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31/03/2022 | LUXEMBOURG | N°45067

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2022, 45067


Tribunal administratif Numéro 45067 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2020 2e chambre Audience publique du 31 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45067 du rôle et déposée le 7 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul Rippinger, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tend...

Tribunal administratif Numéro 45067 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2020 2e chambre Audience publique du 31 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45067 du rôle et déposée le 7 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul Rippinger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision sur réclamation du 28 juillet 2020 prise par le directeur de l’administration des Contributions directes et confirmant le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2015 du 20 novembre 2019, émis par le bureau d’imposition, …, de l’administration des Contributions directes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2021 ;

Vu le mémoire en réplique, erronément désigné « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 février 2021 par Maître Jean-Paul Rippinger pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications respectives du délégué du gouvernement et de Maître Jean-Paul Rippinger des 28 septembre 2021 et 6 octobre 2021 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de leur présence ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 11 octobre 2021.

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1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1Il est constant en cause que la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2016 de Monsieur … entra au bureau d’imposition, …, de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », en date du 13 mars 2017.

Par un courrier du 19 septembre 2019 concernant la « Déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015/2016 Numéro de dossier : … », le préposé du bureau d’imposition invita Monsieur … à lui fournir pour le 11 octobre 2019 au plus tard : « (…) – Les extraits bancaires au 31.12.2014, 31.12.2015 et le dernier extrait bancaire avant la clôture en 2016 de votre compte bancaire … auprès de la banque … (…) ».

Par courrier du 22 octobre 2019, le préposé du bureau d’imposition informa Monsieur …, conformément au paragraphe 205 (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’après examen de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2016, il projetait de s’écarter de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015 en précisant que « (…) Selon contrat de prêt que vous avez remis au bureau d’imposition … pour expliquer un virement de … € de la part de M. … sur votre compte … auprès de la banque … en 2016 et le retrait de cet argent le même jour dans 7 agences différentes de la banque …, vous aviez prêté la somme de … à Monsieur … en date du 15.02.2015. Or selon les extraits bancaires au 31.12.2014 de votre compte bancaire ci-dessus, vous ne disposiez pas de la somme précitée. La provenance de la somme de … étant douteuse, le bureau d’imposition compte imposer ce montant en tant que revenus nets divers en 2015 (…) ». Dans ce même courrier, le bureau d’imposition invita encore Monsieur … à formuler ses éventuelles objections face à la mesure projetée et ce pour le 13 novembre 2019 au plus tard.

Par courrier recommandé du 6 novembre 2019, réceptionné par le bureau d’imposition le 20 novembre 2019, Monsieur … fit valoir que « (…) Avec cette lettre je déclare le suivant :

Sujet d'explication d ou j'ai eu les …€ avant le 15-2-2015 Comme j'ai dit et je reste à ces paroles que j'ai épargnées entre 03-03-2014 jusqu'au 28-03- 2016 …€ de L'association d'assurance accident (preuve accompagne) …€ de la CNS accident de travail (preuve accompagne) …€ de la parte de l'ADEM (preuve accompagne) Totale … En ce 24 mois j'ai facilement mis …€ de cote c'été impossible que j'ai dépensé …€ car je n'ai pas de loyer à payer, pas de crédit, rien.

Il c est passet suivant :

Comme j'ai travaillé chez … qui appartenez à Monsieur … a ce temps-là en 2014 J'ai eu l'accident le 03-03-2014 j été paralipse et hospitalise pendant quelque mois comme je vous ai déjà tous cela dit.

Fin de 2014 Monsieur … ma demande si j'été intéresse à investir avec lui dans un Project qui se trouvez a … et le faire ensemble 2Bien sûr que j'ai dit oui que ça m'intéresse mais je n'avais pas beaucoup d'argent combien il pence qu'il faut investir car j'avais chez moi que …€ que j'ai épargné de la CNS ce que j'ai reçu.

Il m'a dit chaque un +-…€ qu'on puisse acheter le Project et avoir le crédit pour construire bien sur si on a l'accord de la Banque etc. et tous ce qu'il faut.

Si non et si ça tombe à l'eau et je te rends ton argent (parole de M….) J'ai dit moi personnellement je n'ai pas cette somme mais je peux demander à un ami en Allemagne s'il a je pence qu'il va m en prêter et j'ai pas de doute sur ce la c est un très bon ami et très sérieux J'ai contacté mon ami Monsieur … qui habité à ce moment à … en Allemagne et j'ai lui ai expliqué toute la situation et s il été en mesure à me prêter …€ pour réaliser un Project à Luxembourg et dès que je fini je vais lui rendre avec intérêt si besoin et lui sans trainer ou réfléchir il m'a dit directement OUI donne-moi début de l'année 2015 à cosse les fêtes etc. et tu passes les récupérer à ….

Alors en 2015 il m'appelle et il m'a dit de lui envoyer la copie de mon Passeport et de passer chez lui pour récupérer l'argent.

Il a préparé un contrat sur 24 mois qu'on a signé tous les deux le 20-01-2015 à … et il m'a donné l'argent (…€) dans la main.

Même moi j'été surpris qu'il a fait sur 24 mois de remboursements et il m'a dit remet toi sur jambes et tu me les rendrais je n'ai pas de doute sur cela.

Apres tous cela j'ai rencontré M…. je lui ai expliqué tous ce qui c'est passer et que j'ai reçu …€ de mon ami de l'Allemagne et que j'été près a lui prêter les …€ et s il fallait encore les …€ que je lui donnerait plus tardes si il va réservoir l'accord de la banque mais que je voulais les gardes si jamais il y avait un problème que je puisse avoir au moins la moitié à rembourser à mon ami M. … de Allemagne.

Alors on a fait un contrat le 15-02-2015 sur 10 mois si jamais il n'acheté pas le Project ou la banque ne lui accorde pas le crédit qu'il me rembourse. Ensuit je lui ai prêtez les …€ et comme il me devait …€ pour cela le contrat été a …€.

Après 3-4 mois il m'appelle on se rencontre et il me dit j'ai une mauvaise nouvelle le crédit n été pas accordé et qu'il voulait savoir si je pouvais lui laisser encore un moment les …€ il avait besoin et qu'il me les rend le plus vite que possible je lui ai dit ok il n'y a pas de problèmes moi j'ai les ai pour 24 mois et sincèrement je n'avais pas besoin pour le moment et que je n été pas encore en position de faire quoi que ça soit physiquement jusque je ne me remet pas de l'accident.

Alors on a changé le contrat qu'il me rembours au plus tardes le 31-12-2016 et ce qui c est passe je les ai eus avant 31-12-2016 et dès que j'ai eu les …€ en versement et liquide de M. … plus les 2% d'intérêt pare année totale de …€ je les ai rendus en liquide (cash) à M. … à … ou on c est rencontre le 17-12-2016 Et à cosse que j'ai prête cette somme chez M. … ça ma automatiquement oblige de mettre de côté et prélever tous les mois pour pouvoir les rembourser en liquide si jamais M. … avait dû retards à me rembourser, mais tous ces passe comme le faux.

3 Tous cela M. … et prêt à confirme si besoin même M. ….

Je suis désolé M. … que je n'ai pas dit que j'avais prête cet argent dès le début sincèrement cette la fierté que personne le sache que j'ai prête cette somme chez quelqu'un.

Par contre je suis quelqu'un qui épargne beaucoup mais malgré tous je n'ai plus rien de cote j'ai une femme de deux enfants et j'ai pas de travaille aucune rentre d'argent.

(…) ».

Le 20 novembre 2019, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur … le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2015, y incluant un montant de … euros en tant que revenus net divers.

Par courrier du 22 novembre 2019, réceptionné par le bureau d’imposition le 26 novembre 2019, Monsieur … introduisit une réclamation contre ce bulletin d’impôt.

En date du 4 février 2020, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », invita Monsieur … à lui soumettre des informations complémentaires dans le cadre d’une mise en état. Ledit courrier resta sans réponse.

Par une décision du 28 juillet 2020, référencée sous le numéro …, le directeur rejeta la réclamation comme non-fondée « se trouvant inhibé à poursuivre son instruction » en l’absence de réponse à son courrier de mise en état et « dans l’impossibilité de trancher, des éléments impérativement nécessaires à la base d’une perception claire et nette de la situation de fait et de droit faisant défaut ». Ladite décision est libellée dans les termes suivants : « (…) Vu la requête introduite en date du 26 novembre 2019 par le sieur …, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2015, émis en date du 20 novembre 2019 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 4 février 2020 en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO), restée sans réponse ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé dans son chef un revenu net divers ;

Considérant qu'en vertu du § 243 A0, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

4Considérant que le directeur a procédé en date du 4 février 2020 à une mise en état du dossier afin de se procurer de plus amples détails en ce qui concerne l'imposition effectuée ;

que ladite mise en état du dossier est libellée comme suit :

- le réclamant est invité à informer sur les relations commerciales, ainsi que privées avec le sieur …, à présenter les garanties que le sieur … a demandées avant la signature du contrat de prêt, à fournir une copie de la quittance de la somme de … euros donnée au sieur …, ainsi qu'une copie de la quittance de la somme reçue par le sieur …, et à présenter la déclaration d'argent liquide faite auprès de l'Administration des Douanes et Accises lors du passage de la frontière luxembourgeoise en date du 20 janvier 2015 après avoir récupéré la somme de … euros auprès du sieur … ;

Considérant que cette injonction est cependant restée sans réponse à ce jour ;

Considérant que, partant, le directeur, se trouvant inhibé à poursuivre son instruction, se voit dans l'impossibilité de trancher, des éléments impérativement nécessaires à la base d'une perception claire et nette de la situation de fait et de droit faisant défaut;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2020, Monsieur … a fait introduire principalement un recours en annulation, et subsidiairement un recours en réformation contre la décision directoriale précitée du 28 juillet 2020.

Il y a lieu de relever qu’encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité entraînant qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit contre la même décision.

Quant à la compétence d’attribution du tribunal administratif pour statuer sur le présent recours, il résulte d’une lecture combinée des dispositions du paragraphe 228 AO, et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif que le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre des bulletins d’imposition.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire contre la décision directoriale du 28 juillet 2020. Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.

Arguments des parties 5 A l’appui de sa requête le demandeur explique qu’il aurait travaillé en 2014 pour la société anonyme …, ci-après désignée par « la société … », et aurait à cette occasion fait la connaissance de Monsieur …, administrateur délégué de ladite société. Il aurait en date du 3 mars 2014 eu un accident nécessitant une hospitalisation de plusieurs mois. Fin 2014, Monsieur … lui aurait proposé d’investir dans un projet immobilier à … en Allemagne. A cette fin, chacun d’eux aurait dû investir un montant de … euros afin d’obtenir un crédit auprès d’une banque.

Ne disposant que de … euros de fonds propres, il aurait contacté un ami en Allemagne, Monsieur … …, disposé à lui prêter les … euros restant par pure amitié, sans aucune participation commerciale et pour un temps limité.

En date du 20 janvier 2015, Monsieur … lui aurait prêté les … euros par le biais de sa société de droit émirien …. Le contrat de prêt signé le même jour aurait spécifié une durée de remboursement de 24 mois et aurait stipulé que le montant de … euros lui aurait été remis en liquide en date du même jour à … à l’adresse de Monsieur ….

Il aurait ensuite remis les … euros à Monsieur … et lui aurait précisé que les … euros restants lui seraient transmis au moment de l’acceptation de la banque de financer le projet immobilier. Cette remise de fonds aurait été accompagnée de la signature d’un contrat de prêt daté du 15 février 2015 portant sur un montant de … euros remboursable endéans 10 mois.

Cette somme serait constituée des … euros obtenus de la part de Monsieur … et de … euros dont Monsieur … lui aurait été redevable.

Trois à quatre mois après la signature du contrat de prêt, Monsieur … l’aurait informé du refus de la banque de leur octroyer un prêt, tout en lui indiquant avoir un problème de trésorerie et de ce fait ne pas pouvoir lui rembourser la somme de … euros pour la date prévue initialement dans le contrat de prêt. Ledit contrat aurait donc été modifié en conséquence et le remboursement aurait été reporté au 31 décembre 2016.

Avant la date d’échéance, Monsieur … lui aurait restitué la somme due avec intérêts en liquide et il l’aurait continuée à Monsieur … également en liquide avec intérêts.

Il en conclut que chacun aurait respecté les différents contrats et qu’il n’aurait touché aucun revenu dans la mesure où les … euros ne lui auraient pas appartenu.

Il aurait ainsi réalisé une opération blanche qui ne pourrait être considérée comme un revenu.

Ce serait donc à tort que le directeur aurait considéré les … euros comme un revenu imposable et aurait réclamé à son épouse et à lui-même pour l’année 2015 un impôt de … euros à la date du 1er juillet 2020.

Les revenus de son ménage ayant été augmentés de … euros qui en fait n’auraient jamais été des revenus mais seulement un prêt ultérieurement remboursé, il y aurait donc une erreur d’appréciation des faits de la part du directeur, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision litigieuse.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se réfère à un certificat d'affiliation du Centre commun de la sécurité sociale duquel il ressortirait que le demandeur aurait été affilié à la Caisse Nationale de Santé, ci-après « CNS » et à l'Agence pour le 6développement de l'emploi, ci-après « ADEM », pour la plupart de la période de 2010 à début 2014. A partir du 1er mars 2014, le demandeur aurait travaillé comme salarié de la société … jusqu'à la déclaration en faillite de cette dernière par jugement du 30 mars 2015. D'après les certificats de rémunération émis par la prédite société et par l'ADEM, le demandeur aurait touché un revenu net provenant d'une occupation salariée pour l'année 2015 d'un montant total de … euros. Le demandeur, qui aurait une femme et un enfant à sa charge, aurait déclaré un revenu net provenant d'une occupation salariée de … euros pour l'année 2016.

Par courrier du 21 octobre 2016, le demandeur se serait adressé à la Banque … SC pour demander à cette dernière de reconsidérer la dénonciation et clôture de ses comptes bancaires qui aurait été décidée par elle à la suite de prélèvements suspects de la part de Monsieur …. Ce dernier se serait vu transférer un montant de … euros en date du 17 octobre 2016 de la part de Monsieur …, ancien administrateur-délégué de la société …, et aurait procédé au prélèvement en espèces de la totalité de cette somme par des prélèvements allant de … euros à … euros auprès de sept agences différentes de la Banque … SC endéans le même jour.

Le délégué du gouvernement reprend ensuite les dires du demandeur concernant le projet immobilier à … en Allemagne, ainsi que son financement tel qu’expliqué dans la requête introductive d’instance.

Le délégué du gouvernement fait remarquer que les extraits bancaires au 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 sollicités par le bureau d’imposition en dates des 19 septembre et 14 octobre 2019 et versés par le demandeur indiqueraient que les soldes de fin d'année ne dépassaient pas un montant de … euros ou étaient même négatifs. Eu égard aux soldes peu élevés et à l'absence prolongée d'activité salariale du demandeur pendant les années 2010 à début 2014, le bureau d'imposition aurait annoncé par courrier en date du 22 octobre 2019 vouloir imposer un montant de … euros en tant que revenus nets divers pour l'année d’imposition 2015.

Le délégué du gouvernement se réfère ensuite au courrier du 6 novembre 2019 précité, aux termes duquel le demandeur prétendrait avoir emprunté à Monsieur … un montant en espèces de … euros « pour réaliser un Project à Luxembourg » et non pas pour la réalisation d’un projet immobilier à … en Allemagne comme indiqué auparavant. Selon le délégué du gouvernement, il serait surprenant que le demandeur expliquerait qu'il aurait dû emprunter la somme restante de … euros pour compléter le montant de … euros au motif que le prétendu projet aurait nécessité un investissement de … euros pour être viable alors qu'il aurait investi uniquement un montant de … euros, a priori insuffisant pour obtenir l'accord bancaire. Mise à part les explications contradictoires sur le prétendu projet envisagé, tant la démarche que la justification révéleraient de nombreuses incongruités factuelles de la thèse avancée par Monsieur ….

Il ajoute que d'après les dires du demandeur, le prétendu projet immobilier, dont l'existence ne serait établie par aucune pièce probante, n’aurait finalement pas été réalisé, ce qui aurait donné lieu au prétendu remboursement du prêt par Monsieur …, y inclus le virement d’un montant de … euros, au demandeur. Le demandeur resterait néanmoins muet sur l'origine des fonds supplémentaires (… euros — … euros = … euros) prétendument remboursés par Monsieur ….

Le demandeur prétendrait ensuite avoir remboursé une somme de … euros en espèces à Monsieur … en date du 17 décembre 2016 en s'appuyant sur une déclaration signée de la part 7de ce dernier sans pour autant verser une quelconque preuve quant à la remise effective de la somme ou quant à l'origine de ces fonds supplémentaires.

Le délégué du gouvernement attire ensuite l'attention du tribunal sur le courrier du 21 octobre 2016 du demandeur par lequel ce dernier affirmerait avoir en urgence besoin de fonds « car je suis en train de construire une maison chez moi en Serbie ». Lors d'un entretien téléphonique entre le bureau d'imposition et le demandeur en date du 17 mars 2017, ce dernier n'aurait pas été en mesure de fournir des factures pour les travaux de la maison en Serbie et aurait affirmé que les travaux seraient réglés en liquide sans pour autant pouvoir s'expliquer sur l'origine et le quantum de ces fonds payés pour la construction de la maison.

Le délégué du gouvernement se réfère ensuite au courrier de mise en état du directeur du 4 février 2020 par lequel ce dernier aurait sollicité des informations sur la nature des relations du demandeur avec Monsieur …, sur les garanties du prétendu prêt, une copie des quittances portant sur la remise des fonds prêtés/remboursés ainsi qu'une déclaration d'argent liquide auprès de l'Administration des Douanes et Accises lors du passage de la frontière luxembourgeoise en date du 20 janvier 2015 avec la somme de … euros prétendument récupérée auprès de Monsieur … en Allemagne.

La demande du directeur serait, jusqu'à ce jour, restée sans réponse de la part du demandeur, de sorte que le directeur aurait été contraint de confirmer la taxation d'office des revenus du demandeur dans sa décision directoriale en date du 28 juillet 2020.

En droit, le délégué du gouvernement conclut à ce que les prétendus contrats de prêts et l'attestation versés à l’appui du recours seraient à écarter sur base du paragraphe 5 de la loi modifiée d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après désignée par « StAnpG ». L'Etat aurait en effet fait état d'un éventail d'indices dans son exposé des faits qui remettraient sérieusement en cause la réalité des contrats de prêts versés ainsi que de l'attestation signée par Monsieur …, à savoir :

-

le demandeur se contredirait sur le prétendu projet immobilier à réaliser et ne verserait aucune pièce probante pour établir la réalité de ce dernier ;

-

l'investissement dans un projet immobilier s'effectuerait en principe par apport au sein d'une structure commune et non pas par un prétendu prêt d'argent ;

-

l'absence d'explication concluante quant au prétendu investissement a priori insuffisant de … euros au lieu d'un montant de … euros ;

-

la quasi-intégralité des opérations auraient été effectuées en liquide et sans preuve de la remise effective des fonds par les différentes parties ;

-

la situation financière du demandeur ne permettrait pas d'expliquer qu'une personne tierce, en l'espèce Monsieur …, aurait réellement prêté une somme de … euros pour une durée de deux années sans aucune garantie à une personne peu solvable ;

-

l'absence d'occupation salariale du demandeur pendant une période prolongée et les faibles revenus des années 2015 et 2016 ne permettraient pas d'expliquer l'origine des fonds supplémentaires prétendument remboursés à hauteur de … euros ;

-

l'absence de communication d'informations sur les relations commerciales ou autres entre le demandeur et Monsieur …, malgré la demande expresse du directeur ;

-

l'absence de communication de copies de quittances relatives à la remise de la somme d'argent entre parties, malgré la demande expresse du directeur ;

-

l'absence de communication d'une déclaration d'argent liquide auprès de l'Administration des Douanes et Accises lors du passage de la frontière luxembourgeoise en date du 20 janvier 2015 avec la somme de … euros, malgré la demande expresse du directeur ;

8-

l'aveu du demandeur de l'emploi des fonds touchés pour la construction de la maison en Serbie.

Le délégué du gouvernement précise encore que l'attestation versée comme pièce n° 4 par le demandeur ne remplirait pas les conditions de l'article 402 du Nouveau Code de procédure civile qui nécessiterait également une mention relative à un éventuel lien de subordination, une collaboration ou une communauté d'intérêt avec le demandeur, voire avec l'administrateur-délégué de son employeur, Monsieur ….

Il rappelle encore qu'un contrat de prêt entre particuliers serait un contrat réel pour lequel l'objet de la preuve du prêt serait double. Il reviendrait au demandeur d'établir, d'une part, la remise de la chose (élément matériel), en l'espèce de la somme d'argent, et, d'autre part, que cette remise aurait eu lieu à titre de prêt (élément psychologique).

En l'occurrence, le demandeur resterait en défaut d'apporter tant la preuve de la remise matérielle des fonds, que celle de la remise des fonds à titre de prêt.

L'Etat aurait donc à suffisance de droit apporté des éléments pertinents pour conclure au caractère fictif des contrats de prêts et de l'attestation signée par Monsieur … qui seraient à écarter sur base du paragraphe 5 StAnpG.

Selon le délégué du gouvernement, la taxation d'office des revenus du demandeur serait à confirmer puisque les contribuables ne devraient s'imputer qu'à eux-mêmes les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation, lorsque ce serait par suite de leur propre comportement fautif qu'il aurait été nécessaire de recourir à cette mesure. Ceci signifierait que dès lors qu'il ressortirait des circonstances de l'affaire que les résultats des taxations seraient vraisemblables, les critiques dirigées contre ces mesures ne seraient pas fondées. Par ailleurs, il existerait un principe d'ordre public de la détermination exacte des bases d'imposition qui obligerait les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondraient le plus exactement possible à la réalité.

Au cas cependant où le bureau d'imposition serait dans l'impossibilité de déterminer de manière exacte le revenu imposable, le contribuable serait censé se contenter de cette approximation, qu'elle opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d'impôt établi par voie de taxation au seul motif que la cote d'impôt fixée ne correspondrait pas exactement à sa situation réelle.

Il ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus réels s'écarteraient de manière significative des bases d'imposition fixées par le bulletin d'impôt.

L'imposition actuellement critiquée aurait été établie par voie de taxation, laquelle, conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), consisterait « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte ne serait pas possible ».

En l'espèce, il résulterait de l'absence de communication des pièces justificatives sollicitées, des doutes sérieux quant à la réalité des transactions alléguées, du maniement en espèces des montants concernés, ainsi que de l'absence d'explications quant à l'origine des fonds et quant au financement de la construction de la maison en Serbie, que le bureau 9d'imposition aurait à juste titre procédé à une taxation d'office des revenus non renseignés dans les certificats de rémunération du demandeur et que ce dernier resterait en défaut de prouver que les revenus fixés par voie de taxation d'office s'écarteraient de manière significative de ses revenus réels.

Le principe et le quantum des majorations qui respecteraient une marge de sécurité ne seraient donc pas contestables.

Il rappelle encore à cet égard la jurisprudence et la doctrine relatives à la taxation d’office des bases d’imposition.

Eu égard à ce qui précède, la décision directoriale se devrait d'être confirmée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur donne encore quelques précisions quant aux montants qu’il aurait touchés pendant les années 2014 et 2015 suite à son accident de travail le 3 mars 2014.

Il indique ainsi avoir touché … euros de l’Association d’Assurance Accident, ci-après « AAA » et … euros de la CNS, ainsi que … euros de l'ADEM après la faillite de la société …, à savoir au total la somme de … euros. Sur les montants ainsi touchés, il aurait réussi à économiser plus de … euros. Il réitère ensuite ses développements quant au projet de construction à …, au prêt qu’il aurait obtenu de Monsieur … et à celui qu’il aurait accordé à Monsieur …. Il se réfère ensuite à une attestation de Monsieur … précisant que ce prêt lui aurait été accordé à titre amical.

Il donne à considérer que Monsieur … lui aurait remboursé par plusieurs versements en « cash » le montant de … euros et le solde, soit … euros, sur son compte …, soit au total … euros intérêts inclus.

Il aurait ensuite de son côté remboursé le même montant, soit … euros, à Monsieur … en liquide le 27 décembre 2016, tel qu’indiqué dans le contrat de prêt.

Il explique que les … euros auraient été versés en une fois par Monsieur … sur le compte …, car il aurait eu besoin d'argent pour son père qui aurait construit une maison en Serbie et aurait eu besoin de fonds pour l'achèvement de son immeuble.

Afin d'éviter des problèmes avec la douane, il serait allé chercher l'argent du prêt avec des membres de sa famille, le demandeur précisant que lors des déplacements ainsi effectués, chacun n’aurait transporté avec lui que … euros, de telle sorte qu’aucune infraction n'aurait été commise.

Il précise encore vivre avec ses parents, sa femme et ses deux enfants dans l'immeuble appartenant à ses parents et qu'il ne paierait aucun loyer et n'aurait aucun crédit, ce qui lui aurait permis de mettre de côté l'argent qu'il aurait reçu de l’AAA ainsi qu'une partie de ce que lui aurait versé la CNS.

Il fait remarquer qu’il n'y aurait rien d'illégal d'économiser de l'argent et de le garder chez soi, pratique qui serait d'ailleurs encore d'usage chez beaucoup de gens.

10Le demandeur souligne que dans la mesure où un prêt ne serait pas un revenu, il n'y aurait pas lieu de le taxer.

Il y aurait donc erreur d'appréciation des faits de la part du directeur des contributions, de sorte qu'il y aurait lieu à annulation sinon à réformation de la décision litigieuse.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement considère que les éléments de faits soulevés par l'Etat pour remettre en cause la réalité des opérations adverses effectuées ne seraient aucunement énervés par les développements contenus dans le mémoire en réplique du demandeur.

En ce qui concerne le plan portant sur deux maisons unifamiliales situées à L-…, à construire sur les parcelles cadastrales numérotées … et …, qui appartiendraient à la copropriété …, il fait remarquer que la prédite pièce serait totalement étrangère au demandeur et à Monsieur …. Selon le délégué du gouvernement, on pourrait tout au plus en conclure que les prédits copropriétaires, notamment Monsieur … dont le nom serait mentionné en marge du plan, auraient retenu Monsieur …, architecte, pour établir un plan en vue d'une éventuelle construction de deux maisons unifamiliales. L'affirmation adverse resterait selon le délégué du gouvernement à l'état d'une pure allégation faute pour le demandeur de verser un quelconque document qui permettrait d'établir la réalité des démarches décrites par lui.

En ce qui concerne les pièces versées des organismes de sécurité sociale, le délégué du gouvernement remet en cause le calcul adverse qui consisterait à extrapoler à partir d'une seule fiche de la part de la CNS et de la part de l'ADEM le versement de douze mensualités de la part de la CNS (3050,62 x 12) et de la part de l'ADEM (2875,42 x 12) en l'absence de preuve que le demandeur aurait réellement touché, pour chacun de ces douze mois, les indemnités visées.

En ce qui concerne les indemnités pour raison de maladie, il découlerait du courrier en date du 23 septembre 2014 de la CNS que le nombre de jours de maladie pris en compte sur la période des 104 dernières semaines s'élèverait à 204 jours à la date du 23 septembre 2014. Ceci équivaudrait à 6 mois et 24 jours sur une période de deux années.

De plus, contrairement à ce qui serait avancé, les pièces versées ne permettraient pas de retenir que le demandeur aurait économisé plus de … euros lors de la prétendue proposition d'investissement de Monsieur … « fin de l'année 2014 », moment indiqué dans la requête. En effet, la plupart des pièces versées seraient postérieures à la « fin de l'année 2014 ». Il ressortirait notamment du courrier en date du 27 mai 2015 de l’ADEM que le droit au chômage lui aurait été accordé uniquement à partir du 30 mars 2015. De même, l'indemnité de l'AAA aurait manifestement été versée après la décision en date du 9 avril 2015. Le demandeur resterait donc en défaut d'établir qu'il aurait effectivement perçu 12 mois d'indemnités.

Les explications du demandeur resteraient donc à l'état de pures allégations en ce qui concernerait le quantum d'argent touché par les organismes de sécurité sociale et les économies prétendument réalisées. Force serait de constater que la version des faits relatée par le demandeur semblerait changer au fur et à mesure des explications avancées puisqu'aux termes de son courrier du 21 octobre 2016, le demandeur expliquerait encore que « (…) je suis en train de construire une maison chez moi en Serbie (…) » pour ensuite prétendre dans sa réplique que « Monsieur … avait besoin d'argent pour son père qui construisait une maison en Serbie (…) ».

11L'attestation signée par Monsieur … en tant qu'ancien employeur du demandeur ne pourrait pas non plus être retenue comme preuve probante au vu du lien d'intéressement entre les deux parties. De plus, aucune quittance ne serait versée pour établir que Monsieur … aurait effectivement « rendu en plusieurs fois en liquide (cash) …,- € ».

Tous les prétendus éléments de preuve auraient été dressés ex-post et ceci plusieurs années après les prétendues remises de sommes d’argent à titre de prêt. Or, en l'absence d'une preuve tangible relative à la remise des sommes en question, ni la réalité ni les conditions constitutives du contrat de prêt ne seraient établies, de sorte que ce serait à juste titre que le bureau d'imposition aurait émis des doutes relatifs à l'origine des fonds et aurait procédé à une taxation d'office.

Les éléments factuels avancés par l'Etat pour écarter les prétendus prêts sur base du paragraphe 5 StAnpG garderaient donc toute leur pertinence et il y aurait lieu de confirmer la taxation d'office.

Appréciation du tribunal Le tribunal constate que les parties sont en l’espèce en désaccord quant à l’ajout d’un montant de … euros qualifié de revenus nets divers par la partie étatique aux revenus imposables de l’année 2015 de Monsieur …. Le demandeur ne présentant aucun moyen quant au principe de la taxation d’office, le tribunal n’est pas saisi de cette question et son analyse se limitera à la question de la qualification de la somme de … en tant que revenus nets divers.

L’argumentation du demandeur repose en substance sur le fait que ce montant ne constituerait pas un revenu dans son chef mais serait le résultat de deux prêts successifs de … euros qu’il aurait, d’une part, obtenu de la part de Monsieur … et qu’il aurait, d’autre part, continué à Monsieur … en vue d’obtenir un prêt bancaire pour un projet immobilier. En l’absence de réalisation de ce projet, les prêts successifs auraient été remboursés avec 2 % d’intérêts à l’échéance prévue dans les contrats de prêts, soit 24 mois après la conclusion de ceux-ci, de sorte qu’il ne se serait pas enrichi de cette somme mais que celle-ci ne constituerait qu’un simple remboursement.

Le délégué du gouvernement se base quant à lui sur le paragraphe 5 StAnpG et le principe de la taxation d’office du paragraphe 217 AO pour justifier l’ajout aux bases imposables de la somme de … euros.

Il convient d’abord de relever qu’aux termes de l’alinéa 1er du paragraphe 171 AO :

« Auf Verlangen (§ 205 Absätze 1 und 2) hat der Steuerpflichtige die Richtigkeit seiner Steuererklärung nachzuweisen. Wo seine Angaben zu Zweifeln Anlass geben, hat er sie zu ergänzen, den Sachverhalt aufzuklären und seine Behauptungen, soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann, zu beweisen, zum Beispiel den Verbleib von Vermögen, das er früher besessen hat. ».

A cet égard, il convient de rappeler que les dispositions légales applicables, dont surtout les paragraphes 166, 170, 171, 204 et 205 AO, instaurent un régime qui ne fait bénéficier une déclaration d’impôt d’aucune présomption de véracité, mais qui impose au bureau d’imposition une mission de contrôle et d’examen objectif et impartial de la déclaration et d’investigations supplémentaires en cas de doute raisonnable sur le caractère véridique et complet de la déclaration, le contribuable étant corrélativement soumis à un devoir de collaboration avec le 12bureau d’imposition en éclairant les points douteux et en produisant des éléments de preuve qu’on peut raisonnablement attendre de sa part2.

En effet, en cas de contestations émises, comme en l’espèce, par l’administration des Contributions directes sur la déclaration faite par le contribuable, celui-ci est légalement tenu de lui faire parvenir les renseignements et explications demandés, étant donné que la charge de la preuve de l’exactitude des déclarations faites pèse désormais sur le contribuable3 et ce en vertu de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », aux termes duquel la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. A ce titre, il ne peut être reproché à l’administration des Contributions directes d’avoir, au vu des circonstances - à savoir le virement d’un montant important sur le compte de Monsieur … - et en l’absence d’explications complètes à ce sujet, alors que le demandeur a été invité à fournir les pièces manquantes ou du moins à donner des explications concernant les points manquant de clarté4, retenu que l’origine de cet argent, ainsi que les motifs pour lesquels cet argent a été remis à Monsieur … sont douteux.

Il y a ensuite lieu de relever que le paragraphe 5 StAnpG, sur lequel le délégué du gouvernement se base pour justifier le rajout de revenus imposables, dispose que « (1) Scheingeschäfte und andere Scheinhandlungen (zum Beispiel die Begründung oder die Beibehaltung eines Scheinwohnsitzes) sind für die Besteuerung ohne Bedeutung. Wird durch ein Scheingeschäft ein anderes Rechtsgeschäft verdeckt, so ist das verdeckte Rechtsgeschäft für die Besteuerung maßgebend. ». Ainsi, le droit fiscal doit s'attacher à des faits réels et, pour les besoins de l'imposition, il n'y a pas lieu de tenir compte de simulations.

Il est à cet égard vrai que le caractère simplement inhabituel des formes, constructions ou opérations de droit privé n’est pas à lui seul suffisant pour les voir qualifier d’inadéquates.

Il est encore vrai qu’il ne saurait être reproché au demandeur de préférer effectuer des transactions avec de l’argent liquide plutôt que de passer par des instituts bancaires.

Ensuite, en ce qui concerne de petites contradictions dans son récit, tel le fait de savoir si lui-même ou son père aurait pris l’initiative de la construction d’une maison en Serbie, celles-

ci ne sont pas à elles seules de nature à discréditer son récit dans son entièreté. Il en est de même en ce qui concerne son choix de ne pas investir par le biais d’une structure commune dans un projet immobilier mais sous forme de prêt.

Or, en agissant de la sorte, il appartient néanmoins au demandeur dans ce cadre de se ménager la preuve de ses affirmations.

A cet égard il y a lieu de rappeler que le droit fiscal luxembourgeois est caractérisé par la liberté dans l'administration de la preuve. Il n'y a pas de preuve légale qui serait admise à l'exclusion de toute autre. Cependant, il appartient au contribuable d'apporter et de prouver les faits et circonstances dont il estime qu’ils sont de nature à le libérer de l'imposition ou à en diminuer la charge.

2 Trib. adm., 30 mai 2016, n°35778 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n°926 et les autres références y citées.

3 Cour adm., 26 novembre 2015, n°36039C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n°927 et les autres références y citées.

4 Par courrier du 4 février 2020 dans le cadre d’une mise en état initiée par le directeur, Monsieur … a été invité à lui soumettre des informations supplémentaires.

13 En l’espèce, force est au tribunal de constater que le récit du demandeur contient des contradictions et des incohérences mettant en doute la véracité de celui-ci, notamment en ce qui concerne le projet immobilier à la base des prétendus prêts. Il semble en effet exister une confusion entre la commune de … qui se situe au Luxembourg, tel qu’indiqué sur les plans de construction versés par le demandeur et le village de … en Allemagne auquel le demandeur fait référence dans sa requête introductive d’instance. Ensuite, force est au tribunal de constater qu’il partage les doutes de la partie étatique concernant l’implication du demandeur et de Monsieur … dans le projet immobilier décrit par les plans versés en tant que pièce numéro 2 des pièces produites à l’appui du mémoire en réplique, cette pièce ne faisant pas référence au nom de l’un ou l’autre d’entre eux, de sorte qu’en l’absence de valeur probante du plan du projet immobilier à …, cette pièce est à écarter des débats. L’existence du projet immobilier dans son entièreté est dès lors mise en doute. Cette conclusion est corroborée par l’absence totale de pièces concernant les démarches concrètement entreprises concernant le financement du projet immobilier, telles que notamment une demande de prêt auprès d’une banque ou le refus de cette dernière d’octroyer un prêt. Les explications relatives aux projets d’investissement en immobilier du demandeur et de Monsieur … restent dès lors essentiellement à l’état de simples allégations, les pièces produites ne permettant même pas de retenir une vague intention y relativement.

Ensuite, force est de constater que la majorité des prétendues opérations ont été réalisées en liquide. S’il est vrai qu’il ne saurait être reproché au demandeur de conclure des contrats de prêts en prévoyant leur paiement en liquide et de préférer garder ses économies en liquide à son domicile plutôt qu’à la banque, ce dernier doit néanmoins dans ce cas porter une attention toute particulière à la documentation de ces transactions et à la traçabilité de cet argent.

Or, si, en l’espèce, le demandeur affirme avoir, fin de l’année 2014, début de l’année 2015, disposé de fonds propres à hauteur de … euros, cette affirmation est néanmoins contredite par les pièces figurant au dossier administratif et versées par le demandeur concernant sa situation financière. En effet, il ressort aussi bien du certificat d’affiliation du Centre commun de la sécurité sociale, que des extraits bancaires sollicités par le bureau d’imposition en date du 19 septembre 2019, que des pièces versées par le demandeur concernant notamment les paiements de la part de l’AAA et de l’ADEM, qu’il est improbable que le demandeur ait disposé à cette date d’une telle somme d’argent. En effet, les paiements de la part de l’AAA et de l’ADEM sont postérieurs à l’année 2014, la décision ayant été prise en ce qui concerne l’AAA en date du 9 avril 2015 et le paiement de la part de l’ADEM est daté du 13 novembre 2015. Le caractère improbable de sa situation financière alléguée à la fin de l’année 2014 est corroboré par la déclaration du demandeur suivant laquelle celui-ci n’aurait transmis que la somme de … euros à Monsieur … et non pas celle de … euros pourtant nécessaire au soi-disant projet de construction. L’absence d’occupation salariale du demandeur pendant une période prolongée et les faibles revenus des années 2015 et 2016 ne permettent pas non plus d’expliquer l’origine des fonds supplémentaires prétendument remboursés à hauteur de … euros à Monsieur …. En ce qui concerne les pièces versées par le demandeur, force est de constater que seules les pièces documentaires retraçant effectivement le paiement de fonds permettent de chiffrer les économies éventuellement faites par le demandeur au cours des années 2014 à 2016, à savoir un montant de … euros de la part de l’AAA, un montant de … euros de la part de la CNS et un paiement de … euros effectué par l’ADEM, accompagné de la décision de lui octroyer des indemnités de chômage complet à hauteur de … euros bruts du 30 mars 2015 au 28 mars 2016, à savoir un montant net de … euros, soit un montant total de … euros auquel se rajoute 14un salaire de … euros payé de la part de la société … concernant la période du 1er au 30 septembre 2014. Or, un montant de … euros perçu sur trois années ne saurait, indépendamment du fait que Monsieur … n’aurait contracté aucun crédit et vivrait chez ses parents avec son épouse et ses deux enfants, expliquer ni l’origine des fonds propres à hauteur de … euros soi-

disant économisés par Monsieur …, ni l’origine des fonds remboursés à Monsieur … à hauteur de … euros (…-… euros) et non documentés en l’absence de preuve de remise de fonds par Monsieur …, ni l’origine des fonds ayant servi à la construction de la maison en Serbie.

Ensuite, force est au tribunal de constater que le demandeur ne fournit aucune quittance des sommes prétendument octroyées à, respectivement remboursées par Monsieur …, seul le virement à hauteur de … euros fait par Monsieur … au demandeur se dégageant des pièces du dossier fiscal.

A cela s’ajoute que si, d’un côté, Monsieur … affirme avoir remboursé à Monsieur … un prêt à hauteur de … euros, au même moment, il indique avoir utilisé cette somme pour la construction d’une maison en Serbie, en rapport avec laquelle il ne fournit toutefois aucune documentation, notamment des factures relatives aux travaux, ni d’explications concernant l’origine et le quantum des fonds payés pour la construction de cette maison. Or, le tribunal se doit de retenir que les mêmes montants ne sauraient servir à rembourser un prétendu prêt et financer la construction d’une maison en Serbie.

Ainsi, sans preuve effective de remise des fonds rendant la traçabilité des flux monétaires possible, ainsi qu’au vu de l’absence partielle de documentations concernant les prêts, et de la situation financière du demandeur en raison de son absence d’occupation salariale pendant une longue période, le tribunal est amené à retenir que le bureau d’imposition et, par la suite, le directeur ont valablement pu retenir l’existence d’un faisceau d’indices que Monsieur … a obtenu des revenus dont il ne sait pas expliquer l’origine.

Or, le demandeur, sur lequel repose la charge de la preuve, n’a fourni au tribunal aucun élément permettant de remettre en cause les constatations sur lesquelles le bureau d’imposition et ensuite le directeur se sont basés pour qualifier la somme de … de revenus nets divers. Il n’est, en effet, pas établi que les contrats de prêts versés, ainsi que les attestations faites sur l’honneur par Monsieur … et par Monsieur … correspondent à des opérations réelles, de sorte à s’analyser en des actes fictifs (« Scheingeschäft ») au sens du paragraphe 5 StAnpG. Le demandeur n’a ainsi pas expliqué à suffisance les raisons pour lesquelles il y aurait lieu de différer de l’analyse faite par le directeur, le fait de procéder par voie de simples affirmations et en versant des pièces incomplètes n’étant à cet égard pas suffisant. C’est dès lors à juste titre que le bureau d’imposition, ainsi que par la suite le directeur, ont procédé par voie de taxation afin d’ajouter aux revenus du demandeur les sommes d’argent dont il ne peut prouver l’origine, ni la remise à d’autre personnes.

Il suit de ces considérations que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

15 dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, et lu à l’audience publique du 31 mars 2022 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2022 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45067
Date de la décision : 31/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-31;45067 ?

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