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06/04/2022 | LUXEMBOURG | N°47250

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 avril 2022, 47250


Tribunal administratif N° 47250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2022 3e chambre Audience publique du 6 avril 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47250 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2022 par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le

… à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, tendant à la réformation, sinon à l’annula...

Tribunal administratif N° 47250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2022 3e chambre Audience publique du 6 avril 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47250 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2022 par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 mars 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 26 mars 2022 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2022 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications de Maître Naïma EL HANDOUZ et de Madame le délégué du gouvernement Charline RADERMECKER du 5 mars 2022 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de leurs présences ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 6 avril 2022.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, Région capitale, Commissariat Luxembourg – Groupe Gare, du 2 janvier 2020, portant le numéro de référence JDA/2022/103684-4, qu’à cette même date, Monsieur … fut interpellé par la police alors qu’il dormait dans le local d’un bâtiment dont la porte d’entrée avait été endommagée avec en sa possession un passeport tunisien en cours de validité jusqu’au 9 mars 2026.

Il ressort encore d’un procès-verbal de la police grand-ducale, Région capitale, Commissariat Luxembourg – Groupe Gare, du 24 janvier 2022, portant le numéro de référence JDA/2022/104813-1, qu’à cette même date, Monsieur … fut interpellé une deuxième fois par la police lors d’une vérification d’identité et ne put présenter de documents l’autorisant à 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1séjourner sur le territoire luxembourgeois. Son passeport tunisien alors en sa possession lui fut retiré.

Par arrêté ministériel daté et notifié le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par courrier du 24 janvier 2022 remis en mains propres le même jour, Monsieur … fut encore convoqué au ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration pour le 27 janvier 2022 afin d’organiser son retour volontaire.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, Région capitale, Commissariat Luxembourg – Groupe Gare, du 2 février 2022, portant le numéro de référence JDA/2022/105288-1, qu’à cette même date, Monsieur … fut une nouvelle fois interpellé par la police lors d’une vérification d’identité et ne put présenter de documents l’autorisant à séjourner sur le territoire luxembourgeois.

Il ressort ensuite encore d’un procès-verbal de la police grand-ducale, Région capitale, Commissariat Luxembourg – Groupe Gare, du 25 février 2022, portant le numéro de référence JDA/2022/106430-1, qu’à cette même date, la police fut appelée pour des faits de vols avec violences commis sur la personne de Monsieur … qui ne put présenter de documents l’autorisant à séjourner sur le territoire luxembourgeois.

Par arrêté du 26 février 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ladite décision est basée sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport Nr. : JDA/2022/106430-1 du 25 février 2022 établi par la Police grand-

ducale, Région capitale, Commissariat Luxembourg – Groupe Gare ;

Vu ma décision de retour du 24 janvier 2022, notifiée le même jour ;

Attendu que l’intéressé ne s’est pas présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 27 janvier 2022 en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; […] ».

Par arrêté du 23 mars 2022, notifié à l’intéressé le 25 mars 2022, le ministre prorogea ladite mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois avec effet au 26 mars 2022, 2l’arrêté en question étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 26 février 2022, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 26 février 2022 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l’éloignement de l’intéressé est prévu pour le 28 avril 2022 ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 23 mars 2022.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.

En droit, le demandeur soutient d’abord que le placement en rétention ne serait permis qu’à condition qu’une mesure d’éloignement soit en cours, menée avec diligence et surtout qui aurait des probabilités d’aboutir. Dans ce contexte, le demandeur estime qu’il devrait se trouver dans une procédure dite de « transfert » et non pas d’éloignement, alors qu’il aurait déposé plusieurs demandes de protection internationale, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. Il fait valoir que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas appliqué le Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, désigné ci-après par le « règlement Dublin III », afin de procéder à l’examen de l’Etat membre responsable de l’examen de ses demandes de protection internationale en vue d’adresser une demande de reprise en charge à ces pays européens, de sorte que la procédure actuellement engagée ne serait pas menée avec toutes les diligences requises et que sa libération immédiate serait à ordonner.

Ensuite, le demandeur, après avoir souligné que le placement en rétention devrait être considéré comme ultime remède, portant atteinte à la liberté de mouvement, qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, et que cette mesure devrait rester exceptionnelle, fait valoir 3que ce serait dès lors à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans avoir eu recours aux mesures moins coercitives de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, notamment un placement à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg, ci-après désignée par « la SHUK », une telle entrave à la liberté d’aller et de venir reconnue à tout individu ne devant être envisagée que si aucune autre possibilité n’aurait pu être envisagée.

Enfin, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir pris en considération « […] les éléments liés à [sa] personne […] ».

A cet égard, il donne à considérer qu’un placement au Centre de rétention équivaudrait à une détention, partant à une mesure privative de liberté, qui ne devrait être prononcée que de manière exceptionnelle.

Tout en admettant qu’en application de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, la simple qualité d’étranger se trouvant illégalement au Grand-Duché de Luxembourg et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement autoriserait le ministre à le placer en rétention dans une structure fermée au cas où il existe des circonstances de fait rendant l’exécution de ladite mesure d’éloignement impossible, le demandeur fait valoir que la mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation personnelle de l’étranger ainsi visé.

Il conviendrait ainsi de vérifier si, par rapport à la situation de l’étranger concerné, le placement dans une structure fermée serait approprié, le demandeur affirmant à cet égard que non seulement l’opportunité du principe de l’enfermement devrait être examinée, mais également le type de structure fermée retenu par le ministre, afin de pouvoir vérifier si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité. A cet égard, il y aurait lieu de prendre en considération tous les éléments liés à la personne de l’étranger.

Le demandeur explique à cet égard qu’il aurait perdu ses deux parents et qu’il n’aurait plus de famille en Tunisie. Il aurait, par ailleurs, « tout » perdu en Tunisie, notamment son activité et ses repères, depuis la chute du régime de Ben Ali.

En conclusion, le demandeur soutient que l’arrêté ministériel déféré devrait encourir la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il échet tout d’abord de préciser qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant2.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

2 Trib. adm., 27 octobre 1999, n°11231 et 11232 du rôle confirmés par Cour adm., 18 mai 2000, n° 11707C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 955 et autres références y citées.

4 Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Force est de constater, d’une part, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, ayant notamment fait l’objet d’une décision de retour le 24 janvier 2022, déclarant son séjour comme étant irrégulier et lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de 30 jours, qui ne fait pas l’objet du présent recours, et, d’autre part, qu’il n’est pas en possession d’un visa en cours de validité, qu’il ne dispose pas d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois au Luxembourg, ni d’une 5autorisation de travail, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le risque de fuite est présumé dans son chef.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention.

Concernant les mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

6Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes3.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

En ce qui concerne ensuite les diligences entreprises en l’espèce de la part des autorités luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur, force est d’abord de constater que si celui-ci reproche actuellement au ministre de ne pas avoir adressé de demande de prise en charge en vertu du règlement Dublin III, en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen des demandes de protection internationale qu’il allègue avoir introduit aux Pays-Bas ou en Allemagne, il échet de relever que la décision litigieuse est la prorogation d’une mesure de placement prise en exécution de la décision de retour du 24 janvier 2022, non attaquée en l’espèce, de sorte que les développements relatifs à une éventuelle obligation du ministre de faire des diligences relatives à un transfert sur base du règlement Dublin III ne sont d’aucune pertinence.

Quant aux diligences concrètement entreprises par les autorités ministérielles, il ressort du dossier administratif qu’en date du 28 février 2022, la police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, a été chargée d’organiser le départ du demandeur. Par courriel du 10 mars 2022, un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, s’est enquis de l’état d’avancement du dossier auprès de la police judiciaire, tel que cela ressort également d’une note au dossier administratif daté du même jour. Par courrier du 15 mars 2022, un agent du ministère précité a entrepris des démarches pour obtenir la 3 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.

7délivrance d’un billet simple pour un vol au départ de Luxembourg vers la Tunisie au nom du demandeur, ainsi que des billets aller-retour pour l’escorte. Il ressort également d’un document daté du 15 mars 2022 qu’un vol de retour est prévu pour le 28 avril 2022 à destination de Monastir, en Tunisie.

Au vu des démarches concrètement déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier et au vu des éléments soumis à son appréciation, les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 et que les contestations du demandeur y relatives sont à rejeter.

Quant au moyen relatif à la disproportion de l’arrêté ministériel litigieux, force est de constater que celui-ci table sur les seules affirmations que le demandeur n’aurait plus d’attaches en Tunisie et y aurait perdu tous ses repères, le demandeur contestant ainsi implicitement mais nécessairement la légalité, respectivement le bien-fondé de son éloignement vers la Tunisie et partant de la décision de retour, laquelle ne fait toutefois pas l’objet du présent recours, tel que le tribunal vient d’ores et déjà de le retenir ci-avant. Il s’ensuit que ce moyen est également à rejeter pour défaut de pertinence.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé l’audience publique du 6 avril 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 avril 2022 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47250
Date de la décision : 06/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-04-06;47250 ?

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