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22/03/2022 | LUXEMBOURG | N°45202

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 2022, 45202


Tribunal administratif N° 45202 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2020 4e chambre Audience publique du 22 mars 2022 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2020 par Maître Olivier Unsen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l

a société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, in...

Tribunal administratif N° 45202 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2020 4e chambre Audience publique du 22 mars 2022 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2020 par Maître Olivier Unsen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 24 août 2020, ayant confirmé l’imposition de l’amende administrative « ITM Amende 20-156-ICE-2020-22137 » de 7.500,-

euros qui a été fixée par la décision du directeur de l’Inspection du travail et des mines du 19 mai 2020;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1 février 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu l’information de Maître Olivier Unsen suivant laquelle celui-ci marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu l’information du délégué du gouvernement suivant laquelle celui-ci se rapporte à ses écrits;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame la déléguée du gouvernement Cindy Coutinho en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 janvier 2022, Maître Olivier Unsen étant excusé.

_____________________________________________________________________

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1En date du 13 mars 2020, l’Inspection du Travail et des Mines, dénommée ci-après « l’ITM », s’adressa à la société à responsabilité limitée … SARL, dénommée ci-après «la société … », par un courrier recommandé avec accusé de réception, sur base de l’article L.614-

4, paragraphe 1er du Code du travail, en demandant à cette dernière, de lui communiquer les documents listés ci-après, pour les salariés cités en annexe du courrier précité :

« (…) Par la présente et conformément à l’article L.614-4(1) du Code du travail, nous vous prions de bien vouloir nous faire parvenir une copie des documents suivants :

- Registres reprenant l'horaire journalier et hebdomadaire — HORECA (L.212-4), si applicable – de septembre 2019 à février 2020 inclus - Livre concernant le congé légal (L.233-17) – de septembre 2019 à février 2020 inclus (ou indiqué sur les fiches de salaire) - Registre spécial ou fichier reprenant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux et le travail de nuit (L.211-29) – de septembre 2019 à février 2020 inclus (pointage des présences quotidiennes des salariés et à défaut le planning) - Décompte mensuel / Fiche de salaire (L.125-7) – de septembre 2019 à février 2020 inclus - Preuve de paiement des salaires (L.125-7) – de septembre 2019 à février 2020 inclus - Le cas échéant, pour les ressortissants de pays tiers : Titre de séjour ou autorisation de travail (L.572-2 et L.572-3) - Certificat médical d'embauche et, le cas échéant, certificat médical périodique valide (L.326-1 et L.326-7) - Certificat de formation salarié désigné (L.312-2) - Contrat de travail initial et avenants éventuels (L.121-4, L.122-2) Et ceci pour tous les salariés énumérés en annexe à la présente.

Par la présente, nous vous prions dès lors de bien vouloir fournir ces documents endéans un délai de 15 jours au plus tard.

Vous pourrez opter pour une transmission des documents via email en format pdf à l’adresse mail indiquée ci-dessous.

A défaut de communication des documents dans le délai imparti, l’Inspection du travail et des mines est en droit d’émettre une injonction à votre encontre, dont le non-respect peut être sanctionné par une amende administrative conformément à l’article L.614-13 du Code du travail. (…)».

En date du 15 avril 2020, l’ITM adressa à la société … un second courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception, comportant injonction de communiquer les documents réclamés précédemment dans les termes suivants :

« (…) Nous vous enjoignons dès lors de nous fournir toutes les informations et tous les documents réclamés ci-avant conformément aux articles L.614-4, paragraphe 1er, point a) et L.614-5 du Code du travail endéans un délai de 8 jours calendrier.

2Vous pourrez opter pour une transmission des documents via email en format pdf à l’adresse email indiquée ci-dessous.

Tout manquement de votre part de vous y conformer risque de vous exposer aux mesures et sanctions administratives prévues à l'article L.614-13 du même Code qui dispose que : « En cas de non-respect endéans le délai imparti, des injonctions du directeur ou des membres de l'inspectorat du travail, dûment notifiées par écrit, conformément aux articles L.614-4 à L.614-6 et L.614-8 à L.614-11, le directeur de l'Inspection du travail et des mines est en droit d’infliger à l'employeur, à son délégué ou au salarié une amende administrative dont le montant est fixé entre 25 euros et 25.000 euros. ».(…) ».

A défaut de réaction de la société … suite à l’injonction du 15 avril 2020, le directeur de l’ITM, ci-après désigné par « le directeur », lui infligea, par décision du 19 mai 2020, une amende de 7.500,- euros.

Suite à une opposition introduite par la société … en date du 2 juin 2020 à l’encontre de la décision directoriale du 19 mai 2020, le directeur, prit, en date du 21 août 2020, une décision confirmative motivée comme suit :

« (…) Vu l'article L.614-13 du Code du travail ;

Vu le courrier du 13 mars 2020 qui a été établi conformément à l’article L.614-4 du Code du travail par …, Inspecteur principal du travail, de l’Inspection du travail et des mines ;

Vu l'injonction du 15 avril 2020 qui a été établie conformément aux articles L.614-4 et L.614-5 du Code du travail par …, Inspecteur principal du travail, de l'Inspection du travail et des mines ;

Vu la décision du 19 mai 2020 du Directeur de l’Inspection du travail et des mines d’infliger l’amende administrative « ITM Amende 20-156-ICE-2020-22137 » de 7.500 euros à la société … S.A R.L. sise à L-… (Matricule : …), en sa qualité d’employeur, n’a pas donné de suites endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 qui lui a été notifiée par …, Inspecteur principal du travail, de l’Inspection du travail et des mines ;

Vu l’opposition du 2 juin 2020 contre ladite décision du Directeur de l’Inspection du travail et des mines, qui a été notifiée par Maître Olivier UNSEN, avocat à la Cour et conseil de la société … S.A R.L., préqualifiée, et qui a été reçue par l’Inspection du travail et des mines en date du 4 juin 2020 ;

Que l’opposition du 2 juin 220 contre la décision du Directeur de l’Inspection du travail et des mines a été régulièrement notifiée endéans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l’amende administrative ;

Que Maître Olivier UNSEN, conseil de la société … S.A R.L., préqualifiée, affirme que sa mandante n’aurait reçu ni le courrier du 13 mars 2020, ni l’injonction du 15 avril 2020 ;

Que Maître Olivier UNSEN, conseil de la société … S.A R.L., préqualifiée, prétend que si sa mandante aurait eu connaissance des courriers de l’ITM, elle aurait y donné des suites et aurait pris les mesures requises ;

3Que Maître Olivier UNSEN, conseil de la société … S.A R.L., préqualifiée, invoque que les courriers de l’ITM ont été envoyés en pleine période de fermeture du restaurant ordonnée par le Gouvernement pour faire face à la crise sanitaire actuelle ;

Que l’injonction de l’ITM du 15 avril 2020 a été adressée à la société … S.A R.L. , préqualifiée, à L-… ;

Que l’injonction de l’ITM a été notifiée régulièrement à la société … S.A R.L., préqualifiée, à l’adresse exacte de son siège social ;

Qu’avisée le 16 avril 2020, la société … S.A R.L., préqualifiée, n’a pas réclamé le courrier de sorte qu’il a été retourné à l’ITM en date du 18 mai 2020 (et réceptionné par l’ITM en date du 19 mai 2020) ;

Que la société … S.A R.L., préqualifiée, – à la simple lecture des énonciations et motifs de la décision du directeur de l’ITM du 19 mai 2020 lui infligeant une amende administrative – a été pleinement informée des griefs et de la liste précise des documents réclamés par l’ITM ;

Que les contrats de travail des salariés …, n’ont pas été notifiés par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que ceux-ci font toujours défaut ;

Que les fiches de salaire des mois de septembre 2019 à février 2020 des salariés …, n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que les fiches de salaire des mois d’octobre 2019 à février 2020 des salariés …, n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que les fiches de salaire des mois de novembre 2019 à février 2020 des salariés …, n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que les fiches de salaire des mois de décembre 2019 à février 2020 du salarié …, n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que la fiche de salaire du mois de février 2020 de la salariée …, n’a pas été notifiée par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celle-ci fait toujours défaut ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois de septembre 2019 à février 2020 des salariés …, n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois d’octobre 2019 à février 2020 des salariés …, n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

4Que les preuves de paiement des salaires des mois de novembre 2019 à février 2020 des salariés …), n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que les preuves de paiement des salaires des mois de décembre 2019 à février 2020 du salarié …), n’ont pas été notifiées par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celles-ci font toujours défaut ;

Que la preuve de paiement du salaire du mois de février 2020 de la salariée …, n’a pas été notifiée par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celle-ci fait toujours défaut ;

Que les certificats médicaux d’embauche pour les salariés …, n’ont pas été notifiés par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que ceux-ci font toujours défaut ;

Que le livre concernant le congé légal des mois de septembre 2019 à février 2020 pour les salariés …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le livre concernant le congé légal des mois d’octobre 2019 à février 2020 des salariés …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le livre concernant le congé légal des mois de novembre 2019 à février 2020 des salariés …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le livre concernant le congé légal des mois de décembre 2019 à février 2020 du salarié …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le livre concernant le congé légal du mois de février 2020 de la salariée …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le certificat de formation du salarié désigné, respectivement la copie de l’inscription à la formation du salarié désigné, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le registre visé à l’article L.211-29 du Code du travail indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que les rétributions payées de l’un ou de l’autre de ces chefs ou le registre reprenant l’horaire journalier et hebdomadaire visé à l’article L.212-4 du Code du travail des mois de septembre 2019 à février 2020 pour les salariés …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

5Que le registre visé à l’article L.211-29 du Code du travail indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que les rétributions payées de l’un ou de l’autre de ces chefs ou le registre reprenant l’horaire journalier et hebdomadaire visé à l’article L.212-4 du Code du travail des mois d’octobre 2019 à février 2020 pour les salariés …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le registre visé à l’article L.211-29 du Code du travail indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que les rétributions payées de l’un ou de l’autre de ces chefs ou le registre reprenant l’horaire journalier et hebdomadaire visé à l’article L.212-4 du Code du travail des mois de novembre 2019 à février 2020 pour les salariés …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le registre visé à l’article L.211-29 du Code du travail indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que les rétributions payées de l’un ou de l’autre de ces chefs ou le registre reprenant l’horaire journalier et hebdomadaire visé à l’article L.212-4 du Code du travail des mois de décembre 2019 à février 2020 pour le salarié …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que le registre visé à l’article L.211-29 du Code du travail indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier ainsi que toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que les rétributions payées de l’un ou de l’autre de ces chefs ou le registre reprenant l’horaire journalier et hebdomadaire visé à l’article L.212-4 du Code du travail du mois de février 2020 pour la salariée …, n’a pas été notifié par la société … S.A R.L., préqualifiée, endéans le délai imparti par l’injonction du 15 avril 2020 et que celui-ci fait toujours défaut ;

Que les motifs invoqués par Maître Olivier UNSEN, conseil de la société … S.A R.L , préqualifiée, dans son opposition ne sauraient être retenus et ne permettent dès lors pas une décharge de l’amende administrative ;

Par ces motifs le Directeur de l'Inspection du travail et des mines se déclare compétent pour connaître de l’opposition introduite par Maître Olivier UNSEN, conseil de la société … S.A R.L. sise à L-… (Matricule : …), en sa qualité d’employeur, la dit recevable mais non fondée ;

confirme l’imposition de l’amende administrative de « ITM Amende 20-156-ICE-2020-

22137 » de 7.500 euros qui a été retenue au sein de la décision du 19 mai 2020 du Directeur de l’Inspection du travail et des mines, ainsi maintenue à l’encontre de la société … S.A R.L.

sise à L-… (Matricule : …), en sa qualité d’employeur.(…) » 6Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2020, la société … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 21 août 2020, erronément désignée dans la requête introductive d’instance comme étant datée du 24 août 2020.

En application de l’article L.614-14 du Code du travail, « toutes les décisions administratives prises sur base des dispositions de la présente loi sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ».

En l’espèce, la décision déférée a été prise sur base de l’article L.614-13 du Code du travail et elle porte sur la fixation d’une amende administrative décidée à l’encontre de la société …. Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Dans son mémoire en réponse et à titre liminaire, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser un quelconque moyen d’irrecevabilité afférent, cette demande encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Il s’ensuit que le recours principal en réformation est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse, outre de passer en revue certains rétroactes de cette affaire, tels que repris ci-avant, précise qu’elle n’aurait reçu ni une injonction datée du 15 avril 2020, ni un courrier daté du 13 mars 2020, auquel il serait fait référence dans la décision initiale du 19 mai 2020.

A ce titre, la partie demanderesse donne à considérer que les courriers auraient été envoyés en pleine période de fermeture du secteur de la gastronomie ordonnée par le gouvernement pour faire face à la crise sanitaire liée au COVID-19, sous la devise « Bleift doheem ! ». Partant, il ne serait pas possible de reprocher à des responsables de sociétés de s’être tenus aux recommandations étatiques.

Ce serait donc à tort que, malgré l’opposition faite par courrier du 2 juin 2020 contre la décision du 19 mai 2020, le directeur aurait, par décision du 24 août 2020, refusé de lui accorder un délai afin de produire les documents demandés, tout en maintenant l’amende de 7.500,-

euros.

7La partie demanderesse en conclut que cette décision serait, au vu des circonstances de l’espèce et les difficultés auxquelles devrait faire face le secteur HORECA suite à la crise sanitaire liée au COVID-19, totalement disproportionnée par rapport au but recherché.

Ainsi, la partie demanderesse estime qu’il y aurait lieu de la décharger de l’amende de 7.500,- euros infligée et de lui accorder un délai afin de lui permettre de régulariser sa situation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, alors que, contrairement aux allégations de la partie demanderesse, les recommandations du gouvernement pendant la période de fermeture des restaurants n’auraient pas été de nature à dispenser les personnes de leurs obligations professionnelles. Ainsi, les déplacements professionnels auraient toujours été autorisés pendant la période de fermeture des établissements du secteur de l’HORECA visée ici, et l’incitation du gouvernement à rester chez soi n’aurait jamais valu « dispense de travail ».

Ainsi, la partie demanderesse n’aurait nullement été dans l’impossibilité « légale » ou matérielle d’aller chercher un courrier recommandé lui adressé.

Le délégué du gouvernement insiste sur le fait que si la société … n’avait pas reçu les différents courriers lui adressés par l’ITM, ce ne serait dû qu’à la seule négligence de ses gérants pendant cette période, qui ne seraient pas allés récupérer le courrier de l’ITM contenant l’injonction, alors même que la société … en elle aurait été avisée dès le 16 avril 2020, le courrier étant resté disponible pendant plus d’un mois, mais retourné à l’ITM en date du 18 mai 2020, avec la mention « non réclamé ».

La partie étatique ajoute qu’à en croire les arguments de la société …, il faudrait en déduire qu’en l’espace de plus d’un mois, aucun de ses responsables n’aurait contrôlé sa boîte aux lettres, ce qui démontrerait très clairement un manquement à la diligence la plus élémentaire attendue en matière de gestion d’une société.

Or, nul ne pourrait se prévaloir de sa propre turpitude.

Le délégué du gouvernement relève encore que la société … aurait bien reçu le courrier du 13 mars 2020, dans lequel l’ITM aurait demandé la communication des mêmes documents que ceux mentionnés dans l’injonction, de sorte qu’en tout état de cause, elle aurait été au courant des pièces à communiquer à l’ITM.

Quant à l’argument de la partie demanderesse selon laquelle l’amende en question serait disproportionnée, la partie gouvernementale rappelle les dispositions de l’article L.614-13 paragraphe (5) du Code du travail édictant les critères de fixation des amendes en laissant une large marge d’appréciation au directeur de l’ITM en ce qui concerne le montant à fixer à titre d’amende administrative, notamment en fonction de la gravité des faits.

Le délégué du gouvernement estime ainsi, sur base de l’article L.614-13 du Code du travail, paragraphe (4), que le Directeur aurait valablement pu considérer que l’amende de 7.500,- euros infligée à la partie demanderesse devrait être confirmée, vu que les documents demandés auraient toujours fait défaut à cette date.

Au regard de ces circonstances, la partie gouvernementale souligne que l’amende serait donc justifiée tant dans son principe que dans son quantum, tout en retenant que la partie 8demanderesse n’invoquerait aucun moyen contestant la légalité interne et/ou externe de la décision lui infligeant l’amende litigieuse.

Force est d’abord au tribunal de relever que la seule question litigieuse en l’espèce est celle de savoir si la partie demanderesse pouvait valablement se prévaloir d’un défaut de notification de la décision d’injonction lui adressée en date du 15 avril 2020.

Il ressort des pièces justificatives figurant au dossier administratif et notamment du certificat « Track & Trace » de la Poste, que l’injonction du 15 avril 2020 a bien été envoyée à la partie demanderesse par l’ITM, par un courrier posté le 15 avril 2020, qu’elle a été avisée dudit courrier le 16 avril 2020, sans qu’il n’ait été retiré, tel que cela ressort également de l’avis de réception, non daté et non signé versé en cause.

Bien que la fermeture gouvernementale ait pu rendre la gestion des entreprises difficile, cette circonstance n’a pas légalement empêché la partie demanderesse de retirer son courrier, étant d’ailleurs relevé qu’en introduisant une opposition, la partie demanderesse prouve qu’elle était bien en mesure de procéder à certaines mesures de gestion de l’entreprise.

Il s’en suit qu’en ne versant aucun des documents demandés pendant la phase précontentieuse, même dans le cadre du présent recours, la partie demanderesse ne s’est pas conformée à l’injonction lui adressée, dont la légalité et le bien-fondé n’ont pas été autrement mis en cause par le partie demanderesse.

A défaut de toute motivation y relative fournie dans son recours, la partie demanderesse laisse légalement de prouver le caractère disproportionné de l’amende, soulevé à titre subsidiaire Aucun autre moyen n’ayant été formulé en cause, le présent recours en réformation est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non fondé, et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2022 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

9 s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mars 2022 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45202
Date de la décision : 22/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-22;45202 ?

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