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31/03/2022 | LUXEMBOURG | N°44433

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2022, 44433


Tribunal administratif N° 44433 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mai 2020 2e chambre Audience publique du 31 mars 2022 Recours formé par la société civile immobilière … SCI, …, contre une délibération du conseil communal de Schuttrange et une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44433 du rôle et déposée le 13 mai 2020 au greffe du tribunal administratif par Maî

tre Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 44433 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mai 2020 2e chambre Audience publique du 31 mars 2022 Recours formé par la société civile immobilière … SCI, …, contre une délibération du conseil communal de Schuttrange et une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44433 du rôle et déposée le 13 mai 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société civile immobilière … SCI, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de Schuttrange du 19 juin 2019 portant adoption du projet de plan d’aménagement général de la commune de Schuttrange et 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 2020 portant approbation de ladite décision du conseil communal de Schuttrange du 19 juin 2019 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine Kovelter, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 14 mai 2020 portant signification du prédit recours à l’administration communale de Schuttrange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-5367 Schuttrange, 2, place de l’Eglise ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2020 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B186371, représentée aux fins des présentes par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom et pour compte de l’administration communale de Schuttrange, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2020 par Maître Paul Schintgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom et pour compte de l’administration communale de Schuttrange, préqualifiée ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020 par Maître Paul Schintgen, au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2020 par Maître Serge Marx, au nom et pour compte de la société civile immobilière … SCI, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2021 par Maître Paul Schintgen, au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2021 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom et pour compte de l’administration communale de Schuttrange, préqualifiée ;

Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats, en remplacement de Maître Paul Schintgen, déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2021 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Serge Marx, Maître Stéphane Sunnen, en remplacement de Maître Albert Rodesch, et Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2022.

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Lors de sa séance publique du 7 novembre 2018, le conseil communal de Schuttrange, ci-après dénommé le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé le « collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet de plan d’aménagement général à l’égard duquel il émit un vote positif.

Par courrier adressé au collège échevinal, la société civile immobilière … SCI, ci-après désignée par « la SCI … », en sa qualité de propriétaire notamment d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schuttrange, section … de …, sous le numéro …, soumit ses objections à l’encontre du projet de plan d’aménagement général de ladite commune.

En date du 6 mars 2019, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre de l’Environnement », émit son avis sur le projet de plan d’aménagement général en application de l’article 5 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 ».

Conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 2004, la commission d’aménagement émit son avis le 19 mars 2019 quant à la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les dispositions de ladite loi, ledit avis ayant été complété lors de la séance de ladite commission du 15 mai 2019.

Lors de sa séance publique du 19 juin 2019, le conseil communal approuva « à l’exception des zones et/ou parcelles cadastrales précitées au point 4.1, le projet 2d’aménagement général, partie graphique, constituée de 5 plans – version coordonnée […], ainsi que « le projet d’aménagement général, partie écrite, constituée du document « Plan d’aménagement général (PAG) – partie écrite – version votée du conseil communal – juin 2019 » portant la référence « … », indice « A » du 24.05.2019, telle que modifiée suite aux réclamations et avis ministériels reçus et à l’ensemble des décisions énoncées ci-avant. ».

Par courrier recommandé daté du 3 juillet 2019, la SCI … introduisit auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération du conseil communal du 19 juin 2019 portant adoption du projet d’aménagement général et ayant statué sur les objections dirigées contre ce même projet.

Dans sa séance du 6 novembre 2019, le conseil communal rendit son avis sur les réclamations adressées au ministre et, en ce qui concerne la réclamation de la SCI …, décida, à l’unanimité des voix, de se rallier aux propositions et arguments du collège échevinal contenues dans le rapport intitulé « PAG de la commune de Schuttrange – analyse des réclamations » dressé par le bureau … SARL en date du 31 octobre 2019, ainsi que d’émettre un avis défavorable quant à la réclamation en question.

Par décision du 16 décembre 2019, le ministre de l’Environnement approuva les modifications de la délimitation de la zone verte découlant de la délibération du conseil communal du 19 juin 2019.

Par décision du 6 février 2020, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 19 juin 2019 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en déclarant la réclamation de la SCI … non fondée en les termes suivants :

« […] Ad réclamation SCI … La réclamante s’oppose à une « zone de servitude "couloirs et espaces réservés" – couloir à mobilité douce » sur la parcelle cadastrale n°…, sise à …. Elle souhaite en outre que sur la parcelle cadastrale n°… la limite du plan d’aménagement général soit calquée sur la limite du plan d’occupation du sol, n’excluant ainsi pas sa parcelle du périmètre du PAG et unifiant les limites.

La pertinence d’un couloir à mobilité douce à cet endroit est parfaitement justifiée alors qu’il permet de connecter la « zone d’activités économiques communale type 1 [ECO-c1] » à l’est du site avec les espaces verts constituant un espace de loisirs et de récréation à l’ouest.

Cette servitude de couloir à mobilité sert également à garantir la liaison de ladite « zone d’activités économiques communale type 1 [ECO-c1] à l’aéroport FINDEL, qui proposera à terme aussi un espace de services, de commerces et de restauration.

Concernant l’alignement sollicité sur le POS, il y a lieu de noter que la délimitation de celui-ci vise une zone verte et non une zone destinée à être urbanisée. Il n’existe donc aucun intérêt à étendre la limite du PAG au périmètre du POS. De plus, la profondeur de construction est déjà suffisamment importante. Aucun argument ne justifie donc la modification de la délimitation de la zone en question.

La réclamation est donc non fondée dans son intégralité. […] ».

3Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2020, la SCI … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du conseil communal du 19 juin 2019 portant adoption du projet de plan d’aménagement général ainsi que de la décision du ministre du 6 février 2020 portant approbation de ladite décision du conseil communal du 19 juin 2019.

1. Quant à la recevabilité Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par le demandeur, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre de la décision du conseil communal portant adoption du projet de plan d’aménagement général de la commune de Schuttrange du 19 juin 2019 ainsi que de la décision d’approbation du ministre du 6 février 2020, lequel recours est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2. Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un projet de plan d’aménagement général est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n°113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables.

Le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés. Or, dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise2.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Actes réglementaires, n° 54 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées.

4 Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter (1) de la loi du 19 juillet 2004, tel que modifié en dernier lieu par la loi précitée du 28 juillet 2011, « La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1er août 2011. […] ».

Le tribunal relève qu’en l’espèce, le conseil communal a émis son vote positif, au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, en date du 11 octobre 2018, de sorte que la saisine de la commission d’aménagement en application de l’article 11 de la même loi s’est a fortiori opérée après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter (1), alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015 et 3 mars 2017 et 18 juillet 2018.

3. Quant au fond Arguments des parties A l’appui de son recours, la société demanderesse précise tout d’abord que celui-ci serait limité à un seul point de discorde, à savoir la superposition de la parcelle portant le numéro cadastral … par le plan d’aménagement général refondu, ci-après désigné par le « PAG », d’un « couloir pour projets de mobilité douce », tel que visé par les deux premiers alinéas de la décision ministérielle entreprise.

Il apparaîtrait à la consultation de la partie graphique du PAG que le couloir en question commence entre un chemin en terre battue se trouvant en prolongation de la rue … et la rue … pour monter sur une distance d’environ 180 mètres en direction de l’autoroute A1, longer celle-

ci sur approximativement 650 mètres et enfin traverser les champs pour s’arrêter abruptement dans un petit bois sans issue.

Elle sollicite ensuite l’annulation des décisions entreprises pour détournement de pouvoir, excès de pouvoir et violation de la loi en invoquant trois moyens, à savoir que :

 le couloir litigieux ne serait justifié par aucune considération urbanistique répondant à une finalité d’intérêt général et violerait de ce fait son droit de propriété ;

 la motivation à la base du refus ministériel de supprimer le couloir litigieux serait viciée par une erreur d’appréciation ;

 la violation de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d’une grande voirie de communication et d’un fonds des routes, ci-après désignée par « la loi du 16 août 1967 » .

A l’appui de son moyen tenant à l’absence de toute considération urbanistique à la base de la mise en place du couloir litigieux et de la violation consécutive de son droit de propriété, la société demanderesse souligne tout d’abord que sa parcelle ne serait pas ouverte au public 5et que la commune ne disposerait sur celle-ci d’aucun droit réel pour instituer le couloir en question.

Elle poursuit en donnant à considérer, par renvoi à un arrêt de la Cour administrative du 29 mai 2009, inscrit sous le numéro 23728C du rôle, que comme la réglementation en matière d’aménagement communal porterait nécessairement atteinte au droit de propriété, elle devrait toujours être justifiée par des considérations urbanistiques répondant à une finalité d’intérêt général, de même que l’atteinte en question devrait toujours rester proportionnée au but recherché sous peine d’illégalité du classement.

En l’espèce, il faudrait toutefois constater qu’aucune considération cohérente de développement urbain ne viendrait justifier l’existence du couloir litigieux, de sorte que la question du contrôle de son caractère proportionné ne se poserait même pas. Elle précise que, selon elle, il ne ferait pas de sens de mettre en place un « couloir pour projets de mobilité douce » traversant des champs pour s’arrêter dans un bois sans autre connexion. Comme il s’agirait d’un couloir dépourvu de toute utilité, voire d’un « corps étranger implanté en pleine nature » sans que cette implantation ne poursuive le moindre but concret, la superposition de la zone « couloir pour projets de mobilité douce » serait manifestement illégale et donc à supprimer.

Pour ce qui est ensuite de ses contestations quant à la motivation à la base de la décision ministérielle litigieuse, la société demanderesse reproche au ministre d’avoir commis une erreur d’appréciation en justifiant la raison d’être du couloir concerné par le fait qu’il établirait une connexion de la « zone d’activités économiques communale type 1 [ECO-c1] » ci-après désignée par « la zone [ECO-c1] », avec un « espace de loisirs et de récréation » à l’ouest de celle-ci et ce, eu égard au fait que, suivant la partie graphique du PAG, la zone d’activités en question disposerait déjà de sa propre zone de loisirs expressément dédiée aux activités de loisirs et de récréation, de sorte qu’il n’apparaîtrait pas pour quelles raisons précises la zone d’activités devrait encore disposer d’un espace de loisirs et de récréation supplémentaire à l’ouest. Elle ajoute que le ministre se méprendrait de toute façon en affirmant que la zone à l’ouest de la zone d’activités constituerait un espace de loisirs et de récréation puisque la zone en question se caractériserait par des champs agricoles ne se prêtant pas à une quelconque activité de loisirs.

En ce qui concerne ensuite la liaison de la zone [ECO-c1] à l’aéroport du Findel, telle qu’également invoquée par le ministre à l’appui de sa décision, la société demanderesse donne à considérer que si le couloir litigieux avait pu faire un certain sens en cas de classement de sa parcelle en zone d’activités économiques, - classement qui aurait d’ailleurs été prévu par le projet de plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques » de 2014 -, le maintien de sa parcelle en zone verte impliquerait que la mise en place d’un « couloir pour projet de mobilité douce » à cet endroit du territoire communal serait une pure aberration et le refus ministériel de supprimer le couloir litigieux serait, en tout état de cause, erroné à un triple titre.

Ainsi, en premier lieu, le couloir en question ne permettrait pas de relier la zone d’activités de … à l’aéroport du fait même qu’il s’arrêterait abruptement dans une parcelle boisée privée et que, par ailleurs, aucune connexion de ce couloir sur le territoire communal limitrophe ne serait prévue.

A cela s’ajouterait que comme aucun instrument d’aménagement national hiérarchiquement supérieur, tel un plan directeur sectoriel « transports » ou un plan 6d’occupation du sol, ne prévoirait à cet endroit un réseau de couloirs pour mobilité douce, il devrait être admis que le couloir contesté ne ferait ni actuellement ni pour l’avenir partie d’un réseau cohérent. En l’absence de toute coordination et de toute intégration dans un projet plus vaste au niveau intercommunal, il relèverait, au contraire, d’une pure utopie non réalisable.

En deuxième lieu, la société demanderesse fait valoir que la zone serait pourvue de nombreux chemins, y compris vicinaux, qui permettraient d’ores et déjà de relier facilement la localité de … à l’aéroport du Findel, de même qu’il existerait plusieurs itinéraires attractifs à la disposition notamment des cyclistes voulant se rendre au plateau du Findel. Elle insiste, à cet égard, sur le fait qu’en empruntant les chemins d’ores et déjà existants, un cycliste mettrait environ 20 minutes pour rejoindre le plateau du Findel, de sorte que même à admettre que le couloir litigieux puisse directement relier la zone d’activités de … au Findel, un tel itinéraire ne présenterait qu’un gain en distance et en temps dérisoire par rapport aux itinéraires existants.

Elle estime encore que l’aménagement d’un tel itinéraire serait disproportionné aussi bien en termes de coûts que d’un point de vue environnemental eu égard au fait qu’il faudrait traverser des bois et aménager une piste asphaltée en abattant de nombreux arbres.

En troisième lieu, la société demanderesse donne à considérer que la « zone de … » disposerait d’ores et déjà d’un accès rapide et facile à des espaces de service, de commerces et de restauration, de sorte qu’également de ce point de vue, la motivation ministérielle serait viciée.

La société demanderesse invoque enfin l’illégalité du couloir critiqué en ce qu’il serait projeté en pleine zone non aedificandi telle que mise en place par la loi du 16 août 1967 et définie à l’article 4 de cette même loi.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse entend tout d’abord revenir sur un fait ponctuel qui aurait été exposé de manière erronée par la commune laquelle affirmerait que l’objectif recherché consisterait à pouvoir combiner le corridor de transport collectif prévu par le plan sectoriel « transports » tel qu’approuvé par le gouvernement en conseil le 5 juillet 2019 avec un couloir de mobilité douce afin de relier à long terme l’aéroport à la localité de ….

Ainsi, elle donne, en premier lieu, à considérer que le plan sectoriel en question n’aurait pas d’existence légale pour ne se trouver qu’à un stade de projet, de sorte à ne pas pouvoir servir de base pour justifier le couloir litigieux.

En deuxième lieu, elle fait remarquer que le corridor de transport collectif invoqué découlerait de l’annexe 2 b. du projet de plan directeur sectoriel « transports » qui consisterait en un tracé sans couloir ni zone superposée, de sorte que même à supposer que le plan directeur sectoriel avait une quelconque existence légale, ce tracé serait néanmoins dépourvu de tout corridor ou zone superposée.

Enfin, la société demanderesse estime qu’il ne serait pas raisonnablement justifiable de prévoir un projet de mobilité douce qui soit contraint de se partager un couloir avec les transports en commun impliquant que les cyclistes soient « pris en otage » entre l’autoroute et les transports en commun. L’argumentation communale ne ferait dès lors en réalité que confirmer que la mise en place d’un corridor pour mobilité douce à cet endroit relève de la pure hérésie urbanistique.

La société demanderesse conteste ensuite l’affirmation communale suivant laquelle le 7projet de mobilité douce tel qu’inscrit dans le PAG relierait la localité de … en direction de l’aéroport et ce eu égard au fait que la planification de la voie de mobilité en question se limiterait strictement à la commune de Schuttrange et s’arrêterait dans un bois sans issue.

Elle souligne, à cet égard, qu’à aucun moment, avant le vote du PAG au conseil communal, le projet litigieux n’aurait été élaboré de concert avec la commune de Niederanven et ce alors même que la réalisation du prétendu but urbanistique d’intérêt général recherché par les autorités communales exigerait une étroite collaboration et planification avec la commune limitrophe ou du moins une concertation sur les points essentiels de ce projet afin de s’assurer que la planification du couloir litigieux en direction de l’aéroport soit envisageable et réaliste, voire tout simplement souhaitée par l’autre commune concernée, ce d’autant plus que celle-ci aurait procédé en 2016 à une refonte de son PAG sans y prévoir une telle liaison de mobilité douce vers l’aéroport.

La société demanderesse estime que le caractère arbitraire de la décision communale se trouverait encore corroboré par le fait qu’aucune étude urbanistique quant au bien-fondé du tracé, de sa faisabilité ou de son impact sur l’environnement n’aurait été réalisée avant le vote du PAG par le conseil communal.

Au vu de ces considérations, il apparaîtrait que le couloir litigieux serait manifestement dépourvu de toute utilité.

La société demanderesse maintient ensuite son moyen tenant à une violation de son droit de propriété en insistant sur le fait que dans son arrêt du 29 mai 2008, tel qu’invoqué par elle, la Cour administrative aurait clairement émis une considération générale sur l’interprétation des règles d’aménagement, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre qu’aussi bien en ce qui concerne l’aménagement territorial au niveau national qu’au niveau communal, la nature de la réglementation serait telle qu’elle porterait fatalement atteinte au droit de propriété. Or, le fait de grever des terrains privés d’une servitude de passage via un instrument d’aménagement communal constituerait indubitablement une atteinte grave à un droit constitutionnellement protégé qui, en tant que telle, devrait rester à tout moment proportionnée et justifiée par des considérations urbanistiques répondant à une finalité d’intérêt général, considérations qui devraient découler d’études préliminaires justifiant la viabilité et la faisabilité du futur projet d’infrastructure publique, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Pour ce qui est concrètement du reproche d’une absence de considérations urbanistiques répondant à une finalité d’intérêt général, la société demanderesse insiste sur le fait que la prémisse factuelle sur laquelle se baserait la commune pour justifier l’existence de telles considérations, à savoir la réalisation à long terme d’un chemin plus direct en direction du Findel par la promotion de modes de circulation moins nocifs pour l’environnement et la limitation des surfaces de terrains impactées par les voies de communication, ne correspondrait pas à la réalité. Elle souligne, à cet égard, que suivant la jurisprudence actuelle de la Cour administrative, le contrôle des faits et considérations sur lesquels s’est basée l’administration pour prendre sa décision auquel le juge administratif doit procéder se trouverait renforcé en ce qu’une erreur d’appréciation de la part de l’administration ne devrait plus être manifeste pour impliquer l’annulation de ses décisions.

Or, en l’espèce, et au vu des considérations mises en avant par elle, il y aurait lieu de constater que le couloir critiqué ne permettrait tout simplement pas de relier la zone d’activités de … à l’aéroport, la société demanderesse relevant que le fait même que la planification du 8couloir litigieux se limiterait strictement au territoire de la commune de Schuttrange démontrerait à suffisance qu’il aurait été mis en place de manière purement arbitraire.

La commune et la partie étatique concluent, quant à elles, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Appréciation du tribunal Il y a d’abord lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par la société demanderesse, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le tribunal relève ensuite que saisi d’un recours en annulation, sa mission de juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute. Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, le tribunal étant ainsi appelé à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but3.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

3 Cour adm. 12 janvier 2021, n°44684C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

9Il s’ensuit que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.

Par ailleurs, en ce qui concerne la finalité d’intérêt général à laquelle les plans d’aménagement doivent tendre, il convient de constater que les décisions portant adoption, voire modification d'un plan d'aménagement sont, dans leur essence même, prises dans l'intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire4, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits incriminés. Dans le même contexte, il échet encore de préciser qu’il n’y a pas lieu de démontrer que la décision ait été prise exclusivement dans l’intérêt général, mais, en revanche, que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général5.

Il convient ensuite de rappeler que la mutabilité des plans d’aménagement général relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné6. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-après.

Il est constant en cause que sous l’ancien PAG, la parcelle de la société demanderesse portant le numéro cadastral … était classée en zone rurale et que, par ailleurs, elle est classée en zone rurale [RUR] dans le plan d’occupation du sol « aéroport et environs », ci-après désigné par le « POS », déclaré obligatoire par le règlement modifié grand-ducal du 17 mai 2006 déclarant obligatoire le plan d’occupation du sol « aéroport et environs », ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 17 mai 2006 ».

Le PAG sous analyse maintient, quant à lui, la parcelle litigieuse en zone rurale [RUR] au sens du POS avec un classement superposé en « zone de bruit » et « zone de servitudes couloirs et espaces réservés » pour « couloir pour projets de mobilité douce ».

Il convient ensuite de relever que les contestations de la société demanderesse se limitent à la superposition de sa parcelle par le PAG d’une « zone de servitude « couloirs et espaces réservés » - couloir à mobilité douce », servitude définie à l’article 21 de la partie écrite du PAG aux termes duquel : « Les servitudes « couloirs et espaces réservés » se rapportent à des fonds réservés soit aux projets d’infrastructures de circulation ou de canalisation, soit à l’écoulement et à la rétention des eaux pluviales.

Les couloirs et espaces réservés doivent être gardés libres de toute construction jusqu’à 4 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.

5 V. en ce sens : trib. adm. 26 février 2004, n° 16974 du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu.

6 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.

adm. 2021, V° Urbanisme, n° 207 et les autres références y citées.

10la réalisation des travaux visés au premier alinéa. L’emprise définitive des infrastructures est définie dans le cadre du projet d’exécution.

Dès que les travaux visés au premier alinéa ont été entamés de manière significative, les prescriptions fixées à l’alinéa 2 ne produisent plus d’effets. ».

Il se dégage de l’extrait des délibérations du 6 novembre 2019 que lors de sa séance publique du même jour, le conseil communal a avisé défavorablement la réclamation adressée par la société demanderesse au ministre en se ralliant à la position du collège échevinal suivant laquelle le « Korridor entspricht dem PST-Projekt "Corridor de transport collectif entre Höhenhof et Parc d’activité Syrdall" und sollte ebenfalls Infrastrukturen für "mobilité douce" vorsehen. », la commune ayant précisé dans le cadre de la procédure contentieuse que la superposition de la parcelle litigieuse avec la servitude « couloir pour projets de mobilité douce » était motivée par la volonté des autorités compétentes de pouvoir combiner le corridor de transport collectif entre … et le Parc d’activité Syrdall, tel que prévu à travers le projet de règlement grand-ducal rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « transports », approuvé par le gouvernement en conseil le 5 juillet 2019, avec un chemin pour mobilité douce, afin de relier à long terme l’aéroport du Findel à la localité de … et plus particulièrement aux zones d’activités économiques y situées. Le ministre, dans sa décision litigieuse, a encore précisé que, hormis le fait que « cette servitude de couloir à mobilité [servirait] […] à garantir la liaison de ladite « zone d’activités économiques communale type 1 [ECO-c1] à l’aéroport FINDEL, qui proposera à terme aussi un espace de services, de commerces et de restauration », « la pertinence d’un couloir à mobilité douce à cet endroit [serait] parfaitement justifiée alors qu’il permet[rait] de connecter la « zone d’activités économiques communale type 1 [ECO-c1] » à l’est du site avec les espaces verts constituant un espace de loisirs et de récréation à l’ouest. ».

Force est de constater que la société demanderesse se plaint, en substance, du fait que sa parcelle soit grevée d’une servitude de couloir à mobilité douce alors même que la réalisation du couloir projeté ne serait justifiée par aucune considération urbanistique répondant à une finalité d’intérêt général, en mettant plus particulièrement en avant, d’une part, le fait que le couloir en question, qui traverserait des champs pour s’arrêter dans un bois sans autre connexion, relèverait non seulement de la pure utopie, mais qu’il serait, par ailleurs, dépourvu de toute utilité du fait de l’existence de nombreux chemins, y compris vicinaux, permettant d’ores et déjà de relier la localité de … à l’aéroport du Findel et donc aux espaces de services, de commerce et de restauration qui y seraient prévus à terme, de même que la localité de … disposerait déjà d’un accès rapide et facile à des espaces de services, de commerces et de restauration et, d’autre part, la considération selon laquelle il n’y aurait aucune nécessité pour assurer une connexion entre la zone [ECO-c1] à l’est du site, en ce qu’elle disposerait déjà de sa propre zone de loisirs, avec un « espace de loisirs et de récréation » à l’ouest de celui-ci, ce d’autant plus que la zone en question se caractériserait actuellement par des champs agricoles.

Le tribunal relève tout d’abord qu’il est constant en cause que la réalisation d’un couloir pour mobilité douce est, en l’espèce, à entrevoir dans le cadre d’un concept plus large découlant de la volonté communale de combiner ce couloir avec le corridor de transport collectif dont le principe et son tracé au sud de l’autoroute entre l’échangeur … et l’échangeur de … à … sont prévus par le plan directeur sectoriel « transports ».

Or, un tel concept visant à combiner une autoroute, un corridor pour transport collectif et un corridor pour mobilité douce en un corridor multimodal, donc un projet associant 11plusieurs modes de transport pour relier non seulement l’aéroport du Findel à la localité de … et plus particulièrement aux zones d’activités économiques y situées, mais également pour permettre une connexion entre la zone [ECO-c1] à l’est du site avec les espaces verts situés à l’ouest, en ce qu’il contribue à réduire l’utilisation de la voiture privée en reliant des points d’intérêt tels que des zones d’activités et des sites de récréation naturels par un itinéraire pour cyclistes et piétons direct, sécurisé et aussi aisément praticable que possible et par la même à promouvoir des modes de déplacement moins nocifs pour l’environnement, doit s’analyser comme témoignant d’une utilisation rationnelle du sol et de considérations tenant à la protection de l’environnement au sens de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, ce d’autant plus que le regroupement du corridor pour transport collectif et du couloir litigieux permettra, par ailleurs, de limiter les surfaces de terrains impactées par les voies de communication projetées.

Ce constat n’est pas ébranlé par la circonstance qu’au moment de la prise de la décision litigieuse, le plan directeur sectoriel « transports » prévoyant le corridor de transport collectif au niveau national n’était pas encore en vigueur, ni par le fait qu’au stade actuel de la planification, les « zones de servitudes des couloirs et espaces réservés » relatives au couloir pour projets de mobilité douce litigieux s’arrêtent à la frontière communale de la localité de …, faute de prolongement sur le territoire de la commune de Niederanven, dont le PAG a fait l’objet d’une refonte en 2016.

En effet, outre le fait que, tel que relevé ci-avant, le couloir pour projets de mobilité douce ne découle pas directement du projet de plan directeur sectoriel « transports », mais constitue une initiative communale dont le but est de combiner ledit couloir avec le corridor de transport collectif prévu au niveau national dont le tracé n’est pas contesté, les réflexions de politique urbanistique avancées par l’administration communale et la partie étatique ayant traduit la volonté de garder le couloir litigieux non construit afin de ne pas rendre impossible à l’avenir un tel projet sont de nature à justifier à suffisance la superposition de la parcelle en cause par la zone de servitude litigieuse, sans que les autorités communale et ministérielle auraient dépassé leur marge d’appréciation. Ainsi, comme l’essence même des règles urbanistiques n’est pas de refléter une réalité existante figée dans le temps, mais qu’elle consiste à prévoir et à programmer l’aménagement urbain, les autorités communales doivent être admises à maintenir des zones non construites en vue d’un projet d’infrastructure de circulation à réaliser ou à développer le cas échéant à l’avenir seulement7. Ce constat s’impose d’autant plus que la planification détaillée et la réalisation du couloir litigieux constitue un projet à long terme impliquant, outre l’Etat responsable pour la réalisation du corridor de transport collectif, la commune de Niederanven sur le territoire de laquelle le couloir doit se prolonger pour rejoindre les services, commerces et restaurations du Findel, étant encore relevé qu’en vertu du principe de la mutabilité des actes réglementaires, le PAG de la commune de Niederanven pourra être modifié à tout moment, de sorte que l’absence de servitude dans le PAG actuellement en vigueur au sein de celle-ci n’est en tout état de cause pas un obstacle juridique à ce que la commune souhaite garder le couloir litigieux non construit afin de ne pas rendre impossible un tel projet à l’avenir.

S’il n’est pas non plus contesté qu’il existe d’ores et déjà des liaisons routières entre la zone d’activités économiques à … et l’aéroport, respectivement des espaces verts, pouvant être empruntés par des piétons ou cyclistes, cette circonstance n’est pas de nature à dénier au projet de la commune sa finalité d’intérêt général dans le mesure où, d’une part, il n’est pas contesté 7 cf. trib. adm. 25 juin 2008, n° 22066 du rôle, non réformé sur ce point par Cour adm., 30 avril 2009, n° 24660C du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

12que les itinéraires en question ne sont pas des pistes cyclables et que, d’autre part, il se dégage indéniablement des éléments de la cause que l’objectif urbanistique recherché par la commune est de pouvoir réaliser à long terme un chemin le plus direct possible en suivant le tracé et la pente de l’autoroute, de manière à éviter les détours et des pentes trop raides, de sorte à rendre l’utilisation des moyens de mobilité douce plus commode et dès lors plus attractive, ce qui contribue à la promotion de ce mode de circulation moins nocif pour l’environnement.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments de l’espèce qu’en procédant à l’instauration d’un « couloir pour projets de mobilité douce » par le PAG, la commune n’aurait pas été mue par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement du territoire communal et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur ledit territoire, répondant à une finalité d’intérêt général, à savoir une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural et des considérations tenant à la protection de l’environnement, ni que la planification urbanistique à laquelle il est procédé au niveau du PAG serait disproportionnée par rapport au but recherché. Les contestations afférentes sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondées.

Au vu de cette conclusion, le moyen tenant à une violation, par les décisions litigieuses, du droit de propriété de la société demanderesse est également à rejeter pour être fondé sur l’unique prémisse erronée que le couloir litigieux ne serait pas justifié par des considérations urbanistiques répondant à une finalité d’intérêt général.

A titre superfétatoire et pour être tout à fait complet, le tribunal relève que dans son arrêt rendu en date du 4 octobre 20138, la Cour constitutionnelle, tout en consacrant le principe de la mutabilité des PAG et en soulignant que le juge administratif n’était pas autorisé à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, mais que les propriétaires concernés pouvaient se pourvoir, le cas échéant, devant le juge judiciaire en vue de l’allocation d’une indemnité éventuelle, a déclaré contraires à l’article 16 de la Constitution les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 posant en principe que les servitudes résultant d’un PAG n’ouvrent droit à aucune indemnité et prévoyant des exceptions à ce principe qui ne couvrent pas toutes les hypothèses dans lesquelles la privation de la jouissance du terrain frappé par une telle servitude est hors de proportion avec l’utilité publique.

Dans le même arrêt, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la considération qu’elle avait retenue dans son arrêt du 26 septembre 20089, selon laquelle un changement dans les attributs de la propriété, qui est à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels, peut constituer une expropriation.

Dans ledit arrêt la Cour constitutionnelle n’a ainsi pas retenu que de manière générale toute servitude d’urbanisme constituait une expropriation, mais elle a, en revanche, retenu de manière nuancée que seul un changement dans les attributs de la propriété à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation.

A cet égard, il convient de relever que, outre le fait que la société demanderesse reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure concrètement la superposition de sa parcelle, classée en zone rurale, donc dans une zone destinée, suivant l’article 15 du POS « aéroports et 8 Cour constitutionnelle, 4 octobre 2013, n° 00101 du registre.

9 Cour constitutionnelle, 26 septembre 2008, n° 00046 du registre.

13environs » à rester libre, d’une « zone de servitudes couloirs et espaces réservés », affecte concrètement l’exercice de son droit de propriété, conformément à l’article 21 du PAG, ladite zone ne fait de toute façon qu’empêcher temporairement que des constructions soient érigées à des endroits qui rendraient la réalisation d’un couloir pour mobilité douce impossible à réaliser à l’avenir. Dans ce même ordre d’idées, il y a lieu de retenir que la question des droits réels de la commune sur la parcelle en question n’est pas pertinente au stade de la superposition de celle-ci de la zone de servitudes concernée, en ce que le PAG n’a pas pour objet de régler une exécution concrète de travaux sur le terrain mais seulement d’éviter, par l’instauration de servitudes administratives, telles que celle concernée en l’espèce, des utilisations du sol qui seraient contraires à la réalisation future d’une infrastructure publique, telle qu’un chemin pour mobilité douce.

Ainsi, il n’apparaît pas dans quelle mesure la superposition de la zone de servitudes litigieuse entrave les attributs du droit de propriété de la société demanderesse d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation, ce d’autant plus qu’elle n’est que temporaire et, par ailleurs, conforme aux objectifs inscrits à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, tel que retenu ci-avant.

En tout état de cause et au vu de la solution ainsi dégagée par la Cour constitutionnelle, le tribunal est amené à retenir que le moyen d’annulation de la société demanderesse tiré d’une violation de son droit de propriété, tel que consacré à l’article 16 de la Constitution est à rejeter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de sanctionner le reclassement éventuel d’un terrain d’une zone constructible en zone non constructible ni ainsi a fortiori non plus la superposition d’une parcelle classée en zone rurale d’une zone subordonnée à certaines conditions, pour autant, évidemment, que la superposition ait été effectuée dans un but d’intérêt général, ce qui, tel que relevé ci-avant, est le cas en l’espèce.

Enfin, en ce qui concerne le moyen tiré de l’illégalité du couloir pour projets de mobilité douce en ce qu’il se situerait en zone non aedificandi de la loi du 16 août 1967, telle que définie à l’article 4 de ladite loi, il y a lieu de relever que la disposition légale en question a la teneur suivante : « Nul ne peut établir des installations ou des constructions sur le domaine de cette voie et il ne peut, à quelque titre que ce soit, être établi d’autres accès à ce domaine ou d’autre départ de ce domaine que ceux qui sont ou seront aménagés par l’Etat, en application de l’alinéa 1 de l’article 3.

Les riverains de ce domaine ne jouissent pas des droits reconnus aux riverains des voies publiques ordinaires, particulièrement du droit d’accès.

Des constructions ou travaux autres que ceux exécutés pour le compte de l’Etat ou en vertu des dispositions de l’article 6, alinéa 4 de la présente loi, ne peuvent se faire qu’à une distance de vingt-cinq mètres de la limite du domaine public et à des conditions faisant respecter les prescriptions qui précèdent. A l’intérieur de cette distance de vingt-cinq mètres, les travaux nécessaires d’entretien et de conservation des constructions existantes sont sujets à autorisation préalable expresse et écrite du ministre des Travaux publics. Tous autres travaux de construction, de reconstruction ou de transformation sont défendus.

Sans pareille autorisation, la tolérance visée à l’alinéa 3 de l’article 4bis de la présente loi ne peut être mise à profit pour des aménagements nouveaux à faire au-delà de la distance de vingt-cinq mètres. ».

14 Si ladite disposition interdit, respectivement règlemente les installations et les constructions le long des grandes voiries, force est de constater que, suivant l’article 5 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Le plan d’aménagement général est un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol. », le PAG a uniquement pour vocation de définir l’utilisation du sol, mais non pas d’ériger des constructions, étant encore particulièrement relevé qu’en vertu de l’article 21 du PAG, applicable en l’espèce, « l’emprise définitive des infrastructures est définie dans le cadre du projet d’exécution », de sorte que dans le cadre de la refonte du PAG, il n’est pas encore procédé à la fixation exacte du tracé du couloir pour mobilité douce litigieux. Il s’ensuit qu’une éventuelle contrariété du couloir litigieux avec la loi du 16 août 1967 ne saurait être analysée qu’au moment de la réalisation des travaux y afférents. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

met les frais et dépens de l’instance à charge de la société demanderesse.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 31 mars 2022 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2022 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 44433
Date de la décision : 31/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-31;44433 ?

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