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08/02/2022 | LUXEMBOURG | N°44043

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 février 2022, 44043


Tribunal administratif N° 44043 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2020 3e chambre Audience publique du 8 février 2022 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44043 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2020, par Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation

, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directe...

Tribunal administratif N° 44043 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2020 3e chambre Audience publique du 8 février 2022 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44043 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2020, par Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 octobre 2019, répertoriée sous le numéro …, portant rejet d’une réclamation introduite à l’encontre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2015, 2016 et 2017, émis le 6 mars 2019, et les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des mêmes années, émis le 27 février 2019 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 18 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique, erronément intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 septembre 2020 par Monsieur … préqualifié ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 novembre 2020, par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Brahim SAHKI, en remplacement de Maître Jean TONNAR, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives, à l’audience publique du 19 octobre 2021.

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Par courrier du 12 décembre 2018, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », s’adressa à Monsieur … comme suit :

« […] En exécution des paragraphes 170 et 205 de la loi générale des impôts je vous prie de bien vouloir me fournir les renseignements suivants :

1 ● Prière de me fournir le détail complet de votre bilan 2016 et 2017 (recettes/dépenses des années 2016 et 2017). Prière de me fournir également une copie de toutes les factures recettes et de toutes les factures dépenses année 2016 et 2017.

Veuillez m’envoyer les renseignements demandés pour le 28 décembre 2018 au plus tard. […] ».

Faute de réaction du concerné, le bureau d’imposition adressa, en date du 8 janvier 2019, un rappel à Monsieur ….

Par courrier du 25 janvier 2019, le préposé du bureau d’imposition informa Monsieur … de ce qu’en application du paragraphe 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », il envisageait de s’écarter sur différents points de la déclaration fiscale des années 2015 à 2017, au titre de la motivation suivante :

« […] ● À défaut de présentation d’une comptabilité en bonne et due forme pour les années 2015+2016+2017, les frais en relation avec votre activité commerciale sont taxés à 20% du revenu brut déclaré.

Année 2015 : revenu commercial brut déclaré :

…€ Frais 20% :

…€ Revenu imposable:

…€ Année 2016 : revenu commercial brut déclaré :

…€ Frais 20% :

…€ Revenu imposable …€ Année 2017: revenu commercial brut déclaré :

…€ Frais 20% :

…€ Revenu imposable:

…€ […] ».

Le 6 mars 2019, le bureau d’imposition émit à l’encontre de Monsieur …, les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 2015 à 2017 et le 27 février 2019, il émit encore les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal pour les mêmes années.

Par courrier du 26 avril 2019, Monsieur … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre desdits bulletins d’impôts.

Par courrier de mise en état du 5 août 2019, le directeur invita Monsieur … à « présenter les écritures comptables détaillées faites pendant les années 2015, 2016 et 2017 aux fins de l’établissement du résultat d’exploitation de son entreprise commerciale et à 2 produire l’ensemble des pièces et documents pouvant utilement servir à en justifier l’exactitude ».

Par décision du 21 octobre 2019, répertoriée sous le numéro …, le directeur déclara la réclamation lui soumise par Monsieur … en date du 26 avril 2019 recevable et partiellement fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 26 avril 2019 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2015, 2016 et 2017, émis le 6 mars 2019, et les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des mêmes années, émis le 27 février 2019 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 5 août 2019 et la réponse y relative du requérant, entrée le 19 août ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi, qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§238 AO), dans les forme (§249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d’imposition d’avoir réduit ses dépenses d’exploitation à une part de vingt pour cent des recettes déclarées ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Du bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 Considérant que le bulletin attaqué a fixé l’impôt commercial communal de l’année 2015 à 0 euro ; que d’après le § 232, alinéa 1er AO, un bulletin d’impôt ne peut être attaqué qu’au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l’impôt fixé à sa charge ou conteste son assujettissement ; qu’étant donné que l’impôt commercial communal de l’année 2015 a été fixé à 0 euro et que le réclamant ne prétend pas à la fixation d’une cote positive, la réclamation contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 est irrecevable pour défaut d’intérêt ;

3 Des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2015, 2016 et 2017 et des bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2016 et 2017 Considérant que, titulaire d’une autorisation d’établissement depuis le 21 mai 2014, le requérant prit en location un dépôt à … et s’établit marchand de vin à …, achetant les bouteilles aux caves et marchands en gros italiens pour les revendre au détail aux restaurants et à des particuliers au Luxembourg ; que depuis l’année 2017, il revend en outre des liqueurs et bières italiennes ; qu’outre son activité de commerçant, le requérant travailla encore comme serveur salarié au cours des années 2015, 2016 et 2017 ; que les déclarations pour l’établissement du bénéfice commercial et pour l’impôt commercial communal que remit le requérant au bureau d’imposition pour les années en cause, affichaient successivement des pertes, celle de l’année 2015 se chiffrant à … euros, celle de l’année 2016 à … euros et celle de l’année 2017 à … euros ; que ces pertes furent établies dans la rubrique réservée à l’établissement du bénéfice par comparaison des recettes et des dépenses, le requérant ayant déclaré précisément les montants suivants :

Recettes Prélèvements Dépenses Résultat Année 2015 … … … … Année 2016 … … … …* Année 2017 … … … … *à noter que le requérant a dû se tromper en qualifiant ce résultat de perte que ces déclarations par contre n’étaient accompagnées d’aucun détail concernant ces chiffres, le requérant n’y ayant joint ni bilan ni compte de profits et pertes, ni aucune autre pièce susceptible de justifier ou détailler ces montants ; qu’aussi, le bureau d’imposition demanda au réclamant, par un courrier du 12 décembre 2018, de justifier les déclarations faites en présentant ses comptes annuels ; qu’un rappel de ce courrier, envoyé au requérant le 8 janvier 2019 étant, tout comme la requête d’origine, resté sans réponse, le bureau rédigea un nouveau courrier, le 25 janvier 2019, répondant aux exigences du § 205, alinéa 3 AO et dans lequel il fit part au réclamant de son intention de réduire les dépenses déclarées à une quote-part de vingt pour cent des recettes ; que, le requérant étant de nouveau resté en défaut de réagir à ce courrier et de manifester des objections quelconques à son égard, le bureau d’imposition émit les bulletins en cause, respectivement les 27 février et 6 mars, établissant le bénéfice commercial des années en cause aux montants suivants :

Recettes Prélèvements Dépenses Résultat Année 2015 … … … … Année 2016 … … … … Année 2017 … … … … Considérant que ce n’est qu’après réception de ces bulletins que le requérant manifesta son désaccord quant aux bénéfices soumis à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial ; qu’à cet effet, il envoya au bureau d’imposition, en date du 12 mars, un 4 courrier demandant la rectification des bulletins émis ; qu’il lui fit encore parvenir un certain nombre de factures et pièces concernant les recettes et dépenses de l’année 2015 ;

que persuadé du refus du bureau d’imposition d’accéder à sa demande suite à un entretien personnel dans ses locaux, le requérant introduisit une première réclamation contre ces bulletins le 21 mars 2019, réclamation dont il se désista pourtant par la suite, le 6 avril, pensant de nouveau obtenir la rectification des bulletins en cause par le bureau d’imposition ; que ses démarches étant encore restées sans succès, il introduisit une nouvelle réclamation, le 26 avril 2019, à laquelle il joignit enfin, pour chaque année concernée, un compte de profits et pertes ainsi qu’un établissement détaillé de ses postes de recettes et dépenses ; qu’il résulte des comptes annuels, tels que présentés, les résultats d’exploitation suivants :

Recettes Prélèvements Dépenses Résultat Année 2015 … … … … Année 2016 … … … … Année 2017 … … … … que sur demande du directeur des contributions, adressée au requérant le 5 août 2019, celui-ci fournit encore à l’appui des données déclarées au niveau de sa réclamation, les pièces et documents ayant servi à l’établissement des résultats d’exploitation respectifs ;

que la vérification de ceux-ci a dégagé les résultats suivants :

Recettes Prélèvements Dépenses Résultat Année 2015 … … … … Année 2016 … … … … Année 2017 … … … … Considérant qu’en vertu de l’article 18, alinéa ter de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), le bénéfice est constitué par la différence entre l’actif net investi à la fin et l’actif net investi au début de l’exercice, augmenté des prélèvements personnels effectués pendant l’exercice et diminué des suppléments d’apport effectués pendant l’exercice ; que d’après l’alinéa 3 du même article, un règlement grand-ducal pourra, aux conditions et suivant les modalités qu’il prévoira, instituer un mode simplifié de détermination du bénéfice par comparaison des recettes et des dépenses d’exploitation ; que les alinéas 1er et 3 de l’article 18 L.I.R. définissent les principes d’une comptabilité d’engagement (alinéa 1er) et d’une comptabilité de caisse (alinéa 3), le règlement grand-ducal mentionné à l’alinéa 3 définissant de façon plus précise les conditions permettant la tenue d’une comptabilité simplifiée de comparaison des recettes et des dépenses (comptabilité de caisse) ;

Considérant que malgré les comptes, documents, pièces et données supplémentaires finalement fournis par le réclamant, les résultats d’exploitation des années 2015, 2016 et 2017 n’ont pu être établis de façon suffisamment correcte pour servir de base à l’établissement de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal ; que la vérification des recettes s’est notamment heurtée au fait que les factures établies par le requérant ne portent ni numéro courant ni autre signe distinctif permettant de distinguer des 5 factures établies le même jour à l’adresse d’un même client ou d’en vérifier la continuité et l’exhaustivité, de même que, le réclamant ayant additionné les sommes facturées au cours d’une année sans considération ni de la date de paiement ni même du paiement effectif alors que procédant de la sorte, il aurait dû respecter les consignes s’appliquant à une comptabilité d’engagement, notamment en tenant à part un compte enregistrant les créances et dettes relatives à la taxe sur la valeur ajoutée et des comptes de créances et de dettes envers clients et fournisseurs, ce qu’il ne fit pourtant pas ; que les stocks n’ont pas pu être vérifiés par rapport aux entrées et sorties de marchandises, le réclamant n’ayant pas dressé d’inventaire de fin d’année ; que suivant les factures d’achat et de vente présentées, le requérant avait en dépôt, au 31 décembre 2015, non moins de 4.122 bouteilles de vin, nombre augmenté à 5.389 au 31 décembre 2016 et à 13.701 au 31 décembre 2017, sans compter les bouteilles de bière et de liqueur dont il débuta le négoce au cours de l’année 2017 ; qu’aucun document faisant état des prélèvements personnels faits au fil du temps par le réclamant, les montants déclarés à ce titre au niveau de ses déclarations d’origine n’ont pu être vérifiés alors que, compte tenu du prix d’achat moyen des bouteilles, les prélèvements déclarés correspondent à plusieurs centaines de bouteilles par an, et que ces prélèvements n’ont, de plus, plus été mentionnés par la suite, ni au niveau de la requête d’origine, ni au niveau des comptes annuels produits; que seule une faible partie des factures de vente présentées portant des indications quant à leur date de paiement, il n’a pas non plus été possible de déterminer les créances du réclamant envers ses clients au 31 décembre 2017 ; qu’en conséquence, des données impérativement nécessaires à l’établissement et à la vérification du montant des recettes, tels le stock en fin d’année, les créances envers les clients, les dettes envers les fournisseurs et la continuité de la facturation faisant défaut, les doutes du bureau d’imposition au sujet de la véracité des montants déclarés n’ont pu être écartés par la vérification des comptes annuels et des documents fournis ; que l’application aux achats de vin du réclamant d’une marge moyenne de 185,84 pour cent dégagée des prix d’achat et de vente par bouteille facturés de part et d’autre, fait d’ailleurs augmenter les recettes d’exploitation de quelque vingt mille euros par an, prélèvements privés mis en compte selon les déclarations d’origine ;

Considérant qu’au sujet des dépenses dont le requérant a demandé la déduction en tant que dépenses d’exploitation, la vérification des données fournies n’a pas permis d’arriver à des conclusions différentes ; qu’ainsi, aux fins de l’établissement des charges d’exploitation, le requérant s’est contenté d’additionner factures et tickets de caisse, sans établir de lien avec les recettes réalisées ; que si les factures d’achats de marchandises, de stockage, de transport et de dédouanement se justifient par l’objet même de l’entreprise, il n’en est rien des tickets de caisse concernant des achats de carburant, des factures d’électricité ou de télécommunications du domicile du réclamant, des frais de déplacements, de voyage, de cadeaux et de représentation ;

Considérant qu’en vertu de l’article 45, alinéa 1er L.I.R., sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise ;

Considérant qu’en vertu de l’article 48, n°7 L.I.R., ne constituent pas des dépenses d’exploitation les dépenses énumérées à l’article 12 L.I.R. ; que suivant le n° 1 de ce dernier article, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille ;

6 Considérant qu’excepté les achats, les frais de transport et de dédouanement des marchandises et le loyer du dépôt qui, à part les dates de leur enregistrement comptable, ne sont pas mis en cause, le requérant a encore fait valoir les dépenses suivantes :

Année 2015 Année 2016 Année 2017 Frais de déplacement … … … Frais de représentation et cadeaux … … … Frais de bureau … … … Frais de télécommunication … … … Electricité … … … Sommes … … … Considérant que le réclamant s’est contenté de justifier les montants respectifs déclarés en présentant à l’appui de ceux-ci les factures et tickets de caisse conservés ; qu’il n’a pourtant pas su en mettre bon nombre en relation avec ses recettes d’exploitation ; qu’il n’a fourni, plus particulièrement, aucune explication au sujet de deux voyages, le premier en Grèce, le second en Espagne, au sujet de ses déplacements entre le dépôt de vin à … et ses clients, au sujet d’achats de parfums, vêtements, outils de cuisine, téléphones portables, ni au sujet de l’aménagement éventuel, à son domicile, d’un bureau de travail qui aurait pu justifier la déduction d’une quote-part des frais d’électricité ;

Considérant que le requérant a notamment demandé la déduction de ses frais de déplacement sans pourtant indiquer quelles distances il avait parcourues aux fins de l’exercice de son activité ; qu’il a encore demandé la déduction de frais d’électricité et de télécommunication sans aucune indication au sujet d’une quelconque répartition entre frais privés et frais professionnels ; qu’afin de lui permettre de justifier la déduction demandée, le directeur lui demanda ainsi de présenter toutes pièces comptables ayant servi à déterminer les bénéfices déclarés et pouvant établir la réalité et le bien fondé du montant des frais déclarés ; qu’en réponse à cette mesure d’instruction, le requérant remit une liasse de tickets de caisse de stations-service portant sur des achats d’essence et des factures portant sur des réparations de voiture, la fourniture d’électricité, le téléphone et des achats divers, sans lien apparent avec son activité ;

Considérant, en ce qui concerne les frais de déplacement déclarés, que le réclamant n’a ni fourni un carnet de route quelconque, ni un relevé retraçant les déplacements effectués en cours d’année, ni même un relevé portant sur les seuls trajets professionnels ou les distances parcourues dans le cadre de son activité ;

Considérant que s’il incombe en principe aux contribuables de fournir la preuve de la totalité des déplacements requise à des fins de détermination de la part de l’utilisation professionnelle au moyen notamment d’un carnet de bord, les contribuables doivent au moins, en l’absence de ce moyen de preuve, pouvoir présenter des annotations et autres pièces à l’appui pouvant être raisonnablement prises en considération pour étayer une quote-

part professionnelle justifiée ;

7 Considérant que les documents fournis par le requérant à l’appui de sa demande de déduction se limitent à des tickets de caisse dont il ne peut être déterminé à quels déplacements ils se rapportent précisément ; qu’il semble toutefois évident que le réclamant a lui-même livré à ses clients les bouteilles de vin commandées, puisqu’il n’a pas fait valoir de frais de livraison autres ; qu’il en est de même des frais de bureau, de télécommunication, d’électricité et de représentation qui, en dépit du défaut de justification ont nécessairement été dépensés, l’activité du requérant rendant nécessaires de telles dépenses ;

Considérant que suivant le § 217 AO, les éléments constitutifs de la base imposable sont à établir par voie de taxation au cas où il serait impossible de les déterminer de façon plus précise ; qu’en l’espèce, étant donné le peu de rigueur et de précision des enregistrements comptables effectués par le réclamant et l’impossibilité en résultant de vérifier de façon satisfaisante les données déclarées, aussi bien les recettes que les dépenses d’exploitation sont à fixer par voie de taxation ; que les frais de voiture liés à l’exercice de la profession du requérant, déductibles en tant que dépenses d’exploitation, sont évalués à un montant de … euros, le requérant s’étant déplacé régulièrement entre son dépôt et les locaux de ses clients ; que les frais d’électricité et de téléphone sont évalués, pour la quote-part en relation avec l’activité commerciale, à un montant de … euros tandis que les frais de représentation, dont le montant de … euros, déclaré pour l’année 2015, semble justifié, sont taxés à chaque fois … euros pour les années 2016 et 2017, les achats déclarés pour ces années-là n’ayant pu trouver une explication convaincante ; que les frais déclarés par rapport aux achats et aux frais de transport sont à redresser compte tenu des factures présentées ; qu’étant donné les nombreux doutes et incohérences constatés au niveau des recettes, celles-ci sont à déterminer par application de la marge moyenne déterminée par comparaison des prix de vente et d’achat par bouteille aux achats de marchandise ; qu’il en résulte les bénéfices redressés tels qu’établis ci-dessous :

Année 2015 Année 2016 Année 2017 Ventes (achats x 1,8584) … … … Achats … … … Frais/achats … … … Loyer du dépôt … … … Frais de voiture … … … Frais de bureau … … … Electricité et télécommunications … … … Frais de représentation … … … Bénéfices … … … Considérant que les redressements de l’impôt sur le revenu des années 2015, 2016 et 2017 et de l’impôt commercial communal des années 2016 et 2017 font l’objet des annexes qui constituent une partie intégrante de la présente décision ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

8 PAR CES MOTIFS dit la réclamation contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 irrecevable pour défaut d’intérêt, reçoit les réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2015, 2016 et 2017 et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2016 et 2017 en la forme, les dit partiellement fondées, réformant, ramène l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2015 à … euros, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, ramène l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2016 à … euros, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, ramène l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2017 à … euros, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, ramène l’impôt commercial communal dû pour les années 2016 et 2017 à 0 euro, renvoie au bureau d’imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues.[…] ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2020, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur précitée du 21 octobre 2019, répertoriée sous le numéro du rôle ….

En ce qui concerne la compétence d’attribution du tribunal de céans pour statuer sur le présent recours dirigé contre la décision directoriale du 21 octobre 2019, il résulte d’une lecture combinée des dispositions du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), 1.

de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, que celui-ci est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur le mérite d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision directoriale du 21 octobre 2019, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique exercer en tant qu’indépendant l’activité commerciale de marchand de vin italien, laquelle consisterait dans l’achat en gros de bouteilles pour les revendre, par la suite, au détail à des restaurateurs et particuliers, le demandeur affirmant encore disposer d’une autorisation d’établissement 9 depuis le 21 mars 2014. Il ajoute que depuis 2017, il vendrait non seulement du vin, mais également des liqueurs et des bières italiennes.

Monsieur … explique encore que cette activité commerciale ne serait qu’une activité accessoire, à laquelle il ne pourrait se consacrer qu’à temps partiel, dans la mesure où il occuperait également un emploi à plein temps, en tant que serveur dans un restaurant.

Il affirme ensuite avoir non seulement versé, à l’appui de ses déclarations d’impôts, l’ensemble des « détails sollicités » par le bureau d’imposition, mais avoir, en outre, remis ultérieurement des pièces supplémentaires à l’administration fiscale, telles que l’ensemble des factures d’achat et de vente, ainsi qu’un compte de profits et pertes et un « établissement détaillé de ses postes de recettes et de dépenses » concernant les années fiscales litigieuses.

Or, dans sa décision litigieuse, le directeur n’aurait pas tenu compte des pièces lui ainsi soumises et aurait, à tort, procédé à une taxation d’office.

En droit, et après s’être basé sur l’article 18, alinéa 1er de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR » pour expliquer la notion de bénéfice, le demandeur prend appui sur le paragraphe (3) du même article pour soutenir qu’en l’espèce, le bénéfice devrait être déterminé par le mode d’une comptabilité simplifiée de caisse par comparaison entre les recettes et les dépenses.

En affirmant ensuite que le directeur disposerait du pouvoir fiscal d’imposition et aurait l’obligation d’établir l’impôt en lieu et place du bureau d’imposition, tout en instruisant à charge et à décharge, le demandeur soutient qu’en l’espèce, seule une instruction à charge aurait été faite, alors que les montants des recettes et dépenses retenus dans la décision directoriale litigieuse ne correspondraient pas à sa situation financière réelle.

A cet égard, le demandeur conteste en premier lieu les montants retenus par le directeur en ce qui concerne les dépenses liées aux achats de vins et bières pour les années 2015 à 2017. Ce serait ainsi à tort que le directeur aurait retenu que les factures versées au dossier ne lui permettraient pas d’en vérifier la date de paiement, voir le paiement effectif, alors qu’il aurait versé des extraits bancaires qui permettraient de retracer les dates de paiement.

Quant à l’année fiscale 2015, le demandeur rappelle avoir déclaré des recettes à hauteur de …,- euros, recettes qui auraient, après la mise en état, été ramenées à …,- euros.

Le demandeur donne encore à considérer que pour déterminer les bénéfices de cette même année fiscale, le directeur aurait retenu le montant de …,- euros au niveau des ventes, montant que le demandeur estime toutefois totalement surfait. Il ajoute que le raisonnement du directeur pour aboutir à ce même montant serait « confus, voire arbitraire » alors que ce dernier se serait borné à appliquer une marge moyenne sans autre explication. Cette façon de procéder l’aurait mis dans l’impossibilité de comprendre, et a fortiori, de vérifier la marge moyenne ainsi retenue.

En ce qui concerne l’année fiscale 2016, le demandeur explique avoir déclaré le montant de …,- euros à titre de recettes. Après la mise en état et la vérification subséquente par les autorités fiscales, ce montant aurait, dans un premier temps, été augmenté à …,- euros, tandis que le directeur, pour déterminer le bénéfice réalisé au cours de cette même année, 10 aurait finalement retenu un montant de …,- euros au niveau des ventes, montant que le demandeur conteste pour être trop élevé.

Finalement, et en ce qui concerne l’année fiscale 2017, Monsieur … explique avoir déclaré le montant de …,- euros à titre de recettes, montant qui aurait, dans un premier temps et après la mise en état, été ramené à …,- euros, pour ensuite avoir été augmenté par le directeur à …,- euros, montant que le demandeur juge « exorbitant ».

En soutenant que cela aurait été à tort que le directeur a procédé à une taxation d’office et en insistant sur le fait que les montants finalement retenus à titre de recettes seraient non seulement erronés mais également exagérés, le demandeur conclut à la réformation de la décision directoriale litigieuse, sinon à l’annulation de celle-ci pour excès de pouvoir, erreur manifeste d’appréciation ou encore « insuffisance de motifs ».

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Avant tout progrès en cause, il convient de constater que le demandeur n’a pas remis en cause la conclusion du directeur selon laquelle il n’a pas d’intérêt à agir contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015, alors que l’impôt commercial communal de cette même année a été fixé à 0 euros, les contestations du demandeur se limitant en effet à la taxation d’office dont il a fait l’objet et dont il conteste tant le bien-fondé que l’exactitude, de sorte que l’analyse du tribunal se limitera à ce volet de la décision directoriale litigieuse.

En ce qui concerne d’abord le moyen de légalité externe tenant à une prétendue « insuffisance de motifs », moyen non autrement développé, de sorte à encourir en tout état de cause le rejet pour avoir été simplement suggéré, il convient, dans un seul souci d’exhaustivité encore de rappeler qu’il a été jugé qu’une décision directoriale statuant sur une réclamation n’est pas soumise à une exigence formelle de motivation complète dont le non-respect serait sanctionné par l’annulation de la décision, mais que l’obligation de motivation ne se conçoit à l’égard d’une décision directoriale qu’à travers le principe général du droit du respect des droits de la défense, en ce sens qu’il faut et il suffit que les motifs à la base de la décision aient existé à la date où elle a été prise et que le contribuable doit être en mesure de connaître la motivation d’une décision au plus tard au cours de la procédure contentieuse devant les juridictions administratives afin de pouvoir utilement préparer sa défense1.

Or, force est de constater que la décision déférée indique les éléments de fait et de droit ayant amené le directeur de procéder à une taxation d’office dans le chef du demandeur.

Etant donné que le demandeur a en outre été en mesure de prendre position quant à la motivation de la décision déférée, ce moyen laisse d’être fondé, étant relevé que le bien-fondé de ladite motivation fera objet d’une analyse ci-après.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse, force est d’abord de relever qu’il ressort tant des pièces versées en cause que des explications de part et d’autre 1 Cour adm., 5 juillet 2016, n° 36888C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1085 et les autres références y citées.

11 que le demandeur exerce, à côté de son activité salariale, l’activité de négoce de vins et d’autres alcools italiens, et que c’est dans le cadre de son activité commerciale qu’il a fait l’objet d’une taxation d’office dont il conteste non seulement le bien-fondé, mais également les montants retenus.

A cet égard, et en ce qui concerne le principe d’une taxation d’office, il convient d’abord de rappeler que conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible2, les cas d’ouverture d’une taxation d’office étant énumérés par le paragraphe 217 AO, libellé comme suit :

« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt3. Ainsi, en vertu du paragraphe 217 (2) AO, la taxation des revenus est possible si le contribuable ne peut pas fournir d’explications suffisantes à l’appui de ses déclarations ou si le contribuable devant effectuer une comptabilité ne peut pas présenter sa comptabilité ou si cette dernière est incomplète ou formellement ou matériellement incorrecte. Ainsi, le paragraphe 217 AO consacre le principe de la taxation d’office par voie d’estimation du bénéfice d’après les éléments et circonstances d’exploitation dans l’hypothèse d’une irrégularité au niveau de la comptabilité non clarifiée à suffisance de droit et de fait4. La taxation des revenus consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable ou approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique. Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération5.

Il est vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité. Au cas cependant où le contribuable mettrait le bureau d’imposition dans l’impossibilité de déterminer de manière 2 Trib. adm., 22 janvier 2015, n° 33372 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 907 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts n° 906 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 17 mai 1999, n° 10651 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 899 et les autres références y citées.

5 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts n° 907 et les autres références y citées.

12 exacte le revenu imposable, il est censé se contenter de cette approximation, qu’elle opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d’impôt établi par voie de taxation, respectivement par après devant les juridictions administratives au seul motif que la cote d’impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Il ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s’il rapporte la preuve que ses revenus s’écartent de manière significative des bases d’imposition fixées par le bulletin d’impôt6. Il s’ensuit que la charge de la preuve de l’inexactitude de la taxation incombe au demandeur, preuve dans le cadre de laquelle ses déclarations ne bénéficient en effet d’aucune présomption de véracité. Aussi, le contribuable qui veut renverser la présomption découlant d’une taxation d’office doit se ménager des preuves7.

C’est sur cette toile de fond que le tribunal procédera à l’examen de la décision directoriale lui déférée par rapport aux moyens développés par le demandeur, nonobstant le fait que le tribunal n’a pas vocation à procéder de sa propre initiative à l’examen de la situation fiscale du contribuable sur base du dossier fiscal afférent, mais uniquement à examiner le bien-fondé de la décision administrative lui soumise, le tribunal n’étant en effet pas appelé à faire œuvre d’administration par rapport à une situation générale donnée, mais à juger une décision administrative par rapport aux moyens lui opposés par un administré, quitte à réformer celle-ci en les points jugés illégaux ou erronés8.

En l’espèce, il convient en premier lieu de constater que le directeur a justifié sa décision de procéder à une taxation d’office par le fait que le demandeur est resté en défaut de verser l’ensemble des pièces impérativement nécessaires à la détermination de ses recettes ainsi que de ses dépenses d’exploitations, de sorte qu’il ne lui était pas possible de déterminer les bénéfices réalisés au cours des années fiscales litigieuses.

A cet égard, il convient plus particulièrement de relever qu’il ressort de la décision directoriale litigieuse que pour déterminer ses recettes, le demandeur s’est basé sur des factures ne portant ni numéro courant ni autre signe distinctif et s’est contenté d’additionner les sommes ainsi facturées, sans pour autant prendre en compte la date de paiement effective, laquelle n’a d’ailleurs été indiquée que sur une faible partie des factures figurant au dossier fiscal, voire même le paiement effectif de ces factures. Si le demandeur conteste certes qu’il aurait fait abstraction de la date et des paiements effectifs de ces mêmes factures, en arguant avoir versé les différents extraits bancaires afférents à ces mêmes factures, force est toutefois de constater que cette contestation reste à l’état de pure allégation, alors que le demandeur reste non seulement en défaut de verser une quelconque pièce en ce sens au tribunal de céans, mais qu’il ressort, par ailleurs, du dossier fiscal que les extraits bancaires versées y figurant ont trait aux dépenses du demandeur et non pas à ses recettes.

En procédant de la sorte, le demandeur n’a dès lors, et contrairement à ses affirmations, pas opté pour un système de comptabilité simplifiée de caisse, système dans lequel les recettes sont comptabilisées au moment de l’encaissement des produits, mais a opté pour une comptabilité d’engagement. Or, il ressort tant des conclusions du directeur telles 6 Trib. adm., 19 avril 2010, n° 26049 du rôle, conf. par Cour adm., 18 janvier 2011, n° 26959C du rôle, Pas.

adm. 2021, Vo Impôts, n° 912 et les autres références y citées.

7 Trib. adm., 23 octobre 2013, n° 30943 du rôle, Pas. adm. 2021, Vo Impôts, n° 912 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 22 janvier 2015, n° 33372 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts n° 915 et les autres références y citées.

13 que retenues dans la décision litigieuse, que du dossier fiscal que le demandeur n’a pas respecté les consignes d’une telle comptabilité d’engagement, le demandeur n’ayant en particulier pas tenu de compte enregistrant les créances et dettes relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ni de compte enregistrant les créances et dettes envers ses clients et fournisseurs. De même, il a omis de dresser un inventaire de fin d’année pour déterminer son stock et n’a versé aucun document reprenant ses prélèvements personnels.

En ce qui concerne les dépenses d’exploitation que le demandeur a fait valoir, et pour lesquelles il lui appartient de rapporter non seulement la preuve de leur existence matérielle, c’est-à-dire que ces mêmes dépenses ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore la preuve, de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie, force est de constater qu’il ressort de la décision directoriale sous analyse que le demandeur s’est contenté d’additionner les factures et tickets de caisse, sans pour autant établir, pour bon nombre d’entre eux, une quelconque relation avec ses recettes d’exploitation, le directeur ayant notamment retenu que si les factures d’achats de marchandises, de stockage, de transport et de dédouanement se justifient par l’objet même de l’entreprise, il n’en est toutefois rien des tickets de caisse concernant des achats de carburant, des factures d’électricité ou de télécommunications du domicile du demandeur, des frais de déplacements, de voyage, de cadeaux et de représentation. Ainsi, et à titre d’exemple le demandeur a entendu déduire des frais de voyage en Grèce et en Espagne, des frais relatifs à des achats de parfums, de vêtements, d’outils de cuisine, et de téléphone portables sans pour autant prouver que ces mêmes frais sont en lien direct avec son activité commerciale, tel qu’exigé par l’article 45 LIR. De même, il a déclaré des frais de déplacement sans pour autant fournir un quelconque carnet de route, voire un relevé retraçant ses trajets professionnels et les distances parcourues. Il convient encore de relever que dans le cadre du recours sous analyse, le demandeur est resté muet en ce qui concerne ses dépenses d’exploitations, ses développements se limitant en effet à ses seules recettes.

Il convient ensuite de relever que si le demandeur conteste certes cette taxation d’office tant en son principe qu’en ce qui concerne les montants retenus, il ne verse non seulement aucune pièce à l’appui de ses prétentions, le demandeur se contentant en effet de verser comme seule pièce une copie de la décision directoriale litigieuse, mais il reste, en outre, en défaut de faire valoir un quelconque moyen en droit ou en fait susceptible d’énerver la taxation critiquée. Plus particulièrement, le demandeur est resté en défaut d’énerver les constats relatifs à une comptabilité irrégulière et n’a apporté aucun élément concret au tribunal duquel il résulterait que les montants finalement retenus par le directeur en ce qui concerne ses recettes et ses dépenses d’exploitations seraient inexacts.

En effet, le demandeur ne fait que contester de manière non autrement circonstanciée les montants retenus à titre de recettes en rappelant les montants initialement déclarés par ses soins et conclure que les recettes finalement retenues seraient surfaites et en reprochant au directeur un « raisonnement confus ou arbitraire ». Or, de simples contestations générales, non autrement motivées en fait et en droit et non appuyées par une quelconque pièce versée en cause sont insuffisantes pour renverser la présomption découlant d’une taxation d’office.

Ainsi, et faute de toute pièce ou d’explication circonstanciée, le demandeur ne met pas valablement en cause la circonstance que son bénéfice a dû être établi par voie de taxation d’office justifiée notamment par le constat que la comptabilité versée en cause 14 n’était pas assez rigoureuse, respectivement que les pièces versées à son appui étaient insuffisantes pour pouvoir déterminer ses résultats d’exploitation.

Il s’ensuit que face à ces données manifestement insuffisantes dont disposait le directeur et face une comptabilité manquant de précision et de rigueur, ce dernier a valablement pu avoir recours à une taxation d’office en ce qui concerne les recettes et les dépenses d’exploitation du demandeur.

Faute de toute pièce et de tout moyen juridique pouvant laisser conclure à une erreur d’appréciation dans le chef du directeur en ce qui concerne les montants retenus à titre de recettes par application d’une marge moyenne déterminée par la comparaison des prix de vente et d’achat par bouteille aux achats de marchandises, le demandeur est également resté en défaut d’établir que la taxation s’écarterait de manière significative des bases d’imposition réelles, de sorte que le recours doit également encourir le rejet sur ce point, le demandeur s’étant, comme souligné ci-avant, contenté de rappeler les montants initialement déclarés à titre de recettes pour les années fiscales litigieuses et de qualifier les montants finalement retenus de surfaits sans toutefois avancer un quelconque moyen en fait ou en droit à l’appui de ses prétentions.

Il suit de ces considérations que le recours encourt le rejet en tous ses volets.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 février 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 février 2022 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 44043
Date de la décision : 08/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-02-08;44043 ?

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