La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2022 | LUXEMBOURG | N°47055

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mars 2022, 47055


Tribunal administratif N° 47055 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2022 3e chambre Audience publique extraordinaire du 21 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47055 du rôle et déposée le 21 février 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Tribunal administratif N° 47055 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2022 3e chambre Audience publique extraordinaire du 21 mars 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47055 du rôle et déposée le 21 février 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … 2005 à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, ayant été assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 février 2022 de le transférer vers l’Espagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2022.

___________________________________________________________________________

Le 7 janvier 2022, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le 14 janvier 2022, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé avec la base de données EURODAC, ainsi que suivant ses propres déclarations, qu’il avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole en date du 9 novembre 2021.

Le 14 janvier 2022, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de 1l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Par arrêté du 17 janvier 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », assigna Monsieur … à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg pour une durée de trois mois.

En date du 20 janvier 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités espagnoles en vue de la prise en charge de l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, demande à laquelle les autorités espagnoles firent droit par un courrier du 26 janvier 2022.

Par décision du 4 février 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 7 février 2022, le ministre informa Monsieur … de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Espagne, sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit : « […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 7 janvier 2022 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 13(1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l'Espagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale, datés du 14 janvier 2022.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 7 janvier 2022, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi irrégulièrement la frontière espagnole en date du 9 novembre 2021.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 14 janvier 2022.

Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 20 janvier 2022 une demande de prise en charge aux autorités espagnoles sur base de l'article 13(1) du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités espagnoles en date du 26 janvier 2022.

22. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du règlement DIII, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, conformément à l'article 13(1) du règlement DIII.

Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 7 janvier 2022 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez franchi irrégulièrement la frontière espagnole en date du 9 novembre 2021.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté … en juillet 2021. Vous auriez traversé le Mali en voiture pour vous rendre en Algérie, puis au Maroc. Vous seriez resté au Maroc pendant environ un mois avant de monter à bord d'une embarcation en direction de l'Espagne.

Vous y auriez été logé dans un camp pour réfugiés pendant environ deux mois, mais vous auriez décidé de quitter l'Espagne parce que votre demi-frère vous aurait conseillé d'aller en Allemagne. Vous auriez donc traversé la France en train et vous seriez arrivé au Luxembourg en date du 7 janvier 2022.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 14 janvier 2022, vous n'avez pas fait mention d'éventuelles particularités sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Espagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

3Rappelons à cet égard que l'Espagne est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l'Espagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l'Espagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, l'Espagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de I'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Espagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Espagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv.

torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Espagne, d'introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités espagnoles ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes espagnoles, notamment judiciaires.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

4Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers l'Espagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Espagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Espagne en informant les autorités espagnoles conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités espagnoles n'ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2022, inscrite sous le numéro 47055 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision ministérielle, précitée, du 4 février 2022.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telle que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation sous examen, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique être né le 20 décembre 2005 et être de nationalité guinéenne. Il affirme qu’il aurait fui son pays d’origine en juillet 2021 et, qu’après avoir traversé le Mali, l’Algérie et le Maroc, il serait arrivé, le 9 novembre 2021, sur l’île de Tenerife à bord d’une embarcation clandestine où il aurait été contraint de donner ses empreintes digitales, avant d’être transféré dans un camp de réfugié.

Il explique ensuite que des personnes rencontrées en Espagne lui auraient conseillé de ne pas indiquer aux autorités sa véritable date de naissance alors qu’il serait mineur, mais qu’il devrait se faire passer pour un majeur dans la mesure où les mineurs seraient obligés de rester sur l’île de Tenerife. Désireux toutefois de rejoindre l’Espagne continentale, il aurait dès lors indiqué aux autorités espagnoles qu’il serait né en 2003.

Deux mois après son arrivée dans le camp de réfugié à Tenerife, il aurait quitté l’Espagne pour se rendre en train au Luxembourg où il aurait déposé, le 7 janvier 2022, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Il explique également que si sur sa fiche de données personnelles remplie lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, il avait indiqué sa réelle date de naissance, à savoir le … 2005, l’agent ministériel aurait rayée manuellement l’année de 5naissance y indiquée en la remplaçant par l’année 2003, le demandeur soulignant à cet égard que les deux écritures relatives à son année de naissance ne seraient pas les mêmes. Il précise encore dans ce contexte avoir néanmoins fini par apposer sa signature sur ladite fiche alors que l’agent ministériel l’aurait informé que s’il refusait de la signer, sa demande de protection internationale ne serait pas enregistrée.

Le demandeur renvoie ensuite au procès-verbal de la police judicaire du 14 janvier 2022 duquel il ressortirait qu’il aurait versé la « copie de l’extrait du registre de l’état civil », indiquant comme date de sa naissance le … 2005. Le rapport d’entretien Dublin III du 14 janvier 2022 ferait également état de la « copie de l’extrait du registre de l’état civil » remise par lui, sans qu’il n’indiquerait toutefois de différence quant à l’année de sa naissance.

Il aurait encore été informé oralement qu’il allait être soumis à un test osseux le 14 janvier 2022, test qui n’aurait cependant pas été réalisé.

En droit et à titre principal, le demandeur fait valoir qu’il serait né le … 2005 et non le … 2003 et qu’il serait partant mineur, tout en insistant à cet égard sur le fait qu’il aurait remis à la police judiciaire et au ministère la copie du jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance du 6 décembre 2021, ainsi que la « copie de l’extrait du registre de l’état civil » du 17 décembre 2021.

Il reproche ainsi tant à la police judiciaire qu’à l’agent ministériel chargé de son entretien Dublin III de ne pas avoir posé la moindre question relative à l’incohérence en ce qui concerne sa date de naissance, tout en mettant encore en avant qu’il n’aurait jamais été informé sur la raison pour laquelle le test osseux initialement prévu aurait été annulé. Il ajoute que même après avoir relevé qu’il serait né le … 2005 et non pas le … 2003, aucune modification en ce sens n’aurait été effectuée par l’agent ministériel et ce quand bien même le rapport d’entretien Dublin III ferait état de « l’extrait du registre de l’état civil » du 6 décembre 2021 remis par lui, indiquant « 2005 » comme année de sa naissance.

Il fait valoir que « le refus » par les autorités ministérielles de prendre en considération sa réelle date de naissance ne serait dès lors aucunement justifié ni motivé, le demandeur soulignant encore qu’il aurait été parfaitement d’accord à se soumettre au test osseux prévu pour le 14 janvier 2022.

Le demandeur poursuit qu’en vertu du principe de présomption de minorité, en application de l’article 20, paragraphe (4), alinéa 2 de la loi du 18 décembre 2015, de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et de l’article 31 de l’« Observation générale N° 6, Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine » du « Comité relatif aux droits de l’enfant », un jeune se présentant comme étant mineur devrait être considéré comme tel dès lors que sa majorité n’a pas été établie. En cas de doute, la minorité devrait être retenue.

Il renvoie dans ce contexte encore à un arrêt de la Cour administrative du 25 juillet 2012, inscrit sous le numéro n°30869C du rôle, ayant retenu qu’en cas de doute quant à l’âge d’une personne, « l’incertitude à ce sujet doit être interprété en faveur du concerné afin de pouvoir profiter des dispositions protectrices accrues applicables aux mineurs », ainsi qu’à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 6 juin 20131 ayant retenu que 1 CJUE du 6 juin 2013, MA, BT and DA v. Secretary of State of the Home Department, n° C-648/11.

6lorsqu’un mineur non accompagné dont aucun membre de la famille ne se trouve légalement sur le territoire de l’Union européenne a déposé des demandes d’asile dans plus d’un Etat membre, l’Etat membre responsable serait le dernier Etat dans lequel le mineur a introduit sa demande. Ainsi, les autorités luxembourgeoises seraient automatiquement responsables de l’examen de sa demande de protection internationale alors qu’il serait mineur isolé n’ayant pas de proche résidant légalement dans un autre Etat européen.

Au vu de ce qui précède, il serait dès lors clairement établi qu’il serait un mineur non accompagné devant bénéficier des dispositions protectrices accrues y relatives, de sorte qu’il ne pourrait être transféré en Espagne mais que sa demande de protection internationale devrait être examinée par les autorités luxembourgeoises.

A titre subsidiaire, le demandeur soutient qu’il y aurait lieu d’appliquer l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 et d’ordonner des examens médicaux aux fins de déterminer son âge.

Il avance à cet égard qu’en présence d’informations contradictoires sur son année de naissance et dans la mesure où une éventuelle majorité ne s’imposerait pas au visuel, le ministre devrait soit rechercher à déterminer une éventuelle minorité, soit, en cas de persistance du doute sur son âge, présumer qu’il serait un mineur.

A titre très subsidiaire, le demandeur invoque une violation, par la décision déférée, de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III, en ce qu’il risquerait, en cas de transfert en Espagne, d’une part, d’être refoulé vers son pays d’origine, en violation de l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statuts des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et, d’autre part, de faire l’objet d’un traitement contraire aux dispositions visées aux articles 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », en raison des défaillances systémiques qui y existeraient dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale.

Le demandeur reproche finalement au ministre de ne pas avoir fait application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

Au vu de ces considérations, le demandeur conclut que la décision ministérielle déférée serait à réformer.

Dans son mémoire en réponse et quant à la minorité alléguée du demandeur, le délégué du gouvernement soutient que si un jugement supplétif est certes susceptible de remplacer un acte authentique lorsque ce dernier fait défaut, l’article 47 du Code civil prévoirait toutefois qu’un certificat de naissance établi à l’étranger et rédigé dans les formes prévues dans ce pays fait foi, sauf si d’autres pièces détenues établissent que l’acte est irrégulier ou que les faits y déclarés ne correspondent pas à la réalité, ce qui serait le cas en l’espèce.

Il ressortirait ainsi à suffisance du dossier administratif que le demandeur serait majeur dans la mesure où celui-ci aurait indiqué dans un formulaire « données personnelles déclarées », daté au 7 janvier 2022 et signé par lui, être né le … 2003.

7A cela s’ajouterait le fait que les autorités espagnoles auraient confirmé dans un courrier électronique du 13 janvier 2022 que Monsieur … leur aurait également indiqué être né le … 2003. Cette même date de naissance ressortirait pareillement du rapport de police du 14 janvier 2022, ainsi que du rapport d’entretien Dublin III du même jour, rapport dont le demandeur « confirme[rait] l’entièreté du contenu » et qui serait signé par lui, après l’avoir « lu et approuvé ».

Il insiste encore sur le fait que ce n’aurait été que lors de l’introduction de l’acte introductif d’instance sous analyse que le demandeur aurait déclaré pour la première fois être mineur, en opérant un vrai revirement dans ses déclarations.

Le délégué du gouvernement renvoie, finalement, à un jugement du 4 juillet 2018, inscrit sous le numéro 41340 du rôle, dans lequel le tribunal administratif aurait, dans une affaire similaire, retenu la majorité d’un demandeur de protection internationale au vu de ses déclarations en ce sens au long de la phase précontentieuse et à défaut de pièce probante permettant d’établir l’identité et l’âge réels du concerné. Dans cette même affaire qui, selon le délégué du gouvernement, serait transposable en l’espèce, le tribunal aurait encore rejeté la demande en institution d’une expertise en vue de déterminer l’âge du concerné au motif que ce ne serait que lorsque des éléments concordants résultant du dossier font croire aux faits dont le demandeur offre de rapporter la preuve qu’il serait fait droit à la demande d’expertise.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

A titre liminaire, le tribunal relève que le recours en réformation dans le cadre duquel il est amené à statuer en la présente matière depuis l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2021 portant modification de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, publiée au Mémorial en date du 1er juillet 2021, est l’attribution légale au juge administratif de la compétence spéciale de statuer à nouveau, en lieu et place de l’administration, sur tous les aspects d’une décision administrative querellée. Le jugement se substitue à la décision litigieuse en ce qu’il la confirme ou qu’il la réforme. Cette attribution formelle de compétence par le législateur appelle le juge de la réformation à ne pas seulement contrôler la légalité de la décision que l’administration a prise sur base d’une situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée au moment où elle a été appelée à statuer, voire à refaire - indépendamment de la légalité - l’appréciation de l’administration, mais elle l’appelle encore à tenir compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, à apprécier la situation juridique et à fixer les droits et obligations respectifs de l’administration et des administrés concernés2.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

2 Trib. adm., 17 septembre 2018, n° 40026 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en réformation, n° 12 et les autres références y citées.

8Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités espagnoles pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que : « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un Etat membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ».

Il suit de ces dispositions que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui dont le demandeur a franchi irrégulièrement la frontière en provenance d’un pays tiers, cette responsabilité prenant fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière.

L’article 8 du même règlement Dublin III, intitulé « Mineurs », dispose dans son paragraphe (4) quant à lui : « En l’absence de membres de famille, de frères ou sœurs ou de proches […] l’Etat membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant. ».

Cette disposition prévoit dès lors que l’Etat membre responsable de la demande de protection internationale introduite par un mineur non accompagné n’ayant pas de membre de sa famille sur le territoire d’un Etat membre, est celui dans lequel le mineur se trouve après y avoir déposé une demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt de l’enfant, étant précisé que la CJUE a retenu à cette occasion dans un arrêt du 6 juin 2013, invoqué par le demandeur, qu’il est, en principe, dans l’intérêt supérieur du mineur que cette responsabilité incombe à l’Etat membre dans lequel il se trouve après y avoir déposé sa demande de protection internationale.

En l’espèce, il n’est pas contesté qu’en application des dispositions relatives aux mineurs du règlement Dublin III, l’Etat membre responsable pour analyser la demande de protection internationale présentée par Monsieur … si ce dernier devait être mineur d’âge serait a priori le Luxembourg, les parties étant cependant en désaccord sur l’âge réel de Monsieur … et partant sur la compétence de principe de l’Etat luxembourgeois, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat espagnol pour examiner sa demande de protection internationale.

A cet égard, force est de constater que lors du dépôt de sa demande de protection internationale, le demandeur a tout d’abord indiqué sur le formulaire de données personnelles qu’il a rempli de sa main, qu’il serait né le … 2005, mais que l’année de naissance « 2005 » a ensuite été barrée pour être remplacée par l’année « 2003 ». Cette même date de naissance, à savoir le … 2003, avait été répétée tant lors de l’entretien du demandeur auprès de la police 9judiciaire le 14 janvier 2022 que lors de celui auprès de la direction de l’Immigration le même jour. Il résulte, par ailleurs, du courrier des autorités espagnoles du 13 janvier 2022 que l’intéressé leur avait indiqué le 20 mai 2003 comme date de naissance.

Or, si au cours de la phase précontentieuse et après avoir indiqué dans un premier temps être majeur, le demandeur a affirmé seulement dans le cadre du présent recours être mineur pour être né le … 2005, le tribunal est toutefois amené à conclure qu’il existe, au stade actuel de l’instruction de l’affaire, des doutes réels sur la majorité de celui-ci et ce plus particulièrement au vu de la copie du jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance du tribunal de première instance de Dixinn (Guinée) du 6 décembre 2021 et de la copie de l’extrait du registre de l’état civil de la commune de …, Ville de …, du 17 décembre 2021 que Monsieur … a communiquées au ministère dès l’introduction de sa demande de protection internationale en date du 7 janvier 2022 et qui indiquent comme date de naissance de l’intéressé le … 2005.

En effet, face à la contradiction entre la date de naissance finalement retenue dans la fiche de données et les pièces remises par le demandeur lors de l’introduction de sa demande, ainsi que ses premières déclarations relatives à son année naissance, il aurait appartenu à l’autorité ministérielle de s’informer davantage sur l’âge réel du demandeur en soulevant cette question lors de son entretien et en procédant, le cas échéant, à des examens médicaux de l’intéressé afin de déterminer son âge réel.

Force est toutefois de constater que non seulement l’agent ministériel en charge de l’entretien du demandeur n’a pas soulevé cette incohérence existant au niveau de la date de naissance de Monsieur …, et ce même après avoir contacté la cellule Dublin espagnole le 11 janvier 2022 afin de se renseigner sur la date de naissance communiquée par le demandeur lors de son interception en Espagne, mais qu’il ressort en outre des affirmations non contestées du demandeur que le test osseux prévu pour le 14 janvier 2022 a été annulé, sans qu’il ne se dégage toutefois ni du dossier administratif ni des développements de la partie étatique des raisons convaincantes permettant d’expliquer cette annulation.

Au vu de ces considérations et en l’absence de toute pièce probante voire d’explication circonstanciée et concluante de la part de la partie étatique permettant de retenir que Monsieur … ne saurait être considéré comme un mineur d’âge, les doutes subsistant à cet égard ne sont pas négligeables.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’invocation par la partie étatique de l’article 47 du Code civil, aux termes duquel : « Tout acte de l’état civil des Luxembourgeois et des étrangers, fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. », dans la mesure où le tribunal ne s’est vu soumettre aucun acte ou pièce, ni de données extérieures ou d’éléments tirés de l’acte lui-même qui permettraient d’établir que l’acte de l’état civil de Monsieur … ou le jugement supplétif y relatif sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, étant relevé que le fait que le demandeur a également indiqué aux autorités espagnoles qu’il serait né en 2003 ne saurait amener le tribunal à retenir le contraire et ce au vu des explications plausibles et non autrement contestées du demandeur à cet égard dans son recours.

10En ce qui concerne, enfin, les conclusions retenues dans le jugement du tribunal administratif du 4 juillet 2018, invoqué par le délégué du gouvernement, celles-ci ne sauraient être transposées en l’espèce dans la mesure où, dans cette affaire, l’identité-même du demandeur avait été remise en cause et où le concerné avait remis la télécopie de son prétendu acte de naissance que dans le cadre de la procédure contentieuse, ce qui ne correspond pas à la situation telle qu’elle se présente en l’espèce où l’autorité ministérielle avait connaissance d’une autre date de naissance que celle finalement retenue dès le dépôt de la demande de protection internationale de Monsieur ….

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que la majorité de Monsieur … est incertaine.

A cet égard, l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que :

« Le ministre peut ordonner des examens médicaux afin de déterminer l’âge du mineur non accompagné lorsqu’il a des doutes à ce sujet après avoir pris connaissance de déclarations générales ou de tout autre élément pertinent. Si, par la suite, des doutes sur l’âge du demandeur persistent, il est présumé que le demandeur est un mineur. ».

En application du prédit article 20, paragraphe (4), un demandeur de protection internationale est donc présumé être un mineur lorsque des doutes persistent concernant l’âge réel du demandeur, étant précisé que l’alinéa 2 de l’article 20, paragraphe (4) s’inscrit dans la suite de l’alinéa 1er de ce même paragraphe qui permet au ministre d’ordonner des examens médicaux afin de déterminer l’âge du mineur non accompagné lorsqu’il a des doutes à ce sujet après avoir pris connaissance de déclarations générales ou de tout autre élément pertinent, de sorte que cette présomption de minorité ainsi consacrée joue formellement seulement en cas de doute subsistant à la suite d’un examen médical3.

Or et dans la mesure où le ministre n’a pas soumis le demandeur à un examen médical, le tribunal ne se trouve pas en mesure, en l’absence de tout élément probant et face aux contestations y relatives, de résoudre lui-même la question de fait d’ordre médical consistant à savoir si le demandeur a effectivement atteint l’âge de la majorité, de sorte qu’il y a lieu, avant tout autre progrès en cause et donc avant d’examiner le bien-fondé des autres moyens encore invoqués, d’ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de proposer un expert avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si Monsieur … a atteint l’âge de majorité .

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé à l’encontre de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 février 2022 ;

avant tout autre progrès en cause, ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de proposer un expert avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si Monsieur … a atteint l’âge de majorité ;

3 Trib. adm .11 mai 2018, n° 41007 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

11invite chacune des parties de déposer un mémoire supplémentaire pour proposer un expert avec la mission d’expertise telle que dégagée par le tribunal pour le 1er avril 2022 au plus tard, ce délai étant indiqué sous peine de forclusion ;

refixe l’affaire à l’audience publique du mardi, 19 avril 2022, à 9.00 heures pour continuation des débats ;

réserve les frais et dépens ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 21 mars 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Gwendoline Schweich.

s.Gwendoline Schweich s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 mars 2022 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47055
Date de la décision : 21/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-21;47055 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award