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30/03/2022 | LUXEMBOURG | N°47211

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 mars 2022, 47211


Tribunal administratif Numéro 47211 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2022 4e chambre Audience publique extraordinaire du 30 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47211 du rôle et déposée le 22 mars 2022 au greffe du tribunal administratif p

ar Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à L...

Tribunal administratif Numéro 47211 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2022 4e chambre Audience publique extraordinaire du 30 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47211 du rôle et déposée le 22 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né à … (Maroc), le … et être de nationalité marocaine, alias …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, alias …, déclarant être né le … et être de nationalité marocaine, alias …, déclarant être né le … et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 mars 2022 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Naïma El Handouz et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 mars 2022.

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Il ressort d’un rapport de la Police Grand-Ducale, Région Capitale, Commissariat Kirchberg, n° 2021/9448/149/BJU, du 19 mars 2021, qu’en date du 18 mars 2021 Monsieur …, alias …, alias …, alias …, ci-après dénommé « Monsieur … », a été appréhendé sans être en possession de documents d’identité dans le cadre d’un vol à l’aide de violences devant un centre commercial au Kirchberg.

En date du 29 avril 2021, les autorités luxembourgeoises soumirent une demande de renseignements à leurs homologues néerlandais concernant Monsieur …. Par voie de message électronique du 30 avril 2021, les autorités néerlandaises expliquèrent que celui-ci aurait introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas le 1er octobre 2019 en tant que mineur non accompagné, qu’il aurait disparu depuis le 6 janvier 2020, qu’ils auraient reçu des autorités belges une demande de reprise en charge pour lui en date du 26 août 2020, tout en relevant que les autorités belges auraient constaté par le biais d’un examen osseux qu’il ne serait pas à considérer comme un mineur et que les autorités néerlandaises auraient accepté leur demande de reprise en charge en date du 2 septembre 2020, mais que le transfert n’aurait pas été exécuté dans les délais par les autorités belges.

Il ressort d’un deuxième rapport de la Police Grand-Ducale, Région Sud-Ouest, Commissariat C3R Capellen-Steinfort, n° 2021/17030/712/SCHMCE, du 20 mai 2021, que Monsieur … fut appréhendé dans une maison vide par les forces de l’ordre dans le cadre d’une enquête sur une série de vols commis. Il échet de constater qu’il ressort dudit rapport qu’en date du même jour, Monsieur … a été soumis à un examen radiologique duquel il ressortirait qu’il est majeur d’âge.

Il résulte encore d’un autre rapport de la Police Grand-Ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg, n° JDA-2021-93348-13, du 12 juin 2021, qu’en date du 11 juin 2021, Monsieur … a été appréhendé par les forces de l’ordre suite aux descriptions données par un témoin, victime de vol à l’aide de violences, sans qu’il n’ait été en possession de documents d’identité.

Un rapport de la Police Grand-Ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg, n° 2021-94029-32, du 26 juin 2021, renseigne sur le fait que Monsieur … a été appréhendé par la police pour avoir commis un vol à l’aide de violences.

Il se dégage ensuite d’une information du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 27 juin 2021, que Monsieur … a été placé en détention préventive pour ces faits et qu’il n’était pas en possession de documents d’identité.

Il résulte d’une demande de renseignements adressée au Centre de coopération policière et douanière, ci-après désigné par « le CCPD », du 24 janvier 2022, que Monsieur … serait connu pour de multiples vols en Belgique, en Allemagne et en France.

En date du 3 février 2022, Monsieur … fut libéré du Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Par arrêté du 3 février 2022, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, tout en lui ordonnant de quitter le territoire sans délai et en prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre pour une durée de cinq ans.

Par un arrêté séparé pris le même jour, et notifié à l’intéressé également le 3 février 2022, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, laquelle est motivée comme suit :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 3 février 2022, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Attendu que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre publique ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

2 Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été engagées ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par un arrêté du 2 mars 2022, notifié à l’intéressé le 3 mars 2022, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question sur base des motifs suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 3 février 2022, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 3 février 2022 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 22 mars 2022 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 2 mars 2022 prorogeant son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté du 2 mars 2022, lequel est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur rappelle d’abord les rétroactes gisant à la base de l’arrêté ministériel litigieux.

En droit, le demandeur estime que la mesure de placement en rétention serait entachée d’une erreur d’appréciation de sa situation, d’un excès ou détournement de pouvoir, d’une violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, telles qu’énumérées à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ainsi qu’à l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Dans ce contexte, il reproche en premier lieu à l’arrêté ministériel litigieux une erreur d’appréciation des faits de l’espèce et des éléments liés à sa personne. Il soutient que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permettait le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier au cas où des circonstances rendraient l’exécution de l’éloignement de celui-ciimpossible, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. A cet égard, le demandeur fait valoir qu’il serait mineur, de sorte qu’une mesure de placement en rétention ne devrait être prise à son égard qu’à titre de dernier ressort tel que le prévoirait l’article 22, paragraphe (1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ». Il se prévaut encore de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 en ce qu’il dispose que le mineur non accompagné pourrait être placé en rétention dans un lieu approprié adapté aux besoins de son âge et qu’il devrait être tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, le demandeur conteste qu’il s’agirait dans son cas d’une mesure de dernier ressort, de sorte que le ministre aurait dû appliquer des mesures moins coercitives et le placer dans un lieu approprié en raison de son âge.

Le demandeur se réfère encore à un projet de loi n°7633 relatif à l’interdiction du placement en rétention des personnes mineures qui viserait à consacrer l’interdiction absolue de la rétention des mineurs, ainsi qu’à un article de presse du Quotidien du 19 mai 2021 suivant lequel la Commission Consultative des Droits de l’Homme, ci-après dénommée « la CCDH », aurait souligné que la législation et la pratique luxembourgeoise ne seraient pas conformes aux recommandations des experts nationaux et internationaux, ni d’ailleurs à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH » et que le placement en rétention d’enfants migrants ne serait jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais constituerait toujours une violation des droits de l’enfant.

Le demandeur estime ensuite que comme le placement en rétention devrait être considéré comme ultime remède, portant atteinte à la liberté de mouvement, et qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. Ce serait dès lors à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans avoir eu recours aux mesures moins coercitives de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, notamment un placement à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg, ci-après désignée par « la SHUK », une telle entrave à la liberté d’aller et de venir reconnue à tout individu ne devant être envisagée que si aucune autre possibilité n’aurait pu être envisagée.

En deuxième lieu, le demandeur soutient que le placement en rétention ne serait permis que si une mesure d’éloignement serait en cours, menée avec diligence et surtout qui aurait des probabilités d’aboutir. Dans ce contexte, le demandeur estime qu’il devrait se trouver dans une procédure de transfert et non pas d’éloignement, alors qu’il aurait déposé plusieurs demandes de protection internationale, notamment aux Pays-Bas, en Allemagne, ainsi qu’au Danemark.

Il fait valoir que les autorités luxembourgeoises n’aurait pas appliqué le Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, désigné ci-après par le « règlement Dublin III », afin de procéder à l’examen de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vue d’adresser une demande de reprise en charge à ces pays européens, de sorte que la procédure actuellement engagée ne serait pas menée avec toutes les diligencesrequises et que sa libération immédiate serait à ordonner, les autorités ministérielles n’ayant adressé de courriers qu’au Consulat du Maroc en Belgique.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. Le mineur non accompagné peut être placé en rétention dans un lieu approprié adapté aux besoins de son âge. Il est tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. » En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité valables, et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

S’agissant du premier moyen présenté par le demandeur tablant sur le fait qu’il serait mineur et que son placement en rétention ne serait pas proportionné à sa situation, force est de prime abord de constater que si le demandeur a certes donné plusieurs identités aux forces de l’ordre, il ressort néanmoins du dossier administratif qu’il a entretemps été expressément identifié par les autorités marocaines comme s’appelant … né le …, de sorte qu’il ne saurait être contesté qu’il est majeur d’âge.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le demandeur n’est pas mineur d’âge et que les moyens présentés par lui pour contester la légalité et le bien-fondé de la mesure de placement, fondés sur une erreur d’appréciation de sa situation, sur une violation de l’article 22, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, sur le caractère disproportionné de la mesure de placement, sur le défaut de motivation du placement et sur le placement dans un lieu approprié à son âge, sont basés sur la prémisse qu’il serait mineur d’âge, il y a d’ores et déjà lieu de rejeter lesdits moyens pour ne pas être fondés.

Force est, ensuite au tribunal de constater que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg pour avoir fait l’objet, en date du 3 février 2022, d’une décision de retour, déclarant son séjour comme étant irrégulier et lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois sans délai et lui infligeant une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Au vu de cette décision ministérielle du 3 février 2022 et en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, tel que le fait de faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne l’application de mesures moins coercitives, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

6 b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le demandeur est cependant resté en défaut de justifier de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. En effet, le tribunal constate, à cet égard, que le demandeur ne lui a pas soumis le moindre élément de nature à renverser la présomption du risque de fuite existant dans son chef, tel qu’elle a été retenue ci-avant, alors que la simple affirmation selon laquelle il pourrait être hébergé au SHUK ne saurait suffire à cet égard. Concernant plus précisément les mesures moins coercitives prévues au point a) et c) de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur ne dispose pas d’un document d’identité valable et qu’il ne résulte, par ailleurs, pas des éléments soumis au tribunal 1 trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.ni d’ailleurs des déclarations du demandeur lui-même, qu’il serait en mesure de fournir une garantie financière à hauteur de 5.000 euros, ces mesures moins coercitives ne sont de toute façon pas envisageables en l’espèce. S’agissant enfin du point b) de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, force est de retenir que dans la mesure où le demandeur, dépourvu de domicile fixe, voire d’une quelconque attache avec le Luxembourg, reste en défaut de fournir la moindre garantie de représentation effective, la mesure prévue au point b), à savoir une assignation à résidence, ne saurait pas non plus être efficacement appliquée en l’espèce.

Il suit dès lors des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

En ce qui concerne le deuxième moyen du demandeur contestant les diligences entreprises en l’espèce de la part des autorités luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur, force est d’abord de constater que si le demandeur reproche actuellement au ministre de ne pas avoir adressé de demande de prise en charge en vertu du règlement Dublin III, en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, il échet de relever que la décision litigieuse est la prorogation d’une mesure de placement prise en exécution de la décision de retour du 3 février 2022, non attaquée en l’espèce, de sorte que les développements relatifs à une éventuelle obligation du ministre de faire des diligences relatives à un transfert sur base du règlement Dublin III ne sont d’aucune pertinence.

Quant aux diligences concrètement entreprises par les autorités ministérielles, il ressort du dossier administratif que suite au courrier du 28 janvier 2022, adressé par les autorités ministérielles luxembourgeoises au Consulat Général du Royaume du Maroc, ci-après désigné « le Consulat du Maroc », en vue de l’identification du demandeur et par rapport à la délivrance d’un laissez-passer et les relances adressées aux autorités consulaires marocaines à cette même fin par courriers des 17 février et 3 mars 2022, les autorités consulaires marocaines ont informé les autorités ministérielles luxembourgeoises en date du 4 mars 2022 par courrier électronique que la demande d’identification du demandeur n’avait pas encore abouti. Par courrier du 9 mars 2022, le Consulat du Maroc a formellement identifié le demandeur comme étant Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine et a donné son accord pour la délivrance d’un laissez-passer en son nom si toutes les conditions sont réunies le cas échéant. Par courrier du 11 mars 2022, le ministre a demandé des renseignements au Consulat du Maroc sur les conditions d’entrée sur le territoire marocain afin de pouvoir organiser le rapatriement du demandeur. Il a encore relancé les autorités consulaires marocaines à cette même fin en date du 21 mars 2022.

Au vu des démarches concrètement déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier et au vu des éléments soumis à son appréciation, les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 et que les contestations y relatives sont à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 30 mars 2022 à 11:00 heures par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 mars 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 47211
Date de la décision : 30/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-30;47211 ?

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