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02/05/2022 | LUXEMBOURG | N°44912

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2022, 44912


Tribunal administratif N° 44912 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2020 2e chambre Audience publique du 2 mai 2022 Recours formé par Monsieur …, alias … et consorts, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44912 du rôle et déposée le 24 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Franck Greff, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 44912 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2020 2e chambre Audience publique du 2 mai 2022 Recours formé par Monsieur …, alias … et consorts, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44912 du rôle et déposée le 24 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Franck Greff, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Irak), alias …, né le …, et de son épouse, Madame …, née le … à …, alias …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, …, né le … à … (Iran), et …, née le … à … (Suède), tous de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 juillet 2020 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2020 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2021 pour compte de Monsieur … et consorts, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries à l’audience publique du 7 février 2022.

Le 31 décembre 2018, Monsieur …, alias … et son épouse, Madame …, alias …, ci-après désignés par « les époux … », accompagnés de leurs enfants mineurs, … et …, ci-après désignés par « les enfants … », les quatre étant ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, les époux … furent entendus par un agent du service de la police judiciaire, section …, de la police grand-ducale, sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche dans la 1 base de données EURODAC, que Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en Suède le 13 octobre 2015, tandis que son épouse en avait déposé une en Allemagne le 24 novembre 2015 et une en Suède le 28 novembre 2015.

Le 2 janvier 2019, les époux … furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 7 janvier 2019, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues suédois deux demandes de reprise en charge des consorts …, sur base de l’article 18 (1) d) du règlement Dublin III, demandes que les autorités suédoises acceptèrent le 16 janvier 2019.

Par décision du 22 janvier 2019, notifiée aux intéressés par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de les transférer dans les meilleurs délais vers la Suède sur base de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18 (1) d) du règlement Dublin III.

Le recours contentieux dirigé par les consorts … en date du 6 février 2019 contre la décision de transfert vers la Suède précitée fut rejeté pour ne pas être fondé par jugement du tribunal administratif du 4 avril 2019, inscrit sous le numéro 42328 du rôle.

Par décision du 18 juillet 2019, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa les consorts … que la susdite décision de transfert du 22 janvier 2019 avait été rapportée, au motif que le Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de leurs demandes de protection internationale alors que le transfert n’avait pas pu être exécuté dans le délai prévu par l’article 29 (1) du règlement Dublin.

Le 3 décembre 2019, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que l’audition de Monsieur … eut lieu le 5 décembre 2019.

Par décision du 23 juillet 2020, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le 24 juillet 2020, le ministre informa les consorts … que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme étant non fondées sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit : « (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 31 décembre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Vous êtes accompagnés de vos enfants mineurs …, né le … à …/Iran et …, née le … à …/Suède, les deux de nationalité iranienne.

Rappelons avant tout autre développement que le 23 janvier 2019, vous avez été informés par décision ministérielle que vous seriez transférés en Suède, pays responsable du traitement 2 de vos demandes de protection internationale sur base du Règlement du Dublin III. En effet, Monsieur, vous y avez introduit votre demande de protection internationale le 13 octobre 2015 et vous, Madame le 28 novembre 2015, après que vos empreintes ont été enregistrées en Allemagne le 24 novembre 2015. Le 16 janvier 2019, les autorités suédoises ont accepté la demande de votre reprise en charge émise par les autorités luxembourgeoises.

Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif du 4 avril 2019 (Tribunal Administratif rôle 42328 ), après que vous avez notamment prétendu ne pas avoir eu accès aux soins médicaux en Suède, une information contredite par les autorités suédoises.

Le 15 avril 2019, Monsieur, vous avez été « volontairement hospitalisé » au service psychiatrique du CHL pour risque suicidaire alors que vous avez menacé de vous tuer si jamais vous étiez transféré en Suède.

Le 22 mai 2019, votre mandataire a demandé un sursis à votre éloignement au vu de la « situation catastrophique » de votre famille, alors que vous, Madame, avez en plus dû être opérée pour une fracture suite à une chute.

Le 21 juin 2019, la Direction de l'immigration a été informée que vous avez disparu de votre foyer d'accueil après avoir été informés de votre transfert imminent vers la Suède.

Le 18 juillet 2019, vous avez été informés que la décision de transfert vers la Suède est rapportée, alors que ce transfert n'a pas pu être exécuté dans les délais prévus par la loi.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 31 décembre 2018, les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 3 et 5 décembre 2109, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes.

Il ressort du rapport de Police Judiciaire, Monsieur, que vous auriez quitté l'Iran en 2013, en passant par l'Irak, la Turquie et la Grèce pour atteindre la Suède, où vos empreintes ont été enregistrées le 4 septembre 2015. Vous auriez voyagé seul et précisez que votre épouse et votre fille cadette auraient emprunté le même chemin. Vous « penseriez » par ailleurs avoir introduit une demande de protection internationale en Allemagne tandis que, selon vous, les empreintes de votre épouse auraient été enregistrées en Suède, contrairement aux vôtres:

« mir nicht weil wir zu diesem Zeitpunkt getrennt waren ». Le 22 décembre 2018, vous seriez arrivés au Luxembourg à bord d'un train en provenance de l'Allemagne. A noter qu'il ressort encore du rapport « Eurodac » que vos empreintes ont de nouveau été enregistrées en Suède le 13 octobre 2015, tandis que celles de votre épouse ont été enregistrées en Allemagne le 24 novembre 2015 et en Suède le 28 novembre 2015.

Il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez né en Irak et d'ethnie kurde, mais que vous posséderiez la nationalité iranienne et que vous auriez vécu en Iran dans le village de … (district de …) avec 3 vos parents, votre épouse, vos enfants, votre frère et votre sœur, où vous auriez travaillé comme ….

Le 19 juillet 2014, vous auriez été approché par trois Kurdes armés, membre du parti démocrate du Kurdistan d'Iran (PDKI), qui connaitraient votre famille et qui vous auraient demandé votre aide « pour l'intérieur du pays » en vous incitant à écrire des slogans sur les murs et à distribuer et coller des affiches et des tracts. Après une semaine de réflexion, vous auriez accepté leur proposition, alors que vous auriez été convaincu de leurs paroles et que vous auriez constaté que ce que vous auriez « pensé d'eux était la vérité ». Vous ajoutez dans ce contexte que vous n'auriez eu aucun droit en Iran, que vous n'auriez pas pu parler dans votre langue maternelle et que vous ne pourriez pas porter de vêtements kurdes dans les institutions étatiques. A cela s'ajoute que le régime emprisonnerait et tuerait les gens et enterrerait des vivants, « surtout les prisonniers politiques ».

Vous auriez par la suite « signé et je suis entré dans le parti »; respectivement, après la relecture de votre entretien, vous vous rappelez qu'en fait, vous n'auriez jamais rien signé et que l'accord se serait fait de façon orale. Vous précisez que votre groupe aurait consisté de trois personnes, « un qui guettait les lieux, un qui collait les affiches et l'autre qui les mettait dans les boîtes aux lettres et les mosquées ». Vous précisez encore avoir fait partie de ce groupe pendant quatre mois et demi et avoir participé à trois reprises à des telles activités.

Le soir du 11 décembre 2014, lorsque vous vous seriez trouvé à l'hôpital avec votre fils à …, vos deux collègues auraient de nouveau distribué des affiches mais ils auraient été « repérés ». Vous dites que votre collègue vous aurait appelé par téléphone pour vous avertir qu'il aurait réussi à s'enfuir mais qu'« ils » auraient tiré sur votre troisième collègue et qu'il ne saurait pas s'il est mort. Il vous aurait encore fait comprendre que vous seriez tous « grillés » et que vous ne pourriez plus rentrer à la maison. Vous auriez alors expliqué à votre épouse que vous devriez immédiatement quitter … pour gagner …. Vous auriez par la suite préparé vos affaires et vous seriez partis chez l'oncle de votre épouse. Le lendemain, vous auriez quitté son domicile pour rejoindre celui de votre oncle près de la frontière. Vous lui auriez alors demandé d'appeler votre mère, qui aurait répondu en pleurs en expliquant que les « agents de l'ettela'at » seraient passés, qu'ils auraient cassé la porte de la maison et « aussi l'intérieur » où ils auraient trouvé « mon sac » avant de repartir. Vous auriez ensuite demandé à votre oncle de vous emmener en voiture au Kurdistan irakien où vous vous seriez installés chez vos beaux-parents qui y vivraient comme réfugiés sans papiers.

Vous précisez par la suite dans ce contexte que vos parents vivraient dans la région du Kurdistan irakien appelée partie verte (« … »), en opposition à la partie jaune (« … ») qui serait contrôlée par le Parti démocrate du Kurdistan d'Irak. Etant donné que les forces iraniennes, à savoir l'armée du Qods, seraient également présentes dans la région et qu'elles seraient opposées au Parti démocrate du Kurdistan, la situation y serait pareillement dangereuse qu'en Iran, raison pour laquelle vous vous seriez sentis poussés à quitter l'Irak.

Vous ajoutez qu'actuellement, votre frère serait emprisonné à cause de vous et que vous auriez décidé de vous suicider au Luxembourg parce qu'ils auraient « tellement » frappé votre père.

Ensuite, vous précisez qu'une semaine après votre départ, les agents seraient venus se renseigner sur vous auprès de votre père qui leur aurait signalé qu'il n'aurait aucune idée où vous vous trouveriez. Les agents seraient par la suite plusieurs fois repassés chez vos parents et deux mois après votre départ votre père aurait été roué de coups, tandis que votre frère aurait été arrêté parce qu'il aurait « perdu le contrôle » en voyant la scène et attaqué les 4 agents. En cas d'un retour en Iran, vous seriez d'avis d'être exécuté ou condamné à une peine de prison à perpétuité pendant laquelle vous seriez empoisonné.

Vous précisez encore être venu au Luxembourg, parce qu'après la réponse négative des autorités suédoises à votre demande de protection internationale, vous auriez perdu « toutes les aides », votre travail et votre logement. Vous confirmez dans ce contexte que votre demande de protection internationale introduite en Suède aurait reposé sur les mêmes motifs de fuite, mais que l'interprète présent à votre entretien n'aurait pas bien fait son travail, raison pour laquelle votre demande aurait été refusée.

Madame, vous signalez être comme votre époux originaire de … en Irak et être d'ethnie kurde. Vous n'auriez jamais possédé de nationalité, alors que votre père aurait jadis été actif dans la politique en Iran, raison pour laquelle les autorités iraniennes ne lui auraient jamais remis de documents d'identité. Votre famille aurait par le passé dû quitter l'Iran pour l'Irak, où vous auriez grandi dans le camp « … ». Suite à votre mariage en 2006, vous auriez clandestinement déménagé en Iran, en précisant que votre fils aurait hérité de la nationalité iranienne de son père, contrairement à votre fille qui serait née lors de votre séjour en Suède.

Contrairement à votre fils, vous n'auriez pas pu profiter de la nationalité iranienne de votre époux pour régulariser votre situation en Iran.

Vous avez introduit une demande de protection internationale parce qu'en tant que Kurde, vous n'auriez eu aucun droit en Iran, vous n'auriez pas pu aller à l'école, vous n'auriez pas pu parler votre langue maternelle, vous n'auriez pas pu consulter de médecin et vos vêtements traditionnels y seraient interdits. Vous ajoutez n'être aucunement au courant des prétendus activités politiques de votre époux, que vous auriez toutefois « tous les soirs » vu sortir de la maison avec ce fameux « sac » rempli d'affiches qui aurait finalement été retrouvé lors de la perquisition, mais dans lequel vous n'auriez jamais posé le moindre regard.

Monsieur, vous ne présentez pas de documents d'identité, alors que vos carte d'identité et livret de famille se trouveraient auprès des autorités suédoises et que vous n'auriez jamais possédé de passeport. A noter que la carte d'identité qui a été envoyée à la Direction de l'immigration par les autorités suédoises, a été établie le 6 octobre 2014 et a été tamponnée par un « général … ».

Madame, vous versez une copie d'un « refugee certificate » qui aurait été émis par l'UNHCR le 12 avril 2010 et qui concernerait votre supposé père le dénommé « …, … » né le … et ses membres de famille; il s'agirait du seul document d'identité que vous posséderiez.

Monsieur, pour soutenir vos dires vous avez encore versé un permis de conduire iranien qui s'est avéré être un faux et une copie d'une prétendue attestation du « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » qui aurait été établie le 31 août 2017 à Paris certifiant que vous, Monsieur, seriez sympathisant du parti et que vous auriez été contraint de quitter l'Iran à cause d'une « oppression » étatique; copie que vous aviez envoyée par mail à votre mandataire.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

5 Madame, Monsieur, soulevons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doivent être mises en doute.

Ce constat doit en premier lieu être dressé au vu de vos déclarations incohérentes, contradictoires et non plausibles.

Ainsi, il faut en premier lieu soulever qu'il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté l'Iran en 2013, tandis que vous signalez à l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous auriez quitté l'Iran en décembre 2014, c'est-

à-dire seulement quelques semaines après que vous, Monsieur, vous êtes encore fait remettre une carte d'identité tamponnée par un « général … ». Il convient dès lors de constater que votre premier mensonge ostentatoire concerne la date de départ de votre pays d'origine.

Deuxièmement, il s'agit de constater que vous expliquez initialement que vos parents vivraient toujours en Iran puisqu'ils y auraient reçu la visite desdits « agents » qui seraient à votre recherche. Ensuite, il ressort toutefois de vos dires, Monsieur, qu'après votre départ d'Iran, vous auriez notamment été auprès de « mes parents » qui habiteraient du coup au Kurdistan irakien (p. 7 de votre rapport d'entretien). Or il s'agit en l'occurrence d'un élément clé de votre vécu sur lequel vous ne pouvez pas vous méprendre. Les éléments de votre récit ayant trait à votre prétendue fuite sont dès lors à considérer comme étant inventés.

Troisièmement, il faut se demander pourquoi bien votre prétendu collègue aurait immédiatement compris que vous seriez tous les trois « grillés » par le seul fait qu'il aurait vu qu'on aurait tiré sur votre troisième collègue. En effet, ne sachant pas même pas si ce dernier a survécu à ses blessures, comment aurait-il bien pu comprendre que vous seriez « grillés »;

de même, même si votre collègue blessé avait survécu, votre deuxième collègue n'aurait eu aucune idée quant à la gravité de ses blessures et par conséquent de sa capacité d'être interrogé par les agents, explication que vous avancez pour démontrer pourquoi vous auriez immédiatement été « grillé ».

Ajoutons pour être complet, qu'il n'est aucunement établi qui aurait tiré sur votre ami et pourquoi, alors que ces faits se seraient produits en votre absence, pendant la nuit et pendant que votre ami aurait pris la fuite. Vous ne semblez d'ailleurs pas non plus vous être intéressé du sort de votre collègue depuis ce prétendu incident.

De même, soulignons qu'il ne fait aucun sens que vous ayez à ce moment-là pris la décision de quitter le pays après que votre collègue vous aurait signalé que vous ne pourriez plus rentrer chez vous, mais que pour justement préparer ce départ et vos « affaires », vous auriez tout de même jugé opportun ou nécessaire de retourner chez vous, après que vous vous seriez trouvé à …. Vous n'auriez donc manifestement pas pris au sérieux le conseil de votre collègue de ne plus jamais rentrer chez vous pour être « grillé », tout en considérant tout de même nécessaire de quitter le pays au même moment.

A cela s'ajoute que vous signalez d'abord à la Direction de l'immigration que votre frère se trouverait désormais en prison « à cause de moi », laissant par-là sous-tendre que les autorités l'auraient arrêté à cause de vos prétendus problèmes, respectivement parce qu'ils n'auraient pas pu vous arrêter. Or, vous précisez par la suite qu'en fait, votre frère aurait été placé en détention après avoir agressé des représentants de l'ordre. Or il s'agit une nouvelle fois d'informations diamétralement opposées qui permettent de conforter l'idée que vous avez 6 inventé votre récit respectivement avez tenté de le rendre plus « dense » après avoir essuyé un premier refus en Suède.

Quatrièmement, il est faux que, comme vous le prétendez, Monsieur, vous ayez menacé de vous suicider au Luxembourg après que votre père aurait été « tellement frappé » par les forces de l'ordre, alors qu'il ressort de façon claire de votre dossier administratif, rapport médical à l'appui, que vous avez menacé de vous suicider après que vous avez été informé de votre éloignement imminent vers la Suède sur base du règlement Dublin III.

De plus il convient de souligner que vous avez remis aux autorités un permis de conduire iranien déclaré comme étant un faux document. Or une personne réellement à la recherche d'une protection collabore avec les autorités et ne verse pas de faux documents. Par la même occasion vous versez une prétendue attestation du « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » qui aurait été établie le 31 août 2017 à Paris. Or il est impossible d'établir l'authenticité de cette prétendue attestation.

Il n'est en effet nullement établi que vous ayez de quelque sorte qui soit été impliqué dans un parti kurde interdit, respectivement, que vous soyez à considérer comme un opposant politique au régime iranien.

Ce constat doit d'abord être dressé que l'histoire concernant le contexte de votre prétendue adhésion audit parti kurde n'est aucunement convaincante et se définit surtout par des considérations totalement vagues respectivement superficielles.

Ainsi, vous prétendez d'abord avoir rejoint le « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » en signant un document après une semaine de réflexion qui vous aurait été accordée par des membres prétendus du parti pour toutefois vous rappeler dans le cadre de la relecture de votre entretien qu'en fait, vous n'auriez jamais rien signé et que vous seriez devenu membre du parti en précisant que « c'était verbal ».

A cela s'ajoute que vous versez vous-même une pièce qui stipulerait que vous seriez uniquement sympathisant dudit parti, alors que vous voulez faire croire à la Direction de l'immigration que vous en seriez membre, étant donné que vous seriez « entré » dans ce parti (p. 6 du rapport d'entretien) après avoir signé un document, voire, après un accord oral. Or, notons qu'il est établi que ce parti différencie clairement entre les deux statuts, en ajoutant encore la troisième catégorie d'« ami » du parti, de sorte que le document versé est donc en contradiction évidente avec vos propres dires.

Notons au sujet de ce parti que: « (…) A Danish Refugee Council and Danish Immigration Service factfinding mission in 2013 citing several sources, reported: 'Regarding recruitment of new members to KDPI, Mohemed Sahebi (KDPI) informed the delegation that the minimum age for becoming a KDPI member is 18, and if a person is under below 18, he or she can become member of Lawan (Youth Organisation of KDPI). According to Mohemed Sahebi, if a person in Iran wishes to become member of KDPI, he may contact the local party cell and ask for it.' Concerning the organization of members of KDPI in Iran, KDPI's representative in Paris informed the delegation that there are three categories of persons affiliated with KDPI:

members, sympathizers and 'friends'. As regards how members are organized KDPI's representative in Paris explained that they are organized in cells. Each cell consists of one or more members.' 7 Apart from members and sympathizers, KDPI's representative in Paris described a third category of people connected to the party as "friends". KDPI's friends are characterized as ones who participate in different activities that are encouraged by the party, such as participating in demonstrations, closing their shops during announced strikes, or writing articles about the situation of the Kurds in Iran in newspapers. (…) » Force est de constater qu'il ne ressort à aucun moment de vos dires que vous ayez à un quelconque moment entrepris des quelconques démarches actives de votre part pour devenir membre de ce parti, tel que cela serait prévu au vu des informations en nos mains. En effet, vous n'auriez jamais eu le moindre contact avec un seul membre présumé de ce parti, alors que vous auriez uniquement communiqué avec le dénommé « … », qui aurait été un « intermédiaire » entre vous et les membres du parti.

Votre adhésion au parti est d'autant plus réfutée au vu de vos déclarations totalement superficielles ou vagues qui vous auraient amené à prendre ce choix, alors que vous expliquez avoir rejoint ce parti après une semaine de réflexion au cours de laquelle vous auriez fini par comprendre que ce que vous auriez « pensé d'eux était la vérité », en parlant des membres armés du parti qui vous auraient approché. A cela s'ajoute votre explication très superficielle concernant les buts de votre parti qui voudrait la « liberté », l'« égalité », la « justice » et la « démocratie ».

Ajoutons à cela que votre prétendue activité « politique », Monsieur, aurait consisté dans le fait que vous auriez, sur une période de quatre mois, à trois reprises distribué des flyers dudit parti, tandis que vous, Madame, auriez par contre étonnement observé comment votre époux serait sorti « tous les soirs » avec ledit sac qui aurait prétendument été rempli d'affiches.

Madame vous indiquez par ailleurs dans ce contexte tout ignorer de la prétendue activité politique de votre mari. Or cela est parfaitement impossible alors que votre départ de votre pays d'origine serait prétendument la conséquence de votre activisme politique Monsieur.

En parlant de ce « sac » remplis d'affiches d'un parti interdit, il paraît par ailleurs évident que la première réaction d'une personne qui se serait vraiment retrouvée dans votre cas, aurait été de détruire soi-même ou demander à quelqu'un de son entourage d'immédiatement détruire lesdites affiches, respectivement, de les faire disparaître, après avoir été prévenu qu'elle serait « grillée », tout en ayant eu le temps de rentrer chez elle pour préparer ses affaires.

Il paraît dans ce contexte pareillement évident qu'une personne qui se serait vraiment retrouvée dans votre cas, n'aurait évidemment pas pris le risque de laisser le fameux « sac » à la maison en ne disant rien à ses parents, ni à son frère ou à sa soeur et acceptant tout simplement par là le risque évident que tous ses membres de famille auraient pu être tenus comme étant membres de ce parti kurde interdit. Il n'est manifestement pas plausible dans ce contexte que vous prétendez qu'après la perquisition de votre maison, les agents seraient repartis avec ledit sac en ayant tout de suite compris et conclu que le reste de votre famille n'aurait tout simplement aucun lien avec ledit parti. Il faudrait en effet se demander qu'est-ce qui aurait bien pu amener les autorités iraniennes à conclure qu'il s'agirait forcément et uniquement de votre sac alors que toute votre famille aurait habité dans le même endroit, mais qu'aucun membre de votre famille n'aurait été inquiété pour des liens présumés avec un parti kurde interdit.

Au vu de tout ce qui précède, votre adhésion au « Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran » est formellement réfutée et doit être définie comme une histoire inventée de toutes 8 pièces dans le but d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

Ce constat vaut d'autant plus que la copie versée aurait prétendument été établie à Paris en 2017, à savoir plus ou moins quatre ans après votre prétendu départ d'Iran et plus ou moins deux ans après l'introduction de vos demandes de protection internationale en Suède. Il paraît dans ce contexte évident qu'après avoir été informés du refus de vos demandes de protection internationale en Suède, vous avez cherché un nouveau motif de fuite, respectivement, un nouvel élément qui augmenterait les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale en Europe.

On peut en effet attendre d'un demandeur de protection internationale réellement en danger dans son pays d'origine, respectivement, qui serait réellement membre, voire, sympathisant, d'un parti kurde iranien interdit, qu'il entreprenne tout ce qui est en son pouvoir pour corroborer ses dires. Il n'est dans ce contexte pas logique que vous n'ayez pendant deux ans en Europe pas songé à vous faire remettre un tel document, mais que cette idée ne vous est étonnement venue à l'esprit qu'en 2017, après une première tentative infructueuse de vous faire remettre des titres de séjour en Suède.

La copie versée ne saurait donc nullement permettre de contrebalancer tous les constats susmentionnés et de retenir pour votre chef, Monsieur, une quelconque adhésion à un parti kurde interdit.

Pour être complet, on peut encore ajouter, Madame, qu'il ne fait pas non plus de sens que vous vous plaigniez du fait que vous n'auriez pas pu aller à l'école en Iran. En effet, il ressort de vos propres déclarations, à les supposer avérées, que vous auriez vécu en Irak jusqu'en 2006, c'est-à-dire jusqu'à vos vingt-et-un ans, après y avoir uniquement fréquenté l'école primaire durant votre enfance. Au vu de votre prétendu vécu, vous devriez donc tout au plus vous plaindre de ne pas avoir fréquenté d'école secondaire en Irak et non pas en Iran, où, rappelons-le, les étudiantes sont désormais majoritaires au sein des universités et œuvrent pour l'amélioration de la situation de la femme en Iran.

Il est clair, que là encore, vous avez choisi d'ajouter, à toutes fins utiles, un élément susceptible de rentrer de nouveau dans le champ d'application de la Convention de Genève, concernant cette fois-ci le sort ou le statut de la femme en Iran, pour de nouveau rendre votre vécu encore plus dramatique et ainsi augmenter encore un peu plus les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

L'image qui se dégage de vos déclarations, Madame, Monsieur, est en tout cas celle de demandeurs de protection internationale qui ne jouent manifestement pas franc jeu avec les autorités desquelles ils souhaitent obtenir une protection internationale et qui tentent de maximiser leurs chances de se voir octroyer un titre de séjour en Europe, quelque chose qui n'a pas fonctionné lors de votre première tentative en Suède, en faisant état d'un récit touchant le plus possible de critères prévus par le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Il n'est dans ce contexte même pas possible de pouvoir se fier aux informations les plus élémentaires que vous avez partagées, même pas sur votre prétendue nationalité ou pays d'origine, alors que vous, Monsieur, seriez né au Kurdistan irakien, où vous, Madame, auriez 9 vécu jusqu'en 2006. Vous confirmez en outre que vos familles y habiteraient toujours, bien que vous signalez aussi, Monsieur, que votre famille habiterait en Iran.

Ajoutons à toutes fins utiles dans ce contexte que même si vous étiez réellement de nationalité iranienne, Monsieur, et que vous, Madame, habiteriez en Iran depuis 2006 en étant mariée à un citoyen iranien, il vous serait possible d'à nouveau retourner y vivre et ce de façon légale. En effet, il est inimaginable que les autorités suédoises auraient refusé vos demandes de protection internationale et vous auraient à tous les deux expliqué que vous devriez retourner vivre en Iran, si vous n'aviez pas le droit d'y résider légalement. Ainsi, Madame, même si vos explications concernant votre vie étaient à considérer comme étant honnêtes, ce qui n'est pas le cas, notons que l'épouse originaire d'un autre pays, si jamais c'était votre cas, peut bénéficier de la nationalité de son époux iranien.

Au vu de tout ce qui précède, il est en tout cas établi que vous faites état d'un récit incohérent et contradictoire qui ne saurait être retenu comme étant avéré. Aucune suite positive à vos demandes de protection internationale ne saurait par conséquent être envisagée.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, au vu de tout ce qui précède, il est retenu que vous faites part d'un récit inventé et que des motifs économiques, matériels ou de pure convenance personnelle sous-

tendent par conséquent vos demandes de protection internationale.

Ce constat vaut d'autant plus alors que vous faites part de grands soucis financiers auxquels serait confrontée votre famille, Monsieur, étant donné que votre père serait handicapé et que votre frère devrait subvenir aux besoins de toute la famille. A cela s'ajoute que votre famille, Madame, serait pareillement confrontée à une situation économique et matérielle compliquée dans le « camp » dans lequel elle vivrait en Irak.

10 Notons par ailleurs qu'après votre départ d'Iran, vous auriez vécu auprès de membres de famille au Kurdistan irakien, où jamais rien ne vous serait arrivé. Néanmoins, vous avez décidé de quitter votre région d'origine, respectivement vos terres natales en précisant qu'« Actuellement tous les réfugiés sortent des camps et travaillent par obligation. Ils s'installent dans leur propre logement, mais ne perçoivent aucune aide des autorités » (p. 8 de votre rapport d'entretien, Madame), signalant par-là que ce seraient donc bien des considérations économiques qui vous ont poussés à quitter le Kurdistan, pour tenter votre chance en Suède, et après leur refus, de nouveau « tenter notre chance ici » (p. 8 du rapport d'entretien de Madame).

Il est d'autant plus établi que des considérations économiques guident votre parcours depuis cinq ans au vu du comportement que vous avez adopté en Europe. En effet, alors qu'on peut attendre de personnes réellement persécutées qu'elles introduisent leurs demandes de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez donc d'abord choisi de voyager à travers une grande partie de l'Union européenne en passant au moins par la Grèce, l'Autriche, l'Allemagne et la Suède (ainsi que les pays de l'Union traversés pour atteindre ces pays), avant de vous décider à y rechercher une protection internationale.

De même, après votre départ illégal de la Suède, vous avez de nouveau passé plusieurs pays de l'Union européenne avant vous sentir poussés à rechercher une protection internationale au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapports aux autres pays visités. Vous avez par la suite eu recours à du « chantage émotionnel » au Luxembourg en menaçant de vous suicider, Monsieur, suivi d'un placement volontaire en psychiatrie ainsi que des disparitions de votre foyer d'accueil, pour rendre impossible le transfert tel que prévu par le règlement Dublin III. En effet, vous avez mis tout en œuvre pour faire échouer le transfert en tentant par tous moyens de laisser passer les délais légaux de votre transfert en Suède.

Un tel comportement ne correspond clairement pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays d'origine à la recherche d'une protection internationale, mais votre façon de procéder traduit un exemple-type de forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, selon ce que vous pensez, satisfera au mieux vos attentes.

Des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient cependant pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée dans son pays d'origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutés, que vous auriez pu craindre d'être persécutés respectivement que vous risquez d'être persécutés en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire 11 Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, au vu du manque général de crédibilité retenu plus haut et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent vos demandes de protection internationale, aucun risque futur d'être victimes d'une « atteinte grave » ne saurait être retenu dans votre cas d'espèce. Ce constat vaut d'autant plus que les autorités suédoises auraient donc également refusé vos demandes de protection internationale qui auraient été basées sur les mêmes motifs en vous faisant comprendre que vous ne risquez rien en Iran et que devriez retourner y vivre.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Iran, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2020, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 23 juillet 2020 portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale 12 Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 23 juillet 2020, telle que déférée.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs reprennent, en substance, les faits tels qu’exposés lors de leurs auditions auprès de la direction de l’Immigration en date des 3 et 5 décembre 2019. Ils affirment que les forces de l’ordre auraient été à la recherche de Monsieur … et qu’elles seraient venues au domicile familial pour l’arrêter. Comme Monsieur … aurait immédiatement compris qu’il serait considéré comme un opposant politique au régime iranien, les consorts … auraient décidé de quitter le plus rapidement possible l’Iran pour se rendre au Kurdistan d’Irak.

En droit, les demandeurs soutiennent que la décision déférée devrait encourir la réformation pour erreur manifeste d’appréciation, étant donné que contrairement à l’argumentation du ministre, les faits invoqués à l’appui de leurs demandes de protection internationale seraient de nature à établir l’existence, dans leur chef, d’une crainte justifiée d’être persécutés pour, au moins, deux raisons à savoir, d’un côté, du fait de leur appartenance à la minorité kurde en Iran et, de l’autre côté, du fait de l’adhésion de Monsieur … au parti politique kurde « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran ».

Ils précisent qu’il serait regrettable que le ministre aurait considéré leurs déclarations comme « incohérent[e]s, contradictoires et non plausibles » et qu’il aurait omis d’effectuer une analyse appropriée de la situation sécuritaire de leur pays d’origine alors qu’il aurait totalement ignoré la situation des kurdes, voire des opposants politiques kurdes, en Iran.

Ils retiennent que le ministre aurait préféré analyser « minutieusement » leur comportement, surtout celui de Monsieur …, après leur départ d’Iran, en reprochant notamment à ce dernier d’avoir cherché à retarder le transfert de sa famille vers la Suède sur base de vains prétextes, ce qui ne correspondrait pas à la réalité puisque Monsieur … aurait été hospitalisé dans le service psychiatrique du CHL pendant deux mois en raison d’idées suicidaires, notamment liées à sa crainte d’un renvoi en Iran.

Les demandeurs poursuivent en estimant qu’il ne pourrait être contesté que Monsieur … serait un partisan du parti politique kurde « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran ». Par ailleurs, même sans être politiquement actif, voire engagé, la vie en tant que kurde en Iran serait extrêmement compliquée et dangereuse. En effet, les kurdes en Iran seraient, quotidiennement, victimes de nombreux actes discriminatoires, avérés et sévères, de la part de l’Etat iranien, tel que cela se dégagerait d’un article publié le 24 novembre 2019 sur le site internet du journal français « Le Monde ». Le fait d’appartenir à l’ethnie kurde en Iran pourrait, partant, justifier à lui seul une crainte légitime d’être persécuté.

Ils continuent leurs développements en soutenant que la situation serait pire pour un iranien kurde qui s’engagerait politiquement. Ainsi, l’association suisse d’aide aux réfugiés, ci-après désignée par « l’OSAR », aurait publié le 27 septembre 2018 un document de synthèse, intitulé « Iran : mise en danger des personnes kurdes actives sur le plan politique » afin d’alerter la communauté internationale en mettant en avant qu’elle « se montre très préoccupée 13 par les rapports affirmant que des personnes kurdes ont été persécutées, arrêtées et condamnées à mort à cause de leur appartenance politique ». Les demandeurs citent encore le rapport du « Danish Immigration Service », intitulé « Iranian Kurds – Consequences of political activities in Iran and KRI » publié en février 2020. Ils en concluent qu’ils pourraient légitimement craindre d’être persécutés du fait d’être kurdes et au motif qu’un membre de la famille serait adhérent d’un parti politique kurde.

Les demandeurs font encore valoir que les kurdes en Iran seraient quotidiennement confrontés à des mesures discriminatoires dans leur pays d’origine et qu’ils subiraient régulièrement, en Iran, les pires actes de persécution possibles, alors que des peines de mort seraient prononcées à leur encontre et seraient exécutées, tel qu’en témoignerait l’organisation « Amnesty International » dans sa publication du 15 juillet 2020, intitulée « Iran. Deux Kurdes exécutés alors que la peine de mort est de plus en plus utilisée comme instrument de répression ». Ainsi, il ne pourrait pas être valablement exclu qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, les demandeurs, et surtout Monsieur …, en tant qu’adhérent du « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », risqueraient de subir des actes de persécution, voire d’être emprisonnés illégalement, d’être torturés et exécutés. Ces actes de persécution devraient être qualifiés de contraires aux articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH » ainsi qu’aux articles 2 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, ci-après désignée par « la Charte ».

Les demandeurs insistent sur le fait que l’auteur de ces actes de persécution contre les kurdes et les opposants politiques serait l’Etat iranien lui-même et que, suivant l’organisation « Amnesty International », les procès impliquant des kurdes et/ou des opposants politiques seraient « inéquitables » et « iniques ».

Enfin, ils indiquent que l’Etat iranien n’hésiterait pas à procéder à des actes de tortures sur des mineurs, de sorte que l’enfant … risquerait d’être torturé du fait d’être un kurde et d’être le fils d’un adhérent du parti politique kurde « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », de sorte que le ministre aurait dû prendre en compte l’intérêt supérieur des enfants de Monsieur …, de sorte qu’il aurait violé l’article 24 (1) et (2) de la Charte et l’article 3 (1) de la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la Convention relative aux droits de l’enfant ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité externe de la décision déférée et pour autant que par leur argumentation selon laquelle le ministre aurait « omis d’effectuer une analyse appropriée de la situation sécuritaire du pays d’origine des requérants » et aurait totalement « ignoré la situation des kurdes, voire des opposants politiques kurdes, en Iran », les demandeurs aient voulu reprocher au ministre, une mauvaise instruction de leur dossier en violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de rappeler qu’aux termes de cette disposition « (…) (2) Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, le ministre détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire. (3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que : a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, 14 objectivement et impartialement ; b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations ; c) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions connaissent les normes applicables en matière d’asile et de droit des réfugiés ; d) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions aient la possibilité de demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre ». Or, il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que la décision litigieuse n’ait pas été prise individuellement, objectivement et impartialement. Il ne se dégage pas non plus du dossier que les agents ayant mené les entretiens et l’autorité de décision n’aient pas eu les moyens mentionnés aux points c) et d) de l’article 10, précité. La seule circonstance selon laquelle l’instruction des demandes des consorts …, respectivement l’appréciation que le ministre a faite des déclarations des époux … lors de leurs auditions, n’a pas abouti à l’octroi d’une protection internationale, respectivement que ce dernier a retenu un défaut de crédibilité à l’égard de leurs déclarations, ne permet, en tout état de cause, pas aux demandeurs de soutenir valablement que l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 aurait été violé. Il s’ensuit que le « moyen » afférent est rejeté.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2, point h), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g), de la loi 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

15 Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des 16 critères de fond définis à l’article 2, point f), de la prédite loi, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Face à l’affirmation du litismandataire des demandeurs suivant laquelle Madame … serait sans nationalité, le tribunal tranchera à titre liminaire la question de la nationalité de cette dernière. En effet, la question de savoir si un demandeur de protection internationale craint avec raison de subir des actes de persécution, respectivement des atteintes graves doit être examinée par rapport au pays dont il a la nationalité. S’il est vrai que ni l’article 1er de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ni les dispositions de la loi du 18 décembre 2015, et plus particulièrement son article 2, ne précisent expressément que les actes de persécution, respectivement les atteintes graves dont se prévaut un demandeur d’asile doivent avoir lieu dans le pays dont il a la nationalité, cette exigence découle néanmoins de l’esprit même des textes en question et de la définition de la notion de réfugié inscrite à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir celui qui fait état de la crainte décrite audit article 2 f) et qui « se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », et de celle de la personne pouvant prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire inscrite à l’article 2 g) de la même loi, qui fait référence au risque encouru si le demandeur « était [renvoyé] dans son pays d’origine ». En effet, tant que l’intéressé n’éprouve aucune crainte vis-à-vis du pays dont il a la nationalité, il est possible d’attendre de lui qu’il se prévale de la protection de ce pays. Dans ce cas, il n’a pas besoin d’une protection internationale et par conséquent il n’est pas à considérer comme réfugié, respectivement comme personne devant bénéficier de la protection subsidiaire. Cette analyse est encore confortée par la définition donnée par l’article 2 p) de la loi du 18 décembre 2015 de la notion de pays d’origine, qui est celui « dont le demandeur a la nationalité », - sauf l’hypothèse d’un apatride, qui ne se trouve cependant pas vérifiée en l’espèce, la demanderesse ne s’étant pas vu accorder le statut d’apatride -, et non pas celui où le demandeur réside en dernier lieu.

Force est, à cet égard, de constater qu’il ressort du dossier administratif et plus précisément de l’attestation d’introduction d’une demande de protection internationale, signée par Madame … et datée au 31 décembre 2018, ainsi que du rapport d’entretien Dublin III de la demanderesse du 2 janvier 2019, que cette dernière a déclaré avoir la nationalité iranienne. Il apparaît encore que dans le recours en annulation déposé au greffe du tribunal administratif par le précédent litismandataire des demandeurs en date du 6 février 2019 et dirigé contre la décision de transfert, précitée, du 22 janvier 2019, il a été indiqué que Madame … est de 17 nationalité iranienne. Par ailleurs, ce n’est que lors de l’entretien du 3 décembre 2019 auprès de l’agent compétent du ministère que Madame … a soudainement prétendu n’avoir aucune nationalité. Au vu de ces considérations, l’affirmation péremptoire et non autrement étayée de la demanderesse suivant laquelle elle serait sans nationalité n’emporte pas la conviction du tribunal. Il y a, par conséquent, lieu de retenir qu’à défaut de preuve contraire, la demanderesse est à considérer comme ayant la nationalité iranienne, telle qu’elle l’a déclaré dès son arrivée au Luxembourg. Cette conclusion amène le tribunal à retenir que l’examen de la demande de Madame … se fera en tenant compte des seuls faits invoqués par rapport à l’Iran.

Quant aux conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire, force est de constater qu’en l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité du récit des demandeurs et de la qualification des faits invoqués à l’appui de leurs demandes de protection internationale, l’examen des faits et motifs invoqués à l’appui de leurs demandes de protection internationale dans le cadre de leurs auditions, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’ils restent en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement d’atteintes graves au sens de la loi, en cas de retour en Iran. Le tribunal est, dans ce contexte, amené à constater que les demandeurs motivent leurs demandes de protection internationale par le fait que Monsieur … se trouverait sous la menace de persécutions en raison de son adhésion au « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran » dans le cadre duquel il aurait formé un groupe avec deux autres personnes, « un qui guettait les lieux, un qui collait les affiches et l’autre qui les mettait dans les boites aux lettres et [aux] mosquées »1. Il ne se dégage toutefois d’aucun élément du dossier qu’une menace concrète ait été adressée à son égard, ni même à l’égard de ses deux collègues du « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », ni qu’un incident concret ait eu lieu. En effet, Monsieur … se limite à faire valoir qu’un de ses deux collègues l’aurait appelé en date du « … »2 pour l’avertir qu’ils auraient été repérés lors de leur mission et que des personnes non autrement identifiées auraient tiré sur leur collègue … qui serait tombé, pour en tirer la conclusion qu’il allait être persécuté par « l’ettela’at ». Il explique encore que sa mère l’aurait informé que des agents seraient venus à leur domicile et qu’ils seraient repartis avec son sac contenant les affiches utilisées lors des interventions. Or, il ressort des déclarations de Monsieur … qu’il ne sait même pas avec certitude ce qui est arrivé à … ni qui étaient les personnes ayant surpris ses collègues. Le même constat s’impose concernant les personnes qui sont passées au domicile des consorts … alors que sa mère ne les aurait vus que de loin et qu’ils auraient été habillés en civil, ce qui ne permet pas de conclure qu’il s’agit réellement d’agents de « l’ettela’at ».

Dès lors, à défaut du moindre incident concret vécu personnellement avec les autorités étatiques en raison de l’adhésion de Monsieur … au « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », le tribunal ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour retenir que les demandeurs craignent avec raison de subir des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que les craintes de persécution, respectivement d’atteintes graves, mises en avant par les demandeurs en raison de l’adhésion de Monsieur … au « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », doivent s’analyser davantage en un sentiment 1 Page 6 du rapport d’entretien de Monsieur ….

2 Page 11 du rapport d’entretien de Monsieur ….

18 général d’insécurité respectivement en une crainte purement hypothétique, qui ne saurait justifier dans leur chef l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Quant à la prétendue violation des articles 24 (1) et (2) de la Charte et 3 (1) de la Convention relative aux droits de l’enfant, soulevée par les demandeurs, le tribunal retient que le moyen afférent est à rejeter, étant donné qu’à défaut d’un quelconque incident concret, la crainte des demandeurs que l’enfant … fasse l’objet d’actes de torture pour être kurde et être le fils d’un adhérent au parti politique kurde « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran », est trop hypothétique pour justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les extraits d’articles de presse et les rapports cités par les demandeurs qui démontrent certes que la situation des kurdes en Iran est loin d’être idéale, mais dont il ne ressort néanmoins pas que tous les kurdes, sinon tous les kurdes appartenant à un parti politique, seraient nécessairement et systématiquement victimes d’actes de persécution ou d’atteintes graves.

En effet, en ce qui concerne tout d’abord la situation générale de la minorité ethnique kurde en Iran, s’il peut être admis que ses membres constituent un groupe à risque, il ne ressort toutefois pas des éléments du dossier que cette situation soit telle qu’ils puissent se prévaloir de raisons de craindre d’être persécutés ou de subir des atteintes graves du seul fait de leur appartenance ethnique. Dans ce contexte, le tribunal relève qu’il ressort des articles de presse et des rapports versés en cause que les kurdes d’Iran sont souvent la cible de discriminations, en ce que la langue kurde est bannie et ne peut être enseignée et en ce que l’accès à l’emploi, au logement, à la propriété et aux fonctions d’encadrement politique et administrative est gravement entravé de même qu’il se dégage encore des articles transmis au tribunal que les minorités kurdes se voient souvent soumises à des procès iniques, notamment en ce que le recours à un avocat dès leur arrestation est souvent refusé et que des aveux peuvent être extorqués sous la torture. Si certes, cette situation est condamnable, cela ne permet pas de retenir que les kurdes courent tous un risque réel de subir des actes suffisamment graves pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves. Il ressort en outre du document de synthèse de l’OSAR du 27 septembre 2018 versé en cause par les demandeurs qu’« une personne kurde qui ne serait pas active sur le plan politique et qui n’aurait aucun proche avec un profil élevé sur la scène politique ne risque guère de tomber dans le collimateur des autorités. ». Or, il ne se dégage pas du récit de Monsieur …, ni des pièces versées à l’appui de sa demande qu’il serait une personne kurde réellement active sur le plan politique voire ayant un profil élevé sur la scène politique alors que sa tâche consistait à distribuer des tracts.

Le tribunal constate qu’il n’est dès lors pas établi que la situation en Iran serait telle que tout membre de la communauté kurde risque de subir des persécutions ou atteintes graves du seul fait de son appartenance à cette communauté.

Il en va de même pour les membres du « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran » qui ne risquent pas de subir des persécutions ou des atteintes graves du seul fait d’être membre dudit parti politique. S’il appert des articles de presse versés en cause que la torture et les mauvais traitements sont très répandus dans les prisons iraniennes, il n’en reste pas moins que suivant le document de synthèse d’OSAR du 27 septembre 2018 « La source a déclaré n’avoir eu connaissance d’aucun cas où des militant-e-s politiques kurdes auraient été accusés uniquement à cause d’une activité politique de bas niveau telle que la distribution de tracts ».

Monsieur … ayant procédé, suivant ses propres déclarations, uniquement à la distribution de tracts, il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que les demandeurs risqueraient de subir des persécutions ou atteintes graves du seul fait de cette activité. Ce 19 constat se trouve corroboré par les autres rapports versés, tels que celui du « Danish Immigration Service » de février 2020, dont il se dégage qu’il peut arriver que des personnes sans affiliation politique soient arbitrairement arrêtées, mais que la probabilité d’être arrêté dépendrait généralement du niveau d’implication des membres et des supporteurs de partis politiques. Au vu de ces considérations, il ne se dégage dès lors pas des documents versés en cause que les membres du « Parti démocratique du Kurdistan d’Iran » risqueraient systématiquement de subir des persécutions ou des atteintes graves du seul fait d’être membre dudit parti politique.

Le tribunal est, dès lors, amené à conclure que les demandeurs n’ont pas fait état et n’ont pas établi qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des actes de persécution ou des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée leurs demandes de protection internationale prises en leur double volet.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre a valablement pu être introduit en l’espèce, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A cet égard, les demandeurs soutiennent principalement que dans la mesure où la décision déférée encourrait la réformation pour ce qui est du volet de la protection internationale, l'ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte serait également à réformer.

Subsidiairement, ils invoquent une violation de l'article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l'immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », alors qu’un retour en Iran impliquerait que leur vie ou leur liberté y seraient gravement menacées pour toutes les raisons expliquées plus amplement ci-dessus.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, de sorte qu’un retour des consorts 20 … dans leur pays d’origine ne les expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il convient ensuite de rappeler que si l’article 129 de la loi du 29 août 2008 – qui est applicable à la décision de retour découlant d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale, conformément à l’article 34 (2), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2015 – renvoie à l’article 3 de la CEDH, qui proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement – telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé aux demandeurs pour quitter le Luxembourg – relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Iran, le tribunal a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef des demandeurs, de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves, au sens de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, de sorte qu’il ne saurait se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH3, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs dans leur pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH, de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008, qui renvoie audit article 3 de la CEDH, encourt le rejet.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

3 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, pt. 59.

21 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 23 juillet 2020 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 23 juillet 2020 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Annemarie Theis, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 2 mai 2022 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 mai 2022 Le greffier du tribunal administratif 22



Références :

Origine de la décision
Formation : Deuxième chambre
Date de la décision : 02/05/2022
Date de l'import : 07/05/2022

Numérotation
Numéro d'arrêt : 44912
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-05-02;44912 ?

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