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28/03/2022 | LUXEMBOURG | N°47199

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 mars 2022, 47199


Tribunal administratif Numéro 47199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mars 2022 2e chambre Audience publique du 28 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47199 du rôle et déposée le 18 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Suzy Gomes Matos, avocat à l

a Cour, assistée de Maître Max Kreutz, avocats, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des ...

Tribunal administratif Numéro 47199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mars 2022 2e chambre Audience publique du 28 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47199 du rôle et déposée le 18 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Suzy Gomes Matos, avocat à la Cour, assistée de Maître Max Kreutz, avocats, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 février 2022, « notifiée à Monsieur … le 18 mars 2022 », ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Max Kreutz, en remplacement de Maître Suzy Gomes Matos, du 25 mars 2022 suivant laquelle celle-ci marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 mars 2022.

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Il se dégage du dossier administratif que le 28 octobre 2020, Monsieur …, alias …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. »Par décision du 8 décembre 2020, remise en mains propres à l’intéressé à la même date, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait été statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a), de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Le recours contentieux introduit contre la prédite décision ministérielle du 8 décembre 2020 fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 11 janvier 2021, n°45417 du rôle.

Il ressort du dossier administratif qu’en date du 7 février 2021, Monsieur … s’est vu interdire, avec effet immédiat, l’accès aux structures d’accueil de l’Office national de l’accueil, ci-après désigné par « l’ONA », en raison de son comportement agressif et en raison de menaces d’attentat qu’il aurait proférées contre l’ONA et son personnel.

Il ressort encore du dossier administratif qu’en date du 8 février 2021, Monsieur … fut placé en détention préventive du chef de menaces d’attentat.

Par arrêté du 18 novembre 2021, le ministre prit une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur ….

Par un arrêté séparé pris le même jour et notifié à l’intéressé également en date du 18 novembre 2021, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification, ledit arrêté étant libellé comme suit :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 8 décembre 2020, lui notifiée en mains propres le même jour ;

Vu mon interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans du 18 novembre 2021 ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Attendu que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le recours contentieux dirigé par le requérant contre la décision de placement du 18 novembre 2021 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 14 décembre 2021, inscrit sous le numéro 46760.

Par arrêtés des 15 décembre 2021 et 17 janvier 2022, notifiés respectivement en date des 17 décembre 2021 et 18 janvier 2022, la mesure de placement de Monsieur … fut prolongée à chaque fois pour la durée d'un mois.

Par arrêté du 16 février 2022, notifié à l’intéressé le 18 février 2022, la mesure de placement en rétention initiale fut prorogée une nouvelle fois pour une durée d’un mois. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2018 sur la libre circulation des personnes et l'Immigration;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention;

Vu mes arrêtés des 18 novembre 2021,15 décembre 2021 et 17 janvier 2022, notifiés le 18 novembre 2021, le 17 décembre 2021 avec effet au 18 décembre 2021 et le 18 janvier 2022, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 18 novembre 2021 subsistent dans le chef de l’intéressé;

Considérant que l'intéressé a été identifié par les autorités tunisiennes en date du 26 janvier 2022 ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; […] ».

Par arrêté du 17 mars 2022, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea encore une fois la mesure de placement en rétention initiale de l’intéressé pour une durée d’un mois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du « 16 février 2022, notifiée à Monsieur … le 18 mars 2022 ».

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

La partie étatique soulève dans son mémoire en réponse l’irrecevabilité du recours en réformation dans la mesure où il serait dirigé contre l’arrêté ministériel de prorogation du placement en rétention du 16 février 2022, de sorte à avoir déjà perdu « tout son intérêt » au moment du dépôt du recours sous analyse.

Le tribunal relève, à cet égard, tout d’abord que le litismandataire du demandeur a omis de verser la décision critiquée à l’appui de sa requête, alors même que l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives impose au requérant de faire figurer la décision critiquée en copie parmi les pièces versées. Il se dégage néanmoins tant du préambule que du corps de la requête introductive d’instance et de son dispositif que le recours principal en réformation sous analyse doit être considéré comme ayant été dirigé contre l’arrêté ministériel du 16 février 2022, notifié le 18 février 2022 à 14:20 heures à Monsieur ….

En effet, même s’il est indiqué dans le préambule que l’arrêté du 16 février 2022, tel qu’entrepris, aurait été notifié à l’intéressé le 18 mars 2022, il ne fait aucun doute que l’arrêté visé à travers le recours sous analyse est en réalité bien celui du 16 février 2022, le litismandataire du demandeur ayant pris le soin de préciser dans le corps de la requête introductive d’instance que Monsieur … avait été placé en rétention par arrêté du 18 novembre 2021 et que cette décision de placement initiale avait été prorogée le 15 décembre 2021, décision de prorogation qui aurait elle-même été prorogée à deux nouvelles fois, dont « la dernière fois par la décision attaquée », donc par la décision du 16 février 2022. Ce constat est encore corroboré par le fait que le recours sous analyse est daté au 16 mars 2022, donc à une date antérieure à celle de la prise par le ministre de l’arrêté de prorogation du 17 mars 2022, notifié à l’intéressé le 18 mars 2022.

Le tribunal constate ensuite que déjà au moment du dépôt du recours sous analyse, à savoir, suivant le tampon apposé sur la requête introductive d’instance par le biais du greffe du tribunal administratif, le 18 mars 2022 à 17:41 heures, et a fortiori au moment où le tribunal est amené à statuer, le demandeur n’était plus placé au Centre de rétention sur base de la décision de placement actuellement déférée au tribunal, laquelle a, en effet, cessé de produire ses effets lors de la notification, en date du 18 mars 2022 à 11:00 heures, de l’arrêté ministériel du 17 mars 2022 par le biais duquel la mesure de placement en rétention initiale du demandeur a été prorogée une nouvelle fois. Dans la mesure où c’est dès lors sur base de l’arrêté ministériel du 17 mars 2022 que le demandeur est actuellement placé au Centre de rétention, la demande de Monsieur … tendant à voir mettre un terme, par voie de réformation, à la mesure de placement du 16 février 2022, est à rejeter pour être sans objet.

En effet, le tribunal saisi d’un recours en réformation est appelé à statuer au jour des présentes, de sorte à ne plus pouvoir utilement faire droit à la demande lui adressée par rapport à laquelle il est appelé à statuer.

Si, dans une matière où un recours en réformation est prévu, le demandeur peut certes limiter son recours en demandant au tribunal de ne pas épuiser son pouvoir de réformation, mais de restreindre son contrôle aux seules questions de légalité d’une décision litigieuse et d’annuler une décision déterminée, encore faut-il que cette demande soit présentée en bonne et due forme et que l’intérêt à agir du demandeur reste vérifié par rapport à cette demande.

Or, force est de constater en l’espèce que le litismandataire du demandeur, confronté à travers le mémoire en réponse du délégué du gouvernement à ce moyen d’irrecevabilité, n’a pas pris position y relativement, ni n’a, le cas échéant, reformulé oralement sa demande, le litismandataire n’ayant été ni présent, ni représenté à l’audience publique du 28 mars 2022, de sorte que le tribunal n’est pas valablement saisi d’une demande tendant à restreindre l’objet du recours introduit dans le sens d’une limitation à la seule annulation de la décision litigieuse.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours principal en réformation est à rejeter pour défaut d’objet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

dit que le recours principal en réformation est sans objet, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Annemarie Theis, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 28 mars 2022 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 mars 2022 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47199
Date de la décision : 28/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-28;47199 ?

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