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25/02/2022 | LUXEMBOURG | N°47039

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 février 2022, 47039


Tribunal administratif N° 47039 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 février 2022 1re chambre Audience publique extraordinaire du 25 février 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47039 du rôle et déposée le 18 février 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur …, déclarant être né le … et être de nationalité macédonienne, actuellement r...

Tribunal administratif N° 47039 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 février 2022 1re chambre Audience publique extraordinaire du 25 février 2022 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47039 du rôle et déposée le 18 février 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … et être de nationalité macédonienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 février 2022 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2022 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu la communication de Maître Simone Esteves, en remplacement de Maître Eric Says, du 22 février 2022 marquant son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré en dehors de sa présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Laurent Thyes en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 février 2022.

A l’occasion du relevé journalier d'entrées au Centre pénitentiaire de Luxembourg du 8 mai 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », eut connaissance de la présence irrégulière de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois.

Le 5 janvier 2022, le ministre prit une décision de retour de retour à l’égard de Monsieur …, comportant aussi une interdiction du territoire pour une durée de 5 ans, ledit arrêté, notifié 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

1à l’intéressé le 14 janvier 2022, étant notamment fondé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu les antécédents judiciaires de l'intéressée ;

Attendu que l'intéressée se trouvait en détention préventive (au Centre pénitentiaire) depuis le 08 mai 2019;

Attendu que l'intéressée n'est pas en possession d'un passeport en cours de validité ;

Attendu que l'intéressée constitue une menace pour l'ordre public ;

Attendu que l'intéressée ne justifie pas l'objet et les conditions du séjour envisagé ;

Attendu que l'intéressée ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;

Attendu que l'intéressée s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

Attendu que l'intéressée n'est ni en possession d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d'une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé ; ».

Par arrêté du même jour, le ministre décida le placement en rétention de l’intéressé, ledit arrêté, notifié le 14 janvier 2022, étant basé sur la motivation suivante :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention;

Vu ma décision de retour du 05 janvier 2022, lui notifiée le 14 janvier 2022 ;

Vu ma décision d'interdiction d'entrée sur le territoire du 05 janvier 2022 lui notifiée le 14 janvier 2022 ;

Attendu que l'intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Attendu que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été engagées;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; ».

Par décision du 10 février 2022, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour la durée d'un mois. Cette décision, notifiée en date du 14 février 2022, est fondée sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 05 janvier 2022, notifié en date du 14 janvier 2022, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

2 Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 05 janvier 2022 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l'éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2022, inscrite sous le numéro 47039 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 10 février 2022.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur déclare se rapporter à prudence de justice quant à la compétence du ministre et, pour le surplus, après avoir cité les termes de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, conteste en substance le caractère suffisant des démarches entreprises pour organiser son éloignement, alors que pourtant il serait placé au Centre de rétention depuis le 5 janvier 2022. A cet égard, il fait valoir que depuis la demande d’identification du 30 décembre 2021 adressée aux autorités macédoniennes, celles-ci n’auraient pas pris position et que le ministre n’aurait depuis cette date entrepris aucune démarche. En tout cas, les démarches entreprises seraient vouées à l’échec, son identification étant toujours au point mort, de sorte qu’il n’y aurait aucune chance raisonnable que son éloignement puisse être mené à bien.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la légalité externe, encore que le fait pour le demandeur de se rapporter à prudence de justice quant à la compétence du ministre équivaut à une contestation, le tribunal relève que celui-ci n’a nullement développé ce moyen.

Or, le tribunal n’a pas à répondre à des moyens simplement suggérés, non autrement soutenus.

En ce qui concerne la légalité interne, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que :

« Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. […] ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de la réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Le tribunal est tout d’abord amené à constater qu’il n’est pas contesté que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, le ministre ayant en date du 5 janvier 2022 constaté son séjour irrégulier, lui ayant ordonné de quitter le territoire et lui ayant, par ailleurs, interdit le territoire pour une durée de cinq ans.

Au vu de ces décisions ministérielles et en application de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement,étant relevé que conformément à l’article 120, paragraphe (1), précité, il aurait alors appartenu à celui-ci de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite. Or, le demandeur n’a fourni, ni même allégué aucun tel élément, mais il se limite à critiquer les démarches entreprises par le ministre pour procéder à son éloignement.

En ce qui concerne plus précisément les contestations du demandeur quant aux démarches concrètement entreprises par le ministre pour organiser son éloignement, le tribunal constate que le demandeur se limite à affirmer qu’aucune autre mesure que la demande d’identification n’aurait été entreprise et que, de toute façon, il n’y aurait aucune chance que son éloignement puisse aboutir.

Ces contestations sont toutefois à rejeter dans la mesure où il se dégage du dossier administratif et des explications concordantes de la partie étatique que des démarches concrètes ont été entreprises, en ce que dès le 30 décembre 2021, le ministre a saisi les autorités macédoniennes d'une demande de réadmission, que le 8 février 2022, après réception de la copie d’un passeport en cours de validité, le service de police judiciaire a été prié le 8 février 2022 d’organiser le départ du demandeur et qu’entretemps une date concrète de retour est fixée, en ce qu’un plan de vol est prévu pour le 8 mars 2022, preuve que les démarches ministérielles ont abouti et qu’une perspective raisonnable d'un retour est donnée.

Au vu des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause, ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 25 février 2022 par :

Annick Braun, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, attaché de justice, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’originalLuxembourg, le 25 février 2022 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 47039
Date de la décision : 25/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-02-25;47039 ?

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