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17/03/2022 | LUXEMBOURG | N°45228

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2022, 45228


Tribunal administratif N° 45228 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2020 2e chambre Audience publique du 17 mars 2022 Recours formé par l’administration communale de Käerjeng, Bascharage, contre une décision implicite de refus du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière d’organisation de l’enseignement fondamental

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45228 du rôle et déposée le 16 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale d...

Tribunal administratif N° 45228 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2020 2e chambre Audience publique du 17 mars 2022 Recours formé par l’administration communale de Käerjeng, Bascharage, contre une décision implicite de refus du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière d’organisation de l’enseignement fondamental

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45228 du rôle et déposée le 16 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Käerjeng, dont les bureaux sont établis à L-4901 Bascharage, 24, rue de l’Eau, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonction, tendant à l’annulation de la décision implicite de refus du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse consécutive au silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois à la suite de la demande de prise en charge par l’Etat des frais d’acquisition, d’installation et de support de matériels informatiques pour l’école fondamentale de Bascharage formulée à travers un courrier daté du 24 avril 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2021 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Georges Pierret déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2021 pour compte de l’administration communale de Käerjeng, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2021 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Georges Pierret du 9 décembre 2021 suivant laquelle celui-ci se rapporte à ses écrits et marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 janvier 2022.

Il est constant en cause que l’administration communale de Käerjeng, ci-après désignée par « l’administration communale », adressa au cours des années 2017 et 2018 plusieurs courriers au ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministère », au sujet d’un catalogue de services informatiques pour l’école fondamentale.

Faute de réponse à ces courriers, l’administration communale s’adressa de nouveau par courrier du 9 juillet 2018 au ministère en demandant à se voir « communiquer dans les meilleurs délais un cadre de référence, un plan d’intégration et de développement informatique ainsi qu’un catalogue des besoins, recommandations et attentes en ressources informatiques » pour ses écoles fondamentales.

En réponse à ce courrier, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », s’adressa par courrier du 24 septembre 2018 à l’administration communale dans les termes suivants :

« […] En réponse à vos divers courriers par lesquels vous me priez de vous communiquer dans les meilleurs délais un cadre de référence, un plan d’intégration et de développement informatique ainsi qu’un catalogue des besoins, recommandations et attentes en ressources informatiques pour vos écoles fondamentales, je me permets de vous rappeler le principe de l’autonomie dont disposent les communes en matière d’infrastructures scolaires et d’équipement des écoles fondamentales.

Il appartient donc aux autorités communales de décider des ressources informatiques à mettre à disposition des écoles de votre commune.

Toutefois, j’ai l’honneur de vous informer que le Centre de gestion informatique de l’éducation (CGIE) envisage de publier sous peu des recommandations en la matière dans le but de guider les autorités communales dans leurs choix. […] ».

Par courrier du 4 octobre 2018, l’administration communale, tout en prenant connaissance du fait qu’une publication de recommandation par le Centre de gestion informatique de l’éducation (« CGIE ») était envisagée, insista toutefois sur le fait que, selon elle, « les ressources informatiques (ordinateurs, copieurs, imprimantes et périphériques) f[eraient] partie intégrante du matériel didactique et pédagogique mis à disposition des écoles fondamentales. » et qu’il incomberait dès lors au ministère de prendre en charge les frais du matériel nécessaire. Elle souligna encore que, toujours selon elle, l’autonomie communale se limiterait à la mise à disposition et à l’entretien des infrastructures scolaires, dont feraient partie les accès physiques au réseau informatique et l’équipement en mobilier des écoles fondamentales, tout en annexant à son courrier une demande de mise à disposition de 65 hautparleurs et 10 casques pour ses écoles fondamentales.

Par courrier du 5 novembre 2018, le ministre prit position par rapport au courrier précité du 4 octobre 2018 en renvoyant au principe de l’autonomie dont disposeraient les communes en matière d’infrastructures scolaires et d’équipement des écoles fondamentales, lequel se trouverait ancré dans l’article 35 de la loi modifiée du 6 février 2009 portant organisation de l’enseignement fondamental, ci-après désignée par « la loi du 6 février 2009 », tout en maintenant, en conséquence, qu’il appartiendrait aux autorités communales de décider des ressources informatiques à mettre à disposition des écoles de leur commune.

Par courrier du 25 janvier 2019, l’administration communale s’adressa au ministre dans les termes suivants :

« […] Le collège des bourgmestre et échevins fait suite à votre courrier du 5 novembre 2018, à une entrevue, le 14 décembre 2018, avec la Direction Région …, M. … et d’une entrevue, le 18 janvier 2019, avec le SCRIPT et le CGIE pour clarifier les questions sur la gestion des TIC dans l’enseignement fondamental.

La direction de région se dit incompétente en matière de questions relatives au TIC. Le SCRIPT ainsi que le CGIE disposent des compétences, infrastructures et procédures nécessaires afin d’assurer aussi bien une gestion et administration hardware que software en alignement avec les recommandations, standards et réglementations applicables au niveau de l’enseignement.

L’article 35 de la loi modifiée du 6 février 2009 portant sur l’enseignement fondamental se réfère bien aux structures et infrastructures immobilières et non à la mise à disposition et gestion des TIC. Les textes sur les structures centrales et plus précisément sur les missions du Centre de Gestion informatique de l’Éducation (CGIE) précisent ces responsabilités et missions en matière de mise à disposition et de gestion des TIC dans les écoles.

Ces textes définissent de façon claire la responsabilité de l’État et de ses structures concernant l’équipement et la gestion des outils informatiques et des systèmes d’information dans les écoles par rapport aux objectifs pédago-informatiques fixés par le Ministère.

Nous sollicitons une entrevue afin de [sic] des questions de financement, de support, de maintenance, d’administration et de sécurisation des TIC dans les écoles de la Commune de Käerjeng et d’aboutir à une décision. […] ».

En réponse à ce courrier, le ministre s’adressa en date du 11 mars 2019 à l’administration communale dans les termes suivants :

« […] Je me permets de revenir à votre courrier du 25 janvier 2019 en relation avec la mise à disposition de ressources informatiques ainsi que la communication d’un cadre de référence, d’un plan d’intégration et de développement informatique et d’un catalogue des besoins, recommandations et attentes en ressources informatiques pour vos écoles fondamentales.

Dans ce cadre, j’ai le plaisir de vous informer que des pourparlers ont été entamés avec le syndicat des villes et communes luxembourgeoises (SYVICOL) en matière d’acquisition et de gestion des équipements informatiques et bureautiques à l’intention des écoles de l’enseignement fondamental. […] ».

Par courrier du 18 mars 2019, l’administration communale s’adressa de nouveau au ministre, ledit courrier étant libellé comme suit :

« […] Le collège des bourgmestre et échevins fait suite à sa demande du 25 janvier 2019, sur les questions de financement, de support, de maintenance, d’administration et de sécurisation des TIC dans les écoles, à son entrevue avec M. … (SCRIPT) et de M. … (CGIE), et les représentant des écoles fondamentales de la commune de Käerjeng.

Le collège vous remercie du temps, de l’ouverture et de l’engagement des MM. … et … lors de la présentation des services, des compétences et des expertises du SCRIPT et du CGIE, ainsi que des conseils et propositions de mises à disposition des TIC dans l’enseignement fondamental.

Nous sommes néanmoins au regret de constater que la délégation de l’école fondamentale (comité d’école et responsables informatiques) n’a pas donné suite à la proposition d’un « Workshop » d’une demi-journée pour débattre et discerner clairement les besoins en TIC à l’encadrement pédagogique fondamental au quotidien.

Nonobstant, ces échanges ont permis d’identifier clairement le besoin d’équipements d’écoute ; « haut-parleurs » et « casques d’écoute » pour assister les programmes d’écoute définis et fixés par le ministère de l’Éducation nationale ».

La commune a pris la décision de préfinancer ces équipements, bien que la Loi du 7 octobre 1993 « Chapitre II. Du Centre de Gestion Informatique de l’Éducation » modifiée par la loi du 13 mars 2018, (Mém. A – 184 du 14 mars 2018, doc. parl. 7076) article 10 et article 13, définit clairement l’acquisition, la gestion et le support d’équipement informatique comme mission du CGIE.

En conséquence, nous vous transmettons ci-joint la facture en relation avec l’achat et la mise à disposition de ces équipements pour remboursement sur notre compte bancaire […].

[…] ».

A défaut de réponse à ce courrier, l’administration communale compléta celui-ci le 27 mai 2019, en envoyant au ministre une facture supplémentaire pour l’acquisition d’équipements pour son école fondamentale afin de solliciter également la prise en charge du financement des haut-parleurs y repris.

Par courrier du 3 juin 2019, l’administration communale sollicita à nouveau le ministre afin que celui-ci prenne position par rapport à ses courriers antérieurs tout en réaffirmant sa position suivant laquelle la responsabilité et la mission de la commune se limiteraient « à la mise à disposition des bâtiments scolaires, y compris une première installation d’accès au TIC et d’une bibliothèque » et en demandant la prise en charge, pour l’année 2019-2020, de la gestion, de l’encadrement, du support et de la sécurisation technico-informatiques des technologies de l’information et de la communication (« TIC ») dans les écoles fondamentales de la commune de Käerjeng.

Par courrier du 24 juin 2019, le ministre prit position par rapport aux courriers de l’administration communale des 18 mars et 27 mai 2019, en l’informant qu’il ne se verrait pas en mesure de prendre en charge ces frais, tout en renvoyant une nouvelle fois au principe de l’autonomie communale et aux pourparlers qui auraient été entamés avec le syndicat des villes et communes luxembourgeoises en matière d’acquisition et de gestion des équipements informatiques et bureautiques à l’intention des écoles de l’enseignement fondamental.

Par courrier du 16 janvier 2020, l’administration communale, dans le cadre de la construction de la nouvelle école de Bascharage, s’adressa de nouveau au ministre en réaffirmant sa position quant à la responsabilité de l’Etat et de ses structures concernant l’équipement et la gestion des outils informatiques et des systèmes d’information dans les écoles par rapport aux objectifs pédago-informatiques fixés par le ministère.

A défaut de réponse, l’administration communale s’adressa à une ultime reprise au ministre par courrier du 24 avril 2020 dans les termes suivants :

« […] Nous vous prions de trouver en annexe les offres pour l’achat de 13 ordinateurs pour l’école fondamentale de Bascharage.

Nous vous demandons de bien vouloir charger vos services spécialisés de nous communiquer leur avis et leur expertise sur la conformité du matériel avec les objectifs et les besoins pédagogiques de l’enseignement.

Conformément à la loi du 13 juin 2013 portant modification (1) de la loi modifiée du 7 octobre 1993, ayant pour objet a) la création d’un Service de Coordination de la Recherche et de l’Innovation pédagogiques et technologiques ; b) la création d’un Centre de Technologie de l’Éducation ; c) l’institution d’un Conseil scientifique ; 2) de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’État, qui dispose que : « Art. 7.

L’article 13 de la même loi est remplacé par la disposition suivante : Art. 13. Le Centre comprend deux divisions : - une division «Études et développements» - une division «Informatique distribuée et support … La division «Informatique distribuée et support» assure en collaboration étroite avec le Centre des Technologies de l’Information de l’État : 1) l’acquisition, la gestion et l’inventaire d’équipements informatiques et bureautiques », nous demandons à l’Etat de prendre en charge les frais d’acquisition, d’installation et de support dudit matériel. […] ».

A défaut de réponse à cette demande, l’administration communale a, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2020, fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision implicite de refus du ministre consécutive au silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois à la suite de la demande de prise en charge par l’Etat des frais en relation avec l’achat de 13 ordinateurs pour l’école fondamentale de Bascharage formulée à travers un courrier daté du 24 avril 2020.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision, lequel recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, l’administration communale reprend, en substance, les faits et rétroactes, tels que retranscrits ci-avant.

En droit, elle critique le refus étatique de prise en charge des coûts d’achat de 13 ordinateurs pour l’école fondamentale de Bascharage en soutenant, en substance, que tant la lecture des dispositions de la loi du 6 février 2009, y compris les travaux parlementaires à sa base dont elle cite des extraits, que celle des dispositions de la loi modifiée du 7 octobre 1993 ayant pour objet a) la création d’un Service de Coordination de la Recherche et de l’Innovation pédagogiques et technologiques (SCRIPT) ; b) la création d’un Centre de Technologie de l’Education (CTE) ; c) l’institution d’un Conseil scientifique, ci-après désignée par « la loi du 7 octobre 1993 », telle que modifiée par la loi du 13 juin 2013 portant modification de la loi modifiée du 7 octobre 1993, ci-après désignée par « la loi du 13 juin 2013 », permettraient de dégager l’existence d’une compétence de principe de l’Etat en matière d’équipement des écoles fondamentales en TIC.

En ce qui concerne plus particulièrement la loi du 6 février 2009, il apparaîtrait que même si à l’origine du texte, le mode de répartition des charges liées aux infrastructures et équipements des écoles, notamment en TIC, aurait été imprécis, tel que cela aurait été relevé par le Conseil d’Etat dans son avis au sujet du projet de loi afférent, il n’en resterait pas moins qu’au terme de cette procédure, seul l’équipement des infrastructures scolaires serait à la charge de la commune. Or, comme les ressources en matériel informatique, telles que les ordinateurs, copieurs, imprimantes et périphériques, feraient partie intégrante du matériel didactique et pédagogique, il appartiendrait à l’Etat de prendre en charge l’ensemble de ces frais, la compétence communale s’arrêtant à la mise en place d’une infrastructure informatique au sein des bâtiments scolaires sans s’étendre à la fourniture des matériels permettant d’accéder à cette infrastructure. Elle ajoute que cette « dichotomie » serait également présente dans la loi du 7 octobre 1993.

Au vu de ces considérations, la décision ministérielle implicite de refus encourrait l’annulation.

Dans son mémoire en réponse, après avoir relevé que le ministre aurait déjà à plusieurs reprises fait part de sa prise de position au sujet de la question de la prise en charge du matériel informatique au sein de l’école fondamentale en se prévalant à ce sujet du principe de l’autonomie communale, la partie étatique insiste sur le fait que la loi du 6 février 2009 et plus particulièrement son article 35, prévoirait une prise en charge par les communes de tout l’équipement nécessaire, y compris les frais d’infrastructures informatiques, pour assurer l’enseignement fondamental.

Elle souligne, à cet égard, que l’article 35 en question n’aurait pas été modifié depuis l’entrée en vigueur de la loi en question, tout en faisant valoir que si la partie demanderesse se basait sur les travaux parlementaires de la loi du 6 février 2009 qui ressortiraient du projet de loi n°5759 ayant été déposé à la Chambre des députés le 24 août 2007, ce projet de loi n’indiquerait nulle part une prise en charge du matériel informatique par l’Etat, la partie étatique précisant que, par un avis du 6 mai 2008, le Conseil d’Etat aurait uniquement posé des questions de précision au sujet dudit article.

Elle ajoute qu’il se dégagerait de la lecture aussi bien du texte du projet de loi que de l’exposé des motifs et du commentaire des articles, qu’il aurait été dans l’intention du législateur de faire bénéficier le terme « équipement », - qui, par ailleurs, ne serait pas défini plus en détail -, d’une interprétation extensive. Il s’ensuivrait que, sous peine de procéder à une distinction entre différents types d’équipements non prévue par la loi, la partie demanderesse ne saurait être suivie dans son argumentation suivant laquelle l’équipement des écoles au sens de la loi se limiterait à tout ce qui est équipement mobilier, le terme « équipement » devant, selon la partie étatique, être, au contraire, entendu comme englobant également tout le matériel informatique et bureautique qui serait, en conséquence, de par la loi, à charge des communes.

Ce serait encore à tort que la partie demanderesse argumente, d’une part, en se fondant sur le texte de l’article 35 de la loi du 6 février 2009, que la compétence communale s’arrêterait à la mise en place d’une infrastructure informatique au sein des bâtiments scolaires et n’englobant pas la fourniture des matériels permettant d’accéder à cette infrastructure et, d’autre part, en se fondant sur le commentaire de l’article 12 du projet de loi n°5759 dans sa version initiale déposée le 24 août 2007, que les ressources en matériel informatique, telles que les ordinateurs, copieurs, imprimantes et périphériques feraient partie intégrante du matériel didactique et pédagogique, de sorte qu’il appartiendrait à l’Etat de prendre en charge l’ensemble de ces frais.

La partie étatique s’appuie, à cet égard, entre autres sur l’article 75 de la loi du 6 février 2009, qui serait, d’après les travaux parlementaires repris des dispositions financières de la loi du 10 août 1912 concernant l’enseignement primaire, pour soutenir que le principe de la prise en charge par la commune des frais d’équipement des écoles fondamentales serait légiféré depuis plus de 100 ans, de même qu’il se dégagerait de l’article 75 en question que les frais d’équipements des infrastructures scolaires communales de l’enseignement fondamental sont à charge des communes et que l’Etat pourrait contribuer à ces dépenses dans une mesure déterminée annuellement par la loi du budget.

Au vu de ces considérations, il y aurait lieu de constater que l’argumentation adverse au sujet des articles 35 et 75 de la loi du 6 février 2009 serait erronée.

Ce serait également à tort que la partie demanderesse revendiquerait une prise en charge par l’Etat des frais d’infrastructures informatiques sur base des articles 10, 11, 12 et 13 de la loi du 7 octobre 1993 et ce, au motif qu’aucun de ces articles, qui seraient, en effet, tous emprunts de généralité et d’ambiguïté, ne prévoirait expressément une obligation pour le Centre de gestion informatique de l’Education, ci-après désigné par « le CGIE », de financer le matériel informatique, les dispositions en question se limitant à prescrire au CGIE un rôle passif d’assistance, d’expertise et de conseil dans le domaine des TIC dans toutes les écoles du pays.

Il devrait dès lors être retenu que, d’un côté, la loi du 7 octobre 1993 ne prévoirait pas d’obligation pour le CGIE de financer le matériel informatique dans chaque école du pays, tandis que, de l’autre côté, la loi du 6 février 2009 et plus particulièrement son article 35, prévoirait une obligation des communes de financer l’équipement des écoles communales, cette obligation incluant, suivant la partie étatique, la prise en charge des frais d’infrastructures informatiques.

Elle ajoute que suivant l’article 75 de la loi du 6 février 2009, non seulement les frais d’équipement mais également les frais de construction des infrastructures scolaires communales et régionales de l’enseignement fondamental seraient à charge des communes et que les sommes nécessaires à ces fins seraient portées annuellement au budget communal, l’Etat contribuant à ces dépenses dans une mesure qui serait déterminée annuellement par la loi du budget. Il s’ensuivrait que la ligne du gouvernement serait une répartition claire et nette des frais entre l’Etat et les communes, impliquant que le propriétaire du bâtiment devrait payer l’équipement de celui-ci.

Ce serait dans cette optique que l’Etat, par le biais du CGIE prendrait en charge les équipements informatiques des lycées dont il serait propriétaire des bâtiments, tandis que les frais des équipements informatiques des écoles fondamentales dont la commune est propriétaire du ou des bâtiments resteraient à charge de la commune en question.

La partie étatique insiste, à cet égard, sur le fait que jusqu’à présent cette répartition n’aurait jamais été remise en question par les communes et ce, alors même que les dispositions légales sur lesquelles la partie demanderesse fonderait ses revendications dateraient de 2009, respectivement de 2013.

Ce serait, en tout état de cause, pour éviter à l’avenir toute sorte de confusion quant à l’interprétation de la loi du 7 octobre 1993 qu’un projet de loi n°7658 portant modification 1° de la loi modifiée du 7 octobre 1993 ayant pour objet a) la création d’un Service de Coordination de la Recherche et de l’Innovation pédagogiques et technologiques ; b) la création d’un Centre de Gestion Informatique de l’Education ; c) l’institution d’un Conseil scientifique ;

2° de la loi modifiée du 6 février 2009 concernant le personnel de l’enseignement fondamental ;

3° de la loi modifiée du 6 février 2009 portant organisation de l’enseignement fondamental ;

4° de la loi modifiée du 30 juillet 2015 portant création d’un Institut de formation de l’Education national, aurait été déposé à la Chambre des députés le 31 août 2020 par le ministre et ce, aux fins notamment d’ajuster et de mieux comprendre les missions du CGIE.

Dans son mémoire en réplique, après avoir relevé les divergences profondes qui existeraient entre les parties quant à l’interprétation des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 6 février 2009 et qu’il appartiendrait au tribunal de trancher, déclare réitérer, en substance, l’ensemble de ses développements figurant dans le corps de sa requête introductive d’instance.

Elle insiste toutefois sur le fait qu’elle ne partagerait pas la position étatique suivant laquelle, malgré l’absence de définition précise et de commentaire afférent, le terme « équipement » devrait être interprété de manière extensive. Il serait, en effet, incontestable que du 24 août 2007, date du dépôt du projet de loi portant organisation de l’enseignement fondamental, jusqu’au 6 février 2009, date de l’adoption de la loi, la question de l’enseignement et de l’équipement en TIC au sein de l’école fondamentale ne se serait pas posée. Ce point de vue serait également confirmé par la partie étatique lorsqu’elle affirmerait dans son mémoire en réponse que la volonté de développer les compétences informatiques et digitales dès l’enseignement fondamental figurerait dans l’accord de coalition 2018-2023 du gouvernement.

Il serait dès lors tout à fait présomptueux de prétendre qu’en utilisant le terme « équipement », non autrement défini en 2009, le législateur aurait également entendu y viser pour l’avenir la prise en charge des TIC.

Selon la partie demanderesse, l’équipement ou les équipements en TIC feraient partie du matériel didactique et pédagogique à fournir par l’Etat, ce d’autant plus que le législateur aurait lui-même infirmé la thèse développée actuellement par la partie étatique à travers l’adoption de la loi du 13 juin 2013 ayant modifié celle du 7 octobre 1993 et notamment les missions dévolues à la division « Informatique distribuée et support » du CGIE.

Elle fait ensuite remarquer que la partie étatique se serait bien gardée de mettre en avant les dispositions pourtant claires et non équivoques de l’article 13 de la loi du 7 octobre 1993, telle que modifiée, suivant lequel « […] La division « Informatique distribuée et support » assure en collaboration avec le Centre des Technologies de l’Information de l’Etat (CGIE) :

1. l’acquisition, la gestion et l’inventaire d’équipements informatiques et bureaucratiques ; 2.

le conseil et l’assistance techniques de l’administration de l’Education nationale dans l’exécution des travaux courants d’informatique notamment en matière d’installations, d’équipements et de maintenance ; 3. la gestion des équipements informatiques appropriés à l’accomplissement de ses attributions ; […] », pour faire valoir que l’utilisation du terme « acquisition », qui serait synonyme du terme « acheter » et plus généralement l’emploi des verbes « assurer », « garantir », « gérer », « faciliter » dans la définition des missions du CGIE, caractériseraient une obligation d’agir et non une simple faculté dans le chef de cet organisme.

Elle en conclut que les termes clairs et non équivoques utilisés par le législateur dans la loi du 7 octobre 1993 imposeraient à l’Etat de prendre en charge les frais d’équipements en TIC pour l’école fondamentale.

Enfin, elle conteste qu’il puisse lui être opposé d’avoir tacitement accepté la répartition des frais actuellement critiquée en donnant à considérer que les TIC auraient évolué de manière exponentielle depuis l’adoption de la loi du 6 février 2009, ce qui aurait également fait évoluer les besoins de l’école fondamentale en la matière, sans que cette évolution ne serait prête à ralentir, de sorte à impacter le budget communal. Elle insiste sur le fait qu’elle se serait régulièrement manifesté depuis 2016 auprès du ministère au sujet de la problématique de la prise en charge des frais litigieux.

Pour ce qui est de l’invocation, par la partie étatique, d’un projet de loi déposé le 31 août 2020, la partie demanderesse estime qu’il s’agirait d’un véritable aveu de la part du gouvernement que la position qu’il défend serait contraire aux dispositions actuellement en vigueur ou qu’elle serait, pour le moins, extrêmement fragile.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique fait valoir qu’il serait erroné de prétendre, tel que le fait la partie demanderesse, qu’au moment du dépôt du projet de loi portant organisation de l’enseignement fondamental et jusqu’au 6 février 2009, la question de l’enseignement et de l’équipement en TIC au sein de l’école fondamentale ne se serait pas posée et ce, par renvoi au texte de l’article 35 de la loi du 6 février 2009.

En s’appuyant sur l’article 13 du règlement grand-ducal modifié du 23 mars 2009 fixant la tâche des instituteurs de l’enseignement fondamental, tel que complété par un règlement grand-ducal du 23 août 2018, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 23 mars 2009 », elle insiste sur le fait qu’une décharge aurait déjà été prévue pour les membres du personnel intervenant dans l’enseignement fondamental en 2009 pour la gestion du parc informatique et que celle-ci serait évidemment justifiée par l’existence d’un équipement informatique gérable, puisque le législateur n’aurait pas prévu une telle décharge s’il n’avait pas été dans son intention de continuer à promouvoir un enseignement en TIC. Même s’il était un fait qu’en 2009, les TIC n’étaient pas encore au même stade de développement qu’aujourd’hui, il n’en resterait pas moins que l’enseignement et l’équipement en TIC auraient bien été présents dans les écoles de l’enseignement fondamental, ainsi que légalement prévus par les dispositions en vigueur depuis 2009. Ce constat serait encore conforté par le rapport du projet de loi n°5759 portant organisation de l’enseignement fondamental de la Commission de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 14 janvier 2009 dont la partie étatique cite des extraits.

Pour ce qui est du matériel didactique et pédagogique, la partie étatique s’appuie sur les articles 5, 7 et 11 de la loi du 6 février 2009 pour souligner que le ministère n’aurait pas pour mission de fournir ledit matériel, mais uniquement de prononcer des recommandations et fixer les conditions pour tout autre matériel didactique.

Elle ajoute que toutes les communes seraient tenues de mettre à disposition les infrastructures et équipements nécessaires pour assurer l’enseignement fondamental et que ces infrastructures et équipements viseraient également, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 février 2009, l’éducation aux médias.

Pour ce qui est de l’accord de coalition 2018-2023 du gouvernement, tel qu’invoqué par la partie demanderesse, et de la volonté y contenue de développer les compétences informatiques et digitales, la partie étatique insiste sur le fait que la notion de « développement » ne serait pas synonyme de « initiation » et qu’une condition sine qua non du développement serait la présence antérieure de l’objet destiné à se développer. Il s’ensuivrait que l’utilisation du terme « développement » démontrerait sans équivoque que les TIC auraient déjà été présentes dans les écoles antérieurement à l’accord de coalition. Elle ajoute que la référence aux compétences informatiques et digitales aurait, par ailleurs, déjà existé dans les programmes gouvernementaux précédents.

Pour ce qui est de l’interprétation de l’article 13 de la loi du 7 octobre 1993, la partie étatique réitère, en substance, ses développements antérieurs.

Elle donne ensuite à considérer que toute personne normalement prudente et diligente n’aurait pas engendré de frais si elle comptait les voir supporter par une tierce personne avant d’obtenir un accord afférent. Une telle attitude reviendrait au final à mettre le ministère devant le fait accompli sans même qu’il n’ait exprimé ni son avis quant au matériel acheté ni sa position quant au financement effectif des achats, tout en l’obligeant à payer la facture. Il s’ensuivrait qu’en ayant réalisé les achats de matériel informatique en connaissance de l’absence d’accord afférent du ministère, la partie demanderesse aurait accepté de supporter les frais en question, sans que le fait qu’elle se soit régulièrement manifesté depuis 2016 auprès du ministère au sujet de la prise en charge des frais ne soit pertinent.

Enfin, quant au projet de loi déposé le 31 août 2020, la partie étatique souligne qu’il aurait été déposé antérieurement à l’introduction du présent recours et dans l’optique de permettre une meilleure compréhension des missions du CGIE et ce, dans l’intérêt de toutes les parties concernées, de sorte qu’il ne saurait s’analyser comme un quelconque aveu dans le chef du gouvernement.

Appréciation du tribunal Si, en l’espèce, la partie demanderesse critique à travers le recours sous analyse le refus ministériel implicite de prendre en charge les coûts liés à l’achat de 13 ordinateurs pour l’école fondamentale de Bascharage, il y a lieu de constater que le litige entre les parties porte en réalité sur la question de principe de savoir qui de la commune ou de l’Etat doit prendre en charge le financement du matériel informatique au sein des écoles fondamentales communales, les parties en cause se prévalant pour sous-tendre leurs positions respectives des mêmes dispositions légales, en l’occurrence les articles 35 et 75 de la loi du 6 février 2009, ainsi que les articles 10 à 13 de la loi du 7 octobre 1993, qu’elles interprètent toutefois de manière différente.

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 35 de la loi du 6 février 2009, dans sa version applicable au moment où la décision implicite de refus s’est cristallisée, : « Toute commune est tenue de mettre à la disposition les infrastructures et équipements nécessaires pour assurer l’enseignement fondamental - soit en établissant une ou plusieurs écoles sur son territoire, - soit en établissant une école avec d’autres communes, le cas échéant dans le cadre d’un syndicat de communes.

Le conseil communal détermine les ressorts scolaires.

Chaque école comprenant un ou plusieurs bâtiments scolaires, offre les quatre cycles de l’enseignement fondamental. Elle est identifiée par le conseil communal, notamment par l’indication de son nom et de son adresse.

Chaque école est dotée d’une bibliothèque scolaire et assure l’accès des élèves aux technologies de l’information et de la communication. ».

Il se dégage de la lecture de cette disposition légale que toutes les communes sont obligées de mettre à la disposition de leurs habitants les infrastructures et équipements nécessaires pour assurer l’enseignement fondamental en établissant, en premier lieu, une ou plusieurs écoles sur leur territoire, et en veillant, ensuite, à ce que la ou les écoles en question offrent les quatre cycles de l’enseignement fondamental et qu’elles soient dotées d’une bibliothèque scolaire et assurent l’accès des élèves aux TIC.

En ce qui concerne la question du financement des infrastructures et équipements en question, il y a lieu de se référer à l’article 75 de la loi du 6 février 2009 qui dispose, quant à lui, comme suit : « Les frais de construction et d’équipement des infrastructures scolaires communales et régionales de l’enseignement fondamental sont à charge des communes. Les sommes nécessaires à ces fins sont portées annuellement au budget communal.

L’Etat contribue à ces dépenses dans une mesure qui est déterminée annuellement par la loi du budget.

Un règlement grand-ducal détermine, d’après des principes uniformes, les bases de répartition entre les communes des subsides en faveur de l’enseignement fondamental. ».

Suivant ladite disposition légale, non seulement les frais de construction des infrastructures scolaires communales de l’enseignement fondamental que les communes sont, en vertu de l’article 35, précité, tenues de mettre en place, mais également les frais d’équipement desdites infrastructures sont à la charge des communes qui en sont propriétaires, l’Etat ne contribuant à ces dépenses que dans une mesure qui est déterminée annuellement par la loi du budget.

Il se dégage, à cet égard, des travaux parlementaires à la base de la loi du 6 février 2009 qu’il était dans l’intention du législateur que le mode de financement de l’école soit conçu de manière qu’il y ait partage entre, d’un côté, les frais de construction et d’entretien et, de l’autre côté, les frais de personnel et qu’en ce qui concerne le financement de l’enseignement proprement dit, l’Etat garantit le fonctionnement d’un enseignement correspondant aux normes prédéfinies dans chaque commune ainsi que l’attribution des moyens qui doivent être mis en œuvre, dans certaines communes plus que dans d’autres, pour scolariser une population scolaire socio économiquement moins favorisée2.

Il est ensuite vrai qu’il ne se dégage d’aucune des dispositions légales précitées ni des travaux parlementaires à leur base une définition précise de ce qu’englobe concrètement le terme « équipement » ni a fortiori les frais qui, aux termes de l’article 75, précité, sont à prendre à charge par les communes à titre d’équipements des infrastructures scolaires de l’enseignement fondamental dont elles sont propriétaires.

Il n’en reste pas moins que le tribunal ne saurait suivre l’argumentation de la partie demanderesse suivant laquelle, à défaut de définition concrète, à côté de la mise en place d’une infrastructure informatique, seul l’équipement en mobilier serait à charge des communes, mais que les matériels permettant d’accéder à cette infrastructure informatique, tels les ordinateurs, copieurs et imprimantes, feraient partie des matériels didactique et pédagogique à prendre en charge par l’Etat, une telle limitation ne se dégageant pas du texte de la loi.

Cette argumentation se trouve, par ailleurs, contredite par les termes de l’article 35 de la loi du 6 février 2009 qui impose aux communes d’assurer l’enseignement fondamental à travers la mise à disposition de ses habitants non seulement des infrastructures, mais également des équipements nécessaires à cette fin, l’obligation afférente des communes ne se limitant donc pas à la seule mise en place d’un ou de plusieurs bâtiments scolaires, mais elle s’étend à l’équipement des écoles avec le matériel nécessaire pour que l’enseignement fondamental puisse y être assuré.

Dans la mesure où il se dégage du même article que chaque école communale est à doter d’une bibliothèque scolaire, de même que la commune doit assurer l’accès des élèves aux TIC, il y a lieu d’admettre que parmi les équipements nécessaires pour assurer l’enseignement fondamental dans les écoles fondamentales figurent ceux devant permettre l’accès des élèves aux TIC. Or, un tel accès nécessite non seulement la mise en place d’une infrastructure informatique, mais également la mise à disposition des élèves du matériel informatique et bureautique nécessaire à cette fin.

Ce constat se trouve encore conforté par les articles 6 à 8 de la loi du 6 février 2009 qui définissent les missions attribuées à l’école fondamentale et dont il se dégage que le législateur ne s’est pas limité à énumérer les matières qui doivent être enseignées, mais qu’il a entendu définir les compétences que l’école fondamentale doit développer auprès des élèves afin de les rendre aptes, d’une part, à continuer leurs apprentissages dans les écoles post primaires vers lesquelles ils seront orientés et à poser, d’autre part, les bases pour une participation de citoyen responsable et critique dans une société complexe3. La loi du 6 février 2009 définit ainsi à travers les articles en question six domaines de développement et d’apprentissage jugés indispensables pour le passage de l’enfant vers la vie d’adulte4, étant relevé que l’article 7 de la même loi prend le soin de préciser que « l’éducation aux médias est intégrée dans les différents domaines ».

2 Projet de loi n°5759 portant organisation de l’enseignement fondamental, exposé des motifs, p. 6, sous « Les relations entre l’Etat et les communes ».

3 Projet de loi n° 5789 portant organisation de l’enseignement fondamental, commentaire des articles, ad. articles 6.-8., p. 27.

4 Idem.

Il se dégage pareillement de l’article 13 du règlement grand-ducal du 23 mars 2009 fixant la tâche des instituteurs de l’enseignement fondamental, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 23 août 2018, définissant les activités connexes que peut comprendre la tâche d’instituteur et aux termes duquel « Les activités dans l’intérêt du fonctionnement de l’école non comprises dans les activités définies à l’article 4 peuvent comprendre : […] – la gestion du parc informatique et l’animation pédagogique d’activités en rapport avec l’initiation des élèves à l’informatique ; […] », que le parc informatique est censé faire partie intégrante de l’équipement considéré comme étant nécessaire au fonctionnement de l’école fondamentale.

Contrairement à ce que soutient la partie demanderesse, il convient d’ailleurs de noter que dès le dépôt du projet de loi n°5759 en date du 24 août 2007, il était dans l’intention du législateur d’intégrer les compétences informatiques et digitales dans l’enseignement fondamental, de sorte que l’affirmation suivant laquelle la question de l’enseignement de l’équipement en TIC au sein de l’école fondamentale ne se serait pas posée au moment du dépôt du projet de loi portant organisation de l’enseignement fondamental manque en fait.

C’est encore en vain que la partie demanderesse tente d’argumenter que les équipements en TIC feraient partie du matériel didactique et pédagogique à fournir par l’Etat, étant relevé qu’elle ne sous-tend cette argumentation par aucune disposition légale ou réglementaire dont il se dégagerait une obligation de l’Etat de prendre à charge le matériel didactique et pédagogique à utiliser par les élèves de l’enseignement fondamental fréquentant une école appartenant à une commune.

Il apparaît, au contraire, que l’article 5 de la loi du 6 février 2009 impute aux communes l’obligation de fournir gratuitement aux élèves les manuels scolaires à utiliser en classe, la même obligation incombant à l’Etat pour les écoles et classes étatiques.

Il se dégage, par ailleurs, de l’article 11 de la même loi, aux termes duquel « Les équipes pédagogiques peuvent utiliser du matériel didactique autre que le matériel recommandé par le ministre, à condition que son utilisation ait été approuvée par le comité d’école et qu’il soit conforme au plan d’études. », que le ministère prononce seulement des recommandations quant au matériel didactique à utiliser par le personnel enseignant et le personnel éducatif en charge des classes d’un même cycle, tout en fixant les conditions pour tout autre matériel didactique utilisé.

La partie demanderesse tente encore en vain de s’appuyer sur les articles 10 à 13 de la loi du 7 octobre 1993, dans leur version applicable au moment où la décision ministérielle implicite de refus s’est cristallisée, telle qu’ayant résulté de l’entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2013 ayant entre autres porté création du CGIE, pour y déceler dans le chef de l’Etat une obligation de prendre activement en charge les frais d’équipement de l’école fondamentale en TIC.

En effet, l’article 10 de ladite loi, qui fixe le champ d’application du CGIE, dispose comme suit : « Dans le cadre des missions définies à l’article suivant, le Centre [à lire : CGIE] est compétent pour l’ensemble des technologies de l’information et de la communication pour l’administration de l’Éducation nationale. Au sens de la présente loi, on entend par « administration de l’Éducation nationale » l’ensemble des administrations, services, écoles ou institutions qui sont placés sous l’autorité du ministre. », l’article 11 ayant, pour sa part, la teneur suivante : « Le Centre a pour mission :

1) de promouvoir l’étude, la conception, le développement et l’exploitation d’applications informatiques pour les besoins de l’administration de l’Éducation nationale;

2) d’encourager le conseil et l’assistance techniques en matière d’acquisitions, d’installations, d’équipements et de maintenance;

3) d’assumer la gestion et le traitement des données des élèves, du personnel et de l’administration de l’Éducation nationale;

4) de garantir la sécurité de l’informatique et le respect de la protection des données à caractère personnel;

5) de gérer la mise en place et l’exploitation de plateformes internet, intranet et extranet;

6) d’assurer le suivi et l’évolution de l’outil informatique, y compris la fixation des standards technologiques et la veille technologique;

7) de faciliter les relations avec des services et organismes luxembourgeois ou étrangers ayant des missions similaires. ».

L’article 12 de la même loi est, quant à lui, rédigé dans les termes suivants : « Le ministre peut charger le Centre de toute autre mission en relation avec les technologies de l’information et de la communication. », l’article 13 disposant, enfin, comme suit : « Le Centre comprend deux divisions:

-

une division «Études et développements» -

une division «Informatique distribuée et support».

La division «Études et développements» a pour missions:

1) la promotion et l’organisation de l’informatisation, notamment en ce qui concerne la collecte, la transmission et le traitement des données;

2) l’étude, le développement, la maîtrise d’ouvrage, la maintenance, l’hébergement et l’exploitation d’applications existantes ou à développer;

3) le support organisationnel et l’accompagnement de projets informatiques;

4) la recherche de synergies et l’optimisation des échanges d’informations;

5) la mise en place et l’exploitation de plateformes de collaboration et d’information;

6) la spécification, la traduction, le contrôle et la mise en œuvre des besoins fonctionnels en projets informatiques.

La division «Informatique distribuée et support» assure en collaboration étroite avec le Centre des Technologies de l’Information de l’État:

1) l’acquisition, la gestion et l’inventaire d’équipements informatiques et bureautiques;

2) le conseil et l’assistance techniques de l’administration de l’Éducation nationale dans l’exécution des travaux courants d’informatique notamment en matière d’installations, d’équipements et de maintenance;

3) la gestion des équipements informatiques appropriés à l’accomplissement de ses attributions;

4) la sécurité au sein du réseau informatique commun RESTENA en collaboration avec le CRT gouvernemental (Computer Emergency Response Team, GOVCERT.LU) et RESTENA-CSIRT;

5) la sécurité de l’informatique et le respect des dispositions de la loi modifiée du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, dans les limites de ses attributions;

6) la gestion d’un centre de support destiné aux utilisateurs internes et externes des systèmes d’informations gérés par le Centre.

Pour l’exécution de ces missions, le Centre s’engage à respecter les normes de qualité et de sécurité déterminées par le Centre des Technologies de l’Information de l’État. » Le tribunal relève, à l’instar de la partie étatique, qu’aucune de ces dispositions n’impose au CGIE, ni a fortiori à l’Etat par le biais du CGIE, de financer le matériel informatique au sein des écoles de l’enseignement fondamental, les missions du CGIE se résumant, suivant le libellé des articles précités, à un rôle d’expertise, de conseil et d’assistance dans la gestion et l’administration des TIC dans toutes les écoles du pays, qu’elles soient publiques ou privées.

Ce constat se trouve conforté à l’analyse des travaux parlementaires à la base de la loi du 7 octobre 1993 dont il se dégage que l’idée de créer une infrastructure technique centrale en matière de technologies de l’information et de la communication est née face au constat qu’au niveau de l’enseignement primaire, il fallait s’attendre à un développement considérable du parc informatique, à l’instar du développement qui a eu lieu au niveau des établissements d’enseignement post primaire5, de sorte qu’il était nécessaire de disposer d’une infrastructure technique centrale appropriée.

C’est dans cette optique qu’ont été créés à travers la loi du 7 octobre 1993, d’un côté, le SCRIPT, en tant que nouveau service compétent pour l’ensemble de l’enseignement public luxembourgeois, avec pour but « de répondre aux besoins urgents qui se dégagent des défis et du manque absolu de cohérence entre les structures en place pour relever les défis qui se posent à notre système éducatif », et, de l’autre côté, le Centre de Technologie de l’Education, devenu depuis lors - suite à l’entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2013 et à la fusion entre le Service informatique du ministère et le Centre de Technologie de l’Education -, le CGIE, lequel avait pour « but d’assurer l’appui logistique en ce qui concerne l’insertion des médias comme moyens et comme objet d’enseignement dans notre système d’éducation » et qui, en tant que tel, a été chargé, « pour tous les ordres d’enseignement, des technologies de l’information et de la communication dans un contexte pédagogique »6.

Il se dégage, à cet égard, des travaux parlementaires à la base de la loi du 13 juin 2013 portant notamment création du CGIE qu’il était dans l’intention du législateur de créer, à travers cette nouvelle administration, une structure censée améliorer les procédures et l’utilisation des ressources informatiques, de sorte à garantir une gestion plus efficace de l’informatique et des systèmes d’information de l’Education nationale et à mieux répondre aux attentes des utilisateurs internes et externes7.

Sur base de cette toile de fond et compte tenu de sa teneur, l’article 13, alinéa 3, point 1) de la loi du 7 octobre 1993, tel que plus particulièrement mis en exergue par la partie 5 Projet de loi n°3494 portant sur a) la création d’un Service de Coordination de la Recherche et de l’Innovation pédagogiques et technologiques ; b) la création d’un Centre de Technologie de l’Education ; c) l’institution d’une Commission d’Innovation et de Recherche en Education, Introduction, p. 12.

6 Idem, p. 13.

7 Projet de loi n°6503 portant modification de la loi modifiée du 7 octobre 1993, exposé des motifs, p. 2 et 3.

demanderesse pour sous-tendre son argumentation, aux termes duquel la division « Informatique distribuée et support » du CGIE « assure », en collaboration étroite avec le Centre des Technologies de l’Information de l’Etat, « l’acquisition, la gestion et l’inventaire d’équipements informatiques et bureautiques », ne saurait être lu dans le sens qu’il appartient au CGIE de financer ou de payer le matériel informatique dans toutes les écoles du pays. La disposition en question doit, en effet, être lue dans le contexte des missions générales dévolues au CGIE, telles que définies plus particulièrement à l’article 11, précité, qui consistent notamment à « encourager le conseil et l’assistance techniques en matière d’acquisitions, d’installations, d’équipements et de maintenance » et à « assurer le suivi et l’évolution de l’outil informatique, y compris la fixation des standards technologiques et la veille technologique » et qui, tel que relevé plus haut, traduisent dans le chef du CGIE un rôle d’expertise, de conseil et d’assistance dans la gestion et l’administration des TIC au sein de toutes les écoles placées sous l’autorité du ministre, rôle qui, en matière d’acquisition, de gestion et d’inventaire d’équipements informatiques et bureautiques, est confié, à travers l’article 13, alinéa 3, point (1), à la division « Informatique distribuée et support » du CGIE.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a dès lors lieu de conclure qu’aucune disposition de la loi du 7 octobre 1993 ne prévoit dans le chef de l’Etat une obligation de financer à travers le CGIE le matériel informatique dans chaque école du pays, tandis que la loi du 6 février 2009 impose aux communes de financer l’équipement nécessaire à l’enseignement fondamental dans les écoles dont elles sont propriétaires, équipement dont fait partie le matériel informatique, tel que retenu ci-avant, de sorte qu’aucun reproche ne saurait être adressé au ministre pour avoir refusé la prise en charge des coûts liés à l’achat de 13 ordinateurs pour l’école fondamentale de Bascharage telle que sollicitée par la commune à travers son courrier du 24 avril 2020.

Sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, le recours sous analyse est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros sollicitée par la partie demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la partie demanderesse ;

met les frais et dépens de l’instance à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, et lu à l’audience publique du 17 mars 2022 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mars 2022 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45228
Date de la décision : 17/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-17;45228 ?

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