La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2022 | LUXEMBOURG | N°46782

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2022, 46782


Tribunal administratif N° 46782 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2021 1re chambre Audience publique du 7 février 2022 Recours formé par Madame A, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46782 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2021 par Maître Shanez Aksil, avocat à la Co

ur, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A, née le … ...

Tribunal administratif N° 46782 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2021 1re chambre Audience publique du 7 février 2022 Recours formé par Madame A, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46782 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2021 par Maître Shanez Aksil, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A, née le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 novembre 2021 ayant déclaré sa demande de protection internationale irrecevable aux termes de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2022 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications de Maître Shanez Aksil et du délégué du gouvernement du 26 janvier 2022 suivant lesquelles ils marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 26 janvier 2022.

Le 30 octobre 2018, Madame A introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

1Les déclarations de Madame A sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée-

police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Les 14 et 15 mai 2019, Madame A fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 11 février 2020, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le 13 février 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame A que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le recours contentieux introduit par Madame A contre la prédite décision fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 8 mars 2021, inscrit sous le numéro 44283 du rôle, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 10 juin 2021, inscrit sous le numéro 45890C du rôle.

Le 12 octobre 2021, Madame A introduisit auprès du ministère une deuxième demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Ses déclarations sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 2 novembre 2021, Madame A fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Par décision du 24 novembre 2021, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre informa Madame A que sa nouvelle demande de protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre deuxième demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 12 octobre 2021 auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes.

Il ressort des éléments de votre dossier que vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg en date du 30 octobre 2018, qui a été refusée par décision ministérielle du 11 février 2020. Vous aviez invoqué à la base de cette demande que vous feriez partie de l'ethnie des Tikari, que vous seriez mariée, que vous auriez vécu avec votre famille à … au Cameroun et que vous auriez vendu des avocats au marché pour subvenir à vos besoins. Vous avez signalé que vous auriez quitté votre pays à deux reprises pour venir en vacances au Luxembourg, en 2016 et en 2017, afin de rendre visite à votre fille B, qui serait mariée depuis 2014 avec le dénommé C, aussi de nationalité camerounaise et résidant du Luxembourg. Lors de votre prétendue tentative de retour au Cameroun, le dernier jour de validité de votre visa valable du 25 octobre 2017 au 6 février 2018, vous auriez rencontré une personne de nationalité camerounaise à l'aéroport du Luxembourg qui vous aurait conseillé de ne pas retourner au Cameroun parce que la situation à … serait « very bad » (p.6/15 du rapport d'entretien). Vous auriez alors pris le train pour Paris et puis Metz, où vous avez 2introduit une demande de protection internationale en date du 6 juillet 2018, après y avoir séjourné clandestinement pendant plus de six mois. Le 26 octobre 2018, vous avez été transférée au Luxembourg sur base des dispositions du règlement Dublin III. Vous avez ajouté vouloir rester au Luxembourg pour y profiter des traitements médicaux alors que vous seriez atteinte de plusieurs maladies. Finalement vous avez mentionné le conflit entre les francophones et les anglophones qui existerait au Cameroun et les violences et meurtres commis dans ce contexte. A noter que vous aviez encore précisé sur votre fiche de motifs manuscrite avoir quitté le Cameroun à cause de la « guerre » mais dans l'idée d'y retourner après trois mois après que la situation s'y serait calmée.

Le 10 juin 2021, vous avez été définitivement déboutée de votre première demande de protection internationale par un arrêt de la Cour administrative (numéro 45890C du rôle), au motif que « Concernant tout d'abord la situation générale régnant au Cameroun, la Cour considère, à l'instar des premiers juges, que s'il se dégage certes des éléments d'appréciation soumis en cause que ce pays est actuellement affecté par une crise appelée « crise anglophone», il s'agit toutefois d'un conflit plutôt localisé, qui se limite principalement aux deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Dans ces deux régions, où vivent la majorité des anglophones du pays, l'armée et des groupes séparatistes s'affrontent quasi quotidiennement, causant des victimes parmi la population civile, mais il n'en ressort néanmoins pas que la situation générale serait telle que tout civil, du seul fait de sa présence sur le territoire camerounais, courrait un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves. Certes, les informations produites par l'appelante font état d'opérations militaires et d'exactions ainsi que d'actes terroristes sporadiques, toutefois, en l'état actuel, la Cour considère qu'elles ne permettent pas de conclure à l'existence dans ce pays d'une situation de violence aveugle dans le cadre d'un conflit armé interne ou international au sens de l'article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. Les premiers juges ont encore pointé à bon droit que la simple invocation de rapports ou d'articles de presse faisant état, de manière générale, de violations des droits de l'homme dans un pays, ne suffit pas à établir que tout ressortissant de ce pays encourt un risque d'être soumis à des persécutions ou des atteintes graves, mais il incombe au demandeur de démontrer qu'il a personnellement des raisons de craindre d'être persécuté ou de subir des atteintes graves au regard des informations disponibles sur son pays.

Or, si l'appelante affirme certes en instance appel qu'elle risquerait de se faire arrêter, en cas de retour dans son pays d'origine, par les forces de l'ordre camerounaises qui voudraient connaître l'endroit où se trouve son fils, qui se serait échappé d'un groupe d'Ambazoniens, cette crainte n'est sous-tendue par aucun élément concret permettant de déterminer si elle est exposée de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, à des menaces quant à sa vie ou sa liberté ou si elle risque d'être exposée à des atteintes graves, et reste partant à l'état de simple supposition. Ainsi, il n'est pas démontré dans le chef de l'appelante une crainte fondée de persécution pour les motifs énumérés à l'article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu'il existerait de sérieuses raisons de croire qu'elle encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015. Il suit de ce qui précède que c'est à bon droit que le ministre d'abord, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet. (…) Les développements ci-avant faits ayant mené au constat que les craintes invoquées par l'appelante de subir des persécutions sinon des atteintes graves au Cameroun ne sont pas fondées, le renvoi de l'intéressée vers son pays d'origine ne saurait logiquement emporter une atteinte au principe de non-refoulement, et notamment à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), ou au principe de précaution. Quant au moyen 3fondé sur l'article 8 de la CEDH, la Cour tient à rappeler que le juge administratif, dans le cadre de sa compétence lui attribuée par la loi du 18 décembre 2015, est appelé à se prononcer exclusivement sur l'existence, dans le chef d'un étranger, de raisons de craindre d'être persécuté dans son pays d'origine ou sur l'existence de motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de retour dans son pays d'origine, cette personne encourrait un risque réel 9 de subir des atteintes graves visées à l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015. Elle n'est pas habilitée à se prononcer, dans ce contexte, sur la question d'une éventuelle violation du droit au respect de la vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la CEDH, étant donné que cette question ne relève ni du champ d'application de la Convention de Genève, ni de celui de la loi du 18 décembre 2015. » Le 22 juillet 2021, vous avez été convoquée pour vous présenter dans les locaux de la Direction de l'immigration en vue de préparer votre retour au Cameroun, rendez-vous lors duquel vous vous êtes opposée à y retourner volontairement.

Le 31 août 2021, votre mandataire a envoyé une demande de report à l'éloignement sur base de la situation sécuritaire qui règnerait au Cameroun, demande qui a été refusée par décision ministérielle du 2 septembre 2021.

Le 12 octobre 2021, vous avez introduit une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg.

Madame, vous prétendez avoir introduit cette nouvelle demande de protection internationale parce que votre fils aurait par le passé été recruté de force par les « Amba fighters » mais qu'il aurait réussi à s'échapper vers la Chypre en 2019. Ainsi, vous ne pourriez plus retourner au Cameroun alors que cette milice serait toujours à la recherche de votre fils et du coup, toute la famille se trouverait « at risk ». Vous craindriez pareillement que l'armée ne vous « catch » parce que votre fils aurait combattu pour les « Amba fighters ». A cela s'ajoute que vous seriez originaire de …, une région qui ne serait pas sécurisée depuis 2016 et qui connaîtrait des affrontements entre l'armée et les « Amba boys », entraînant la mort de beaucoup de civils.

A l'appui de vos dires, vous présentez quatre photos qui montreraient des victimes de violences en rapport avec les affrontements entre l'armée et les « Amba boys », ainsi qu'une photo qui montrerait votre fils, D après qu'il aurait été recruté par les « Amba boys ».

Je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 28 (2) d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau relatifs à l'examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d'une protection internationale.

Je note dans ce contexte, que selon l'article 32 (4) « Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l'examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ».

4Avant tout autre développement, il y a lieu de constater que la sincérité de vos dires doit être mise en cause. En effet, hormis les constats soulevés dans le cadre de votre première demande de protection internationale relatifs à votre crédibilité, je constate cette fois-ci que la photo que vous avez décidé de verser en prétendant qu'il s'agirait de votre fils recruté de force par les «Amba boys », ne représente manifestement pas votre fils, alors qu'il s'agit d'une photo d'un combattant des «Amba boys » qui a commencé à circuler sur le net depuis 2020, tandis que vous prétendez que votre fils se serait échappé en direction de Chypre en 2019.

Votre fils a d'ailleurs publié des photos de lui tout au long de l'année 2019, de sorte qu'il y a évidemment lieu de se demander quand il aurait pu être recruté de force au cours de cette même année et « s'échapper » vers Chypre. Force est de constater que votre fils D, hormis le fait qu'il ne paraît nullement vivre une vie de « persécuté », ne ressemble en plus nullement à la personne représentée sur la photo que vous avez versée? Il est dès lors évident que vous avez tenté d'induire en erreur les autorités desquelles vous souhaitez vous faire octroyer une protection internationale.

Il échet en outre de constater, alors que vous-même auriez refusé de retourner au Cameroun en 2018 et préféré vivre clandestinement en France pendant des mois parce que la situation y aurait empiré et que toute votre famille, époux et enfants, auraient dû fuir votre région et se « cacher » (p. 3-5 du rapport d'entretien), que votre fille E y a pourtant encore passé en septembre 2018, à …, un concours pour le recrutement de contrôleurs-adjoints des régies financières. En février 2020, on pouvait lire qu'elle travaille et passe ses études universitaires à …: « E AKA Ee is born into a family of 9 as the 8th child of her parents, she is a native of Ndop (bamunkumbit) to be precise, she is single and has a strong passion for music.

She is a student and a business woman. Presently she studies as a level 300 student at the Higher Institute of Commerce and Management (HICM) Under the University of … in persuit of her Bachelor in Business Administration (BBA) in Accounting and Finance. She works as a Brand Ambassador for MTN Cameroon and is also involved in other businesses. She is a she is a singer, a song writer, she started singing at the age of 15 at her local church choir and was also a bible club choir leader at her secondary school …. In the year 2016, she joined the flames choir where she has served and is still serving »5.

Hormis votre fille E, au sujet de laquelle vous dites que « She also run, I don't know where she is » (p. 5 du rapport d'entretien des 14 et 15 mai 2019), alors qu'elle-même précise sur son compte de réseaux sociaux toujours vivre et travailler à … après y avoir passé ses études secondaires et universitaires, d'autres de vos enfants auraient continué à vivre à …, comme votre fils H, duquel vous prétendez qu'il aurait dû « run with his brother, all of them run » (p. 5 du rapport d'entretien des 14 et 15 mai 2019), alors qu'il aurait été âgé de … ans au moins, mais qui signale pourtant sur son compte de réseaux sociaux qu'il aurait étudié à la « University of … » après avoir terminé ses études secondaires, de nouveau à …. Votre fille F a par ailleurs encore été active comme chanteuse au Cameroun en 2020 de sorte qu'elle ne se cacherait donc manifestement pas non plus de qui que ce soit.

En effet, au vu de la présence de tous vos enfants sur les réseaux sociaux, il est d'ailleurs pareillement invraisemblable que vous ayez perdu tout contact avec vos enfants depuis que ces derniers auraient été obligés de fuir la « guerre », respectivement, de « run », « this thing has displaced them all », « Everybody is on his own hiding », «All of them run away from the war», « They run, (…) they are hiding », « He run with his brother, all of them run » (p. 3-5 du rapport d'entretien des 14 et 15 mai 2019).

5Ces constats contredisent manifestement vos déclarations en rapport avec le prétendu recrutement forcé dont aurait été victime votre fils, ainsi qu'avec votre famille et vos prétendues craintes en rapport à la possibilité de vivre dans la région de …. Elles ne permettent clairement pas non plus de retenir comme avérées vos allégations que toute votre famille vivrait désormais en cachette dans le risque et dans la crainte que les « Amba boys » ou l'armée ne les attrapent.

J'ajoute pour être complet au sujet de votre famille que votre fille B informe en outre sur les réseaux sociaux en mai 2021, qu'elle cherche une famille au Luxembourg qui serait disposée à accueillir sa soeur comme au pair» Au vu de tout ce qui précède, la véracité de vos motifs de fuite doit évidemment être réfutée et il s'ensuit que les éléments à la base de votre nouvelle demande de protection internationale ne sauraient pas être pris en compte de sorte que votre deuxième demande est à déclarer irrecevable.

Quand bien même la sincérité de vos dires devait être établie, ce qui n'est pas le cas, votre nouvelle demande de protection internationale serait toujours perçue comme étant irrecevable, pour les raisons suivantes.

Force est de constater que vous basez votre nouvelle demande de protection internationale sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre première demande. En effet, vous faites état de craintes liées à la situation sécuritaire dans la région de … et des civils qui seraient tués à cause des affrontements entre l'armée et les « Amba boys ». Ces craintes ont toutefois déjà été traitées et toisées dans le cadre de votre première demande de protection internationale et ne constituent donc pas des éléments nouveaux au sens de la loi susmentionnée.

Il en est de même du prétendu recrutement forcé dont aurait été victime votre fils vers 2019, avant qu'il n'ait pu s'échapper des « Amba boys » en direction de Chypre en 2019, ce qui vous ferait craindre que vous, respectivement, toute votre famille, seriez désormais également « at risk » de vous faire attraper par les « Amba boys ». En effet, je rappelle que votre mandataire avait déjà fait part de ces allégations dans le cadre de sa requête d'appel présentée devant la Cour administrative le 12 avril 2021, de sorte que ces motifs de fuite ont donc également déjà été traités et toisés lors de votre première demande de protection internationale.

Vos craintes en rapport avec la situation sécuritaire chez vous et en rapport avec le prétendu recrutement forcé, respectivement, la prétendue fuite de votre fils, ne constituent par conséquent manifestement pas des éléments nouveaux tels que prévus par l'article 32 précité.

Quant à vos prétendues craintes d'être « attrapée » par l'armée en cas d'un retour au Cameroun sur base du prétendu recrutement forcé de votre fils pour les « Amba boys », à supposer ces craintes comme étant avérées ce qui n'est pas le cas, force est de constater que vous n'étiez manifestement pas dans l'incapacité d'en faire part au cours de votre première demande de protection internationale, « y compris durant la phase contentieuse», comme prévu par la loi, qui a pris fin en date du 10 juin 2021. En effet, alors que vous prétendez avoir appris du prétendu recrutement forcé de votre fils et sa fuite vers Chypre vers 2019, vous auriez évidemment largement eu le temps de partager ces prétendues craintes concernant l'armée et le traitement que vous risqueriez en cas de retour, dans le cadre de votre première demande de protection internationale.

6De plus, vous êtes informée du fait que, conformément à l'article 9 de la loi modifiée du 18 décembre 2015, il est dérogé au droit de rester sur le territoire lorsqu'une personne n'a introduit une première demande ultérieure considérée comme irrecevable, qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision qui entraînerait son éloignement imminent du territoire. Il ressort de votre dossier qu'une décision de retour a été prise en date du 11 février 2020 et que vous avez été convoquée à la Direction de l'immigration le 22 juillet 2021, en vue de préparer votre retour au Cameroun, retour que vous avez refusé d'entamer. Le 31 août 2021, vous avez introduit une demande de report à l'éloignement qui a été refusée le 2 septembre 2021, de sorte que votre nouvelle demande de protection internationale doit être considérée comme introduite dans le seul but de retarder ou d'empêcher votre éloignement imminent du territoire. Par conséquent la prédite dérogation au droit de rester sur le territoire luxembourgeois s'applique dans votre chef.

Votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable au sens de l'article 28 (2) d). (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2021, Madame A a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 24 novembre 2021 par laquelle sa nouvelle demande en obtention de la protection internationale a été déclarée irrecevable.

Etant donné que la décision déférée déclare irrecevable la demande de protection internationale de Madame A sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et que l’article 35, paragraphe (3) de ladite loi, telle que modifiée par la loi du 16 juin 2021, prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base de l’article 28, paragraphe (2) de la même loi, seul un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse, après avoir rappelé les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, soutient que depuis le 1er octobre 2017, les conflits entre les communautés francophones et anglophones se seraient intensifiés en raison de la proclamation de l’« Ambazonie » par les séparatistes anglophones, dont la milice des « Ambaboys », de la région du Sud du Cameroun.

Elle précise que les « Ambaboys » recruteraient de force les jeunes anglophones pour rejoindre le mouvement afin de combattre les forces de l'ordre camerounaises, ce qui aurait, par ailleurs, été le cas de son fils G.

Madame A explique, en s’appuyant sur un article publié sur www.camerounweb.com en date du 29 avril 2019, intitulé « Alerte : intervention internationale urgente dans la guerre au Cameroun ! », selon lequel des centaines de villages auraient été incendiés, près d’un million d’enfants ne seraient pas scolarisés et « des dizaines de milliers d’autres se cache[raient] dans les buissons », que si elle devait retourner dans son pays d'origine, elle serait forcée de se cacher « dans les buissons », tel que son époux le ferait actuellement.

En effet, en raison des conflits actuels dans la région anglophone du Cameroun, se cacher constituerait l'unique solution pour les anglophones pour ne pas être brûlé dans leurs maisons. Madame A expose encore que son fils aurait pu s’échapper à la violence du groupe 7séparatiste en quittant le Cameroun et en introduisant une demande de protection internationale à Chypre en date du 3 décembre 2019. En cas de retour au Cameroun elle serait considérée comme la mère d’un combattant séparatiste et serait arrêtée dès son arrivée à l’aéroport et quel que soit la région où elle se rendra par la suite.

Même si elle n’était pas arrêtée, la menace d’être tuée en raison de son appartenance à la communauté anglophone resterait actuelle.

En droit, la demanderesse reproche au ministre d’avoir à tort déclaré irrecevable sa nouvelle demande de protection internationale, qui, en raison du fait qu’elle a été introduite postérieurement à la première demande, devrait être considérée comme demande ultérieure au sens de l'article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015. Elle expose que les éléments avancés dans le cadre de la nouvelle demande pourraient être qualifiés de nouveaux éléments, alors qu’ils seraient postérieurs à la décision ministérielle de rejet de sa demande initiale et à la procédure contentieuse afférente. Elle insiste dans ce contexte sur le fait qu’elle aurait ignoré jusqu’à la fin de la procédure contentieuse liée à sa première demande de protection internationale que les familles des « Ambaboys » étaient en danger et arrêtées.

Elle fait ensuite valoir que les faits nouveaux à la base de la seconde demande de protection internationale l’empêcheraient de retourner dans son pays d'origine en raison du fait qu’elle craindrait d’être arrêtée dès son arrivée dans son pays d'origine et d’être interrogée par les « Ambaboys » en raison du départ de son fils du Cameroun.

Madame A explique n’avoir commis aucune faute, alors qu’elle n’aurait pas volontairement omis de faire part de ces éléments dans le cadre de sa première demande de protection internationale, tout en insistant sur le fait que les motifs à la base des deux demandes de protection internationale seraient différents et qu’il n’y aurait, contrairement à l’affirmation du ministre, aucun doute sur la sincérité de ses dires, alors que son fils aurait réellement fait partie des « Ambaboys », ce qui serait documenté par une photographie versée en cause. Si le ministre affirme que cette photographie circulerait sur les réseaux sociaux depuis 2019, la demanderesse fait valoir que le fait que son fils afficherait sur ladite photographie son appartenance au « Ambaboys », consisterait en une ruse de sa part pour faire croire qu’il était intégré à ce groupe et qu’il partagerait leurs idées.

Quant à sa fille E, la demanderesse explique qu’elle prendrait des risques à rester dans cette région et que les tensions dans la région de … se seraient intensifiées depuis 2017, ce qui ressortirait, par ailleurs, d’un article et d’un rapport d'Amnesty International des 11, respectivement 12 juin 2018 dénonçant une violence meurtrière dans les régions anglophones.

Elle s’appuie encore sur un article d'Amnesty International du 6 février 2020, intitulé « Cameroon : Rise in killings in Anglophone regions ahead of parliamentary elections », documentant l'augmentation des meurtres dans les régions anglophones où les droits de l’Homme seraient régulièrement violés.

Si sa fille E avait décidé de faire ses études dans cette région, il n'en resterait pas moins qu'elle prendrait un risque important « et cela [ne serait] nullement imputable à la requérante qui [aurait ignoré] ce fait ».

Concernant son fils H, elle explique que ce dernier aurait menti sur son parcours dans son profil Facebook, alors qu'il n'aurait jamais étudié à l'université, mai qu’au contraire, il aurait 8arrêté ses études après le niveau primaire, tout en soulignant qu’il ne serait pas rare que les personnes mentent sur leur vie, respectivement leur niveau d'étude pour se valoriser sur les réseaux sociaux.

Elle en conclut que, peu importe ce que font ses enfants au Cameroun, ils seraient jeunes et insouciants et que cela ne changerait rien au fait que la situation dans son pays d’origine serait catastrophique.

Madame A conteste finalement avoir cherché à retarder ou empêcher l'exécution de la décision qui allait entraîner son éloignement à la suite de sa première demande de protection internationale et que ce serait, dès lors, à tort que le ministre avait fait application de l’article 9 de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que celle-ci serait à débouter de son recours.

L’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: (…) d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale (…) ».

Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).

(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.

(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. (…) ».

Il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure - c’est-à-dire une demande intervenant suite à une décision finale prise sur une 9demande antérieure émanant de la même personne -, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau par rapport à sa précédente demande. Saisi d’une demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir, (i) que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux par rapport à sa demande précédente, (ii) que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, (iii) qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

Le tribunal procède dès lors à l’analyse des éléments soumis en cause par la demanderesse afin de vérifier le caractère nouveau de ces éléments ainsi que leur susceptibilité d’augmenter de manière significative la probabilité qu’elle remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, le caractère nouveau des éléments avancés en cause s’analysant notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre de la précédente procédure laquelle doit, aux termes de l’article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, avoir fait l’objet d’une décision finale.

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que Madame A a présenté sa première demande de protection internationale le 30 octobre 2018 et qu’elle en a été définitivement déboutée par arrêt de la Cour administrative du 10 juin 2021. Madame A a alors déposé une deuxième demande de protection internationale le 12 octobre 2021, de sorte que la demande introduite ledit jour doit être considérée comme constituant chronologiquement une demande ultérieure au sens de l’article 32, paragraphe (1), précité.

S’agissant ensuite de la question de savoir si les éléments soumis par Madame A dans le cadre de sa nouvelle demande peuvent être qualifiés de nouveaux au sens des articles 28 et 32, précités, de la loi du 18 décembre 2015, il échet d’abord de souligner que sont à considérer comme nouveaux, au sens de l’article 32, précité, de la loi du 18 décembre 2015, des éléments qui sont postérieurs à la décision ministérielle de rejet de la demande initiale et à la procédure contentieuse afférente2.

Dans ce contexte, la demanderesse a indiqué, à l’appui de sa deuxième demande, (i) que la situation générale au Cameroun se serait encore dégradée depuis 2017 et (ii) qu’en raison du fait que son fils aurait quitté les rangs des « Ambaboys » pour se réfugier à Chypre, elle risquerait dorénavant de se faire arrêter au Cameroun ce d’autant plus que toute sa famille aurait quitté ….

2 Voir en ce sens trib. adm., 6 décembre 2006, n° 22137 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 91 et les autres références y citées et trib. adm., 28 décembre 2000, n° 15527 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 86 et les autres références y citées.

10Or, force est de constater que, indépendamment de la question de la crédibilité des affirmations de la demanderesse relatives au lieu de séjour de ses enfants, élément qui, en tout état de cause n’est pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité que la demanderesse remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, les motifs à la base de la deuxième demande de protection internationale ont déjà été soulevés lors de la procédure contentieuse relative à la première demande de protection internationale3 la demanderesse ayant, par ailleurs, soumis à l’appréciation de la Cour administrative les mêmes rapports que ceux actuellement versés en cause, à savoir les rapports d’Amnesty International du 11 juin 2018 et du 6 février 2020. Par rapport à des motifs la Cour administrative a définitivement retenu dans son arrêt du 10 juin 2021 que la « crise anglophone » resterait un conflit localisé se limitant principalement aux deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La Cour administrative a précisé que malgré les affrontements quasi quotidiens causant des victimes civiles, la situation générale ne serait pas telle que tout civil, du seul fait de sa présence sur le territoire camerounais, courrait un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves4 et que la crainte de se faire arrêter en raison du départ de son fils ne serait sous-tendue par aucun élément concret permettant de 3 « (…) L’appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir correctement évalué le bien-fondé de sa demande de protection internationale, faisant valoir qu’étant originaire de la ville de Bamenda, située dans une région anglophone du Cameroun, elle risquerait à ce titre de subir des persécutions ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine.

Elle précise qu’elle était bien retournée dans son pays d'origine en 2017, mais qu’à cette époque, la situation conflictuelle entre les communautés anglophone et francophone n’aurait pas été aussi grave qu’elle ne le serait actuellement. Son mari serait resté à Bamenda, mais y vivrait caché par peur d’être tué.

Elle se réfère à des rapports et articles de presse relatifs à la crise anglophone au Cameroun, et notamment à un rapport d’Amnesty International du 11 juin 2018 et du 6 février 2020, pour souligner que la crise se serait nettement aggravée à partir du 1er octobre 2017 lorsque les indépendantistes anglophones ont proclamé la région du Sud du Cameroun comme étant l’« Ambazonie ». Les séparatistes auraient mis en place une opération de verrouillage afin d’isoler les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du reste du pays. Pour ce faire, ils auraient obligé de jeunes anglophones à rejoindre leur mouvement pour combattre les forces armées camerounaises. Son fils aurait été ainsi contraint à rejoindre « The Ambazonia Military ». Il aurait cependant réussi à s’évader et aurait demandé l’asile en Chypre le 3 décembre 2019. Il serait évident que si elle devait retourner au Cameroun, elle serait arrêtée par les forces de l’ordre afin de lui soutirer des informations sur l’endroit où son fils se trouverait. (…) ». Cour adm. 10 juin 2021, n° 45890C du rôle, p. 6.

4 « (…) Concernant tout d’abord la situation générale régnant au Cameroun, la Cour considère, à l’instar des premiers juges, que s’il se dégage certes des éléments d’appréciation soumis en cause que ce pays est actuellement affecté par une crise appelée « crise anglophone », il s’agit toutefois d’un conflit plutôt localisé, qui se limite principalement aux deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Dans ces deux régions, où vivent la majorité des anglophones du pays, l’armée et des groupes séparatistes s’affrontent quasi quotidiennement, causant des victimes parmi la population civile, mais il n’en ressort néanmoins pas que la situation générale serait telle que tout civil, du seul fait de sa présence sur le territoire camerounais, courrait un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves.

Certes, les informations produites par l’appelante font état d’opérations militaires et d’exactions ainsi que d’actes terroristes sporadiques, toutefois, en l’état actuel, la Cour considère qu’elles ne permettent pas de conclure à l’existence dans ce pays d’une situation de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Les premiers juges ont encore pointé à bon droit que la simple invocation de rapports ou d’articles de presse faisant état, de manière générale, de violations des droits de l’homme dans un pays, ne suffit pas à établir que tout ressortissant de ce pays encourt un risque d’être soumis à des persécutions ou des atteintes graves, mais il incombe au demandeur de démontrer qu’il a personnellement des raisons de craindre d’être persécuté ou de subir des atteintes graves au regard des informations disponibles sur son pays. (…) », Cour adm. 10 juin 2021, n° 45890C du rôle, p.7.

11déterminer si elle est exposée de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, à des menaces quant à sa vie ou sa liberté ou si elle risque d’être exposée à des atteintes graves5.

Or, Madame A n’a soumis au ministre aucun élément nouveau, respectivement au tribunal, qui serait de nature à établir un risque dans son chef de tomber dans le collimateur des « Ambaboys », respectivement des autorités camerounaises en raison du départ de son fils à Chypre, fait d’ores et déjà invoqué à l’appui de sa première demande de protection internationale.

Partant, le tribunal est amené à constater que Madame A n’invoque pas des éléments ou des faits nouveaux par rapport à sa demande précédente.

Il en résulte que la demande de Madame A a valablement pu être déclarée irrecevable en application de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne le moyen de la demanderesse ayant trait à l’application par le ministre de la dérogation au droit de rester sur le territoire luxembourgeois sur le fondement de l’article 9 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de rappeler qu’aux termes de cet article « (1) Les demandeurs sont autorisés à rester au Grand-Duché de Luxembourg, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce qu’une décision du ministre soit intervenue. (2) Par exception au paragraphe (1), il est dérogé au droit de rester sur le territoire : a) lorsqu’une personne peut être livrée à ou extradée, le cas échéant, vers, soit un autre Etat membre de l’Union européenne en vertu des obligations découlant d’un mandat d’arrêt européen ou pour d’autres raisons, soit un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e); b) lorsqu’une personne n’a introduit une première demande ultérieure considérée comme irrecevable, qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision qui entraînerait son éloignement imminent du territoire; c) lorsqu’une personne présente une autre demande ultérieure de protection internationale à la suite de l’adoption d’une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable ou à la suite d’une décision finale rejetant cette demande comme infondée. (…) ».

Force est tout d’abord de constater que l’article 9 de la loi du 18 décembre 2015 n’a pas d’effet sur la légalité ou le bien-fondé de la décision d’irrecevabilité mais seulement sur la possibilité pour le demandeur qui se voit notifier une telle décision de se maintenir sur le territoire luxembourgeois.

5 « (…) Or, si l’appelante affirme certes en instance appel qu’elle risquerait de se faire arrêter, en cas de retour dans son pays d'origine, par les forces de l’ordre de camerounaises qui voudraient connaître l’endroit où se trouve son fils, qui se serait échappé d’un groupe d’Ambazoniens, cette crainte n’est sous-tendue par aucun élément concret permettant de déterminer si elle est exposée de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, à des menaces quant à sa vie ou sa liberté ou si elle risque d’être exposée à des atteintes graves, et reste partant à l’état de simple supposition.

Ainsi, il n’est pas démontré dans le chef de l’appelante une crainte fondée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’elle encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet.(…) », Cour adm. 10 juin 2021, n° 45890C du rôle, p.8.

12Il échet de rappeler, dans ce contexte, que l’ordre de quitter le territoire prononcé dans la décision du 11 février 2020 ayant déclaré la première demande de protection internationale de Madame A non fondé, est devenu définitif par l’arrêt de la Cour administrative du 10 juin 2021 et que cette dernière était dès lors dans l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois dans les 30 jours à partir du moment où la décision était devenue définitive.

Si l’article 9, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que les demandeurs de protection internationale sont autorisés à se maintenir sur le territoire luxembourgeois uniquement jusqu’à ce qu’une décision du ministre intervienne à l’égard de leur demande de protection internationale, et vise ainsi également les demandes de protection internationale introduites ultérieurement, le deuxième paragraphe dudit article 9 permet toutefois la dérogation à cette autorisation jusqu’à ce qu’une décision du ministre soit intervenue.

Or, une décision du ministre concernant la deuxième demande de protection internationale de Madame A est effectivement intervenue, à savoir celle du 24 novembre 2021 déclarant cette demande irrecevable, de sorte que la mention du ministre quant à l’application de la dérogation au droit de rester sur le territoire est superfétatoire.

Partant, le moyen tendant à l’annulation de ce volet de la décision est à rejeter pour être non fondé.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours formé par Madame A est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision du 24 novembre 2021 du ministre de l’Immigration et de l’Asile déclarant la demande de protection internationale de Madame A irrecevable ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 février 2022 par :

Annick Braun, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 février 2022 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46782
Date de la décision : 07/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-02-07;46782 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award