoupée par ce rayon de 350 m est incluse dans la [ZPR] […] ».11 De même, le rapport … précise que la ZPE « […] s’étend jusqu’aux limites de la zone d’alimentation […] »12, conformément aux dispositions de l’article 3 du règlement grand-ducal du 9 juillet 2013, le même rapport précisant que la zone d’alimentation en tant que telle « […] a été déterminée à l’aide de la carte géologique, des observations de terrain, des valeurs de débit et des bilans hydrologiques et hydrogéologiques […] ».

Eu égard à l’ensemble de ces considérations et à défaut d’autres éléments, le tribunal conclut que contrairement à ce que soutient le demandeur, l’étendue géographique des zones de protection, telle que retenue à travers le règlement grand-ducal déféré, n’est pas 8 Rapport …, p. 38.

9 Ibid..

10 Ibid..

11 Ibid., p. 39.

12 Ibid., p. 41.

disproportionnée, étant donné qu’elle couvre l’aire d’alimentation du Point de captage, déterminée à l’aide de données scientifiques non utilement remises en cause.

Quant aux servitudes concrètement critiquées par le demandeur, et s’agissant, d’abord, de celle prévue au point 7° de l’article 3 du règlement grand-ducal déféré, le tribunal rappelle que cette dernière disposition prévoit ce qui suit : « L’accès aux chemins forestiers et agricoles est réservé aux engins utilisés dans le cadre de travaux d’entretien et d’exploitation forestiers et agricoles et aux ayants droit. Le ravitaillement et l’entretien de véhicules utilisés dans le cadre de travaux forestiers et agricoles sont interdits dans les zones visées par le présent règlement, sauf sur des surfaces imperméables situées en zone de protection éloignée et conçues de façon à éviter tout déversement d’huile ou d’hydrocarbure en direction du sous-sol. Le ravitaillement et l’entretien de tout autre engin utilisé dans le cadre de travaux forestiers et agricoles ne sont autorisés que sur une surface étanche avec un volume de récupération suffisant en cas de fuite accidentelle au niveau de l’engin. Les engins utilisés dans le cadre des travaux forestiers contiennent exclusivement de l’huile biodégradable dans leur système hydraulique. ».

A cet égard, le tribunal constate qu’aux termes du rapport …, la circulation d’engins à moteurs sur les chemins forestiers représente un risque pour les eaux souterraines en cas d’accident.13 En effet, un tel accident peut, notamment, causer la fuite de substances polluantes, telles que des hydrocarbures. Le fait, pour le règlement grand-ducal déféré, de réserver l’accès à ces chemins à des engins utilisés dans le cadre de travaux d’entretien et d’exploitation forestiers n’est, dès lors, pas une restriction du droit de propriété du demandeur qui serait disproportionnée par rapport à la finalité d’intérêt général recherchée, en l’occurrence la protection des eaux souterraines.

La même conclusion s’impose quant aux restrictions visant le ravitaillement et l’entretien de véhicules et d’engins utilisés dans le cadre d’une activité forestière, telles que critiquées par le demandeur, et ce compte tenu du risque évident de pollution des eaux souterraines en cas de déversement accidentel de carburant ou d’huile de moteur de machines ou de véhicules utilisés au sein de la zone d’alimentation, tel qu’évoqué par le rapport … 14, étant encore souligné que le règlement grand-ducal déféré ne contient pas d’interdiction absolue de procéder au ravitaillement et à l’entretien d’engins à moteurs à l’intérieur des zones de protection. En effet, restent autorisés, d’une part, le ravitaillement et l’entretien de véhicules utilisés dans le cadre de travaux forestiers et agricoles, s’ils sont effectués sur des surfaces imperméables situées en ZPE et conçues de façon à éviter tout déversement d’huile ou d’hydrocarbure en direction du sous-sol et, d’autre part, le ravitaillement et l’entretien d’autres engins utilisés dans le cadre de travaux forestiers et agricoles, à condition d’être réalisés sur une surface étanche avec un volume de récupération suffisant en cas de fuite accidentelle au niveau de l’engin.

Il n’y a pas lieu de procéder à la visite des lieux proposée dans ce contexte par le demandeur, ladite mesure d’instruction n’étant, au vu des considérations qui précèdent, pas nécessaire à la solution du litige.

Le demandeur critique encore l’interdiction de toute conversion de prairies permanentes en terres arables, telle que prévue au point 13° de l’article 3 du règlement grand-ducal du 7 octobre 2020.

13 Ibid., p. 45.

14 Ibid..

A cet égard, le tribunal constate qu’il se dégage du rapport … que les analyses chimiques réalisées ont révélé une sensibilité de la Source aux nitrates et aux pesticides et que les pollutions d’origine agricole constituent la principale source de pollution pour le site Ansembourg 2.15 C’est, dès lors, à juste titre que la partie étatique soutient qu’une conversion de prairies permanentes en terres arables risquerait de conduire à une dégradation de la qualité de l’eau de la Source, alors que l’exploitation d’une terre arable, avec l’épandage de divers fertilisants et de produits phytopharmaceutiques, présente des risques de contamination des eaux souterraines.

Il ressort encore des explications de la partie étatique, non contestées sur ce point par le demandeur, d’une part, que le retournement de prairies permanentes peut entraîner un lessivage important des nitrates dans le sous-sol jusqu’aux eaux souterraines et, d’autre part, que les concentrations en nitrates mesurées dans l’eau du Point de captage ont une tendance à l’augmentation et que des dépassements de la limite de potabilité, fixée à 100 ng/L, sont à déplorer depuis 2017 pour le métazachlore ESA, produit de dégradation du métazachlore, herbicide utilisé notamment pour les cultures de colza.

Eu égard à ces considérations, le tribunal conclut que l’interdiction de procéder à toute conversion de prairies permanentes en terres arables, telle que prévue au point 13° de l’article 3 du règlement grand-ducal du 7 octobre 2020, ne constitue pas non plus une restriction disproportionnée du droit de propriété du demandeur, mais s’analyse en une mesure adéquate pour assurer la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine.

S’agissant ensuite des contestations du demandeur quant aux mesures prévues à l’article 3, point 23° du règlement grand-ducal déféré, le tribunal rappelle que cette dernière disposition réglementaire est libellée comme suit :

« Sur demande introduite conformément à l’article 23, paragraphe 1er, lettre q), de la loi précitée du 19 décembre 2008, le membre du Gouvernement ayant la Gestion de l’eau dans ses attributions peut autoriser dans les zones de protection éloignée, le déboisement de plus de 25 ares de forêts par dérogation à l’annexe I, point 6.19.2, du règlement grand-ducal précité du 9 juillet 2013 sous réserve de garantir une bonne qualité de l’eau destinée à la consommation humaine et de :

a) ne pas déboiser plus de 50 ares ;

b) réaliser un plan simple de gestion, tel que défini à l’article 24 du règlement grand-

ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour l’amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers, dans le cas où celui-ci n’aurait pas encore été réalisé ;

c) respecter toutes autres réglementations et législations relatives à la protection de la nature et des biotopes. ».

Force est au tribunal de constater que la disposition ainsi critiquée par le demandeur crée une possibilité de dérogation à l’interdiction de procéder à des déboisements de forêts d’une surface supérieure à 25 ares, telle que prévue au point 6.19.2 de l’annexe I du règlement grand-ducal du 9 juillet 2013 pour les ZPR et ZPE. Il s’agit, dès lors, d’une disposition plus favorable que le droit commun.

Outre ce constat, pour autant que le demandeur ait entendu critiquer le principe même d’une limitation des déboisements, voire des défrichements en zones de protection, le tribunal 15 Ibid., p. 42.

relève qu’aux termes du rapport …, les activités forestières présentent des risques pour les eaux souterraines, notamment, en cas de modification de l’occupation du sol qui peut altérer les conditions d’infiltration au sol, le rapport … citant l’exemple des coupes rases qui favorisent le ruissellement.16 Ainsi, et à défaut de toute prise de position circonstanciée à cet égard de la part du demandeur, le tribunal conclut que le principe même de la limitation des déboisements et des défrichements en zones de protection n’est pas sujet à critique.

Par ailleurs, quant à la limitation concrètement retenue des déboisement et défrichements autorisés ou autorisables, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments concluants qui lui permettraient de retenir le caractère disproportionné, par rapport à l’objectif de protection des eaux souterraines, d’une part, de la limitation de principe des déboisements et des défrichements à 25 ares, telle que fixée au point 6.19.2 de l’annexe I du règlement grand-ducal du 9 juillet 2013 et rendue applicable aux parcelles du demandeur du fait de leur classement en ZPR, respectivement en ZPE, et, d’autre part, de la limitation à 50 ares de la possibilité de dérogation prévue à l’article 3, point 23° du règlement grand-ducal déféré. Le demandeur se borne, en effet, à mettre en exergue ses propres intérêts financiers, sans pour autant alléguer ni a fortiori établir que des limites supérieures à celles retenues auraient permis une protection suffisante des eaux souterraines.

Il s’ensuit qu’indépendamment de la question de l’incidence des dispositions hiérarchiquement supérieures de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, telle que soulevée par la partie étatique, les restrictions apportées au droit de propriété du demandeur en ce qui concerne les déboisements et les défrichements ne méconnaissent pas le principe de proportionnalité.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal ne saurait constater de rupture du juste équilibre à ménager entre l’intérêt général et les intérêts de l’individu, conformément à l’article 1er, alinéa 2 du premier Protocole, du fait des servitudes litigieuses.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence d’indemnisation du préjudice lui causé par ces servitudes, étant donné qu’indépendamment de la question du bien-fondé et de la pertinence de l’argumentation de la partie étatique ayant trait à l’existence de régimes de primes et d’aides instaurés par d’autres actes réglementaires, l’existence d’une compensation financière n’est, en principe, une condition au respect du « juste équilibre » requis entre l’intérêt général de la collectivité et l’intérêt individuel que pour la seule privation de biens et non en cas de réglementation de l’usage des biens. L’absence d’indemnisation ne saurait constituer à elle seule une mesure disproportionnée.17 La susdite conclusion n’est pas non plus ébranlée par les développements du demandeur selon lesquels (i) le règlement grand-ducal du 7 octobre 2020 ne contiendrait aucune disposition limitant sa durée, (ii) à l’heure actuelle, l’eau de la Source ne serait pas potable et (iii) ledit règlement n’envisagerait pas l’hypothèse où les eaux souterraines ne deviendraient jamais potables, de sorte que ses parcelles se trouveraient classées ad vitam aeternam en zones de protection et, de ce fait, grevées des restrictions critiquées.

16 Ibid., p. 45.

17 Trib. adm., 25 septembre 2017, n° 37637 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 70 et les autres références y citées.

En effet, il se dégage de la prise de position du bureau … du 7 mai 2021, qui n’a pas fait l’objet de contestations circonstanciées de la part du demandeur, que « […] [l]e captage en question est un captage d’eau potable exploité de façon continu[e] depuis le début du vingtième siècle […] » et que « […] [s]i des dépassement de la norme de certains métabolites sont enregistrés, la ressource n’en reste pas moins exploitable et exploitée[, alors que le] captage n’est pas un captage isolé[, mais] fait partie du groupe de captage[s] Bour qui est l’un des groupes permettant au SES d’assurer une distribution d’eau à la population locale […] ». Ainsi, même si l’eau du Point de captage ne remplit actuellement pas toutes les normes de potabilité, ce dernier est néanmoins exploité et contribue à l’alimentation en eau de la population locale, de par son intégration dans un groupe de points de captage. Le caractère actuellement non potable de l’eau du Point de captage et l’absence de limitation de la durée de validité du règlement grand-ducal déféré ne sont, dès lors, pas non plus des éléments suffisants pour conclure au caractère disproportionné des mesures critiquées. En effet, les servitudes litigieuses contribuent non seulement à l’amélioration de la qualité de l’eau, de sorte à ce qu’elle puisse, à terme, remplir les normes de potabilité, mais elles permettent encore d’éviter une détérioration supplémentaire de la ressource d’eau d’ores et déjà exploitée.

Eu égard aux développements faits ci-avant, le tribunal conclut que l’argumentaire du demandeur ayant trait à une violation, d’une part, de l’article 1er, alinéa 2 du premier Protocole et, d’autre part, du principe de proportionnalité est à rejeter dans son ensemble.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Eu égard à l’issue du litige, le demandeur est à débouter de sa demande tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure de 2.000 euros, en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par:

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Annemarie Theis, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 19 mai 2022 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2022 Le greffier du tribunal administratif 26


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45322
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-05-19;45322 ?

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