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02/02/2022 | LUXEMBOURG | N°45045

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2022, 45045


Tribunal administratif N° 45045 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2020 3e chambre Audience publique du 2 février 2022 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45045 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2020 par Maître Karine BICARD, avocat à la Cour, ins

crite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à B-...

Tribunal administratif N° 45045 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2020 3e chambre Audience publique du 2 février 2022 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45045 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2020 par Maître Karine BICARD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à B-…, ayant élu domicile en l’étude de Maître Karine BICARD, préqualifée, sise à L-4123 Esch-

sur-Alzette, 51, rue du Fossé, tendant à l’annulation dans le cadre de la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 avril 2017, ayant déclaré non fondée sa réclamation introduite le 20 mai 2015 à l’encontre d’un bulletin d’appel en garantie émis à son encontre en date du 26 mars 2015 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 23 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2021 par Maître Karine BICARD, préqualifiée, pour Monsieur …, préqualifié ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Karine BICARD du 13 décembre 2021 suivant laquelle celle-ci marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 janvier 2022.

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En date du 26 mars 2015, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») sur le fondement du paragraphe 118 de la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 (« Abgabenordnung », en abrégé 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1« AO »), à l’égard de Monsieur … en sa qualité de représentant légal de la société anonyme … SA, déclarée en faillite, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant total de …,- euros, en principal et intérêts, résultant de retenues d’impôt sur les traitements et salaires non réalisées pour l’année d’imposition 2012.

Par courrier recommandé daté au 5 mai 2015 et réceptionné le 20 mai 2015, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie du 26 mars 2015.

Par décision du 28 avril 2017, n° … du rôle, le directeur déclara la prédite réclamation recevable mais non fondée, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 20 mai 2015 par le sieur …, demeurant à B-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition … en date du 26 mars 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le § 119, alinéa 1 er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant co-débiteur solidaire de l'impôt sur les traitements et salaires de l'année 2012 au motif qu'il aurait, en sa qualité de représentant légal de la société anonyme …, en faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d'impôt sur les salaires, et dont la société était redevable ;

Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;

qu’aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;

Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe, constitué co-débiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ; que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;

Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le gérant responsable sur le 2fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre, quod non en l'espèce, étant donné qu'un autre bulletin d'appel en garantie a été émis à l'encontre du sieur …, le rendant ainsi codébiteur solidaire au sens du § 7 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ;

Considérant, matériellement, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l'administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;

Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ; que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;

Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l'administrateur délégué d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1 er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;

Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;

Considérant dans ce contexte, et notamment d'après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;

Considérant encore qu'en ce qui concerne la notion de l'inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné très récemment que :

3 1) « Dans la mesure où il n’est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n’ont pas été déposés dans le délai au RCS et que les déclarations fiscales n’ont pas non plus été déposées, ce qui contraint le bureau d’imposition à procéder par la voie de la taxation d'office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d'avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d'imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l'appelant, étant donné qu'en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu'il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d'impôt et que l'omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.

(…) Or, le fait pour l'appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d'impôt soient déposées en temps utile auprès de l'administration des Contributions directes, est à qualifier d'inexécution fautive des obligations du représentant d'une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l'égard des créances d'impôt visées dans le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l'argumentation de l'appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu'il est resté trop longtemps inactif et qu'il semblerait, d'après les éléments du dossier, qu'il n'est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :

2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d'une société à l'obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l'obligation des représentants d'une société de veiller au paiement des impôts dus (…).

La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.

En premier lieu il est erroné de limiter l'analyse sur l'obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d'avoir égard à l'ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l'impôt dû.

(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d'imposition est aux antipodes de l'attitude que l'on peut attendre d'une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d'administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.

(…) 4(…), il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (..,) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d'imposition et qu'il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause, » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C);

Considérant qu'il découle de tout ce qui précède que c'est à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, de sorte que la mise à charge des arriérés de la société anonyme … au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui concerne l'année en cause ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision directoriale, précitée, du 28 avril 2017.

Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale du 28 avril 2017, précitée, intervenue sur réclamation dirigée contre le bulletin d’appel en garantie dont Monsieur … a fait l’objet.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours sous analyse en arguant que la décision directoriale litigieuse aurait été régulièrement notifiée au demandeur à l’adresse indiquée dans le recours sous analyse et ce tant par courrier simple que par courrier recommandé, de sorte que le recours serait tardif.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … conclut au rejet du moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie étatique en affirmant que celle-ci resterait en défaut de prouver qu’elle lui a notifié ladite décision directoriale par lettre recommandée avec accusé de réception et qu’il aurait réceptionné cet envoi. A cet égard, il donne plus particulièrement à considérer que l’adresse figurant sur l’enveloppe d’envoi telle que versée en cause par la partie étatique serait barrée et que l’auteur de la signature qui figurerait sous la mention manuscrite y apposée, à savoir « par courrier normal en date du 22.05.2017 », serait inconnu.

5Il ajoute qu’il serait « logique » que l’adresse figurant sur l’enveloppe en question aurait été barrée, alors qu’à partir du 1er mars 2017, il aurait résidé à une autre adresse, à savoir à B-…, le demandeur se prévalant à l’appui de ses prétentions d’un contrat de bail conclu le 9 janvier 2017.

Il n’aurait dès lors pas pu avoir connaissance de la décision directoriale litigieuse.

Monsieur … ajoute qu’il ne serait également pas prouvé qu’il aurait été touché par l’envoi par courrier normal et il conclut que le recours sous analyse devrait être déclaré recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il ressort de l’article 8, paragraphe (3), point 4. de la loi du 7 novembre 1996 que le délai pour agir à l’encontre d’une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite à l’encontre d’un bulletin d’impôts, telle que la décision déférée, est de trois mois.

Aux termes du paragraphe 258 (2) AO, « Die Entscheidungen sind dem Steuerpflichtigen verschlossen zuzustellen. Der Minister der Finanzen kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».

La notion de « Zustellung » se trouve explicitée par le paragraphe 88 AO, qui s’applique aussi aux décisions directoriales sur réclamation.

Le paragraphe 88 AO dispose dans ses alinéas (1) à (3) que :

« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.

(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.

(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist ».

Il se dégage du paragraphe 88 AO que si la « Zustellung » doit, au vœu de son alinéa (1), en principe être opérée en conformité avec les dispositions de la « Zivilprozessordnung », renvoi qui doit être compris au Luxembourg comme visant le Nouveau Code de procédure civile (NCPC), il autorise à travers son alinéa (3) toute « Behörde » visée par ses dispositions, donc également le directeur en sa qualité de « Rechtsmittelbehörde » au sens des paragraphes 228 et suivants AO, à utiliser un mode simplifié de « Zustellung » par le biais de la notification par voie de « eingeschriebener Brief » dans tous les cas où la « Zustellung » est prescrite2, partant notamment pour une décision directoriale sur réclamation laquelle est « geschlossen zuzustellen » au prescrit du paragraphe 258 (2) AO3.

2 Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, ETUDES FISCALES n° 81- 85, n° 92, p. 66.

3 Trib. adm. 21 juin 2004, n° 17075 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 janvier 2005, n° 18477C du rôle, Pas.

adm. 2021, V° Impôts, n° 1086 et les autres références y citées.

6En vue de déterminer les formalités obligatoirement attachées à l’envoi d’un « eingeschriebener Brief », il convient de constater que la « Zustellung » au sens du paragraphe 88 AO s’analyse par essence en une remise actée entourée d’un certain formalisme, lequel est destiné à constituer une preuve de la réception de l’acte à notifier par son destinataire. L’originalité de l’alinéa (3) du paragraphe 88 AO par rapport à son alinéa (1) réside dans le fait que l’autorité est dispensée de l’obligation de s’aménager une preuve concrète de la prise de connaissance effective de l’acte par son destinataire et que l’autorité est seulement tenue de prouver la date à laquelle l’enveloppe contenant l’acte a été remise à la poste. En outre, la preuve concrète de la réception par le destinataire est remplacée par l’alinéa (3) en cas de notification par « eingeschriebener Brief » par une présomption juris tantum de réception au troisième jour après la remise à la poste.

Le paragraphe 88 (3) AO autorise ainsi les autorités visées à procéder à une notification par voie de lettre recommandée simple, un avis de réception n’étant, contrairement à ce semble affirmer le demandeur, point requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, la seule preuve à charge de l’autorité étant celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée4.

Il s’ensuit que c’est à tort que le demandeur fait plaider qu’il appartiendrait à la partie étatique de prouver qu’il a eu une connaissance effective de la décision directoriale litigieuse.

Force est de constater que suivant le récépissé de dépôt d’un envoi recommandé figurant au dossier contentieux, le courrier portant notification de la décision déférée a été expédié au demandeur en date du 2 mai 2017 à l’adresse B-….

Si le demandeur conteste certes, dans le cadre de ses développements, avoir été domicilié à ladite adresse, en se basant sur une copie d’un contrat de bail conclu le 9 janvier 2017, pour affirmer que son adresse « de l’époque » aurait été B-…, force est toutefois de relever qu’une simple copie d’un contrat de bail ne saurait établir à l’exclusion de tout doute que le demandeur résidait à l’époque de l’envoi litigieux, effectivement à l’adresse y indiquée, ce dernier restant en effet en défaut de corroborer ses affirmations par un quelconque document officiel, tel qu’un certificat de changement de résidence par exemple.

A cela s’ajoute que dans la requête introductive d’instance du 30 septembre 2020, de même que dans le mémoire en réplique, le demandeur a précisé résider à l’adresse figurant sur l’enveloppe d’envoi de la décision directoriale litigieuse, ces deux actes de procédure précisant en effet que le recours sous analyse est introduit au nom de « Monsieur …, directeur de société, demeurant …, B-… ». Il convient encore de noter que bien qu’ayant été rendu attentif, dans le cadre du mémoire en réponse de la partie étatique, à ces contradictions apparentes en ce qui concerne les indications relatives à son adresse, le demandeur n’a pas jugé utile de fournir une quelconque explication à cet égard, mais s’est contenté de contester toute notification effective de la décision directoriale litigieuse.

Il s’ensuit que l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait résidé à une autre adresse à l’époque de l’envoi de la décision directoriale litigieuse, faute d’être corroborée par une quelconque pièce officielle qui serait susceptible de témoigner d’un déménagement éventuel qui aurait eu lieu entre la prédite notification et la date d’introduction du recours 4 Ibidem.

7sous analyse, ne saurait emporter la conviction du tribunal et doit être rejeté pour rester à l’état de pure allégation.

Cette conclusion s’impose d’autant plus qu’il ressort en outre des pièces versées en cause par la partie étatique, et plus particulièrement du registre national des personnes physiques que ce dernier demeure bien à l’adresse figurant sur l’enveloppe d’envoi soumise à l’appréciation du tribunal, et ce depuis le 14 novembre 2011.

S’il est, par ailleurs, vrai qu’il se dégage encore des indications figurant sur l’enveloppe d’envoi de la décision directoriale litigieuse que ce même envoi recommandé a été retourné à son expéditeur pour ne pas avoir été réclamé par son destinataire, le tribunal relève toutefois qu’au-delà du fait que c’est la remise du courrier recommandé à la poste qui, aux termes du paragraphe 88 (3) AO, est décisif pour déterminer le point de départ du délai de recours, le fait qu’un administré ne retire pas une lettre recommandée envoyée par l’administration fiscale, n’enlève pas à cette correspondance le caractère de notification régulièrement effectuée, dans la mesure où, tel que retenu ci-avant, la notification a été faite à l’adresse à laquelle le demandeur indique lui-même avoir son domicile.

Il s’ensuit que, dans ces conditions, la notification doit être regardée comme régulière, de sorte que le délai de recours a commencé à courir à partir du troisième jour de la remise du courrier recommandé à la poste, à savoir, en l’espèce, le 5 mai 2017, pour expirer le 7 août 2017, le 5 août 2017 ayant été un samedi.

Il s’ensuit que le recours, déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2020, c’est-à-dire plus de 3 ans après l’expiration du délai de recours prévisé de 3 mois, a été introduit en dehors du délai légal, de sorte qu’il est irrecevable ratione temporis.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500,- euros, formulée par Monsieur … sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives encourt le rejet pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation irrecevable, partant le rejette ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 février 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, 8en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 février 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45045
Date de la décision : 02/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-02-02;45045 ?

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