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21/01/2022 | LUXEMBOURG | N°43970

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 janvier 2022, 43970


Tribunal administratif Numéro 43970 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2019 4e chambre Audience publique du 21 janvier 2022 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de la Commission des pensions en matière de mise à la retraite pour raison de santé

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43970 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2019 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l

’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalem...

Tribunal administratif Numéro 43970 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2019 4e chambre Audience publique du 21 janvier 2022 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de la Commission des pensions en matière de mise à la retraite pour raison de santé

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43970 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2019 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision de la Commission des pensions du 25 septembre 2019 ayant retenu qu’elle ne serait pas sujet à des infirmités qui la mettraient hors d’état de continuer son service sur son poste actuel ;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2020;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 avril 2020 par Maître Luc Majerus pour le compte de sa mandante ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Züleyha Kan, en remplacement de Maître Luc Majerus, et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 octobre 2021.

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En date du 28 juin 2019, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après dénommé « le ministre », accorda un congé sans traitement pour des raisons personnelles à Madame …, professeur d’anglais au Lycée …, avec effet au 16 septembre 2019 jusqu’à la rentrée scolaire 2020/2021.

Par un formulaire rempli en date du 22 juillet 2019, Madame … saisit encore la Commission des pensions des fonctionnaires de l’Etat d’une demande de mise à la retraite pour cause d’invalidité pour « enlever la pression de devoir recommencer à travailler (échéance du congé sans traitement) » au motif qu’une « pension d'invalidité [lui] permettrait d'enlever cette pression et de pouvoir [s]e réintégrer dès que [s]on état de santé s'améliore. ».

En date du 30 juillet 2019 et dans le cadre des dispositions de l’article 48 et suivants de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale desChemins de fer Luxembourgeois, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », la Commission des pensions demanda au médecin de contrôle du Secteur public de procéder à l’examen médical de Madame … et de consigner ses conclusions dans un rapport médicale afférent.

En date du 26 août 2019, le médecin de contrôle transmit à la Commission des pensions le rapport médical du même jour retenant une « IPP autour de 30 % », tout en concluant que « [l]’agente ne remplit pas à notre avis les conditions de l’invalidité. ». Le même rapport décrit encore l’état de santé de Madame … comme suit : « Epuisement émotionnel en relation avec des difficultés de la concernée à exercer ses fonctions pour cause d'un syndrome douloureux chronique de la cheville G, gênant la station debout prolongée et la marche. Force est de constater cependant que l'agente n'a aucun traitement pharmacologique régulier lui permettant de soulager ses symptômes. L'IPP imputable à l'arthrose de la cheville avec déficit de la dorsiflexion est à considérer autour de 10%. Les troubles de l'humeur peuvent justifier un taux d'incapacité permanente allant jusqu'à 20%.

La maladie migraineuse n'est pas documentée et l'agente parle de céphalées d'environ 1x/semaine surtout si elle n'a pas eu un bon sommeil. Le taux d'IPP global peut partant être estimé à 30% ce qui justifierait l'octroi du statut de travailleur handicapé.

Un STPRS à 50% d'une tâche complète serait donc justifié d'un point de vue médical.

Or, la dame travaille déjà seulement à mi-temps. Elle estime ne pas pouvoir poursuivre son activité et va, le cas échéant, bénéficier de son congé sans solde déjà accordé pour un an. » Suite à la convocation de Madame … à une audience du 11 septembre 2019, la Commission des pensions décida, en date du 25 septembre 2019, que « Madame… n'est pas sujet à des infirmités qui la mettraient hors d'état de continuer son service sur son poste actuel. ». Cette décision est basée sur les considérations suivantes :

« (…) Vu la requête du 2 juillet 2019 par laquelle Madame… saisit la Commission des pensions sur base de l'article 46 et suivants de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois ;

Vu le rapport du 26 août 2019 du médecin de contrôle, le docteur … sur l'état de santé de l'intéressée ;

Attendu que les parties furent régulièrement convoquées à l'audience du 11 septembre 2019 ;

Attendu que le Ministère de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse était représenté à l'audience par Messieurs … et … du Service du personnel ;

Après avoir entendu en leurs explications Madame… et les représentants du Ministère ;

Considérant que Madame… est d'accord à ce que la Commission délibère et décide sur base du rapport établi par le médecin de contrôle ;

Considérant qu'il résulte du rapport du médecin de contrôle que l'intéressée, qui est en incapacité totale de travail depuis le 30 mai 2019, déclare ne pas pouvoir exercer ses 2 fonctions actuelles pour avoir des difficultés à rester debout longtemps ; qu'elle veut éviter les traitements médicamenteux et également une chirurgie de remplacement prothétique ;

qu'une amélioration clinique rapide n'est donc pas susceptible d'intervenir au vue d'un traitement non optimal ;

Considérant que le médecin de contrôle conclut que l'intéressée présente un taux d'IPP de tout au plus 30% mais que les conditions de l'invalidité ne sont pas remplies en l'espèce ;

Considérant que l'intéressée s'oppose à ces conclusions et notamment aux affirmations du médecin de contrôle qu'elle ne suivrait aucune thérapie médicamenteuse régulière (elle explique que les somnifères, antalgiques, antidépresseurs, antimigraineux ou infiltrations auraient été abandonnés faute d'effet); qu'elle ne ferait usage d'aucune aide technique telle que bandage élastique, botte d'immobilisation ou canne ; qu'elle ne serait pas prise en charge dans un centre de douleur et surtout qu'il n'y aurait pas de prise en charge par un psychiatre (elle affirme suivre une psychothérapie depuis juin 2019 auprès de son médecin généraliste, le Dr … qui serait également psychothérapeute) ;

Considérant que Madame la Directrice du Lycée … avise favorablement la demande de mise en invalidité de l'intéressée ;

Considérant qu'il ressort des éléments du dossier que l'intéressée a été victime d'un accident domestique en 2006 lors d'une chute de cheval avec traumatisme fracturaire bi-

malléolaire de la cheville gauche et du tibia gauche ostéosynthésés et qu'elle présente une arthrose posttraumatique tibio-astragalienne prononcée ; qu'il est encore constant que l'intéressée présente un trouble anxieux avec attaques de panique et anxiété diffuse, réactionnelle aux difficultés professionnelles, en rapport avec le syndrome algique chronique mais que l'IPP imputable à l'arthrose de la cheville avec déficit de dorsiflexion est à fixer autour de 10% et que les troubles de l'humeur ne peuvent justifier qu'un taux d'IPP d'au maximum 20% de sorte qu'il n'y aurait pas lieu à invalidité mais tout au plus d'un service à temps partiel pour raisons de santé à hauteur de 50% d'une tâche complète ;

Considérant toutefois que l'intéressée travaille déjà à mi-temps ;

Considérant que l'intéressée ne produit aucun élément probant mettant en doute les conclusions formelles, détaillées et motivées du médecin de contrôle et permettant à la Commission des pensions de s'écarter de ces conclusions ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée de la Commission des pensions du 25 septembre 2019.

Aux termes de l’article 42 de la loi du 25 mars 2015, « Le tribunal administratif statue en première instance et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions, y compris celles émises par la Commission des pensions, relatives aux pensions et autres prestations prévues par la présente loi.

Les recours sont intentés dans le délai de trois mois à partir de la notification de la décision.

3 En cas de décision de la Commission des pensions conformément à l’article 49 ci-

après, les recours des intéressés sont dirigés contre cette décision. ».

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation.

Dans son mémoire en réponse, la partie gouvernementale affirme se rapporter « à prudence de justice quant à l'acte introductif d'instance, quant au délai, quant à la forme et quant à l'intérêt d'agir de Madame …. ».

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure la forme ou le délai du recours n’auraient pas été respectés, respectivement en quelle mesure Madame … n’aurait pas d’intérêt à agir, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Le recours principal en réformation est dès lors encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse, tout en passant en revue les rétroactes relevés ci-avant, explique avoir été affectée par le ministère de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse en tant que professeur d'anglais au Lycée …, et avoir, depuis sa date d'entrée en service le 15 septembre 1998, toujours exercée ses fonctions consciencieusement et professionnellement.

Elle affirme qu’en 2006, suite à une chute de cheval, elle aurait été victime d'un traumatisme fracturaire bi-malléolaire de la cheville gauche et du tibia gauche ostéosynthésés ayant pour conséquence une arthrose posttraumatique tibio-astragalienne prononcée.

Elle fait relever que, depuis, elle souffrirait d'insomnies régulières, de douleurs intenses au pied, aux hanches et au dos, de migraines aiguës, ainsi que de crises de panique aiguës et d'anxiété, alors que les différents traitements et leurs effets auraient eu un impact négatif sur son état de santé mental, de sorte qu’elle aurait dû progressivement réduire son taux d'occupation de 100% à 75% et finalement à 50%. Depuis le 30 mai 2019, elle serait en incapacité totale de travail. Dans ce contexte, la demanderesse renvoie encore à un courrier de la directrice de son lycée du 5 septembre 2019 appuyant sa demande d’une pension d’invalidité au vu de l’impact de son état de santé déficient sur ses fonctions.

En droit, la partie demanderesse estime d’abord que la décision déférée du 25 septembre 2019 violerait l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relavant de l'Etat et des communes, dénommé ci-

4 après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », alors qu’elle n'indiquerait pas les dispositions légales sur lesquelles elle se base.

Par ailleurs, elle reproche à la Commission des pensions de ne pas avoir jugé utile de s'entourer de plus amples éléments au vu de ses contestations relatives aux conclusions du médecin de contrôle et au vu de l'avis émis par sa directrice.

Partant, la décision entreprise serait illégale pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, en l'occurrence, pour violation des dispositions des articles 6 et 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait préciser que même si, en l’espèce, l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’était pas applicable en vertu du principe « specialia generalibus derogant », la loi du 25 mars 2015 prévoirait également dans son article 49 que la décision de la Commission des pensions devrait être motivée, de sorte que ses développements basés sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 resteraient valables.

La partie demanderesse s’oppose encore à l’argumentation de la partie gouvernementale selon laquelle la motivation d'une décision administrative pourrait se limiter à un énoncé sommaire de son contenu, alors que l’obligation de motivation viserait à protéger l’administré de l’arbitraire afin de permettre à ce dernier d’en faire utilement contrôler la pertinence.

En l'espèce la décision contestée ne remplirait pas les exigences d'une décision pleinement motivée et son contenu serait sujet à contestations, la demanderesse soulignant que le renvoi au rapport médical sous-jacent ne suffirait pas à cet égard, notamment parce que ce dernier manquerait également de clarté et de précision.

Ainsi, contrairement à ce qui serait soutenu dans la décision litigieuse, il ne ressortirait pas dudit rapport qu’elle voudrait éviter les traitements médicamenteux et également une chirurgie de remplacement prothétique, alors que le médecin de contrôle aurait uniquement noté qu’elle voudrait seulement « éviter la prise de médicaments à visée antalgique et/ou psychoactive », étant donné que, lors des différents traitements qu’elle aurait eus, elle aurait constaté des effets négatifs de ces traitements sur son état de santé mental ressenti au quotidien, de sorte que ses médecins-traitants l'auraient dissuadé de prendre des médicaments ayant un effet négatif sur sa santé.

Quant à la chirurgie de remplacement prothétique, dont il serait fait état dans le rapport, le médecin de contrôle se limiterait à noter qu’elle voudrait éviter une arthroplastie totale de remplacement telle que proposée par le Dr N., et ce sans mentionner que le Professeur Dr S. lui aurait vivement déconseillé une telle alternative vue son âge. La demanderesse souligne qu’il résulterait de ses recherches sur internet que ce type de prothèse aurait, au mieux, une durée de vie de 10 ans et que ce type d'opération serait réalisée dans une zone opératoire complexe qu'est la cheville, de sorte que se poserait la question de la mise en balance des bénéfices et des risques d'une telle opération. Or, le rapport du médecin de contrôle ne préciserait rien à ce sujet, de même que ce dernier n’aurait sollicité ni examen supplémentaire, ni avis de spécialistes.

Au fond, la partie demanderesse conclut d’abord à une violation de la loi, sinon à un excès de pouvoir, alors que l'article 48 de la loi du 25 mars 2015 prévoirait que pour le cas où le médecin de contrôle estimerait que le fonctionnaire peut continuer l'exercice de ses fonctions à temps partiel pour raisons de santé, sous réserve de l'aménagement de son poste de travail, respectivement dans le cadre d'une autre fonction, le rapport médical devrait être complété par un avis circonstancié d'un médecin du travail définissant les capacités résiduelles du fonctionnaire, ce qui n’aurait cependant pas été fait en l’espèce, alors même que la Commission des pensions aurait retenu qu'il n'y aurait pas lieu à invalidité, mais tout au plus à un service à temps partiel pour raisons de santé à hauteur de 50% d'une tâche complète. Ainsi, à défaut d’avoir complété le rapport médical du médecin de contrôle par un avis circonstancié du médecin du travail définissant ses capacités résiduelles, la décision litigieuse devrait être réformée.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait préciser à ce sujet que contrairement à ce qui serait affirmé par la partie gouvernementale, l’article 48 de la loi du 25 mars 2015 ne viserait pas uniquement la situation d'un agent à temps plein qui pourrait continuer à exercer le poste de travail qu'il occupe avec une réduction de son temps de travail, alors que ledit texte de loi concernerait tout passage vers un temps partiel, sans exiger que l’intéressé ait auparavant nécessairement travaillé à plein temps.

Ensuite, la partie demanderesse reproche à la Commission des pensions une appréciation erronée des faits de l'espèce en se référant au rapport contesté du médecin de contrôle qui, lors du débat oral, aurait préconisé un traitement médicamenteux de type « valium ». Or, d’après ses recherches sur internet, ce médicament serait classé dans la famille des somnifères et tranquillisants ayant non seulement des propriétés anxiolytiques, sédatives, hypnotiques, anticonvulsivantes, myorelaxantes et amnésiantes, mais entraînant également un très fort risque de dépendance physique et psychique en cas d'utilisation prolongée, tout en présentant de nombreux effets indésirables neuro-psychiatriques.

Elle donne à considérer, dans ce contexte, qu’alors même qu’elle aurait déjà suivi différents traitements ayant eu des effets négatifs sur son état de santé mental ressenti au quotidien et que ses médecins-traitants l'auraient dissuadée de prendre des médicaments ayant un effet négatif sur sa santé, la Commission des pensions ainsi que le médecin de contrôle auraient fait fi de ces éléments.

Etant donné qu’il serait incontestable et nullement contesté par la Commission des pensions et le médecin de contrôle qu’elle souffrirait de graves troubles anxieux avec attaques de panique et anxiété diffuse, il serait clair qu’elle ne pourrait plus exercer son métier en bonne et due forme, ce qui serait d’ailleurs confirmé par l'avis de la directrice de son lycée, non considéré à sa juste valeur par la Commission des pensions, et qui ferait état de façon claire et non équivoque de son état de santé et de ses répercussions au sein de son établissement scolaire.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse conteste l’affirmation de la partie gouvernementale selon laquelle le médecin de contrôle aurait fait une analyse méticuleuse des différentes pathologies dont elle souffrirait, alors qu’au vu de ses nombreuses pathologies tant physiques que psychiques, le président de la Commission des pensions ou son délégué auraient pu, conformément au pouvoir leur conféré par l'article 48, alinéa 2 de la loi du 25 mars 2015, adjoindre au médecin de contrôle un ou plusieursmédecins spécialistes en vue de réaliser un examen détaillé et complet, ce qu’ils n’auraient cependant pas fait.

D'ailleurs, le médecin de contrôle se garderait bien, dans son rapport, d'énoncer clairement quels auraient été les procédés qu'il aurait utilisés pour procéder à son examen, respectivement de préconiser un traitement, de même qu’il ne se prononcerait pas sur les bénéfices et risques des médicaments préconisés.

En ce qui concerne l’affirmation du médecin de contrôle selon laquelle elle n’utiliserait pas de canne et ne serait pas prise en charge dans un centre de douleur chronique, la partie demanderesse fait valoir que le Professeur Dr S. lui aurait déconseillé de porter une botte d'immobilisation, lui demandant au contraire de faire du sport au quotidien pour maintenir la mobilité au niveau de la cheville gauche, conseil qu’elle aurait suivi en pratiquant régulièrement du sport, tout en faisant extrêmement attention à son poids pour éviter une pression trop forte sur ses articulations, ce qui lui aurait permis jusqu'à présent ne pas réduire d'une manière extrême sa mobilité. Il s’ensuivrait que la prise en charge dans un centre de douleur ne lui aurait jamais été conseillée et semblerait s'avérer être inefficace.

Enfin, elle conteste les affirmations du médecin de contrôle selon lesquelles elle se déplacerait en bottes à talon élevé, sans boiterie et sans aide technique, alors que ce dernier ne préciserait pas ce qu'il entendrait par « talon élevé », alors qu’elle serait uniquement capable de porter des chaussures avec un petit talon, ce qui lui permettrait de mieux supporter la douleur et de marcher sans boiterie. En tout état de cause, l'absence de boiterie et la non-

utilisation d'une canne ne rendraient pas moins réels les maux dont elle souffrirait.

Finalement, la partie demanderesse estime que la décision entreprise manquerait clairement de précision lorsqu'elle énoncerait que « l'IPP imputable à l'arthrose de la cheville avec déficit de dorsiflexion est à fixer autour de 10% et que les troubles de l'humeur ne peuvent justifier qu'un taux d'IPP d'au maximum 20% », sans indiquer comment et sur base de quels critères auraient été fixés ces taux.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

En ce qui concerne tout d’abord le moyen tenant à une indication insuffisante des motifs sous-jacents à la décision déférée, force est de relever qu’aux termes de l’article 49 de la loi du 25 mars 2015, « La décision de la commission, qui doit être motivée, est prise à la majorité des voix. (…) », et que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l´énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu´elle:

- refuse de faire droit à la demande de l´intéressé; (…) ».

En application de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, « Les règles établies par le règlement grand-ducal visé à l´article premier s´appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n´organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l´administré. ».

Si la loi du 25 mars 2015 prévoit certes une disposition spécifique à cet égard, en son article 49, cette dernière ne fournit cependant aucune précision quant aux formes à respecter, de sorte qu’il y a lieu de se reporter, à cet égard, au droit commun relevant de la procédure administrative non contentieuse telle que régie par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979, également applicable aux employés de l’Etat1.

Au-delà du fait qu’un défaut de motivation formelle d’une décision administrative n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette dernière, mais seulement la suspension du délai de recours contre cette dernière, il faut cependant souligner que l’article 6 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’impose pas une motivation exhaustive et précise, mais que seule une motivation « sommaire » est expressément exigée.

Par ailleurs, les motifs sur lesquels repose l'acte, si l’acte lui-même ne les indique pas avec une précision suffisante, peuvent encore être précisés au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d'exercer son contrôle de légalité2.

Or, en l’espèce, force est de constater que non seulement la décision déférée du 25 septembre 2019 se réfère, en droit, sur l’article 46 et suivants de la loi du 25 mars 2015, mais elle relève encore toute une série d’éléments factuels issus notamment des explications fournies de part et d’autre lors de l’audience publique du 11 septembre 2019 auprès de la Commission des pensions, ainsi que du rapport du médecin de contrôle du 26 août 2019 dont plusieurs considérations sont reprises.

Il s’ensuit que la décision déférée suffit aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et de l’article 49 de la loi du 25 mars 2015, étant relevé que la pertinence ainsi que le caractère complet des motifs ainsi invoqués en fait et en droit concernent le fond du litige qui sera analysé ci-après.

Il s’ensuit que le moyen de légalité externe tenant à une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et de l’article 49 de la loi du 25 mars 2015 encourt le rejet.

Dans ce contexte, il y a encore lieu de relever que si la partie demanderesse soulève encore, dans le cadre de son moyen tenant à une violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, une violation de l’article 14 de ce même texte, aux termes duquel « [l]es décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d´office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l´autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté. », force est de retenir, outre le constat que la partie demanderesse reste en défaut de soutenir ce moyen par un quelconque développement en droit et que le tribunal n’est pas censé pallier la carence dans la présentation de son moyen, qu’il ressort du transmis portant notification de la décision déférée du 25 septembre 2019 que ce dernier comporte bien une indication des voies de recours en citant in extenso l’article 42 précité de la loi du 25 mars 2015, de sorte qu’en tout état de cause, le moyen tenant à une violation de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 encourt également le rejet.

1 Trib. Adm. 26 janvier 2021, n° 42606 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 2 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17153 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 87 et les autres références y citées.

En ce qui concerne le moyen tenant à une violation de l’article 48 de la loi du 25 mars 2015, il échet d’abord d’en rappeler les termes pertinents, à savoir : « Lorsque la commission statue sur les cas comportant la constatation d’une invalidité, sa décision ne peut être prise que sur le vu d’un rapport médical.

Le rapport médical est dressé par le médecin de contrôle. Le président de la commission ou son délégué peut lui adjoindre un ou plusieurs médecins spécialistes pour chaque cas et suivant les besoins. (…) Pour le cas où le médecin de contrôle estime que le fonctionnaire peut continuer l’exercice de ses fonctions, à service à temps partiel pour raisons de santé prévu à l’article 51 qui suit sous réserve de l’aménagement de son poste de travail, ou reprendre l’exercice d’une autre fonction, le cas échéant à service à temps partiel pour raisons de santé, le rapport médical doit être complété par un avis circonstancié d’un médecin du travail définissant les capacités résiduelles du fonctionnaire. (…) ».

Aux termes de l’article 51 de la loi du 25 mars 2015 auquel il est ainsi renvoyé, « Si de l’avis des médecins en charge du dossier conformément à l’article 48, les infirmités du fonctionnaire ne sont pas suffisantes pour justifier une mise à la retraite tout en constituant une incapacité d’exercer son dernier emploi à plein temps, la commission peut lui accorder un service à temps partiel pour raisons de santé avec ou sans changement d’emploi dans l’administration si le fonctionnaire ne remplit pas encore les conditions pour être admis à la pension de vieillesse ou à la pension de vieillesse anticipée. S’il remplit ces conditions, il est procédé comme à l’alinéa 8.

Le service à temps partiel pour raisons de santé peut être accordé à raison de 75 et 50 pour cent d’une tâche complète.

Le service à temps partiel pour raisons de santé peut être accordé à raison de 25 pour cent pour une durée maximale d’une année. ».

Or, force est de retenir qu’en l’espèce, le médecin de contrôle ne conclut pas à la continuation, par la partie demanderesse, de ses fonctions à service à temps partiel tel qu’il est prévu à l’article 51 de la loi du 25 mars 2015 - auquel il est expressément renvoyé par l’article 48 de la loi du 25 mars 2015 -, à savoir en l’occurrence 50 % d’une tâche complète, mais écarte expressément cette hypothèse, alors que la partie demanderesse ne rentre pas dans le cas de figure de l’article 51, du fait qu’elle travaille déjà à mi-temps.

Il s’ensuit que, la possibilité d’une réduction du temps de travail à 50 % d’une tâche complète n’étant pas retenue, le médecin de contrôle n’avait pas à continuer le dossier à un médecin de travail pour recueillir l’avis circonstancié de ce dernier sur les capacités résiduelles de la partie demanderesse. Le moyen tenant à une violation de l’article 48 de la loi du 25 mars 2015 en raison de l’absence de saisine d’un médecin de travail doit dès lors être rejeté.

Quant au moyen de la partie demanderesse tenant à reprocher à la Commission des pensions une erreur d’appréciation par rapport aux faits de l'espèce, du fait de s’être exclusivement référé au rapport du médecin de contrôle, force est d’abord de relever qu’en application de l’article 48 précité de la loi du 25 mars 2015, la Commission des pensions est obligée de statuer sur le vu d’un rapport médical dressé par le médecin de contrôle lors qu’elle se prononce sur l’invalidité d’un fonctionnaire.

Si elle doit certes encore prendre en considération d’autres éléments lui présentés en cours d’instance, force est cependant de retenir qu’en l’espèce, elle ne s’est pas vue remettre de certificats ou avis médicaux de la part de la partie demanderesse qui seraient de nature à contredire les conclusions circonstanciées du médecin de contrôle, telles qu’elles ont encore été soutenues par ce dernier lors de l’audience publique du 11 septembre 2019, étant relevé que les contestations de la partie demanderesse se limitent à de simples affirmations personnelles non corroborées par la moindre documentation médicale.

En effet, la partie demanderesse reste en défaut d’établir par des éléments objectifs concrets, même dans le cadre de la présente instance, qu’elle ne saurait pouvoir bénéficier d’un quelconque traitement médicamenteux ou autre contre les douleurs qu’elle affirme devoir endurer, de même qu’elle ne fournit aucun avis médical lui déconseillant toute intervention chirurgicale au niveau de sa cheville. Le fait pour la demanderesse de refuser tout traitement médical sur base de la seule consultation de sites internet, sans même verser le résultat de ses recherches au tribunal, ne saurait suffire à cet égard. Il en va de même de son affirmation selon laquelle la prise en charge dans un centre de douleur ne lui aurait jamais été conseillée et semblerait dès lors s'avérer être inefficace.

Au vu de cette considération, il ne saurait être reproché au médecin de contrôle, faute de toute documentation médicale lui versée à cet égard par la partie demanderesse, de ne pas s’être prononcé sur les bénéfices et risques des médicaments préconisés, de même que la commission des pensions ne saurait être critiquée de ne pas avoir décidé, en application de l'article 48, alinéa 2 de la loi du 25 mars 2015, d’adjoindre au médecin de contrôle un ou plusieurs médecins spécialistes en vue de réaliser un examen détaillé et complet de l’état de santé de la demanderesse.

Si la partie demanderesse estime que la décision déférée manquerait clairement de précision quant aux critères pris en compte pour fixer les taux d’incapacité permanente partielle, force est cependant de relever que la Commission des pensions s’est basée sur les conclusions y relatives du rapport médical du médecin de contrôle, conclusions d’un homme de l’art dont il n’y a a priori pas lieu de se départir, surtout en l’absence de toute contre-

expertise médicale afférente.

En tout état de cause, force est de constater que la partie demanderesse reste, d’un côté, en défaut d’objectiver son incapacité de travail due à ses problèmes de cheville, alors que, selon ses propres explications, elle reste à même de faire du sport, qu’elle arrive à marcher sans boiterie en portant des chaussures avec un petit talon et qu’elle n’établit pas que l’exercice de son métier ne saurait se faire sans station debout permanente.

De l’autre côté, mis à part un certificat de son médecin généraliste, jugé « succinct » par le médecin de contrôle et se limitant à faire état d’une « pathologie d’épuisement avec répercussions chroniques sur le sommeil et symptômes aigues de crises de panique », la partie demanderesse ne fournit aucun avis médical circonstancié relatif à ses troubles psychiques et la confirmant en ses affirmations relatives à l’impossibilité de tout traitement médical afférent.

Au vu de ces considérations, il échet de retenir que la partie demanderesse est restée en défaut d’invalider les conclusions de la décision déférée se basant a priori à bon droit sur le rapport circonstancié du médecin de contrôle du 26 août 2019 non autrement mis en cause,de sorte que le recours dirigé contre la décision déférée du 25 septembre 2019 laisse d’être fondé en tous ses moyens, sans que cette conclusion ne soit énervée par le renvoi de la partie demanderesse à un écrit de la part de la directrice de son établissement scolaire, qui, à défaut de pouvoir valablement se prononcer sur l’état de santé de la partie demanderesse, ne saurait être de la moindre pertinence dans le cadre de l’analyse de la demande de cette dernière en vue d’une mise à la retraite pour cause d’invalidité.

Au vu de l’issu du litige, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000.-€ sur base de l'article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision de la Commission des pensions du 25 septembre 2019 ;

au fond le déclare non justifiée, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par la partie demanderesse ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 janvier 2022 par :

Paul Nourissier, vice président, Olivier Poos, premier juge, Alexandra Bochet, juge en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 janvier 2022 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43970
Date de la décision : 21/01/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-01-21;43970 ?

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