La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2022 | LUXEMBOURG | N°46846

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 février 2022, 46846


Tribunal administratif N° 46846 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2021 3e chambre Audience publique du 8 février 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46846 du rôle et déposée le 30 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Co

ur, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à ...

Tribunal administratif N° 46846 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2021 3e chambre Audience publique du 8 février 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46846 du rôle et déposée le 30 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Irak), de nationalité irakienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 décembre 2021 déclarant sa demande de protection internationale irrecevable sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Louis TINTI du 7 février 2022 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Madame le délégué du gouvernement Tara DESORBAY en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

___________________________________________________________________________

Le 5 octobre 2021, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

1 Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, police des étrangers, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

La comparaison des empreintes dactyloscopiques de l’intéressé avec la base de données EURODAC, effectuée le même jour, révéla que Monsieur … avait antérieurement formulé deux demandes de protection internationale, en Belgique en date des 19 février 2015 et 25 mai 2018.

Le 15 octobre 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

En date du 29 novembre 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur la recevabilité de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 décembre 2021, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur … en application de l’article 28, paragraphe (2) point a) de la loi du 18 décembre 2015. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 5 octobre 2021.

En mains le rapport « Eurodac », le rapport de police du 5 octobre 2021, le rapport d’entretien Dublin III du 15 octobre 2021, le rapport d’entretien sur la recevabilité de votre demande de protection internationale du 29 novembre [sic] 2021, ainsi que les pièces contenues dans votre dossier.

Il ressort des recherches effectuées dans la base de données Eurodac que vous avez introduit une demande de protection internationale en Belgique en date des 19 février 2015 ainsi qu’en date du 25 mai 2018.

Suivant les informations des autorités belges du 18 novembre 2021, vous êtes bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire depuis le 2 décembre 2015. Votre deuxième demande y introduite en date du 31 mai 2018 avait été déclarée irrecevable par décision du 27 juillet 2018. Il en ressort également que vous n’avez plus séjourné en Belgique depuis le 30 août 2018 et qu’une demande en vue de vous retirer votre statut de protection subsidiaire a été adressée au CGRS en date du 17 juillet 2019. Cette procédure est toujours en cours d’examen, les autorités belges soulignant encore que vous bénéficier actuellement toujours de la protection subsidiaire.

2 Vous déclarez avoir quitté votre pays d’origine pour la première fois en janvier 2015 en passant par la Turquie pour finalement arriver en Belgique où vous auriez obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire. Vous seriez retourné volontairement dans votre pays d’origine en 2018 où vous auriez séjourné jusqu’en juin 2021, date à laquelle vous seriez retourné en Europe. Vous ne souhaiteriez en aucun cas retourner en Belgique alors que vous n’y auriez « pas passé une seule belle journée » alors qu’il y aurait « tellement d’arabes » (entretien Dublin III page 6) en Belgique qu’on ne s’y croirait même pas en Europe.

Lors de votre entretien mené sur la recevabilité de votre demande, vous déclarez ne pas être en possession de votre passeport irakien alors que vous l’auriez laissé en Turquie chez des amis lesquels ne seraient plus joignables. Vous auriez perdu votre titre de séjour en Iraq ou en chemin et vous n’en auriez que des copies. Vous n’indiquez pas pour quelles raisons vous ne voudriez pas retourner en Belgique, Etat dans lequel vous bénéficiez de la protection subsidiaire, mais vous discutez de la question de savoir si les autorités belges « vont me donner les papiers à nouveau » (entretien page 2).

A l’appui de votre demande, vous versez les documents suivants :

- la copie d’une photo de votre titre de séjour belge expiré en date du 6 avril 2016 ;

- la copie non complète d’une photo de votre passeport irakien valable du 27 mars 2012 au 25 mars 2020 contenant un tampon « sortie » de l’espace Schengen en date du 30 octobre 2018 ;

- la copie d’une « booking notification » de l’OIM pour un vol Bruxelles-Erbil du 30 octobre 2018.

Monsieur, je suis au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) a) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après désignée par « Loi de 2015 »), votre demande de protection internationale est rejetée pour être irrecevable au motif qu’une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne, en l’occurrence la Belgique où vous êtes bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Il ne ressort en effet pas des éléments en notre possession qu’il existe dans votre chef, en cas de retour en Belgique, un risque d’atteintes graves au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après « la CEDH »), sinon de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la CharteUE »). En effet, la Belgique en tant que membre de l’Union européenne est signataire de la CharteUE, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif au réfugiés et, à ce titre, est présumée en appliquer les dispositions. En tout état de cause, vous n’apportez pas la preuve que, dans votre cas précis, vos droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Belgique ou encore que vous n’auriez aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités belges.

En effet, vous restez en défaut de faire état d’un quelconque problème pendant votre séjour en Belgique qui serait constitutif d’une violation de l’article 3 de la CEDH et que vous auriez été soumis par les autorités belges à des traitements inhumains ou dégradants. En effet, vous avez, dès votre arrivée en Belgique, pu introduire une demande de protection internationale, protection qui vous a été accordée après analyse de votre demande. Le fait que vous soyez volontairement retourné en Irak en 2018 alors qu’il y aurait trop d’arabes en 3 Belgique ou que vous y seriez tombé « psychiatriquement malade » (entretien Dublin Ill page 5) n’est pas de nature à rendre votre demande introduite au Luxembourg recevable alors qu’il ressort clairement des informations obtenues des autorités belges que vous êtes toujours bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire. Si les autorités belges ont actuellement transmis votre dossier au service compétent en vue d’un éventuel retrait de votre statut, ce constat ne permet pas non plus de rendre votre demande introduite au Luxembourg recevable, alors que cette procédure est toujours en cours et vous êtes toujours bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire. Par ailleurs, et même à admettre que les autorités belges révoqueraient cette protection, il vous appartient de vous adresser aux autorités belges, notamment judiciaires, si vous devez estimer les conditions dans ce contexte comme n’étant pas remplies.

En tout état de cause, vous restez en défaut de faire état d’un fait ou événement quelconque qui laisserait croire à l’existence dans votre chef d’avoir fait l’objet de traitements contraires à l’article 3 CEDH ou encore que vous seriez à risque réel d’être victime de tels traitements en cas de retour en Belgique, ou que cet Etat ne respecterait pas le principe de non refoulement à votre encontre. Vous restez par ailleurs également en défaut de rapporter la preuve que vous n’auriez pas la possibilité de valablement pouvoir faire valoir vos droits dans ce contexte, si cela devait être nécessaire, en ayant recours aux autorités belges, notamment judiciaires.

Il échet encore de préciser que l’introduction d’une demande de protection internationale par un ressortissant de pays tiers qui bénéficie déjà d’une telle protection n’est pas la procédure prévue aux fins de s’installer sur le territoire d’un autre Etat membre qui correspondrait le mieux à ses attentes. En effet, vous ne saurez, en tant que bénéficiaire d’une protection internationale, introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg au motif qu’il y aurait trop d’arabes en Belgique ou que vous n’y auriez pas passé une seule belle journée, un tel comportement étant caractéristique d’un abus de la procédure d’asile et se résume ainsi à pratiquer du forum shopping, pratique que le RAEC (Régime d’Asile européen commun) vise spécifiquement à éviter.

A titre informatif, veuillez noter que, conformément aux développements retenus par la CJUE concernant l’éloignement d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un Etat membre et bénéficiaire d’une protection internationale dans un autre Etat européen, la présente décision ne vaut pas, par dérogation à l’article 34 (2) de la Loi de 2015, décision de retour dans votre chef. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2021, inscrite sous le numéro 46846 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 15 décembre 2021.

En vertu de l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, un recours en annulation peut être introduit contre une décision d’irrecevabilité prise sur base de l’article 28, paragraphe (2) de la même loi, de sorte que seul un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision ministérielle sous examen du 15 décembre 2021. Le recours en annulation introduit en l’espèce est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend en substance les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-avant.

4 En droit, le demandeur reproche une appréciation des faits d’espèce au ministre. A l’appui de ses conclusions, il fait plaider que faire application de l’article 28 paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, alors même que la protection internationale accordée dans un autre Etat membre serait, comme en l’espèce, manifestement précaire, serait contraire tant au texte, qu’à l’esprit de la réglementation européenne visant à déterminer l’Etat compétent pour le traitement d’une demande de protection internationale, à savoir un traitement rapide, le demandeur se référant à cet égard aux considérants (4) et (5) du règlement Dublin III.

Il ajoute que l’impérieuse nécessité d’appliquer l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 de manière que le traitement d’une demande de protection internationale ne soit pas retardé trouverait sa source dans les conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, conclusions qui auraient déjà à l’époque préconisé la mise en place d’un régime européen commun reposant sur une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’Etat membre responsable d’une demande de protection internationale, des normes communes pour une procédure d’asile équitable et efficace, et le rapprochement des règles sur la reconnaissance et le contenu du statut de réfugié.

Or, en l’espèce, le statut de la protection subsidiaire lui accordé par les autorités belges en date du 2 décembre 2015 sera, d’après le demandeur, très probablement révoqué, Monsieur … rappelant que le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, ci-après désigné par « le CGRS », aurait été saisi par les autorités belges en date du 17 juillet 2019, tout en soutenant qu’il aurait implicitement renoncé à ce même statut en retournant dans son pays d’origine. Ainsi, et en cas d’exécution de la décision ministérielle litigieuse, il se verrait obligé de retourner au Luxembourg, pays « naturellement compétent » pour connaître de sa demande de protection internationale en application du règlement Dublin III, le demandeur soutenant à cet égard que le Luxembourg serait le premier Etat membre dans lequel il aurait déposé une demande de protection internationale après son départ de l’Irak en 2021.

Il estime ainsi que la « compétence naturelle » du Luxembourg d’examiner sa demande de protection internationale ne saurait être mise en échec du seul fait qu’il serait toujours bénéficiaire du statut de la protection subsidiaire en Belgique, le demandeur affirmant encore que le fait que ce statut ne lui aurait pas encore été retiré serait dû aux délais anormalement longs dans lesquels le CGRS traiterait de telles demandes de retrait. Or, il ne lui appartiendrait pas de subir les conséquences des lenteurs de traitement des demandes de révocation du statut de la protection subsidiaire par le CGRS, lenteurs qui seraient contraires aux objectifs de célérité inscrits au règlement Dublin III, de sorte que ce serait à tort que le ministre a fait application des dispositions visées à l’article 28 paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il y aurait lieu d’annuler la décision litigieuse.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne ; […] ».

5 Il ressort de cette disposition légale que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.

En l’espèce, il est constant en cause que Monsieur … est bénéficiaire d’une protection subsidiaire en Belgique depuis le 2 décembre 2015, cet état de fait ayant d’ailleurs été confirmé par les autorités belges dans un courrier adressé à leurs homologues luxembourgeois en date du 18 novembre 2021 et figurant au dossier administratif.

Face à ce constat, le ministre a a priori valablement pu déclarer irrecevable la demande de protection internationale du demandeur sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), précité de la loi du 18 décembre 2015.

Il convient ensuite de relever qu’à l’appui de son recours contre la décision ministérielle litigieuse, le demandeur ne fait pas état d’un quelconque risque d’atteintes graves au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH » ou de l’article 4 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne, ci-après dénommée « la Charte », en cas de retour en Belgique, mais se contente d’affirmer que l’exécution de cette même décision retarderait le traitement de sa demande de protection internationale au Luxembourg et serait ainsi contraire aux dispositions du règlement Dublin III, dont notamment à ses considérants (4) et (5), le demandeur affirmant en substance que dès la révocation de son statut de protection subsidiaire lui octroyé en Belgique, le Luxembourg devrait en tout état de cause examiner sa demande, pour être le pays compétent de cet examen d’après le règlement Dublin III.

En premier lieu, il convient de noter que s’il est vrai que le règlement Dublin III prévoit que tout Etat membre doit traiter toute demande de protection internationale introduite par un ressortissant de pays tiers, si d’après les critères et mécanismes de détermination y prévu il est responsable de l’examen de la demande, et ce avec célérité, ce même règlement ne s’oppose toutefois pas à la possibilité expressément consacrée par le législateur européen à l’article 33 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dite « directive Procédure », de ne pas vérifier si un demandeur de protection internationale remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable notamment quand une protection internationale lui a été accordée par un autre Etat membre.

Force est ensuite de constater que tout l’argumentaire du demandeur repose sur la prémisse que le statut de la protection subsidiaire lui accordé en Belgique va lui être retiré, de sorte que sa demande de protection internationale serait recevable et devrait être examinée par le Luxembourg.

Or, et s’il est certes constant en cause que les autorités belges ont saisi le CGRS en vue d’un retrait éventuel du statut de la protection subsidiaire lui accordé le 2 décembre 2015, il n’en reste pas moins qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur se serait effectivement vu retirer ce même statut, la procédure y afférente étant, d’après les explications non contestées de la partie étatique, toujours en cours, de sorte que son issue reste inconnue à ce jour. Par ailleurs, il convient de noter, à l’instar du délégué du 6 gouvernement, que même si le demandeur devait se voir retirer le statut de la protection subsidiaire en Belgique et que s’il devait estimer que ce retrait ne serait pas justifié, il lui appartiendrait dans ce cas de s’adresser aux autorités judiciaires belges afin de faire valoir ses droits, étant encore relevé à cet égard, qu’il n’est pas établi en cause, voire même allégué que le demandeur ne saurait avoir un recours adéquat et efficace devant les juridictions belges, voire que la Belgique ne respecterait pas le principe de non-refoulement.

Dans la mesure où le demandeur dispose dès lors toujours d’une protection internationale dans un autre Etat membre, il est malvenu de solliciter de nouveau une protection internationale au Luxembourg, de sorte que c’est à juste titre que le ministre a déclaré sa demande de protection internationale irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2) point a) de la loi du 18 décembre 2015, article qui reprend en substance les termes de l’article 33 de la directive Procédure.

Pour être tout à fait complet et même si dans le cadre du présent recours le demandeur n’a pas fait état d’autres moyens, il convient encore de noter, que dans le cadre de son entretien Dublin III, il a, par ailleurs, affirmé ne vouloir en aucun cas retourner en Belgique parce qu’il n’y aurait pas passé une « seule belle journée » et qu’il y aurait « tellement d’arabes », qu’on ne s’y croirait « même plus en Europe ». A cet égard, il échet de rappeler que le seul fait que les conditions de vie sont, aux yeux d’un demandeur de protection internationale, plus favorables dans l’Etat membre requérant que dans l’Etat membre lui ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale est, à défaut de toute violation alléguée de l’article 3 de la CEDH ou de l’article 4 de la Charte, sans conséquence sur la recevabilité d’une demande de protection internationale, alors qu’admettre le contraire, équivaudrait à permettre le « forum shopping » que le système européen d’asile tend justement à empêcher.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 février 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

7 s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 février 2022 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46846
Date de la décision : 08/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-02-08;46846 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award