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31/01/2022 | LUXEMBOURG | N°45036

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 janvier 2022, 45036


Tribunal administratif N°45036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 septembre 2020 1re chambre Audience publique du 31 janvier 2022 Recours formé par Madame … et consort, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kayl, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 45036 du rôle et déposée le 28 septembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Sophie Pierini, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … et de Monsieur …, demeurant ensemble à

L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Kayl du 29 ...

Tribunal administratif N°45036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 septembre 2020 1re chambre Audience publique du 31 janvier 2022 Recours formé par Madame … et consort, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kayl, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 45036 du rôle et déposée le 28 septembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Sophie Pierini, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … et de Monsieur …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Kayl du 29 juin 2020 portant refus d’une demande d’autorisation de construire n° … introduite en date du 24 juin 2020 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly Ferreira Simoes, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant tous deux à Luxembourg, du 7 octobre 2020, portant signification de ladite requête introductive d’instance à la commune de Kayl, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie et ayant sa maison communale à L-3674 Kayl, 4, rue de l’Hôtel de Ville ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2020 par Maître Albert Rodesch, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la commune de Kayl, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2021 par Maître Albert Rodesch, au nom de la commune de Kayl, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les courriers électroniques de Maître Sophie Pierini et de Maître Albert Rodesch du 28 décembre 2021, respectivement du 3 janvier 2022 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de leur présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 19 janvier 2022.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

Il se dégage des explications concordantes des parties à l’instance ainsi que des pièces versées en cause que Madame … et Monsieur …, ci-après désignés par « les consorts … », sont propriétaires d’un fonds, sis à L-…, inscrit au cadastre dans la commune de Kayl, section … de Tétange, sous le numéro ….

En date du 24 juin 2020, les consorts … introduisirent une demande d’autorisation de bâtir en vue de la construction d’un garage, de l’accomplissement de travaux de transformations au niveau de l’immeuble, de la mise en place d’un échafaudage pour procéder au renouvellement de la façade, de la construction d’un grillage sur le pourtour du terrain ainsi que de la construction d’un abri de jardin.

En date du 29 juin 2020, le bourgmestre de la commune de Kayl, ci-après désigné par « le bourgmestre », refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« (…) Par la présente, nous avons le regret de vous informer que votre demande d’autorisation n’a pas trouvé l’accord du bourgmestre de la commune de Kayl, étant donné qu’elle n’est pas conforme à l’article suivant / aux articles suivants de la règlementation actuelle en vigueur :

Plan d'aménagement particulier Quartier existant — partie écrite Art. 26 Dépendances (2) Implantation au niveau du recul latéral:

b) Au niveau des maisons unifamiliales, la construction d'un garage ou d'un car-port dans le passage latéral peut être autorisée sur un côté seulement de la parcelle. Il aura une surface au sol de maximum 25m2 et ne pourra pas dépasser la façade arrière de la construction principale. L'espace entre l'entrée du garage et la limite du domaine public doit être au minimum 5 m.

(3) Implantation au niveau du recul postérieur Les dépendances, sauf les garages et les car-ports, sont autorisées au niveau du recul postérieur.

Au niveau des maisons unifamiliales, elles ne peuvent pas dépasser ensemble une surface construite brute totale de 25 m2.

Le recul des dépendances aux limites de parcelle est de 1m au minimum. L'espace libre entre la dépendance et la construction principale, annexes incluses, doit être de 3 m au minimum.

Emplacements Art. 33 de stationnement (3) Des emplacements de stationnement en surface peuvent se situer :

c) Au niveau du recul avant ou latéral pour les maisons unifamiliales. Elles sont interdites au niveau du recul postérieur. L'accès pour voitures à la voie publique est limité soit à maximum 5 m continus, soit à deux fois 3 m. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 septembre 2020, les consorts … ont introduit un recours en annulation contre la décision de refus du 29 juin 2020 du bourgmestre en réponse à leur demande en autorisation de construire introduite en date du 24 juin 2020.

Quant à la recevabilité du recours Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit.

La commune de Kayl soulève l’irrecevabilité du recours dans le chef de Madame … pour défaut d’intérêt à agir, dans la mesure où la demande en autorisation de construire aurait été introduite au seul nom de Monsieur …, de sorte que Madame … ne serait pas le destinataire de la décision de refus litigieuse.

Les consorts … n’ont pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité ni à travers un mémoire en réplique ni en soumettant au tribunal des observations écrites avant l’audience des plaidoiries du 19 janvier 2022 à laquelle il ne se sont pas présentés en respect de l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale.

S’agissant de l’intérêt à agir de Madame …, le tribunal rappelle de prime abord qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque. Force est de constater qu’il n’est certes pas contesté que Madame … n’a ni introduit la demande d’autorisation de construire litigieuse ni n’a-t-elle été le destinataire du refus du bourgmestre du 29 juin 2020. Il n’en reste toutefois pas moins qu’il ressort du relevé parcellaire versé en cause qu’elle est, ensemble avec Monsieur …, propriétaire de la parcelle litigieuse, de sorte qu’en qualité de propriétaire du terrain sur lequel les travaux litigieux sont envisagés, elle doit être considérée comme ayant intérêt à agir, ensemble avec Monsieur …, à l’encontre de la décision du bourgmestre refusant de faire droit à l’autorisation de construire introduite par ce dernier.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité est à rejeter et que le recours qui a été, par ailleurs, introduit selon les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond Quant au fond, les consorts … concluent d’abord à une violation de l'article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », en soutenant que si la question de la conception concrète, de l'aménagement et de l'urbanisation éventuelle d'un quartier relevait d'un choix purement politique et échappait en tant que tel au pouvoir de contrôle des juridictions administratives, celles-ci seraient néanmoins appelées à vérifier si les décisions prises dans ce contexte répondaient à un objectif d'intérêt général, si elles respectaient les conditions légales imposées notamment par l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et si elles n’étaient pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Ils font valoir que l'intérêt général commanderait de tenir compte des caractéristiques concrètes de la surface concernée du territoire et notamment du tissu urbain existant. Or, si le bourgmestre a refusé leur demande d’autorisation de construire au motif que les marges de reculement prescrites par le plan d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après désigné par « PAP QE », ne seraient pas respectées et que les stationnements seraient interdits en partie arrière, il y aurait cependant lieu de constater qu’en date du 27 juillet 2017, il aurait autorisé la construction d'un garage en limite de propriété sur un autre terrain, à savoir au … et qu’au moins six habitations dans la même rue disposeraient d'un garage en limite de propriété, ce qui serait certes contraire aux dispositions du PAP QE de la commune de Kayl mais conforme à l'intérêt général des habitants de ce quartier.

Les demandeurs donnent encore à considérer à cet égard qu’il existerait une voie de circulation qui ne serait pas « légalement répertoriée » à l'arrière de toutes les habitations situées à gauche de la rue …, voie qui aurait été créée sur la parcelle inscrite au cadastre sous le numéro … appartenant à la commune de Kayl et qui desservirait plusieurs garages et aires de stationnement privatifs.

Le refus de leur demande tendant à une autorisation de construire les obligerait à garer leur véhicule, soit sur la voie publique ce qui serait cependant impossible en raison de la faible largeur de cette rue, soit sur la parcelle numéro … sur laquelle le stationnement serait interdit.

Dans la mesure où la commune devrait veiller tant à la conservation de l'esthétique urbaine qu'au développement rationnel de ses agglomérations, la décision de refus violerait les dispositions de l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004.

Ils concluent ensuite à une violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique en précisant qu’ils auraient introduit leur demande d’autorisation de construire avec l’espoir légitime de se voir accorder une autorisation, alors que les habitations voisines seraient pourvues de garages en limite de propriété et d'emplacements de parking ne respectant pas les marges de reculement du PAP QE et que la construction d'un garage en limite de propriété aurait été autorisée en juillet 2017 à un habitant du quartier. Il y aurait dès lors lieu de retenir que le refus leur opposé par le bourgmestre ne serait pas conforme à son attitude suivie par le passé et violerait partant les principes généraux du droit susvisés.

Les demandeurs invoquent ensuite une violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi prévu à l'article 10bis de la Constitution en précisant que leur situation et celle de leurs voisins seraient suffisamment comparables pour que le principe de l'égalité constitutionnelle puisse s’appliquer.

L’administration communale de Kayl conclut au rejet du recours.

Il convient à titre liminaire de délimiter le champ de compétence du bourgmestre lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire.

Aux termes de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 « (…) L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. (…) ».

Il échet de rappeler qu’une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre - de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires applicables2 (plan d’aménagement général, plans d’aménagement particulier « quartier existant » et « nouveau quartier » et règlement sur les bâtisses). En effet, la finalité première d’une autorisation de construire 2 Trib. adm. 6 octobre 2008, n° 23416 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Urbanisme, n° 796 et les autres références y citées.

consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et, par principe, le propriétaire peut faire tout ce qui ne lui est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir3. Dans ce contexte, le bourgmestre ne dispose par ailleurs d’un pouvoir d’appréciation que pour autant que la réglementation urbanistique lui laisse une telle marge d’appréciation.

Il convient ensuite de relever que le contrôle, par le tribunal, de l’exercice de ses compétences par le bourgmestre s’inscrit dans le cadre d’un recours en annulation. Ainsi, saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité4.

C’est sur cette toile de fond que le recours sous analyse sera examiné.

Il échet d’abord de constater que la décision de refus litigieuse est basée sur les articles 26 et 33 de la partie écrite du PAP QE de la commune de Kayl. Aux termes de ces dispositions :

« Art. 26 Dépendances (…) 2) Implantation au niveau du recul latéral:

(…) b) Au niveau des maisons unifamiliales, la construction d'un garage ou d'un car-port dans le passage latéral peut être autorisée sur un côté seulement de la parcelle. Il aura une 3 Voir en ce sens : Ph. VANDEN BORRE, « Les permis de bâtir, de lotir, les certificats d’urbanisme et les sanctions », in : Le droit de la construction et de l’urbanisme, Ed.du jeune Barreau, Bruxelles, 1976, p.219, ainsi que trib. adm. 24 novembre 2014, n° 33379, disponible sous www.ja.etat.lu.

4 Cour adm. 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 52 et les autres références y citées..

surface au sol de maximum 25m2 et ne pourra pas dépasser la façade arrière de la construction principale. L'espace entre l'entrée du garage et la limite du domaine public doit être au minimum 5 m.

3) Implantation au niveau du recul postérieur :

Les dépendances, sauf les garages et les car-ports, sont autorisées au niveau du recul postérieur.

Au niveau des maisons unifamiliales, elles ne peuvent pas dépasser ensemble une surface construite brute totale de25 m2.

(…) Le recul des dépendances aux limites de parcelle est de 1m au minimum. L'espace libre entre la dépendance et la construction principale, annexes incluses, doit être de 3 m au minimum.

(…) Art. 33 Emplacements de stationnement (…) (4) Des emplacements de stationnement en surface peuvent se situer :

(…) c) Au niveau du recul avant ou latéral pour les maisons unifamiliales. Elles sont interdites au niveau du recul postérieur. L'accès pour voitures à la voie publique est limité soit à maximum 5 m continus, soit à deux fois 3 m. (…) ».

En l’espèce, il échet de constater, que les consorts … ne contestent ni l’application des dispositions des articles 26 et 33 de la partie écrite du PAP QE ni que leur projet ne respecte pas lesdites dispositions.

Ainsi, force est au tribunal de relever, tel que souligné par la commune dans son mémoire en réponse, que le bourgmestre a pu retenir, en se basant sur les dispositions de la partie écrite du PAP QE précitées, que les aménagements projetés par les consorts … ne respectent pas une distance d’au moins 5 mètres entre l’entrée du garage et la limite du domaine public, que le recul postérieur des dépendances par rapport à la limite de la parcelle n’est pas d’un mètre au minimum et que les emplacements de stationnement en surface sont interdites au niveau du recul postérieur.

Le bourgmestre a partant valablement pu refuser la demande d’autorisation soumise par Monsieur … sur base du seul constat de la non-conformité des aménagements projetés à la réglementation urbanistique précitée.

Dans ce contexte, les demandeurs ne sont pas fondés à reprocher au bourgmestre en substance une erreur d’appréciation. En effet, tel que cela a été relevé ci-avant, le bourgmestre doit refuser l’autorisation pour des travaux qui ne sont pas conformes à la règlementation urbanistique, le bourgmestre ayant une compétence liée en la matière, de sorte qu’il n’avait pas à apprécier « des caractéristiques concrètes de la surface concernée du territoire », en prenant en compte la présence de constructions ne respectant pas les dispositions précitées du PAP QE sur les parcelles avoisinantes, tel que cela a été soutenu par les demandeurs, le seul constat que la réglementation urbanistique interdit que l'espace entre l'entrée du garage et la limite du domaine public soit inférieur à 5 mètres ainsi que le recul des dépendances aux limites de parcelle soit inférieur à 1 mètre et exclut des emplacements de stationnement dans le recul postérieur étant suffisant pour obliger le bourgmestre à refuser l’autorisation litigieuse.

Il s’ensuit que le bourgmestre en refusant la demande de Monsieur … n’a pas commis une erreur d’appréciation.

En ce qui concerne le moyen ayant trait à une violation par le bourgmestre de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, il échet de constater qu’aux termes de cet article « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

Il résulte de la disposition légale qui précède que le législateur a confié une mission générale aux communes consistant à veiller au respect de l’intérêt général de leurs habitants, cet intérêt général se traduisant en ce qui concerne l’aménagement communal et le développement urbain, par une mise en valeur harmonieuse, ainsi que par un développement durable de toutes les parties du territoire communal, ces considérations devant en l’occurrence guider le pouvoir règlementaire communal lors de l’adoption de la règlementation urbanistique.

Or, si la mise en valeur harmonieuse et le développement durable visés au prédit article 2 constituent certes des objectifs de la loi sur l’aménagement communal et le développement urbain, ils ne sauraient cependant constituer, à défaut de concrétisation par voie réglementaire, des critères per se auxquels chaque construction, considérée isolément, doit répondre pour pouvoir être autorisée5, respectivement ne sauraient justifier l’octroi d’une autorisation de construire d’un projet qui est contraire aux dispositions urbanistiques applicables.

Il échet de constater que l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 précité ne fixe aucun critère technique objectif susceptible de permettre au bourgmestre de justifier le refus, 5 Voir par analogie Trib. adm. 10 mars 2010 n°25763 et 25780 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etablissements classés, n°91 et les autres références y citées, trib. adm. 15 juillet 2013, n° 31052 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

respectivement la délivrance d’une autorisation de construire, mais se borne à arrêter des lignes de conduite vagues et générales, telles que l’utilisation rationnelle du sol ou encore le développement harmonieux des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités et que de telles directives imprécises impliquent - à défaut de concrétisation par voie règlementaire - d’office une interprétation nécessairement subjective du bourgmestre6.

Or, dans la mesure où le bourgmestre a une compétence liée en la matière consistant à vérifier la demande par rapport aux dispositions urbanistiques applicables en évitant de se livrer à une telle interprétation subjective, il n’a pas, en refusant la demande d’autorisation de construire litigieuse, violé l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

S’agissant du moyen ayant trait à une violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, il appartient au tribunal de rappeler que du principe de bonne administration découlent notamment le principe de sécurité juridique ainsi que son corollaire, le principe de confiance légitime. Le principe de sécurité juridique impose la clarté et la précision des règles de droit et des actes individuels qui constituent, à un certain moment, le cadre juridique dans lequel les autorités exercent leurs compétences et les administrés leurs activités. Autrement dit, il s'agit de la possibilité reconnue à tout administré d'évoluer dans un environnement juridique à l'abri des aléas et des revirements affectant les normes en vigueur7.

Le principe de confiance légitime tend à ce que les règles juridiques ainsi que l’activité administrative soient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de l’ordonnancement juridique par rapport à une même situation administrative qui est la sienne. Ainsi, ce principe général s’entend comme étant la confiance que les destinataires de règles et de décisions sont normalement en droit de porter envers la stabilité, au moins pour un certain temps, inhérente à la situation dont s’agit sur la base de ces règles et de ces décisions. La constance des rapports entre l’administration et l’administré se dégageant de la sorte ne vaut que rebus sic stantibus, c’est-à-dire toutes choses restant égales par ailleurs tant que le cadre juridique et factuel reste le même.

En l’espèce, il échet de constater que précisément le cadre juridique a entretemps fait l’objet d’une modification, étant donné que l’administration communale indique de façon non contestée que les propriétaires des parcelles avoisinantes, qui ont pu construire des garages en limite de parcelle - dont l’un aurait encore été autorisé en juillet 2017 - et des emplacements de stationnement sans respecter les marges de reculement, ont reçu leurs autorisations de construire sous l’égide d’une précédente réglementation urbanistique.

Il échet à cet égard de rappeler que le bourgmestre, tel que précisé ci-avant, se borne à vérifier la demande d’autorisation de construire par rapport à la réglementation urbanistique en vigueur, de sorte à ne pas prendre en compte les autorisations de construire octroyées dans le passé dans le voisinage direct, de sorte qu’il n’y a ni atteinte au principe de la confiance légitime, ni au principe de sécurité juridique. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

6 Trib. adm. 15 juillet 2013, n° 31052 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

7 Jean-Claude Bouchard, « Principes généraux du droit – La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur ? Des principes de bonne administration, de sécurité juridique, de confiance légitime… », Revue de droit fiscal, n° 20, 18 mai 2007, 513.

S’agissant finalement du moyen ayant trait à une violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, les demandeurs comparant leur situation avec celle des propriétaires des parcelles avoisinantes ayant reçu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation urbanistique une autorisation de construire, il y a d’abord lieu de préciser que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon.

Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée.

Il appartient par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but8.

Force est en l’espèce au tribunal de constater que les consorts … restent en défaut de soumettre des éléments de nature à faire admettre qu’ils se trouvent dans une situation comparable à celle des propriétaires des parcelles avoisinantes. En effet, tel que relevé ci-avant et sans que cela ait été utilement contredit par les demandeurs, les autorisations de construire concernant lesdites parcelles ont été accordées sous l’égide d’une ancienne réglementation urbanistique, n’ayant de façon non contestée pas prévu les restrictions qui s’opposent à l’octroi de l’autorisation sollicitée en l’espèce, de sorte qu’il y a lieu de retenir que la situation des demandeurs et celle desdits propriétaires ne sont pas suffisamment comparables pour que le principe de l’égalité constitutionnelle puisse trouver vocation à s’appliquer en l’espèce. Le moyen afférent encourt dès lors le rejet.

Au vu des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, le recours introduit par les demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.

Enfin, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.-

euros telle que formulée par les consorts … en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine », est à rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

8 Trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les consorts … ;

condamne les consorts … aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2022 par :

Michèle Stoffel, premier juge, Carine Reinesch, juge, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Michèle Stoffel Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 janvier 2022 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 45036
Date de la décision : 31/01/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-01-31;45036 ?

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